Revue historique: volume 8 numéro 1Le Conseil de la Coopération de la Saskatchewanpar Laurier Gareau Vol. 8 - no 1, octobre 1997
Les pionniers et la coopération En 1945, le Conseil canadien de la coopération avait vu le jour lors d'une rencontre à Québec. Un an plus tard, enjuillet 1946, l'abbé Dominique Dugas, curé de Maple Creek, s'était levé en plein congrès de l'ACFC pour parler de coopération. Il avait expliqué aux délégués les buts du Conseil canadien de la coopération: «le but de ce Conseil de la coopération est surtout de réunir les groupements provinciaux aux fins d'assurer le développement du mouvement, la diffusion de la doctrine et la défense des intérêts coopératifs au Canada français.» (1) L'abbé Dugas proposait ensuite la création d'une fédération provinciale des coopératives pour assurer un développement rapide du mouvement coopératif et pour l'éducation, en français, de la coopération.
Bien sûr, les notions de coopération n'étaient pas nouvelles pour les Franco-Canadiens de la Saskatchewan. Dés leur arrivée dans l'Ouest, ils avaient dû coopérer pour bâtir leur maison et défricher leur terrain. «À entendre parler nos pionniers, ils nous parlent souvent de cette entre-aide, de cette collaboration qui, si elle n'avait pas existé, les débuts auraient été quasi insurmontable. Qui n'a pas entendu parler des corvées, des bees' ou toute une région allait aider un voisin en détresse, un voisin qui en avait besoin. Dans nos immenses prairies, ces occasions se sont souvent répétées. Il le fallait non seulement pour s'aider mais aussi pour se regrouper, pour s'assurer une paroisse, une école ou un service essentiel à la survie du groupe. »(2) Même dans le domaine agricole, la formule coopérative avait été utile aux fermiers canadiensfrançais. On y avait mis sur pied des laiteries et des fromageries coopératives, comme La Fromagerie de Zenon Park. Cette coopérative avait été établie en 1925 pour gérer la fromagerie; tout résidant de Zenon Park pouvait devenir membre en achetant une part de 35 $ ou trois parts pour 100 $. Une autre coopérative agricole, le Wheat Pool de la Saskatchewan, avait été fondée en août 1923. Dès la création de cette coopérative, plusieurs francophones y avait travaillé, comme Romulus Beaulac. Louis Boileau de Saint-Louis était directeur du Wheat Pool lorsque l'abbé Dugas s'était levé au congrès de l'ACFC en 1946 pour parler de coopération. Louis Boileau deviendrait quelques années plus tard un des vice-présidents du Wheat Pool de la Saskatchewan.
Le Wheat Pool de la Saskatchewan reconnaissait depuis longtemps l'importance de la clientèle francophone. Louis de Montarnal de Butte Saint-Pierre avait été le premier fieldman francophone du Pool et, après sa mort en 1930, il avait été remplacé par Romulus Beaulac, un des membres fondateurs du Conseil de la coopération de la Saskatchewan en 1947. «Le Pool employait deux fieldmen itinérants qui n'étaient affectés à aucun des seize districts, mais qui s'occupaient uniquement, l'un de la population de langue française et l'autre des fermiers d'exnression ukrainienne.»(3) Déjà en 1944, le Wheat Pool de la Saskatchewan avait commencé une campagne pour éduquer la population des bienfaits du mouvement coopératif. Cette année-là, Romulus Beaulac avait préparé un petit bouquin en français d'environ 120 pages, Coopération en Saskatchewan, pour expliquer les notions de coopération aux francophones de la province. Lé volume de Monsieur Beaulac faisait aussi état des associations coopératives qui existaient en Saskatchewan au 30 avril 1943. Cette année-là, il y avait 916 coopératives dans la province, dont 524 magasins coopératifs.
Un autre groupe coopératif que les Franco-Canadiens de la Saskatchewan connaissaient déjà était celui des caisses populaires. N'avaient-ils pas créé la première caisse dans la province? A Albertville en 1916. La création de cette première caisse populaire en Saskatchewan avait eu lieu 20 ans avant l'adoption d'une loi sur les Caisses populaires (Credit Unions) par le gouvernement provincial. La caisse populaire d'Albertville n'avait jamais connu le succès attendu par son fondateur, l'abbé Lebel, car elle avait fermé ses portes en 1936. Quatorze ans plus tard, en 1950, le Conseil de la coopération de la Saskatchewan allait participer à l'établissement d'une nouvelle caisse populaire à Albertville. Durant la sécheresse et la crise économique des années 30, un groupe Franco-Canadien avait aidé à mettre sur pied une autre caisse populaire: «La sécheresse des années 1930 frappa le sud-ouest de la province plus cruellement encore que d'autres zones. La région de Lafièche venait de connaître sa huitièmefaillite ou quasi-faillite consécutive de la récolte quand, à l'automne de 1937, quelques citoyens se réunirent pour étudier la possibilité d'établir une caisse populaire.,,' Eugene Bachelu, Edmond Bilodeau et Théobald Bourassa sont les principaux artisans de cette caisse populaire à Laflèche. Bachelu et Biodeau seront, en 1946, parmi les fondateurs du Conseil de la coopération de la Saskatchewan. Eugene Bachelu devient même le premier président de l'organisme lorsque le Conseil est formellement établi en 1947. La Caisse populaire de Laflèche, créée le 19 avril 1938, était la première Caisse populaire établie en milieu rural depuis l'adoption de la Loi des Caisses Populaires en 1936. Lorsque l'abbé Dominique Dugas s'était levé lors du Congrès de 1'ACFC de 1946, pour faire son discours sur la coopération, il parlait donc à des francophones qui étalent déjà initiés à la coopération. La plupart d'entre eux étaient d'accord avec lui lorsqu'il avait énuméré les raisons pour lesquelles il proposait l'établissement d'une fédération provinciale des coopératives. «C'est pour assurer le développement plus rapide des coopératives chez nous. C'est pour assurer la diffusion de la doctrine enfrançais. C'est enfin pour nous assurer l'orientation du mouvement coopératif chez nous, chez les nôtres.» (5) Après le discours de l'abbé Dugas, un groupe d'hommes s'étaient réunis pour discuter de la proposition de fonder une fédération provinciale. La journée même, on avait procédé à la fondation de la «Fédération provinciale des coopératives canadiennes-françaises de la Saskatchewan». Deux curés, Antonio Coursol de Prince Albert et Dominique Dugas de Maple Creek, deviendraient les principaux artisans de l'organisation qui, un an plus tard, deviendrait le Conseil Canadien de la Coopération, Section de la Saskatchewan.
Quelques mois après le congrès de 1'ACFC de 1946, La Liberté et le Patriote publiait un article relatant le voyage dans l'Ouest de Marie-Louis Beaulieu, professeur à l'Université Laval et membre du Conseil supérieur de la coopération au Québec. M. Beaulieu avait participé au congrès, mais selon l'article il était venu dans l'Ouest à la demande de l'abbé Maurice Baudoux, curé de Prud'homme: «Conformément au désir de Mgr Maurice Baudoux, curé de Prud' homme, et animateur du mouvement avec l'abbé Dominique Dugas, curé de Maple Creek, j'ai rencontré ces messieurs et dirigé les délibérations. Le résultat a été que nous avons fondé sur-le-champ la Fédération des coopératives francocanadiennes de laSaskatchewan.»6 Un autre nom, celui de Mgr Maurice Baudoux, vient s'ajouter à la liste des fondateurs du Conseil de la coopération de la Saskatchewan. Le 10 juillet 1947, un groupe de coopérateurs francophones se réunissaient au sous-sol de la cathédrale de Regina pour fonder officiellement le Conseil Canadien de la Coopération, Section de la Saskatchewan (CCCSS). Eugene Bachelu est élu le premier président, un poste qu'il a occupé pour deux ans. Il était aussi membre du bureau de direction de la Cooperative Union of Saskatchewan. Les autres membres du premier conseil d'administration étaient les abbés Maurice Baudoux et Dominique Dugas, Paul Boudreau et Romulus Beaulac. Le conseil pouvait aussi adjoindre «à son exécutif plusieurs membres recommandés pour leur compétence. »(7) C'est ainsi que les abbés Foisy et Demers et le père Piédalue, o.m.i., du Collège Mathieu ont été invités à siéger au conseil d'administration. A cause des énormes distances entre les communautés francophones, la province a été divisée en quatre sections pour faciliter le travail du Conseil. Chaque section nommait quatre délégués au conseil d'administration. L'assemblée annuelle du Conseil coïncidait généralement avec le congrès de l'ACFC ou avec le congrès national du Conseil Canadien de la Coopération. Dès le début du Conseil Canadien de la Coopération, Section de la Saskatchewan, les membres avaient reconnu l'importance de collaborer avec les coopérateurs de langue anglaise. Des ententes avaient été signées avec la Cooperative Union of Saskatchewan et la Saskatchewan Credit Union League avant la réunion de fondation du Conseil en juillet 1947. Selon ces ententes, «les organismes locaux continueront à verser leur contribution à la 'Cooperative Union of Saskatchewan', laquelle remettra à la section saskatchewanaise 6.25% de l'imposition totale de $16,000.00, soit $1,000.»(8) Le 6,25 % représentait le pourcentage de la population de la Saskatchewan qui étaient francophones en 1947. L'organisme a porté le nom de Conseil Canadien de la Coopération, Section de la Saskatchewanjusqu'au 18 septembre 1952 lorsqu'il devient le Conseil de la coopération de la Saskatchewan. Les bonnes années A cause d'ententes comme celle qui avait été signée au printemps 1947 avec la Cooperative Union of Saskatchewan, le Conseil de la coopération de la Saskatchewan a pu mener à terme, dès les premières années, des projets de formation. «Une partie de l'argent servait à financer des journées d'écoles coopératives agréées par le ministère de l'lnstruction publique et qui comptaient pour une journée de classe. Les participants, adultes comme adolescents, y recevaient un minicours d'économie et des leçons sur les avantages du mouvement coopératif »
Rappelons qu'à cette époque, en milieu rural, très peu d'adolescents francophones poursuivaient leurs études après la 8e année. A part le Collège Mathieu et quelques couvents, il n'y avait pas d'école secondaire à la campagne et la plupart des jeunes garçons francophones suivaient les traces de leur père et devenaient fermiers. Il était alors important pour un organisme comme le Conseil de la coopération de donner une formation économique à ces jeunes gens. En l'espace de deux mois, novembre et décembre 1948, le Conseil de la coopération a organisé des écoles coopératives dans huit communautés francophones: Saint-Front, Zenon Park, Saint-Brieux, Saint-Louis, Debden, Duck Lake, Prud'homme et Willow Bunch. On offrait quatre cours dans chacune des écoles coopératives. «Le premier, sur les principes de la coopération., était donné par Romulus Beaulac et le deuxième, sur la coopération chrétienne, les cercles d'études et les caisses scolaires, par l'abbé Arthur Marchildon. Un représentant du ministère de l'Agriculture ou du Wheat Pool se chargeait du troisième cours; une diététicienne de l'Université de Saskatoon offrait en terminant quelques rudiments de nutrition.»(10) A cette époque, il y avait deux campus de l'Université de la Saskatchewan, un à Saskatoon et l'autre à Regina. Dans son livre, Coopération en Saskatchewan, Romulus Beaulac explique ce qu'est un «cercle d'étude»: «On définit un cercle d'étude un groupe de 4 à 12 personnes qui se réunissent régulièrement dans le but d'étudier leurs problèmes par la discussion.»' Pourquoi se limiter à douze personnes? «Ce nombre ne doit pas dépasser douze, car chacun des membres est appelé à prendre une part active aux délibérations: 'un membre qui ne dit rien n'est pas un membre'. » (12) Ces cercles d'étude ont invariablement mené à la création d'une nouvelle coopérative - une caisse populaire ou un magasin coopératif.
Apprendre aux Canadiens français ce qu'est le mouvement coopératif était donc une des grandes priorités du Conseil de la coopération pendant les premières années. A sa réunion annuelle, en décembre 1948, le Conseil proposait pour l'année suivante, «la mise surpied de nouvelles écoles coopératives, la publication d'une série de brochures en français sur les caisses populaires, l'administration des magasins coopératifs, l'attitude de l'Eglise face au mouvement coopératif ..»(13) Joseph Joubert a succédé à Bachelu à la présidence du CCC, Section de la Saskatchewan en 1949.(11) a mené l'organisme jusqu'en 1956 quand il a été remplacé par Arthur Doucet. Monsieur Doucet a été président pendant dix ans jusqu'en 1965. En plus des personnes déjà mentionnées, les hommes qui ont mené le Conseil de la coopération pendant les vingt premières années étaient: Antonio de Margerie, Arthur Nogue, M. de la Forest, Joseph Morin, Georges Charpentier, René Lavoie, R. Boulianne, Gérard Tourigny, Albérie StAmant, Raymond Marcotte, Edmond Bilodeau, Victor Régnier, Louis Beaulac, Alan Charbonneau, Alphonse Aimé, Albert Lalonde, Théodore Préfontaine, L. Fératon, Clotaire Denis, fils, F. Normand, Lucien Levasseur, Abel Toupin, Fernand Beauchesne, les abbés Ducharme, Boudreau, Arès, Marchildon et Blanchard et le R.P. Nault, o.m.i. Voilà quelques noms qiu'il a été possible de recueillir des procès-verbaux de l'organisme. Il y a sans doute eu bien d'autres coopérateurs francophones dont les noms ne figurent pas sur cette liste. Au début, l'administration du CCS était assurée bénévolement par les abbés Dugas et Marchildon. Ce n'est qu'en 1959 que le CCS pourra embaucher un premier employé en la personne de Raymond Marcotte de Saskatoon. Le 1er avril 1959, il est appelé à mettre sur pied un sécrétariat permanent pour l'organisme.
En 1962, Raymond Marcotte a cédé le poste de secrétaire-gérant du Conseil à Théodore Préfontaine. En 1965, Préfontaine décrivait son rôle comme suit: «Le Conseil offrait des services innombrables, comme envoyer un représentant dans une école qui voulait établir une caisse scolaire, ouenvoyer quelqu'un pour faire un discours en français à une réunion d'une succursale. Si une caisse populaire avait de sérieux problèmes et que seulement quelqu'un qui connaissait la région pouvait aider... le Conseil allait trouver cet homme. Ou, si les stations de radio de Gravelbourg et Sas katoon voulaient une série de conférences sur la coopération et les caisses populaires, ils allaient voir le Conseil. »(14)
Au cours des premières années, le Conseil de la cooperation a surtout encourage les francophones de la province à se doter de caisses populaires et magasins coopératifs. Il a si bien réussi qu'en 1964, ii y avait 29 caisses populaires françaises ou bilingues qui étalent membres du Conseil de la coopération de la Saskatchewan. Vingt-cinq de ces caisses étaient situées en milieu rural (Albertville, Bellegarde, Bellevue, Coderre, Debden, Delmas, Domrémy, Ferland, Gravelbourg, Laflèche, Léoville, Makwa, Marcelin, Montmartre, Notre-Dame (Zenon Park), Ponteix, Prud'homme, Radville, Saint-Brieux, Saint-Front, Saint-Louis, Spiritwood, Val Marie, Vawn et Willow Bunch), deux étaient des caisses urbaines (Saint-Jean-Baptiste à Prince Albert et Saskatoon) et deux étaient toujours des caisses paroissiales. Une caisse paroissiale relevait de lajuridiction de la paroisse. Plusieurs caisses francophones en Saskatchewan avaient commencé comme caisse paroissiale, dont celle d'Albertville en 1916. Le 4 mai 1965, le Conseil de la coopération de la Saskatchewan s'est procuré son premier téléphone. Auparavant, il avait toujours utilisé celui de la «Credit Union League» à Saskatoon. Cette année-là, le salaire du directeur-gérant a été augmenté à 5 300 $. Durant les années 1960, le Conseil de la coopération prêchait surtout la doctrine coopérative à des convaincus. Les caisses populaires et les magasins coopératifs existaient depuis plusieurs années et faisaient bonnes affaires dans la communauté francophone. En 1964, par exemple, en plus des 29 caisses populaires, «douze magasins ou centres d'achats coopératifs font un chiffre de $4,000,000 de ventes annuellement; 39 élévateurs du Wheat Pool et 19 élévateurs des United Grain Growers font affaire avec nos coopérateurs de languefrançaise de cette province.»(15) Cette année-là, dans les communautés francophones de la Saskatchewan, l'ensemble des coopératives comptait 14 473 sociétaires. Toutefois, il y a eu peu de nouvelles coopératives fondées durant ces années d'abondance. L'une d'elle avait pour but d'aider les jeunes à acheter le terrain de leur père. Au début des années 1960, dans la région de Gravelbourg-Ferland, des coopérateurs s'étaient unis pour fonder «L'Association coopérative d'établissement limitée». Les buts de cette coopérative étaient: «Grouper des placements avantageux en vue de l'établissement des jeunes ruraux. Assurer le bien-être social et économique de toute une population rurale. Faciliter le transfert du patrimoine familial de père en fils.»(16) L'instigateur le plus acharné de «L'Association coopérative d'établissement limitée» était Mgr Aimé Décosse, évêque de Gravelbourg. Celui qu'il a réussi à convaincre à organiser la coopérative, Dumont Lepage, est demeuré à la tête de la coopérative jusqu'à sa mort en février 1974. Paul Marchand de Gravelbourg lui a succédé à la tête de la coopérative. Un autre qui s'est battu pour l'établissement de cette coopérative est l'abbé Roger Ducharme, visiteur des écoles dans le sud. «Vu l'abandon des terres par trop des nôtres, l'exode de nos petits villages etparconséquent une diminution inquiétante de la population catholique et française de notre diocèse - le même phénomène se répète dans tous les diocèses de la Saskatchewan l'établissement rural devient un mouvement de première importance, d'une grande urgence même.,,` Bien sûr, avant de louer une terre pour cinq ans à un jeune, le comité exécutif devait s'assurer que lejeune était «sérieux, économe, laborieux et ambitieux». (18) A la fin de la période de cinq ans, on prévoyait que le locataire serait en mesure d'acheter le terrain. Au début des années 1970, la Banque des terres du Gouvernement de la Saskatchewan est venue faire sensiblement le même travail que la coopérative. Malgré cela, «L'Association coopérative d'établissement limitée» a continué à exister jusqu'à tout récemment, ayant été dissoute seulement après la publication de certains articles chocs dans le journal L'Eau vive et à la télévision de Radio-Canada. Il ne semble pas y avoir eu d'autres coopératives du genre dans la province.
Entre 1965 et 1980, les noms des coopérateurs suivants sont venus s'ajouter à la longue liste déjà mentionnée: Jacques Perreault, Ernest Chabot, Auguste Bandet, Jean Aussant, Paul Rivière, Albert Dubé, Armand Pinel, Louis Bandet, Raymond Girardin, Leon Marchildon, Joseph Jeanneau, Joe Bellavance, Jean Hamoline, Louis Leblanc, Édouard Samson et Alfred Chabot. Madame Lucille Hyshka a été la première femme élue au Conseil d'administration du CCS. Elle a siège pour deux ans (1977 et 1978). Raymond Marcotte a été président de l'organisme de 1965 à 1972 et Paul Rivière l'a succédé de 1973 à 1980. Théodore Préfontaine a quitté le poste de secrétaire-gérant en 1973. Cette année-là, le bureau du Conseil de la coopération a été déménagé à Regina et Rolland Pinsonneault en est devenu le nouveau secrétaire-gérant. En septembre 1979, il a été remplacé par Richard Marcotte. De nouvelles coopératives francophones pour les années 1980 Vers la fin des années 70, des changements radicaux se produisaient dans la province. Les anciennes petites communautés francophones s'étaient ouvertes de plus en plus et l'anglais s'était installé dans bien des régions. La plupart des anciennes caisses populaires françaises ou bilingues avaient cessé d'adhérer au Conseil de la coopération de la Saskatchewan et plusieurs n'offraient même plus de service en français. Depuis longtemps, le Wheat Pool de la Saskatchewan avait cessé d'assurer la présence d'un agent d'élévateur bilingue dans des régions comme Domrémy, Delmas, Redvers et Ponteix. Le nouveau secrétaire du Conseil de la coopération de la Saskatchewan, Richard Marcotte, était donc appelé à diriger le Conseil dans de nouvelles directions. Le CCS voulait procéder à un regroupement des quelques caisses populaires françaises toujours en existance en Saskatchewan. Un tel regroupement pourrait améliorer l'image des quatre caisses en question, à Prince Albert, Bellevue, Saskatoon et Regina. La Caisse populaire Saint-Jean-Baptiste de Prince Albert, fondée en juin 1957 pour «aider les Canadiens français de la ville et des alentours (19) n'avait jamais réussi à quitter mentalement la bijouterie Strohan, sa première demeure à Prince Albert. A Bellevue, la Caisse populaire se trouvait toujours dans une chambre à coucher inoccupée de la résidence de Jean-Camille Gaudet; son épouse, Lydia, était directrice de la caisse. A Saskatoon et à Regina, les deux caisses étaient bien cachées dans des petits coins des paroisses SaintMartyrs-Canadiens (Saskatoon) et Saint-Jean-Baptiste (Regina).
Une première réunion des quatre caisses avait eu lieu au printemps 1978. On avait discuté les avantages et les désavantages d'un regroupement: «Certains délégués ont émis l'opinion à cette assemblée que si les caisses continuent à fonctionner comme elles le font présentement, qu'elles disparaîtront tout simplement d'ici quelques années. »(20) Mais le regroupement des caisses n'allait pas être chose facile à faire. En 1979,(11) était aussi question d'établir une caisse française à SaintDenis: «Certains observateurs prédisent que si la caisse populaire française voit lejour à Saint-Denis, qu'avant deux ans elle deviendra la plus grosse de toutes les caisses populaires francophones de la Saskatchewan.?' Les rumeurs d'un regroupement des quatre caisses existantes et la possibilité qu'une nouvelle soit créée à Saint-Denis poussaient les sociétaires à faire des changements. A Bellevue, on a construit un nouvel édifice pour la Caisse, tandis qu'à Regina, on a amélioré les bureaux de la caisse à la paroisse Saint-Jean-Baptiste. A Prince Albert et à Saskatoon, on a emménagé dans de nouveaux locaux plus proches du centre de la ville. Même s'il n'était pas encore question de se regrouper, les quatre caisses commençaient à faire une publicité conjointe. Ces changements étaient faits dans le but de donner une plus grande visibilité aux caisses.
Bien sûr, les changements ont été favorables aux quatre caisses fransaskolses. Trois ans plus tard, en 1982, la caisse La Fransaskoise de Saskatoon avait connu une augmentation de son actif de 400 % par rapport à l'année précédente. Toutefois, les sociétaires demeuraient craintifs et il n'y a jamais eu d'amalgamation des quatre. En 1991, des problèmes financiers obligent le regroupement de deux des caisses, celles de Saskatoon et de Regina. D'autres problèmes mènent éventuellement à la disparition de ces deux caisses lorsqu'elles sont absorbées en 1994 par Page Credit Union de Regina et Saskatoon. Aujourd'hui, il ne reste plus que deux caisses populaires françaises, celles de Bellevue et Prince Albert. Au début des années 1980, plusieurs francophones de la Saskatchewan commençaient à se poser des questions sur l'utilité des coopératives. Le secteur privé ne donnait-t-il pas un meilleur rendement financier? Raymond Marcotte, un des pionniers du Conseil de la coopération de la Saskatchewan s'est donc porté à la défense du mouvement: «Vous savez, si on écoute parler les pionniers du mouvement, on ne peut faire autre que comprendre que les coopératives ne sont pas quelque chose du passé, mais bel et bien quelque chose de très vivant et essentiel dans l'avenir. »(22)
Au départ, le Conseil de la coopération devait réaliser qu'il ne pouvait pas s'occuper uniquement de quelques petites caisses populaires. D'autres coopératives francophones devaient voir le jour dans la province pour assurer la survivance du mouvement coopératif. Le secrétaire du CCS, Richard Marcotte, appuyé par des vieux pionniers du mouvement comme Rolland Pinsonneault, Raymond Marcotte, Paul Rivière et Joseph Jeanneau, a donc lancé de nouveaux programmes d'éducation pour faire connaître le concept coopératif à une nouvelle génération fransaskoise. Pour la première fois de son histoire, le Conseil de la coopération s'est doté d'une relationniste, en la personne de Manon Payette-Côté. Pendant plusieurs années, Mme PayetteCôté a écrit des chroniques sur la coopération et le Conseil de la coopération qui ont été publiées dans le journal L'Eau Vive. Le Conseil de la coopération de la Saskatchewan a aussi commencé à reconnaître qu'il devait être plus qu'un véhicule pour des coopératives: «cet organisme (CCS) doit continuer à être le point de mire des Fransaskois au niveau économique, tout en n'oubliant pastes éléments essentiels au développement total de la personne, soit: culturel, politique, social et religieux.» (23) Les artistes ont été les premiers à tenter de créer de nouvelles coopératives francophones dans la province. Croyant ne pas être bien servi par la Commission culturelle de la Saskatchewan, ils ont décidé de tenter l'expérience de la coopération. 'Les Productions (Coopératives) Artistiques Fransaskoises Umitées»(PAF) ontvulejouren 1979. Cette coopérative d'artistes se voulait «un véhicule ayant pour but la promotion des productions fransaskoises dans les domaines du film, du vidéo et du son. »(24) La coopérative a réalisé deux productions vidéo, une à Gravelbourg (Toucher la Terre, 1979) et une à Bellevue (Ça s'passait d'même en 1905,1980), avant de disparaître. Ensuite, ce sont les groupes de services communautaires qui ont adopté la formule de la coopération. Depuis le début du siècle, l'esprit de coopération avait permis aux petits villages francophones d'avoir des salles paroissiales, des patinoires et des salles de curling. Durant les années 80, d'autres services communautaires viennent s'ajouter à cette liste, comme les prématernelles: «La prématemelle coopérative de Regina a ouvert ses portes lundi 12 septembre, après plusieurs mois de travail actif de la part des parents. » (25) Une coopérative d'habitation voit aussi le jour en 1985: «Les membres du Comité provisoire de la coopérative d'habitation Villa Bonheur Limitée de Saskatoon ont accueilli avec enthousiasme la décision du Conseil municipal de Saskatoon de lui octroyer un morceau de terrain de $250,000.» (26)
En 1985, Richard Marcotte quittait la direction générale du Conseil de la coopération. Puis les directeurs généraux se sont succédés un après l'autre pendant plusieurs années: l'abbé André Poilièvre (1985), Norbert Lepage (1985-1986), Albert Dubé (19871988), Pauline Patenaude (1988-1990) et Diane Rondeau (1990). L'arrivée d'Edmond Douville en août 1990 a rétabli une certaine stabilité au sein de la direction de l'organisme. Il est resté à la tête du CCS jusqu'en 1994. Malgré ce brouhaha à la direction du Conseil, la vision ne changeait pas de celle établie au temps de Richard Marcotte. On parlait même, en 1985, de la possibilité de fonder une Chambre de commerce fransaskoise. Au printemps 1987, le Conseil de la coopération a réussi à attirer un autre gros joueur, les Publications fransaskoises. «Selon le directeur des Publications fransaskoises, Albert Dubé, la décision a surtout comme buts principaux de démocratiser l'entreprise, ainsi que de faciliter l'accès du journal aux différents programmes gouvernementaux d'aide à la presse minoritaire ou communautaire. (11) La Coopérative des Publications fransas koises Limitées voyait le jour en juin 1987.
Fondées en 1985 par René Rottiers de Regina, Les Editions Louis Riel n'avaient jamais réussi à bien s'implanter comme entreprise privée. Elles sont devenues une autre coopérative fransaskoise au début des années 1990. Durant les années 1980, les coopérateurs suivants se sont joints à d'autres déjà mentionnés pour aider le Conseil de la coopération à faire son travail: Gérald Gaudet, Gérard Pagé, Alcide Magnan, René Bénard, Solange Bergeron, André Poilièvre, Margo Michaud, Thérèse Guillemette, Bernard St-Pierre, Noël Amyotte, Brigitte Mercier-Corbeil, Bernice Carpentier, Yvonne Bisson, Roger Sauvé et Roger Sylvestre. Auguste Bandetestprésident de 1981 à 1986. Alcide Magnan, Solange Bergeron et Norbert Lepage sont à la présidence de l'organisme de 1987 à 1990.
Même si le mouvement coopératif ne semble plus être en vogue durant les années 1990, le Conseil de la coopération de la Saskatchewan continue son travail en développement économique. Depuis quelques années, l'industrie touristique a été ciblée comme un des moyens de développement économique pour les communautés fransaskoises rurales. Le CCS a alors aidé à produire le livret, La Saskatchewan et ses attraits, ainsi qu'un dépliant touristique pour la région sudouest de la province. Le CCS est aussi responsable du programme Jeunesse Canada au travail pour la province. Depuis quelques années, ce sont les coopérateurs suivants qui ont remplacé les Bachelu, Joubert, Marcotte et Rivière: Raymond Lepage, Urbain Moyen, Jean-Pierre Picard, Gilbert Hautcoeur, Jean-Yves Durocher, Claudette Gendron, Danielle Pujolar, Jean-François Gagné, Aurèle Gaudet, Lise Lundlie, Léo Legault, Marie Bouchard-Dawson, Guy tiradet, Eric Poliquin et Ron Wassil. Roger Sylvestre, Norbert Lepage et Robert Revet ont été à la présidence de l'organisme et Robert Therrien est directeur général depuis deux ans et demi. À la veille de l'an 2000, le Conseil de la coopération s'est donné la mission suivante: «Promouvoir le développement et l'épanouissement de la communauté fransaskoise par tous les moyens légitimes mais en utilisant de préférence laformule coopérative en une ou l'autre de ses formes. » L'abbé Dominique Dugas est sûrement heureux de savoir que le mouvement qu'il a aidé à fonder il y a déjà 50 ans est toujours très actif au sein de la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan. Notes et références (1) «Question des coopératives». -LaLibertéet le Patriote.- (19 juillet 1946). - P. 8 (2) «En Saskatchewan... La coopération depuis quand». - Ensemble. - (novembre 1979). (3) Richard Lapointe ; Lucille Tessier. - Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan. -Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986. -p. 320. (4) Ibid.-p.325. (5) «Question des coopératives». -LaLiberté et lePatriote. (6) «Rapport de M. Beaulieu sur les coopératives de l'Ouest». -LaLiberté et le Patriote. -(13 sept. 1946). -P.6. (7) «Activité du Conseil canadien de la Coopération en Saskatchewan». - La Liberté et le Patriote. -(18 juill. 1947). - P. 8. (8) Ibid.-P.8 (9) Richard Lapointe ; Lucille Tessier. - Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan. - P. 329. (10) Ibid., p. 329. Romulus Beaulac. -Coopération en Saskatchewan. - Saskatoon: R. Beaulac, 1944. - P. 3 (11) (12) Ibid., p. 3 (13) Richard Lapointe ; Lucille Tessier. - Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan. - P. 329. (14) Muriel Clements. -By Their Bootstraps, A History of The Credit Union Movement in Saskatchewan. - P. 125. (15) Saskatchewan. - Rapport duConseil de cocoopération de la Saskatchewan. - (24 oct. 1964). (16) «L'Association Coopérative d'Établissement Ltée» [dépliant publicitaire]. - Archives de la Saskatchewan. - Document Rolland Pinsonneault. - R-108711v. (17) Roger Ducharme, abbé. - [Établissement rural]. Manuscrit. - Archives de la Saskatchewan. Document Rolland Pinsonneault. - R-1087 II a.3. (18) Ibid. (19) «Une Caisse Populaire est fondée à Prince Albert». La Liberté et le Patriote. -(15 nov. 1957). (20) «Regroupement des Caisses POP à l'étude». - L'Eau Vive. -(llavr. 1979).-P. 1. (21) «Une Caisse Pop à Saint-Denis». - L'Eau Vive. - (22 août 1979). - P. 1. (22) Mouvement de la coopération en Saskatchewan [enregistrement vidéo]. - [Regina] : Conseil de la coopération de la Saskatchewan, 1983. - 1 vidéocassette. (23) «Une culture coopérative et économique qui parle notre langue». -L'Eau Vive. - (2 mai 1984). - P. 3. (24) «Le 'PAF' est incorporé». - L'Eau Vive. - (4 juin 1979).-P. 1. (25) «Enfin une prématernelle francophone à Regina». L'Eau Vive. - (21 sept. 1983). - p. i. (26) «Villa Bonheur Limitée, coopérative d'habitation fransaskoise». -L'Eau Vive. - (13 févr. 1985). -P. 3. (27) «L'Eau Vive pourrait devenir coopérative». - L'Eau Vive. - (Mars 1987). |
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