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Laflèche

M. l'abbé Nicolet, d'Arborfield, et M. l'abbé Dubois, de Laflèche, étaient de passage à l'évêché.

Le Patriote de l'Ouest
le 7 octobre 1915
Entre 1905 et 1907, des centaines de colons viennent s'établir dans la région de la rivière La Vieille. Plusieurs d'entre eux sont des Canadiens français. Ils fondent les villages de Gravelbourg, Mazenod, Melaval, Meyronne et Laflèche. Au début, les colons ne sont que des «squatters» sur le terrain, mais la région est arpentée avant 1908 et les résidents peuvent inscrire leurs homesteads.

Laflèche est situé environ 20 kilomètres au sud de Gravelbourg. Lorsque les premiers colons arrivent, la région est connue sous le nom de «Tête de bison», mais on le change bientôt à Laflèche. «À cause d'une quantité prodigieuse de têtes de buffle trouvées près d'un marais avoisinant, Laflèche s'appelait autrefois Buffalo Head. M. l'abbé P. Gravel lui fit donner son nom actuel, en l'honneur d'un éminent missionnaire du Nord-Ouest, par la suite évêque de Trois-Rivières, Mgr Laflèche.»(1)

Le premier colon dans la future paroisse de Laflèche est un Canadien français de Portneuf, Québec, Ferdinand Marasse. Il arrive en 1906 et ne perd pas de temps à bâtir une maison. La première messe à Laflèche est chantée par l'abbé Arthur Magnan, le 5 avril 1908, dans la maison de Monsieur Marasse.

Vers 1909, un village commence à prendre forme, environ deux kilomètres à l'est de l'actuel village de Laflèche, sur le homestead de François-Xavier Brunelle. C'est à cet endroit qu'on peut trouver le bureau de poste géré par Tom Murphy; le barbier, Dick Metcalf et le magasin de Brunelle, Groulx et Lizée et celui de A. N. Bourassa et Fils. Ce dernier est arrivé des États-Unis en 1911.

Originaire de Saint-Jean, Québec, A. N. Bourassa déménage premièrement à Sainte-Catherine, Ontario où il fait la connaissance d'Elizabeth Bowes. Après leur mariage, ils déménagent à nouveau, cette fois vers les États-Unis. Ils prennent un homestead dans le comté de Rolette dans l'état du Dakota-Nord vers 1880. A. N. Bourassa se lance dans les affaires en 1906; il ouvre un premier magasin dans le village de St. John, Dakota-Nord. Vers 1911, il déménage à nouveau sa famille, cette fois vers la Saskatchewan et la région de Laflèche. Deux de ses fils, T. H. et René l'ont précédé à Laflèche. Ils sont arrivés au printemps 1907. Un feu de prairie venait de ravager la région et seule la maison de François Brunelle, n'avait pas été détruite par les flammes. Brunelle leur a aidé à trouver leurs homesteads, une tâche qui n'était pas facile parce que les poteaux des arpenteurs étaient disparus. Au cours des prochaines années, les deux fils Bourassa travaillent dans le magasin de Brunelle, tout en s'occupant de leurs fermes. En 1911, ils retournent passer l'hiver à St. John, Dakota-Nord. Cette année-là, T. H. Bourassa épouse Clara Grégoire de Grand Fork, Dakota-Nord et il décide de bâtir un magasin à Laflèche, en association avec son frère René. Leur père se joindra bientôt à l'entreprise familiale.

Le premier village de Laflèche était donc situé environ deux kilomètres à l'est de l'actuel village. Lorsque la compagnie du Canadien Pacifique construit une ligne de chemin de fer à l'ouest d'Assiniboia, deux kilomètres à l'ouest, les commerçants n'ont pas d'autres choix que de déménager près de la gare. Le nouveau village est bientôt en pleine expansion. En 1913, il y a même un journal dans le village: le «Laflèche Advocate». Dans les pages de ce journal, on apprend que les commerçants francophones suivants sont établis en ville: François Brunelle est copropriétaire du magasin Brunelle et Groulx, Charles Brunelle est propriétaire de l'écurie «Palace Livery», les frères Bégin sont propriétaires du «City Garage» et la famille Bourassa est propriétaire du magasin A. N.. Bourassa et Fils. Plusieurs commerçants anglophones sont aussi établis dans le nouveau village.

Au fil des ans, d'autres francophones seront propriétaires de commerces à Laflèche, comme Joe Biron (écurie), Pete Dupuis (écurie), Ed Poirier (boutique de crème glacée) et la buanderie de mesdames René Lielooghe et Alice Minne. Quelques francophones sont aussi concessionnaires de voitures (François Brunelle) et d'équipement agricole John Deere (François-Xavier Lizée).

L'influence des Canadiens français à Laflèche est évidente par les noms donnés aux rues du village: Montcalm, Cartier, Papineau, Bigot, Brunelle et Frontenac; et les avenues: Québec, Laurier, La Salle et Champlain. Un bel avenir est envisagé pour le petit village francophone situé dans l'ombre de Gravelbourg.


Comme dans bien d'autres centres francophones de la Saskatchewan, l'histoire de l'école et celle de l'église catholique à Laflèche sont interliées. L'abbé Adrien Chabot, dans son Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask. 1930-1955, maintient que la première messe a été chantée par l'abbé Arthur Magnan de Gravelbourg en 1908 dans la maison de Ferdinand Marasse. En 1981, la Woodriver Historical Society, dans son histoire de la région, soutenait plutôt que la première messe aurait été chantée par l'abbé Albert-Marie Royer, curé de Ponteix, en 1907.

À compter de 1910, l'abbé Magnan aurait chanté la messe dans l'école construite sur le terrain de Paul Bélisle. En 1912, c'est l'abbé Jules Bois, curé de Meyronne, qui commence à desservir la région. Il vient une fois par mois et dédie la paroisse de Laflèche à sainte Radegonde. On décide de bâtir une première église en 1913. «En août 1913, grande fête à Laflèche, Mgr Mathieu vient présider à la confirmation dans l'école au coin des 4 cantons. Le même automne on décide de construire une église et un presbytère. M. Ch. Brunelle commence sans tarder les escavations requises, d'abord pour l'église.»(2) Les murs du sous-sol sont fait en ciment et on recouvre le tout d'un toit. Un presbytère est construit, mais on n'a pas les moyens de finir l'église. En 1922, lorsqu'une nouvelle église en brique sera construite, se sera ailleurs, sur du terrain donné par les Filles de la Croix.

En mai 1914, la paroisse Sainte-Radegonde de Laflèche accueille son premier curé résident en la personne de l'abbé Émile Dubois. Dans plusieurs ouvrages, l'abbé Adrien Chabot soutient que l'abbé Dubois arrivait de France en 1914 lorsque Mgr Mathieu l'a nommé curé fondateur de Laflèche. Toutefois, le prêtre français serait arrivé au Canada quelques années auparavant et sa première mission dans l'Ouest aurait été à Zenon Park. «L'abbé Émile Dubois arrivait de France le 7 juillet 1911, originaire de Rambouillet, près de Paris, département de la Seine. C'était un colosse dans les six pieds, jeune, à peine âgé de 30 ans, aux manières brusques, mais que les colons reconnurent comme un homme de tête. C'est sous sa directive que la paroisse sera administrée de 1911 à 1914.»(3) Solange Lavigne, dans son histoire du diocèse de Prince Albert, Kaleidoscope, Many Cultures, Many Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, ajoute que l'abbé Dubois serait arrivé avec l'abbé Nicolet, curé d'Arborfield. Ceci peut expliquer pourquoi les abbés Dubois et Nicolet sont à l'évéchée de Prince Albert en octobre 1915.

En 1914, l'abbé Dubois est donc nommé curé de Laflèche. Tout est à bâtir pour le curé fondateur. «Il fut aussi responsable de la construction des édifices religieux et de la venue des Filles de la Croix dans sa paroisse.»(4) Le premier district scolaire dans la région avait vu le jour en 1912 lorsque les colons avaient décidé de construire une petite école au coin de quatre townships sur le terrain de Paul Bélisle. En 1915, l'abbé Dubois invite les Filles de la Croix à venir fonder un couvent à Laflèche et de s'occuper de l'enseignement dans l'école publique du village, c'est-à-dire l'école construite trois ans plus tôt sur le terrain de Paul Bélisle. En 1916, le curé du village fait les démarches nécessaires pour établir un district scolaire séparé (catholique) à Laflèche et il obtient la permission d'ériger le district scolaire catholique Mathieu la même année. Les religieuses procèdent donc à la construction de leur couvent pensionnat l'année suivante, le couvent Notre-Dame du Sacré-Coeur.

En 1922, l'abbé Dubois voit finalement à la construction d'une belle grande église en briques. «Dans ce temps-là, il n'y avait pas dans tout l'achidiocèse 5 églises plus belles que celle-là. Son clocher était également le plus beau clocher gotique de l'Ouest.»(5)

L'abbé Dubois quitte la paroisse Sainte-Radegonde en 1925 pour la paroisse catholique de Rosetown. Mais pendant toutes ses années passées à Laflèche, il aura su inculquer le goût pour l'éducation, la foi et la langue française aux pionniers de la région.


Pendant de nombreuses années, la communauté francophone de Laflèche était une des plus actives de l'Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan. En 1916, l'abbé Rioux fait une tournée des paroisses françaises du diocèse de Regina pour donner des conférences sur l'importance d'une organisation catholique et française. À Laflèche, un regroupement local de l'ACFC est immédiatement fondé avec le docteur Philippe Lavoie comme président. Puisque le docteur Lavoie déménage à Gravelbourg peu de temps après, il est remplacé par A. N. Bourassa. Les autres membres du premier comité exécutif étaient Noël Cantin comme vice-président et l'abbé Émile Dubois au poste de secrétaire. La première réalisation du comité local de l'ACFC est la publication, en 1916, d'un feuillet publicitaire intitulé «Une Paroisse d'Avenir». Le feuillet a pour but de recruter de nouveaux colons du Québec.

Le premier comité local de l'ACFC à Laflèche comptait 42 membres, mais durant certaines années le nombre de membres atteignait 200. Les membres étaient fortement encouragés à s'abonner au Patriote de l'Ouest. On demandait aussi à plusieurs d'entre eux d'agir comme superviseurs pour les examens de français de l'ACFC, le premier samedi de juin au couvent des Filles de la Croix.

Parmi les hommes qui ont porté le chapeau de président de l'ACFC locale de Laflèche, mentionnons François-Xavier Boileau, Paul Bourdy, Armand Lauzon, François-Xavier Lizée, Louis Thibodeau, Arthur Cloutier, Adrien Belcourt, Eugène Bachelu, J. H. Lagassé, Ernest Colpron, Edmond Bilodeau, abbé Albert Gravel, Clément Périgny, Joseph-Edmond Chabot et Alfred Clermont.

Le Conseil de la coopération de la Saskatchewan, qui célèbrera bientôt son 50e anniversaire de fondation, doit en partie son existence à plusieurs grands coopérateurs de Laflèche, dont Eugène Bachelu, Edmond Bilodeau et Théobald H. Bourassa.

La crise économique et la sécheresse des années 30 avaient cruellement frappé la région de Laflèche. En 1937, quelques hommes d'affaires du village s'étaient réunis pour étudier la possibilité d'établir une caisse populaire. Le gouvernement provincial venait juste d'adopter sa loi sur les caisses populaires le printemps précédent, mais il n'existait encore aucune caisse en milieu rural. «Un comité effectua les démarches légales nécessaires et, le 19 avril 1938, la Caisse populaire de Laflèche était officiellement constituée.

Douze membres y adhérèrent le premier jour ...»(6) T. H. Bourassa est le premier président de la caisse, Eugène Bachelu est élu au comité de crédit et Edmond Bilodeau est le premier gérant. En 1946 et 1947, ces trois hommes travailleront étroitement avec l'abbé Dominique Dugas et d'autres à la fondation du Conseil de la coopération de la Saskatchewan.

Les francophones ont aussi joué un rôle dans l'histoire médicale de Laflèche. Le premier médecin arrive en 1913. Il s'agit du docteur Henri DuChène. On apprend aussi, dans les pages du livre d'histoire local,Golden Memories of the Wood River Pioneers que le docteur Trudelle, dont on a parlé dans une récente chronique, avait commencé sa carrière en Saskatchewan à Laflèche. Vient ensuite le docteur Philippe Lavoie.

Le docteur Louis-Émile Belcourt arrive à Laflèche en septembre 1916 avec sa femme, Camille Fournier, une infirmière. Son frère, Adrien, un pharmacien, vient le rejoindre quelques semaines plus tard. Les Belcourt sont du Minnesota, mais les deux garçons ont fait leurs études à l'Université Laval au Québec. Le fils d'Adrien, Émile, fait carrière en chant et musique en Europe et au Canada. Les fils de Louis-Émile sont devenus médecins comme leur père.

Le docteur Louis-Émile Belcourt a pris sa retraite en 1948 à Moose Jaw. Adrien Belcourt a dirigé sa pharmacie pendant 48 ans jusqu'en 1964. Son fils, Edmond, l'a succédé comme pharmacien à Laflèche. Louis-Émile est décédé en 1968 et Adrien en 1983.

Au fil des ans, plusieurs francophones ont quitté la région; d'autres ont marié des anglophones. Petit à petit, on a perdu l'intérêt dans le français et aujourd'hui, il n'existe même plus de comité local de l'ACFC ou autre regroupement francophone.


Références

(1) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask. 1930-1955, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1955, p. 57.

(2) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask. 1930-1955, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1955, p. 58.
(3) Zenon Park History Book Committee,Yesterday,Hier—Today, Aujourd'hui—Zenon Park 1910-1983, Zenon Park: Zenon Park History Book Committee, 1983, p. 282.
(4) Chabot, abbé Adrien, Histoire du Diocèse de Gravelbourg, 1930-1980, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1981, p. 175.
(5) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques ..., op.cit., p. 58.

(6) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986, p. 326.

Sources

Un bout d'histoire 202, 203 et 204

Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask. 1930-1955, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1955.

Woodriver Historical Society, Golden Memories of the Wood River Pioneers, Laflèche: Woodriver Historical Society, 1981.

Chabot, abbé Adrien, Histoire du Diocèse de Gravelbourg, 1930-1980, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1981.

Zenon Park History Book Committee,Yesterday,Hier—Today, Aujourd'hui—Zenon Park 1910-1983, Zenon Park: Zenon Park History Book Committee, 1983.

Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986.





 
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