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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 12 numéro 2

La Saskatchewan au 20e siècle

par Simone Verville
Crises agricoles durant
les années 60, 70, 80 et 90
Vol. 12 - no 2, décembre 2001

Dans les deux derniers numéros de la Revue historique, nous vous présentions les premières parties d'un travail de recherche de Simone Verville dans lequel elle étudiait le phénomène de la dépopulation rurale en Saskatchewan, depuis le début de la colonisation jusqu'à nos jours.
Dans la première partie, son regard était fixé sur les belles années de la colonisation, entre 1896 et 1929, alors que la Saskatchewan s'était hissée au troisième rang au niveau de la population et d'importance économique au Canada. Dans la deuxième partie, il a été question des années difficiles, de la crise économique des années 1930, la guerre de 39-45 et de la prospérité des années 1950 et 1960. Durant tout ce temps, les gens abandonnaient la ferme.
Dans cette dernière partie, il est question de la situation agricole depuis les années 1960. Aujourd'hui, la dépopulation rurale est en état critique.


La Saskatchewan connaissait un boom économique depuis la guerre de 39-45, quand les gens de la province ont décidé, en 1964, de remplacer le gouver-nement CCF par les libéraux de Ross Thatcher.

Sous T.C. Douglas et le CCF, l’économie de la Saskatchewan avait été diversifiée grâce à une approche à trois fourchons impliquant le gouvernement, le secteur privé et les coopératives. Durant ses dernières années au pouvoir, le CCF avait commencé à développer le secteur des ressources naturelles: potasse, or et pétrole.

Toutefois, l’approche au développement du gouverne-ment de la Saskatchewan avait souvent eu comme résultat de chasser l’industrie privée de la province. Récemment, plusieurs oldtimers de l’industrie pétrolière en Alberta ont affirmé que la Saskatchewan aurait pu devenir, durant les années 40 et 50, le quartier général de plusieurs grosses compagnies de pétrole. Mais, les politiques du CCF les avaient plutôt poussés à s’établir en Alberta.

Ross Thatcher
Ross Thatcher, premier ministre de la Saskatchewan de 1964 à 1971 (West Studio Collection)

Quand ils sont arrivés au pouvoir, Thatcher et les libéraux ont décidé de poursuivre la diversification économique de la province. Toutefois, leur philo-sophie de développement était différente de celle du CCF.

«Many Liberals felt that the most effective way to develop the provincial resources was to give private enterprise a freer hand. Thatcher himself felt that the economy could best be developed by business interests. He made a trip to the business centres in eastern Canada to rid the province of any socialistic aura and to invite industry to Saskatchewan. He offered inducements to interests in the United States to establish pulp mills and to further develop potash mining.»(1)

Cette philosophie libérale fait penser au slogan «Open for business» des conservateurs de Grant Devine en 1982.

Pendant les premières années que le gouvernement Thatcher a été au pouvoir, la Saskatchewan a connu une prospérité économique. Le secteur agricole était stable avec de bonnes récoltes et de bons prix. Il y a eu un grand développement dans l’industrie de la potasse et Thatcher a réussi à convaincre une compagnie américaine de venir bâtir une usine à papier à Prince Albert.

Pour la première fois depuis 1930, la Saskatchewan était devenue une «have» province et Ottawa parlait d’éliminer en Saskatchewan les transferts réservés aux provinces «have not».

Même s’il concentrait beaucoup de ses énergies à la diversification économique de la province, Thatcher ne pouvait pas ignorer les besoins des fermiers. «The politician neglects agriculture to his peril in Saskatchewan.»(2)

Toutefois, les agriculteurs ne se plaignaient pas beaucoup. La mécanisation de l’industrie se poursuivait à un rythme accéléré et les fermes conti-nuaient à devenir de plus en plus grande. Les récoltes ont été excel-lentes en 1964,1965 et 1966 et, avec le développe-ment de l’industrie de la potasse, on a commencé à encourager les fermiers à utiliser de l’engrais dans leurs champs.

L’engrais allait accroître les rendements à l’acre et créerait par la fin des années 1960 un surplus dans les approvision-nements mondiaux de grain.

«By early 1970, the recession Thatcher had so ominously predicted after the 1967 election was gripping Saskatchewan. The economy was being strangled by a slumping agriculture sector bearing the brunt of the world wheat glut, low prices, and weak demand. Actually the slide for farmers had begun in 1968 when realized net income for Saskatchewan farmers dipped to $365 million from a peak of $480 million in 1967. By 1969, net farm income had plummeted to $169 million and by early 1970 there was little reason to believe the world agricultural scene was about to change.»(3)

La Saskatchewan
La mise en andains dans un champ près de Marshall, SK (Archives de la Saskatchewan)

Les agriculteurs se retrouvaient alors dans une autre crise agricole alors que leurs graineries étaient remplies à craquer. Il ne semblait plus y avoir de marché pour le blé dans le monde. À cette époque, beaucoup des frustrations des fermiers étaient dirigées vers le premier ministre, Pierre-Elliot Trudeau, qui aurait supposément eu l’audace de poser la question: «Why should I sell your wheat?»

Des milliers de fermiers songeaient alors à quitter la ferme. Mais, en Saskatchewan, un autre secteur important de l’économie traversait une crise: la potasse. Puisque les fermiers avaient des surplus de grain entreposés dans leur ferme, et même que le gouvernement fédéral était prêt à les payer pour laisser leur terrain en jachère, ou de l’ensemencer en foin, ils n’étaient pas disposés à acheter d’engrais.

Par la fin de la décennie des années 1960, la Saskatchewan subissait une autre vague d’émigration. Beaucoup de Saskatchewannais se sont dirigés vers l’Alberta où l’industrie du pétrole était en pleine effervescence. Les légendes populaires de l’époque veulent même qu’un des émigrés aurait monté un grand panneau à Lloydminster avec le slogan: «Last to leave, please turn off the lights».

«In rural Saskatchewan the reality was as harsh as the prediction. In the ten years ending in 1971, 17,000 farm families had been lost. In a province so dependent on farming, this was devastating. The provincial population shrank by 44,000 between 1968 and 1972.»(4)

Pierre Elliott Trudeau
Photo: Collection Eau vive
Pierre Elliott Trudeau lors d'un discours à Regina en 1982.

Une autre crise agricole, un autre exode de la campagne. Quand les néodémocrates d’Allan Blakeney ont repris le pouvoir en 1971, ils sont arrivés avec une promesse de «sauver la ferme familiale». Ils allaient atteindre cet objectif en adressant le problème de deux façons. D’abord, ils allaient avoir un programme de subventions et de prêts pour les fermiers voulant diversifier leurs opérations en se lançant dans l’élevage du bétail ou dans la culture de nouvelles graines. Et, ils allaient créer une «banque des terres».

Allan Blakeney
Photo: Collection Eau vive
Allan Blakeney, premier ministre de la Saskatchewan de 1971 à 1982.

Toutefois, le nouveau premier ministre n’était pas nécessaire-ment enchanté par l’idée d’une banque des terres. «To party insiders he quoted former Agriculture Minister Toby Nollet, who had said that problems in agriculture could “not be solved by tinkering with tenure.”»(5) Blakeney craignait la réaction du public si le gouvernement devenait propriétaire de vastes étendues de terres arables et que les fermiers devenaient de simples locataires.

Pour lui, un projet de banque des terres devait tout simplement être un mécanisme qui permettrait, ou qui simplifierait, le transfert de la ferme familiale d’une génération à l’autre, de père en fils. Mentionnons qu’à cette époque des années 1970, la mentalité chez la plupart des vieux fermiers de la Saskatchewan était encore que c’était le fils, et non la fille, qui devait hériter de la ferme. Mon propre père m’avait dit: «Depuis quand lègue-t-on la terre à une fille?».

Blakeney insistait alors que tout projet de loi pour créer une banque des terres devait garantir que le fils pourrait éventuellement acheter le terrain de la banque. Toutefois, d’autres dans le gouvernement avaient des idées opposées. Jack Messer, ministre de l’Agriculture, et Doug McArthur, sous-ministre adjoint, sont devenus les architectes de la Banque des terres.
«Its intention was nothing less than the creation of a complimentary system of land tenure based on crown ownership. For people to choose a continuing lease option, the rents should be pegged at a level below the government’s cost of borrowing money to buy the land. Messer and McArthur both agreed to an option to purchase, but they wanted to make renting land more attractive than buying it.»(6)

Le projet de création de la Banque des terres s’est réalisé en 1973 au même moment où il y a eu de vastes changements dans le monde; des change-ments qui ont été enclenchés par la crise du pétrole et l’OPEC. Les prix de presque toutes les commodités ont doublé, triplé et ont continué à grimper. Le prix du blé est passé de 1,88 $ le boisseau en 1972 à 4,31 $ le boisseau en 1973.

Mais, les dépenses du fermier de la Saskatchewan ont doublé et triplé au même rythme que ses revenus. Il a reçu plus pour son blé en 1973 que l’année précédente, mais il a dû payer plus pour son équipement agricole, ses engrais, ses herbicides et ses pesticides.

La Saskatchewan
Le moisson près de Regina en 1951 (Archives de la Saskatchewan)

Même le prix de son terrain augmentait à un rythme accéléré. Un carreau qui valait 5 000 $ en 1970 pouvait valoir 50 000 $ cinq ans plus tard. Et puisqu’il y avait un nouveau joueur dans la l’affaire, soit la Banque des terres, un joueur avec les poches profondes, le prix du terrain a grimpé plus vite qu’il aurait normalement augmenté.

Le vieux fermier se faisait vendre un rêve par la Banque des terres; un rêve d’un excellent prix pour son terrain et d’une belle retraite dans un pays chaud. Le jeune fermier qui désirait devenir propriétaire du terrain de son père avait peu de chance de réussite quand la compétition était une Banque des terres appuyée par les deniers du public. Il devenait donc locataire. Bien sûr, la Banque des terres lui offrait l’option d’acheter le terrain au bout de cinq ans, mais le gouvernement de la Saskatchewan ne lui aiderait pas avec l’achat, soit en lui offrant un prêt à un taux préférentiel, soit en lui vendant le terrain à un prix inférieur à celui du marché.

Si le NPD avait espéré maintenir la ferme familiale et garder les gens dans la campagne avec son projet de Banque des terres, les résultats ont trop souvent été autrement. Beaucoup de vieux fermiers ont vendu leur terrain à la Banque puis ont quitté la Saskatchewan pour prendre leur retraite dans un pays un peu plus chaud. Certains ont quitté seulement pour les mois d’hiver, mais plusieurs autres ont été s’établir définitivement sur l’île de Vancouver, dans la vallée de l’Okanagan et ailleurs en Colombie-Britannique ou en Alberta.

Les aînés, qui autrefois seraient restés à la campagne, étaient soudainement ceux qui contribuaient à la dépopulation rurale.

Une des choses qui a mené à l’écrasement du programme de la Banque des terres a été le retour de la prospérité dans l’industrie agricole vers 1975. La Commission canadienne du blé a complété quelques grosses
Ramassant des bottes de foins
Photo: Archives de la Saskatchewan
Ramassant des bottes de foins près de Moose Jaw. Photo B. Weston

ventes de blé à la Chine et à la Russie. Un nouvel ennemi s’est alors établi dans les cam-pagnes de la Saskatchewan: le fermier comme spéculateur!

«Good times altered the depressed land market. Between 1973 and 1978 the Land Bank’s average pur-chase price almost tripled, from $54 to $143 per acre. And those figures underestimate the real situation, because the commission in 1976 stopped making offers in regions where prices were most buoyant. In some areas, land which had fetched $100 an acre in 1970 sold for three to eight times as much by the end of the decade. That didn’t seem to deter farmers. Wild inflation and land speculation had arrived.»(7)

Avec une nouvelle prospérité à la ferme, le gouvernement Blakeney a décidé, vers 1975, de prêter son attention à la diversification de l’économie de la province. Le gouvernement a proposé certains projets de développement dans les petites villes et les villages de la province, mais il voulait surtout concentrer son énergie sur l’élargissement de la famille des sociétés de la couronne. La potasse était au centre de cette nouvelle orientation gouvernementale. Blakeney et compagnie se sont lancés dans l’achat et l’expropriation des mines de potasse pour créer la Société de la potasse de la Saskatchewan. Les politiques économiques du gouvernement portaient fruit.
La moisson dans le sud de la Saskat-chewan
Photo: Archives de la Saskatchewan
La moisson dans le sud de la Saskat-chewan. Photo B. Weston.

«Blakeney viewed the outcome of the 1978 election as an endorsement of his economic policies. Resource reve-nues were approaching $500 million a year, and Saskatchewan had the lowest unemployment rate in the country. The government pushed ahead with expansions at crown-owned potash mines and maintained a vigorous exploration and development program in uranium. During the campaign, Blakeney had talked about a heavy oil upgrader in the Lloydminster area. The government’s employment and investment strategies were concentrated on resource megaprojects. There wasn’t as much talk now about secondary industry in small towns.»(8)

La moisson près de Regina
Photo: Archives de la Saskatchewan
La moisson près de Regina en 1951. Photo Olive B. Roberts.

Le NPD voyait le gouvernement comme un joueur clé dans le développement économique de la province, surtout dans le secteur de l’industrie des ressources premières: pétrole, potasse, uranium, bois. Toutefois, lorsque les gens connaissent une certaine prospérité, ils n’aiment pas tellement voir le gouvernement s’impliquer dans les affaires, surtout quand leurs taxes sont très élevées. Grant Devine et les conservateurs allaient capitaliser sur ce mécontentement. Lors des élections de 1982, Devine a promis d’éliminer la taxe sur l’essence, épargnant ainsi 7 ou 8 dollars au contribuable chaque fois qu’il faisait le plein de sa voiture. Il allait aussi réduire les impôts personnels des Saskatchewanais.

Et, pour payer ces promesses, il allait réduire la bureaucratie néodémocrate et ouvrir la province aux investisseurs internationaux. «Open for business» allait devenir le slogan du Parti conservateur durant son premier terme. Malgré une chute des produits de base (blé, potasse, pétrole, uranium), la Saskatchewan allait connaître une croissance significative d’investissement durant le deuxième mandat du gouvernement Devine pour atteindre un sommet inespéré de 668 millions de dollars en 1990, comparativement à environ 100 millions de dollars en 1982.

Grant Devine
Grant Devine, premier ministre de la Saskatchewan de 1982 à 1991 (L'Eau vive)

Pour attirer ces investissements, le gouvernement a ouvert des bureaux à New York, Londres et au Japon. Des délégations ont aussi été envoyées dans plusieurs pays du monde (délégations semblables aux voyages de l’équipe Canada de Jean Chrétien au cours des dernières années).

«To attract off-shore invest-ment and to find new markets, Berntson led negociating teams and trade missions to countries around the world, including Japan, China, the United States, Bulgaria and Australia. He wanted to convince investors that the time had come to look to Saskatchewan, that it really was a resources treasure house, with the richest uranium deposits in the Western world, the largest potash reserves, enormous gas fields, Middle-East sized heavy oil pools, and significant light oil, as well as nearly half of Canada’s farmland and rich forest areas. And that it was open for business.»(9)

Puis, le Parti conservateur a commencé le processus de démantellement de la famille des sociétés de la couronne, la perle du gouvernement Blakeney. SaskOil et SaskPotash ont été privatisés au grand désespoir des néodémocrates. On a même essayé de privatiser SaskPower et SaskEnergy.

Toutefois, l’industrie agricole traversait une nouvelle crise. Certains pays, dont la France et les États-Unis, offraient des subventions à leurs fermiers pour rendre le prix de leurs produits, surtout du blé, plus attrayant aux acheteurs mondiaux. Le fermier saskatchewanais ne pouvait pas faire concurrence à ces subventions. Durant les élections provinciales de 1986, le Premier ministre fédéral, Brian Mulroney, a secouru son homologue provincial avec une contribution fédérale de 1 milliard de dollars. De plus, Mulroney allait faire de l’agriculture son cheval de bataille lors du sommet international de Toyko.

Lors d’une conférence des premiers ministres à Edmonton, en 1986, Devine a affirmé que si la communauté internationale ne réussissait pas à éliminer les subventions des autres pays sur le grain, les Canadiens auraient à payer jusqu’à 5 milliards de dollars par année pour soutenir l’industrie agricole. En réalité, entre Ottawa et Regina, les gouvernements fédéral et provincial avaient probablement dépensé 3 milliards de dollars en 1986 et 1987 pour soutenir l’agriculture.

Le gouvernement provincial avait décidé qu’une façon de sauver l’industrie du grain était d’encourager la production de bétail.
«Producing more livestock was the biggest key to diversifying the province because livestock could convert more of the huge grain crop into meat for export. It would lead to big investments and hundreds of jobs in the feed and farm supplies industry and in meat packing.»(10)

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a versé des millions de dollars aux fermiers. Mais les industries du boeuf et du porc connaissent beaucoup de hauts et de bas. Ni l’une, ni l’autre n’a pu soutenir adéquatement l’industrie agricole.

Brian Mulroney
Brian Mulroney, premier ministre du Canada de 1984 à 1993 (L'Eau vive)

Par la fin des années 1980, les tentatives du gouvernement Devine de diversifier les régions rurales de la Saskatchewan n’avaient pas porté fruit et il y avait une nouvelle migration de la campagne vers la ville. Pour contrer cette migration, les conservateurs avaient décidé d’envoyer des milliers d’employés gouvernementaux établir leurs bureaux et agences dans des petites communautés comme Nipawin, Cudworth, Estevan et Gravelbourg. Ces fonctionnaires allaient créer une nouvelle vitalité dans les régions rurales de la province.

Le gouvernement a toutefois été défait en 1991 avant de pouvoir pleinement implanter ce projet. Quelques fonctionnaires seulement avaient été bannis en région; ils ont été rappelés à Regina lorsque le parti néo-démocrate a pris le pouvoir.

Grant Devine avait toute-fois réussi à diversifier l’économie de la province. Même s’il y a eu une migration durant la crise agricole de la fin des années 1980, la population de la Saskatchewan est demeurée relativement stable. Quand ils quittaient la ferme, les gens se dirigeaient maintenant vers les villes de la province.

Entreposage de bottes de foin
Photo: Archives de la Saskatchewan
Entreposage de bottes de foin près de Moose Jaw. Photo: B. Weston.

C’est à nouveau le cas avec l’actuelle crise agricole. Depuis 1995, la population de la province a augmenté chaque année. Le nombre d’employés en agriculture continue à décliner alors que les fermes deviennent plus grandes et l’équipement agricole devient plus gros. Il n’y avait cette année qu’environ 65 400 personnes qui étaient employées en agriculture comparativement à 94 600 en 1987. Depuis déjà plusieurs décennies, bon nombre de fermiers ont dû trouver un deuxième emploi, hors de la ferme, pour subvenir aux besoins de leur famille.

«The trend to off-farm income as a supplement to farm receipts has been evident in Canada since the 1940s. In 1941, off-farm employment contributed 13,7 per cent of farm family income in Canada. By 1958, off-farm employment had risen to 25 per cent of farm income, and total off-farm income, including government payments, had reached 37 per cent. In 1971, off-farm income represented 73 per cent of total farm income, and off-farm employment provided 60 per cent of farm income.»(11)

La Saskatchewan
La ferme expérimentale Kernen de l'Université de la Saskatchewan (Archives de la Saskatchewan)

Traditionnellement les fermiers des Prairies n’étaient pas aussi dépendant d’un deuxième emploi que leurs cousins de l’Est, mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, la majorité des agriculteurs doivent avoir un deuxième revenu.

Cette réalité a changé la perception de la ferme familiale. Alors que les fermiers clament vouloir sauver un mode de vie, la ferme familiale, l’agriculture s’est beaucoup éloignée des valeurs traditionnelles agricoles et pour plusieurs, l’industrie est devenue une big business. Un article de Norah Keating décrit la ferme familiale d’autrefois comme suit:

«The family farm became not only the production unit, but the unit through which groups of people organized to develop local institutions such as churches and schools... Family networks were not just a matter of sentiment, but of survival.

This rural ideology was not always seen positively. Some argue that it was limiting and closed, that farm families paid a high price for closeness, and that many farm men had a “medieval mentality” which included patriarchal domination of the family (Youmans, 1967). Whether this early rural ideology is seen as positive through late 20th century eyes, is a moot point. What it did was foster a homogeneity of prairie communities of the time. Farming provided the economic basis and the majority of people worked in farming or related industries. The farm household was the unit of production and farm children were intimately involved in the running of the business.»(12)

Keating affirme qu’on s’est éloigné de ces valeurs et qu’aujourd’hui, il ne reste plus que quelques vestiges de la traditionnelle ferme familiale. «Those over 55 are part of a cohort of rural dwellers that is still most likely to earn their livelihood from agriculture, and those under 55 are part of a cohort with a range of non-farm occupations.»(13) L’agriculture n’a donc plus l’importance qu’elle avait il y a 20 ou 30 ans, même pour les gens vivant en milieu rural.

La Saskatchewan
Les travaux de la moisson dans le Sud de la Saskatchewan (Archives de la Saskatchewan)

Des centaines de petits villages ont disparu depuis la crise des années 1930 et des centaines d’autres semblent voués à disparaître. Les gens ont abandonné la campagne pour vivre et travailler en ville; l’agriculture ne pouvant pas financer leurs besoins. La situation serait encore plus grave si le gouvernement avait le courage de complètement restructurer son réseau de municipalités rurales et de districts scolaires. La Saskatchewan a trop d’administrations locales étant donné les besoins et le nombre de gens vivant en milieu rural, mais une restructuration éliminerait d’autres emplois tellement nécessaires à la survie de nombreux petits villages.

Conclusion
Les efforts de colonisation au début du siècle ont très bien réussis mais la terre promise n’a pas réussi à retenir tous ces colons. Le manque de stabilité économique du domaine agricole en Saskatchewan a suscité des mouvements de la population rurale tout au long du 20e siècle. Terres peu fertile, faibles rendements, dettes, prix bas ont tour à tour découragé ces humbles agriculteurs qui partaient pour recommencer ailleurs. La mécanisation des opérations, l’expansion de la ferme, les rendements plus élevés, bien qu’inévitables et nécessaires, ont endetté les agriculteurs et créé un exode vers les villes ou hors province.

On ne parle plus de léguer la terre à nos fils; on les pousse plutôt aux études supérieures et à une «meilleure» vie. Autrefois, il était presque sous-entendu qu’un fils allait prendre la ferme. Depuis leur tendre enfance, les fils étaient encouragés à penser à cette relève éventuelle. Lors d’une récente rencontre à St-Denis, près de Saskatoon, (novembre 1999), les membres d’un comité de la Fédération nationale des aînés francophones du Canada ont entendu le témoignage d’un jeune homme qui disait que son père le décourageait de prendre la ferme.

Les travaux de la moisson
Photo: Archives de la Saskatchewan
Les travaux de la moisson près de Grand Coulee. Photo: B. Weston.

Dans certains endroits ruraux, surtout près des grandes villes, il y a une légère hausse dans la population. Mais, il s’agit là de citadins qui veulent vivre en campagne sans devenir fermier. Ils n’ont pas encore réussi à renverser le phénomène de dépopulation rurale. De plus, ça sera de plus en plus difficile d’inciter les gens à rester sur leur terre ou d’acheter un acreage avec de moins en moins de services à proximité.

La récente refonte du système de santé a aussi eu un effet sur le milieu rural. Puisqu’on a fermé de nombreux petits hôpitaux, les personnes âgées, qui s’étaient établies dans les villages après leur retraite de la ferme, ont choisi de déménager dans de grandes villes pour être plus près des services de santé.

Quand l’agriculture était la force motrice de la province, il ne semblait pas y avoir un bon moment pour quitter la ferme. Pourquoi quitter lors d’une bonne année? Où se diriger lors d’une mauvaise? Cependant, ce dilemme n’est plus présent avec une économie diversifiée. On a des options même si c’est une mauvaise année au niveau agricole. L’agriculture ne sera jamais une force motrice économique stable en Saskatchewan et d’autres agriculteurs vont délaisser leur ferme au 21e siècle. Certains craignent qu’ils quitteront également la province.

Notes et références

(1) Archer, John H., Saskatchewan: A History, Saskatoon: Western Producer Prairie Books, 1981, p. 318.
(2) Ibid., p. 319.
(3) Eisler, Dale, Rumours of Glory: Saskatchewan & the Thatcher Years, Edmonton: Hurtig Publishers, 1987, p. 249.
(4) Gruending, Dennis, Promises to Keep: A Political Biography of Allan Blakeney, Saska-toon: Western Producer Prairie Books, 1990, p. 104.
(5) Ibid.. p. 105.
(6) Ibid., p. 106.
(7) Ibid., p. 109.
(8) Ibid., p. 178.
(9) Baron, Don; Jack-son, Paul, Battle-ground: The Socialist Assault on Grant Devine’s Canadian Dream, Toronto: Bedford House Publishing, 1991, p. 27.
(10) Ibid., p. 203.
(11) Wilson, Barry, Beyond the Harvest: Canadian Grain at the Crossroads, Saskatoon: Western Producer Prairie Books, 1981, p. 81.
(12) Keating, Norah, «The Future of the Farm Family in Prairie Agricultural Communities», dans Alternative Future for Prairie Agricultural Communi-ties (ed. Martin, Jerome), Edmonton: University of Alberta, 1991, p. 57.
(13) Ibid., p.59.










 
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