Revue historique: volume 12 numéro 1La Saskatchewan au 20e siècle: mouvements de la population et le mythe de l'agriculturepar Simone Verville Vol. 12 - no 1, septembre 2001 par Simone Verville
Chapitre trois Crise économique et sécheresse de 1929-1939 La sécheresse, le vent, la poussière, les sauterelles, les vers, la rouille, les Bennett buggies, le krach; voilà ce qui caractérise la décennie de misère connue sous le nom de la Grande dépression. Entre 1929 et 1939, les récoltes seront mauvaises année après année; il arrivait souvent que les fermiers récoltaient moins à l'automne qu'ils avaient ensemencé au printemps. Durant cette même période, une grave crise économique a secoué le monde entier à la suite du krach de Wall Street le 24 octobre 1929. Cette crise allait transformer à jamais la prairie agricole de la Saskatchewan. «Les cultivateurs sont d'abord frappés par la chute vertigineuse des prix sur les marchés agricoles. En effet, en mai 1928, le blé du nord de catégorie I vaut 1,63$ le boisseau; en décembre 1932, il rapportera 0,35 $ le boisseau. La diminution des récoltes, plus prononcée en Saskatchewan, constitue la seconde secousse. En 1928, la production de blé atteint son maximum avec 545 millions de boisseaux pour l'ensemble des Prairies; de ce nombre, 321 millions proviennent de la Saskatchewan. En 1937, ce chiffre baisse à 159 millions de boisseaux pour les Prairies, dont seulement 37 millions pour la Saskatchewan. Cette année-là, la production de blé par hectare dans les Prairies est à son plus bas depuis la colonisation de l'Ouest. En Saskatchewan, elle constitue un sixième de la production annuelle moyenne des années 1920.»' La crise a un impact dur sur l'économie de l'Ouest canadien et particulièrement celle de la Saskatchewan. David C. Jones, dans son article Rêves en poussière publié dans la série Héritage Canada, a stipulé que la sécheresse n'a pas été la seule cause des problèmes agricoles des fermiers durant la crise. «Ces maigres récoltes sont attribuables principalement à la sécheresse. Cependant, on a grandement exagéré l'importance de ce facteur, notamment quand on a dit qu'il était à l'origine de la Crise. En 1930, 1932 et 1939, les récoltes de blé dans les Prairies sont excellentes; 1939 constitue même une année record. Pourtant, la sécheresse fait des ravages en 1929, en 1931 et de 1933 à 1937.»(2) Selon lui, «des conseils peu judicieux sur la jachère d'été», ont empiré la situation des tempêtes de poussière.
Une autre exagération concernait le prix du blé. Il était bien beau de parler du blé qui se vendait à 1,63 $ le boisseau en 1929, mais si le fermier n'avait pas eu de récolte, ses revenus étaient inexistants. Par contre, quand Jones déclarait que les récoltes furent excellentes en 1930, 1932 et 1939, il faudrait comparer ses récoltes aux prix qui étaient offerts, soit 0,47 $ (1930), 0.35 $ (1932) et 0,54 $ (1939).
Les fermiers n'étaient donc pas en mesure de gagner leur vie à la ferme durant ces années-là. Ils ont donc commencé à quitter la province. «About 250,000 people moved out of the prairies between 1931 and 1941, reversing theflow of populationfor the first time since 1870. Saskatchewan was actually declining in total population in the late 1930s and neither Manitoba nor Alberta was growing at a rate equivalent to its natural increase. In addition to the out-migration, however, prairie society was also affected by dramatic movements of population within the region, especially by an exodus from the short-grass plains of the south to the wooded parkbelt farther north. » La région sud-ouest de la Saskatchewan, le fameux triangle de Palliser, a été le plus durement touchée par la sécheresse et la crise économique. Les gens ont donc abandonné, en grand nombre, leur ferme. En 1936, dans la région de recensement entre Yorkton et Kindersley, on a dénombré plus de 6800 fermes abandonnées. Toutefois, il y avait peu de places où les gens de cette région pouvaient se sauver. Puisque la crise économique avait aussi envahi les centres urbains, il n'y avait aucune raison d'aller chercher refuge dans les grandes villes. Puisque la sécheresse a touché plus particulièrement la région du triangle de Palliser, plusieurs se sont sauvés vers les régions encore moins peuplées du nord de la Saskatchewan. Dans le livre Heritage, Gravelbourg - District, 1906 - 1985, ii a été possible de répertorier quelques familles qui sont allées s'établir dans le nord-ouest de la province. La famille de Joseph Moquin est une de celles qui est allée s'établir à Makwa durant la crise. «En 1929, l'exode commence à Gravelbourg. Plusieurs familles vont tenter fortune au nord. C'est ainsi qu'au printemps, après les semailles, Joseph va voir des amis à Makwa; il y fait même application pour un 'homestead'; en plus, il achètera une demi-section avec sa récolte. Paul aura lui aussi sa terre à proximité de celle de son père. Donc, au printemps de 1931 le déménagement se fait. On recommence à neuf; pas de roches à lever, mais il faut déboiser le reste du terrain. Joseph Moquin, après la mort de son épouse en 1947, est allé s'établir à St-Lambert, Québec. Son fils, Paul, est revenu à Graveibourg en 1954 pour assurer l'éducation en français de ses enfants.
Un autre cas d'un couple qui a quitté le sud pour le nord de la Saskatchewan est celui d'Arcandi Trudeau et son épouse, Irène Coupal, de Sedley. Marie-Louise Perron a repéré l'histoire d'Irène Coupai-Trudeau dans son livre Les Fransaskois se racontent. En 1933, les Trudeau se voient obligés de faire comme des milliers d'autres fermiers du sud de la Saskatchewan: ne pouvant plus faire les paiements de leur terre, ils l'ont cédée au gouvernement et se sont dirigés vers le nord. «C'était-il par hasard que vous êtes venus à Prince Albert? On était venu voir un an avant. J'avais un de mes frères qui restait à Prince Albert, mais il n'était pas fermier, rien de ça. Et puis je crois bien que c'est comme ça qu'on s'est envenus. Mais on avait été voir des terres à Spiritwood, puis à Cold Lake, Léoville, ces places-là. LcLventure. Puis on s'est décidés de s'en venir »(6)
Les Trudeau se sont établis à Sturgeon Valley, environ 50 kilomètres au nord-ouest de Prince Albert. Comme les Moquin, ils ont dû commencer en déboisant le terrain. Nombreux alors ont été les fermiers du sud qui ont abandonné tout durant la crise et qui sont allés s'établir dans le nord de la province. Pour d'autres, c'était un départ pour le Manitoba, comme dans le cas de Stanislas Lagassé de Gravelbourg. «À Gravelbourg, les campagnes continuent de se vider. Déjà son frère, Arthur, avait quitté la ville, et son beau frère, Zctcharie Lacasse ainsi que Jos L'Heureux étaient rendus au Manitoba. Ils décrivent à Stanislas les beaux champs defoins et les puits artésiens... Tentation irrésistible! ... En septembre, 1937, il part accompagné de Geoffroi, avec ses animaux, pour La Broquerie, Manitoba, à 500 milles de distance pour un trajet de soixantedouze heures... Quatrejours plus tard, la famille s'installe sur une ferme louée à deux milles au sud de La Broquerie.»(7) Puis, dans bien d'autres cas, ce sera un départ pour la région de la Rivière-laPaix en Alberta et la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique. Par la fin des années 1930, c'était une population découragée que l'on retrouvait dans la prairie. La pire année semble avoir été 1937, quand les champs de blé n'avaient produit que 2 boisseaux et demi à l'acre. «On many prairie farms, the only crop harvested was Russian thistles, and trying to winter cattle and sheep on such extremely roughfeed calledfor patience and ingenuity. (8) Dans le cas du triangle de Palliser, le départ d'un bon nombre de la population pouvait être bénéfique. «Many have moved out of the southwest because many more had moved in in thefirst place than the land could support. Farmers who came in first wanted to use all the land for wheat. Those who are willing to use itfor other purposes as well are becoming more stabilized and settled now.»(9) Il avait même été proposé à l'époque de réintroduire le bison dans la prairie canadienne.
La crise économique et la sécheresse ont aussi eu pour effet de mettre fin à la mécanisation agricole qui avait commencé durant les années 1920. Dans la plupart des cas, les fermiers n'avaient pas les moyens d'acheter de l'essence pour opérer les tracteurs, les camions et autres équipements motorisés. Même dans le cas des voitures, il y a eu des milliers de cas où le fermier a dû enlever le moteur pour ensuite atteler des chevaux au pare-choc, créant ainsi les fameux Bennettbuggies. Les années 1930 ont marqué la fin des années de grande prospérité pour les fermiers de la Saskatchewan; des milliers ont abandonné tandis que les tenaces se sont ajustés à de nouvelles méthodes agricoles pour ainsi survivre à la ferme. Toutefois, l'agriculture allait cesser d'être roi dans la province et, à la fin de la crise, beaucoup d'anciens fermiers allaient se diriger vers les villes. La Grande dépression a entamé le processus de dépopulation rurale qui se poursuit jusqu'à nos jours. Chapitre quatre Mécanisation agricole et urbanisation après la guerre de 1939-1945 S'il existait, en Saskatchewan et dans l'Ouest canadien, un climat de découragement et de frustration à la fin de 1939, la situation allait vite changer avec l'éclatement de la Deuxième Guerre Mondiale. Le rétablissement de l'économie mondiale a coincidé avec la fin de la grande sécheresse pour créer une nouvelle ère de prospérité dans les Prairies. «Canada's declaration of war in 1939 did not - as did the outbreak of war in 1914 - result in heavy demands for wheat. But coincidental with the gathering war clouds over Europe was an increased rainfall over Canada's prairies during the growing season of 1939, marking the end of the severe drought of the 1930's.»' Quoique pas immédiatement, la guerre allait quand même créer un marché pour les produits des fermes de la Saskatchewan, et elle créerait ainsi une prospérité pour les agriculteurs. Puisque des milliers de jeunes hommes s'étaient enrôlés dans l'armée durant la guerre (ou avaient été conscrits), ou s'étaient trouvés un emploi dans une des nombreuses nouvelles usines de fabrication d'équipement de guerre, il y avait de sérieux problèmes de main d'oeuvre agricole durant cette période. «The effect of stepped-up recruiting and steppedup industrial production was to cause an exodus of young people from Saskatchewan, effectively ending the unemployment of the 1930s. Indeed by 1941 there was a shortage of farm labour in the province.»'
Puis, après la guerre, le Canada tout entier a connu un boom économique qui s'est poursuivi jusqu'à la fin des années 1960. «After ten years of crisis, the prairie west slowly adjusted to wartime activity and then to the economic boom of the post-war era. For the next three decades, steady and even spectacular economic growth was the rule.»'(2) La guerre avait donc partiellement vidé les campagnes. Puisqu'il y avait une grande demande pour les produits de la ferme, et moins de jeunes hommes pour faire les travaux, les fermiers ont dû procéder à une mécanisation de leurs opérations. Les chevaux ont été abandonnés en faveur des tracteurs. Rappelons que le tracteur avait fait son apparition dans les prairies durant les années 1920, mais la plupart avait été mis de côté durant la crise; les fermiers n'avaient pas les moyens d'acheter de l'essence. Durant la guerre, ils sont redevenus l'outil le plus important à la ferme. Alors qu'il y avait eu plus de 3,6 millions de chevaux, contre 38 600 tracteurs en 1921, il n'y avait plus que 512 021 chevaux en 1961, et 549 789 tracteurs. «With tractors came new harvesting equipment like combines, which reduced the needfor big harvesting crews and served to relegate binders tofence corners. Gone were the Harvester Excursions which had been the means of introducing thousands of Easterners to the wheat fields and the West, transporting them from any point in the East to Winnipegfor $15, and from Winnipeg to points of destination for half a cent a mile. Gone were the intestinal disorders induced by drinking alkali water, making many of the Easterners wish they had never left home. Gone were the stooking crews which tried valiantly to keep up with binders. Gone were the household problems in cookingfor huge crews with unfathomable appetites. »(13)
Maintenant, un homme avec une moissonneuse-batteuse pouvait faire le travail d'une équipe de douze «batteux». Toutefois, ce nouvel équipement coûtait plus que le traditionnel team de chevaux. Pour soutenir son investissement, le fermier devait voir à augmenter la superficie de sa ferme. « The adoption of mechanization led not only to biggerfarms but to fewer farms. For Canada as a whole, the average farm of 1921 had 198 acres. Forty years later, the figure was 359. And in the Midwest, where farms were always bigger than in the East, the average size in 1921 was 322 acres, and in 1961 it was 609 acres or just a little less than one section.,,' Il n'est donc pas surprenant que lorsque la guerre a pris fin, les jeunes hommes ne sont pas retournés à la ferme, préférant se diriger vers les villes où ils pourraient plus facilement trouver de l'emploi. Il y a toutefois, durant cette même période, d'autres facteurs qui ont mené à la dépopulation des centres ruraux. En 1944, Tommy Douglas et le CCF ont pris le pouvoir en Saskatchewan. Douglas avait juré de redorer le blazon de sa province, anéanti par dix années de misère. Durant les vingt prochaines années, son gouvernement allait mettre en place une série de mesure pour rendre la vie des fermiers (et de la Saskatchewan toute entière) plus facile: la construction de grandes routes, l'établissement de sociétés de la couronne pour offrir électricité et téléphone et des programmes pour assurer qu'il y ait de l'eau potable en campagne. De plus, le gouvernement CCF a adopté, en 1944, une loi créant les grandes unités scolaires.
Comment cette série de mesures allaient-elles contribuer à la dépopulation rurale? Chacune des initiatives entreprises par le nouveau gouvernement de T.C. Douglas devait permettre aux Saskatchewannais d'atteindre cet objectif de la belle vie. Le gouvernement n'hésiterait pas à utiliser tous les moyens pour complètement transformer la province, qu'il s'agisse des villes ou de la campagne. «Ce Parti socialiste n'hésite pas à user des corporations publiques pour réaliser ses objectifs économiques, notamment la Saskatchewan Power Corp. et la Compagnie de téléphones de la Saskatchewan. Au moment de l'arrivée de Douglas au pouvoir, plusieurs entreprises d'électricité fonctionnent dans la province, dont une petite qui appartient au gouvernement. Comme aucune n'est en mesure de produire de l'électricité à peu de frais, les tarifs sont élevés; nombreuses sont les régions où l'électricité n'est disponible qu'en soirée (et une matinée par semaine pour permettre aux ménagères defaire leur lavage). La Saskatchewan Power Corp. rachète une à une ces petites entreprises et les regroupe en un vaste réseau.
Malgré la création en 1908 d'un ministère des Téléphones, le service en 1944 souffre encore de graves carences. Réaliser un interurbain relève quasiment d'un exploit; et plus de 15 000 noms figurent sur la liste d'attente. La Compagnie gouvernementale renversera la tendance par des méthodes innovatrices.» (15) Bientôt, chaque maison, chaque ferme, même la plus éloignée, pouvait bénéficier d'électricité et de services téléphoniques à un prix abordable. Le fermier, comme son cousin en ville pouvait avoir sa radio, son tourne-disque et, à partir des années 60, une télévision. En même temps, le gouvernement CCF en Saskatchewan a entre-pris une vaste campagne d'amélioration du réseau des routes; les grandes routes asphaltées et les routes secondaires de gravier. Avant 1944, la majorité des routes de la province étaient encore de simples petites trails en terre battue. Dans bien des cas, elles étaient encore souvent pas plus développées que les anciennes pistes métisses qu'elles avaient remplacées. La plupart des déplacements d'un endroit à l'autre se faisaient donc en train. En 1952, une commission d'enquête a étudié les besoins de la province en matière de route: «The main thrust of the commission's report dealt with municipal roads. It recommended a province-wide grid system of allweather roads to be constructed over a ten year period. The government accepted this recommendation and undertook to finance half the total cost, estimated at $50 million. In 1956, the Municipal Road Assistance Authority was set up to administer the program. Engineering staff gave assistance in design and location while an inspection staff ensured a high standard of construction. The program was remarkably successful and popular and was expanded to more than 13,000 miles by 1964. Saskatchewan could boast the best grid road system in the country, the improved design facilitating travel in summer and in winter.»'(6) L'éducation était un autre élément clé dans le développement de la province. Quand le CCF a été porté au pouvoir en 1944, il y avait en province 5000 districts scolaires. Toutefois, sauf pour quelques exceptions dans les villes, ces districts scolaires n'offraient les cours que de la première à la huitième année. Si un élève voulait poursuivre des études jusqu'à la douzième, il devait s'inscrire dans un collège, un couvent ou dans une école secondaire en ville. Nombreux étaient les élèves qui délaissaient leurs études après la huitième année.
En 1944, T.C. Douglas avait nommé Woodrow Lloyd, ancien président de la Fédération des enseignants de la Saskatchewan, au poste de ministre de l'Éducation. «Le Parti C.C.F. s'attaque ensuite à l'éducation. Le ministre de l'Éducation entré en poste en 1944 se nomme Woodrow Lloyd; ce jeune enseignant de 31 ans restera au poste jusqu'en 1960, transformant de fond en comble le système scolaire. Il commence par rajuster le salaire minimum des enseignants de 700 $ à 1200 $ par année, puis par assurer la gratuité des manuels scolaires. Son oeuvre maîtresse sera de réorganiser les 5000 districts scolaires en 60 unités plus vastes pour répartir les frais d'éducation entre régions riches et régions pauvres, et de permettre ainsi la construction de grandes écoles dispensant un meilleur enseignement. Bientôt, les campagnards reçoivent une éducation comparable à celle des citadins. Lloyd est également à l'origine du premier programme de prêts étudiants au Canada, dont bénéficient les jeunes à l'université ou dans les écoles techniques. Rudimentaire en 1944, le système scolaire de la Saskatchewan se classe parmi les premiers au Canada en 1960.»(17) Au premier abord, une personne oserait croire que ces développements routiers et éducatifs auraient eu un effet bénéfique sur la vie agricole, permettant ainsi d'assurer une stabilité des gens en milieu rural. Toutefois, le contraire allait se produire. La série de mesures entreprises par le gouvernement CCF de T.C. Douglas, entre 1944 et 1960, aidait à simplifier la vie des gens à la ferme. L'électricité permettait de faire bien des travaux ménagers et de la ferme plus rapidement. En plus de la radio, du tourne-disque et de la télévision, les fermiers voulaient des poêles électriques, laveuses électriques, réfrigérateurs électriques, trayeuses électriques et ainsi de suite. L'amélioration du système routier leur permettaient de se rendre dans les plus grands centres, plus rapidement et plus souvent. Une éducation secondaire, universitaire et technique leur ouvrait la porte à d'autres métiers que celui de fermier. Bientôt, les agriculteurs ont commencé à délaisser leurs fournisseurs locaux dans l'espoir de pouvoir conclure un meilleur marché dans la grande ville. Le gros concessionnaire John Deere, Massey, Ford ou G.M. en ville offrait un meilleur prix pour un tracteur, une moissonneuse-batteuse, un camion ou une voiture que le petit concessionnaire local. L'achat se faisait en ville. Les prix dans les gros magasins Safeway, OK Economy ou IGA en ville étaient plus bas et il y avait une plus grande variété de produits que dans le petit magasin général du coin. Les épiceries se faisaient donc plus souvent dans le grand centre.
Le concessionnaire local n'avait aucun choix que de fermer ses portes; il se dirigeait alors vers la grande ville avec sa famille. Le forgeron, le dentiste, le médecin et autres ont été obligés de le suivre. Bientôt, c'était au tour du propriétaire du petit magasin général du coin. Ainsi, la prospérité et des moyens de transport plus rapides ont accéléré la dépopulation des centres ruraux. Dans bien des cas, la fermeture de nombreuses écoles et de petits hôpitaux en milieu rural durant les 20 dernières années n'était que l'aboutissement d'un processus commencé immédiatement après la guerre de 39-45. Durant presque toute cette période, l'économie agricole était relativement stable. Le prix du blé se maintenait entre 1,25 $ et 1,75 $ le boisseau. Durant ces deux décennies, les fermiers recevaient soit un bon prix pour le blé ou une bonne récolte. Il n'y a eu vraiment que deux mauvaises années, soit 1954 où le revenu moyen à l'acre pour le blé était de 12,34 $ et 1961 quand le revenu moyen à l'acre était de 14,87 $. Par contre, les agriculteurs ont connu d'excellentes années en 1952 (42,93 $/l'acre) et 1963 (48,12 $/l'acre). S'il semblait y avoir stabilité dans l'industrie du grain, la mécanisation a toutefois apporté de grands changements. L'introduction de nouveaux tracteurs, moissonneuses-batteuses, andaineuses, camions et autres équipements aratoires ont eu pour effet d'améliorer l'efficacité du fermier et de le pousser à agrandir sa ferme. «Changes in farm unit size brought on a population shift. Between 1941 and 1951 the population of Saskatchewan dropped from 895,992 to 831, 728, a decline of 7,2 percent. During the same period ruralfarm population declinedfrom 514,677 to 398,279, a decline of 22.6 percent. While the province lost some 64,000 people, rural Saskatchewan lost more than 116, 000. There was, therefore. a drift to urban centres as well as an outflow from the province. There was a direct relationship after 1936 between increase in farm size and decrease in rural population. (18) En même temps, le gouvernement de T.C. Douglas poussait la diversification de l'économie de la province. «Dans la conception de Douglas, le secteur privé, le secteur public et les coopératives jouent tous un rôle essentiel dans la vie économique. Il croit fermement qu'il faut laisser aux gens l'initiative de créer de nouveaux services, à condition que la loi de la concurrence joue et qu'on ne tire pas profit de la collectivité. Mieux vaut par exemple que l'industrie pétrolière demeure entre les mains du secteur privé, car aucun contribuable ne consentirait à ce que le gouvernement dépense des sommes folles pourforer là où il ris quefort de ne rien trouver. La Saskatchewan sous Douglas jouit d'une économie très saine. Clarence M. Fines, célèbre pour la cravate à motif de corne d'abondance qu'il arbore chaque fois qu'il présente un budget à la Chambre, occupe sans discontinuer le poste de ministre des Finances entre 1944 et 1960. Ses 16 budgets seront tous équilibrés; dans le même temps, la dette provinciale passera de 178 millions de dollars en 1944 (la plus lourde charge par personne au pays) à 18 millions lorsque le Parti C.C.F. perd le pouvoir.»' (9) C'est durant cette période qu'on a commencé à exploiter des ressources naturelles comme le pétrole, la potasse, le bois, etc.
«The provincial economy was buoyant in 1963 and 1964, though the agricultural sector was in trouble. The wheat crop of some 500 million bushels heartened producers, but there was fear that unless sales and transportation kept pace the end result might be plugged elevators and bins... In the non-agricultural sector, oil led the way with 71,3 million barrels produced in 1963 as compared to 55,9 million in 1961. Potash mines at Esterhazy and Belle Plaine - the latter a solutionmining process - were producing and by 1964 there were three producing mines and six others in various stages of development. Although uranium production had declined, production of copper, zinc and gold was up. A discovery of iron ore was made at Choiceland. Helium, combined with nitrogen instead of the usual methane, was being produced at Swift Current.»' Progressivement, l'agriculture perd de son influence dans l'économie de la Saskatchewan. Alors que d'autres secteurs économiques se développent en province, les gens ne sont plus aussi dépendants de la stabilité du secteur agricole. Ils peuvent donc déménager en ville pour y gagner un salaire stable plutôt que de rester à la ferme et d'y vivre les hauts et les bas. D'ailleurs, c'est beaucoup plus réconfortant d'oeuvrer dans un domaine qui rapporte un salaire fixe que de s'entretenir au casino agricole. Même quand les revenus des produits agricoles étaient bons, ce n'était pas une garantie que les gens resteraient à la ferme. Plutôt, l'abondance menait à l'expansion réduisant ainsi le nombre de fermes et de personnes nécessaires pour faire le travail. En Saskatchewan, cette réalité a mené à un nouvel exode de la campagne, soit vers les villes, soit vers les autres provinces. Notes et références (1) Jones, David C., «Rêve en poussière», Horizon Canada, Saint-Laurent (Québec), 1985. P. 2281. (2) Ibid. p. 2282. 3 Lapolnte, Richard, Saskatchewan de A à Z, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1987, p. 30. 4 Friesen, Gerald, The Canadian Prairies, Toronto: The University of Toronto Press, 1984. P. 388. 5 Ibid. p. 527. 6 Perron, Marie-Louise, Les Fransaskois se racontent, Regina: Les Archives de la Saskatchewan, 1993. p. 30. 7 Gravelbourg Historical Society, Heritage-Gravelbourg, Gravelbourg, 1987. p. 445. 8 MacEwan, Grant, Harvest of Bread, Saskatoon: The Western Producer, 1969. p. 117. 9 Moon, Robert, This is Saskatchewan, Toronto: The Ryerson Press, 1953. p. 59. 10 Wright, Jim, Saskatchewan: The History of a Province, McClelland and Stewart Limited, 1955. p. 246. 11 Archer, John H., Saskatchewan: A History, Saskatoon: Western Producer Prairie Books, 1981. p. 250. 12 Friesen, Gerald, Op.cit. p. 418. 13 MacEwan, Grant, Op. cit. p. 134. 14 Ibid. p. 135. 15 Pitsula, J.M., «Une ère socialiste», Horizon Canada, Saint-Laurent (Québec), 1985. p. 2621. 16 Archer, John H. Op. cit. p. 300. 17 Pitsala, J.M., Op. cit. p. 2618. 18 Archer, John H. Op. cit. p. 270. 19 Pitsala, J.M., Op.cit. p. 2622. 20 Archer, John H. Op.cit. p. 311. |
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