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Des histoires

La Fondation fransaskoise

Au cours de l'été 2009, la population francophone de la Saskatchewan apprenait que la Fondation fransaskoise connaissait d'importantes difficultés financières. La Fondation a perdu les trois quarts de son actif qui s'élevait à 1 494 000 $ à la fin de l'année financière 2007-2008. La nouvelle a pris tout le monde par surprise, car la Fondation est un important instrument pour soutenir la formation de la relève fransaskoise et aussi un outil essentiel dans la stratégie de diversification des revenus des organismes fransaskois. Depuis l'éclosion de cette nouvelle dans les médias, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur ce qui a bien pu se produire. Quelles sont les raisons qui pourraient expliquer la perte de plus d'un million de dollars d'actif? Les interrogations concernent aussi l'avenir de la Fondation. D'autres se demandent qu'est-ce que cette fondation, quelle est son origine, pourquoi existe-t-elle? Il convient donc de jeter un regard sur l'histoire de la Fondation fransaskoise depuis ses origines à l'époque de la Fondation de la radio française en Saskatchewan jusqu'à nos jours. Le présent texte permettra de souligner les motivations et les efforts inlassables d'une population et de ses chefs de fil pour bâtir cet héritage financier. Nous verrons également que les problèmes vécus par la Fondation ne sont pas uniquement conjoncturels, mais sont aussi le résultat de décisions prises dans un passé récent et du mode de fonctionnement de cette fondation.
Le Comité de la radio française

Les lointaines origines de la Fondation fransaskoise remontent à l'époque des luttes entreprises par les Franco-Canadiens de la Saskatchewan afin d'obtenir et d'exploiter des stations de radio en langue française dans la province.(1) Très tôt, il devint évident que les Franco-Canadiens de l'Ouest devaient fonder des postes de radio privés s'ils voulaient obtenir des émissions en français : un à Saint-Boniface (Manitoba), un à Edmonton (Alberta) et deux en Saskatchewan.

Pour établir les stations de radio, il fallait procéder à des levées de fonds. C'est au Comité de la radio française, établi initialement par l'Association catholique franco-canadienne (ACFC) que revint la tâche de coordonner les souscriptions populaires en Saskatchewan. Les souscriptions se déroulèrent dans la province, dans les Prairies et à l'échelle nationale, grâce à l'appui qu'apportait le Comité de la Survivance française en Amérique à ces projets de stations de radio. L'effort consenti par les Franco-Canadiens de la Saskatchewan fut énorme. Les souscriptions de 1945 et 1951 recueillirent respectivement plus de 50 000 $ et près de 339 000 $. Quant au Comité de la Survivance française, il parvint à recueillir 220 000 $ en 1945, dont 120 000 $ étaient destinés à la Saskatchewan, et 140 000 $ en 1951, répartis à parts égales entre les postes de Gravelbourg (CFRG) et Saskatoon (CFNS).

Comité de la radio française en 1951
Comité de la radio française en Saskatchewan lors de la campagne de souscription en 1951. Source : Collection Radio-Canada.
Les postes de radio entrèrent en ondes en 1952. Pour les administrer, on créa deux nouveaux organismes : Radio-Prairie-Nord (RPN) et Radio-Gravelbourg (RG). Le 2 avril 1952, le Comité de la radio fut officiellement incorporée. Les administrateurs du Comité étaient les membres des comités exécutifs de RPN et RG. Pendant les années où les stations de radio furent en opération, de 1952 à 1973, le Comité de la radio française continua d'organiser des campagnes de souscription pour leur bénéfice. Le Comité, RPN et RG formaient ensemble la grande structure administrative qui gérait les activités de la radio en Saskatchewan.

L'administration quotidienne des postes de Gravelbourg et de Saskatoon fut un défi constant. Les stations tiraient une partie de leur revenu de contributions de la Société Radio-Canada pour la diffusion de ses émissions. Le reste des revenus provenaient de la vente de publicité, mais celle-ci était directement liée à la taille du marché déterminée par la capacité de rayonnement des stations de radio. Le rayonnement était trop faible et son accroissement exigeait des investissements qui dépassaient les capacités financières de RNP et RG. Devant ces difficultés financières, les membres du Comité de la radio proposèrent en 1967 que Radio-Canada achète les deux stations de radio. Ils convinrent aussi que les fonds perçus de la vente devraient être administrés par un comité qui en distribuerait les intérêts sous forme de bourses afin d'assurer l'avancement de la culture française en Saskatchewan.

La naissance de la Fondation de la radio française

La vente des postes de radio fut un processus long et complexe et impliqua les autres postes de l'Ouest qui envisageaient également leur vente à Radio-Canada. Lors d'une réunion tenue à Montréal le 26 novembre 1971, un groupe de dirigeants de la société d'État présenta un plan d'achat aux représentants des quatre postes de l'Ouest. Selon l'échéancier proposé les postes de Gravelbourg et de Saskatoon deviendraient propriété de Radio-Canada le 1er septembre 1973. Les négociations finales de juillet 1973 furent menées par Dumont Lepage (directeur-gérant de RG), Rosario Morin (président de RG), Maurice Demay (président de RPN) et Raymond Marcotte (secrétaire de RPN) à titre de délégués de la Saskatchewan.

À la suite de la réunion de Montréal, les membres du Comité de la radio préparèrent le transfert des avoirs de RPN et de RG vers le Comité et sa transformation en organisme de charité habilité à distribuer des dons. En juillet 1972, le ministère du Revenu du Canada refusa d'accorder au Comité de la radio le statut d'organisme de charité. Devant cette décision, les membres du Comité envisagèrent de créer une fondation et ils effectuèrent des recherches préliminaires. Le 10 décembre 1972, ils discutèrent de la pertinence et des avantages ainsi que des inconvénients de conserver le Comité ou de créer une fondation afin de distribuer les fonds. Les discussions ont également porté sur la structure administrative qui devrait être privilégiée si on décidait de créer une fondation. On discuta aussi d'un mécanisme de protection étanche pour protéger les fonds obtenus de la vente des postes de radio. Au terme de cette discussion, le Comité opta pour la création d'une fondation incorporée sous un projet de loi d'intérêt privé de l'Assemblée législative de la Saskatchewan.

Réunion de la vente de CFNS et CFRG à Radio-Canada en 1973
Réunion pour discuter de la vente de CFNS et CFRG à Radio-Canada, le 31 juillet 1973. Dumont Lepage, Rosario Morin, Maurice Demay, et Raymond Marcotte étaient les délégués de la Saskatchewan. Léo Rémillard, Jean-Jules Trudeau et Louis Thériault étaient les représentants de Radio-Canada. Source : Radio-Canada.
Les administrateurs des postes de Gravelbourg et de Saskatoon voulaient procéder ainsi parce qu'ils estimaient que les dons versés pour l'obtention de la radio française avaient bénéficié à tous et qu'ils devaient en être de même des produits de la vente des postes : « Le point est fait que les argents perçus sont propriétés de tous les francophones de la Saskatchewan mais que le Comité veut s'assurer que les retours sur les investissements seulement soient dépensés, raison pour laquelle le Comité veut établir la Fondation. »(2) De plus, aux yeux de certains administrateurs des postes de radio, il y avait « un risque que d'autres leaders, soumis à des pressions financières critiques, grugent le capital accumulé des postes et ainsi puissent faire disparaître cet héritage. »(3) Il faudra plus d'un an après la vente des postes le 1er septembre 1973 pour compléter le transfert des avoirs vers le Comité de la radio. Le 8 décembre 1974, lors d'une réunion conjointe, les administrateurs de RPN et RG procèdent au transfert des avoirs au Comité de la radio, à l'acceptation des administrateurs des deux compagnies comme membres du Comité, à la dissolution des compagnies et enfin à l'élection des représentants régionaux au conseil d'administration de la Fondation de la radio française en Saskatchewan. Ensuite, il faudra attendre encore plus d'un an pour que soit adoptée à l'Assemblée législative de la Saskatchewan, le 28 janvier 1976, la loi qui incorporait la Fondation de la radio française en Saskatchewan. L'année suivante, le ministère du Revenu du Canada acceptait l'enregistrement de la Fondation comme organisme de charité à but non lucratif.

Le capital de la Fondation de la radio française ne provenait pas seulement de la vente de CFRG et CFNS à Radio-Canada ainsi que de la vente des immeubles ayant hébergé les postes de radio, mais aussi l'argent qui venait des souscriptions et des dons reçus pendant les 20 années d'opération de ces postes, comme l'explique Raymond Marcotte dans son bref historique de la Fondation de la radio.
Raymond Marcotte
Raymond Marcotte a été directeur de CFNS à Saskatoon. Il par la suite siégé au conseil d'administration de la Fondation de la radio française en Saskatchewan à titre de représentant du Conseil de la vie française en Amérique. Source : Collection Radio-Canada.
Il faut aussi ajouter des fonds, qui selon toute vraisemblance, provenaient de l'Ordre de Jacques Cartier (OJC). Une commanderie de cette société secrète, fondée à Ottawa en 1927 afin de faire avancer la cause de Canadiens français partout au pays, avait été fondée à Vonda en décembre 1931.(4) À la suite de la dissolution de l'OJC en 1965, les fonds de l'Ordre ont été partagés sur une base régionale. C'est la Société des philanthropes, incorporée en 1971, qui administra les fonds de l'OJC remise à la Saskatchewan. Différentes solutions ont été envisagées pour distribuer ces fonds et on opta pour celle-ci. « De fait, une réunion spéciale annuelle de la Société des philanthropes, tenue le 17 juin 1974, fait état de la disposition des fonds par “un transfert éventuel à la Fondation de la radio française” dès sa mise sur pied ».(5)

Finalement, c'est une somme totale de 463 318 $ dont la Fondation de la radio française en Saskatchewan disposait à ses débuts pour appuyer le développement des générations futures.

La Fondation de la radio à l'œuvre

Le 17 mars 1976, le Comité de la radio tenait sa dernière réunion et il accepta de remettre tous ses avoirs à la Fondation de la radio française en Saskatchewan qui procéda ensuite à sa première réunion le même jour. Selon les décisions prises le 8 décembre 1974, ce sont les mêmes personnes qui siégeaient aux deux organismes afin d'assurer la continuité.

La structure administrative de la Fondation de la radio s'inspirait de celle qui gérait les postes de radio. Les membres de la Fondation étaient les individus qui avaient contribué au moins 10,00 $ lors des souscriptions populaires de 1945 et 1951 et toute personne qui faisait un don d'au moins 10,00 $ à la Fondation de la radio. Le conseil d'administration était composé de treize personnes dont neuf étaient élus à l'échelle régionale avec un mandat de deux ans. Les régions devaient tenir des réunions annuelles où les membres de la Fondation discutaient des états financiers et formulaient des recommandations. L'ACFC avait le droit de nommer un représentant et le Conseil de la vie française en Amérique avait le droit d'en nommer trois en reconnaissance de son appui lors des campagnes de souscription de 1945 et 1951. Une assemblée annuelle de tous les administrateurs avait lieu après les assemblées régionales. Les administrateurs devaient par la suite nommer un comité exécutif. Entre 1976 et 1998, le comité exécutif se réunissait en moyenne quatre fois par année.

Les administrateurs de la Fondation de la radio avaient l'obligation de gérer les fonds en accord avec les dispositions de la Loi 4 de 1976 qui prévoyait que le capital de la Fondation ne devait jamais être réduit à moins de 500 000 $. Seuls les intérêts générés par le capital devaient être versés en bourses et les frais d'administration ne devaient pas dépasser 10 % des revenus bruts annuels de la Fondation. Nous aborderons plus loin les stratégies d'investissement de la Fondation de la radio.

À compter de 1975, la Comité de la radio fonctionna en tant que Fondation et il distribua ses premières bourses et subventions. Cette première distribution favorisa particulièrement les groupes dont l'hebdomadaire L'Eau vive qui toucha à lui seul 15 000 $. « Cette distribution de 25 000 $ [était] rendue urgente par l'obligation de payer des impôts sur la majeure partie des bénéfices non redistribués à des œuvres charitables selon la charte de la Fondation. Revenu Canada réclam[ait] 8 000 $. »(6)

Il faudra un certain temps pour informer les étudiants de l'existence des bourses offertes par la Fondation. En 1976, 3 étudiants reçoivent des bourses alors que ce nombre s'élève à 31 en 1979. Les bourses remises aux étudiants varieront au fil des ans. En 1982, les bourses se situaient pour la plupart entre 750 et 1 000 $, mais ne dépassaient pas 1 200 $. De 1986 à 1988, les bourses ont une moyenne de 300 à 500 $, le maximum était de 750 $. En 1988, la signature d'une entente fédérale-provinciale et d'une première entente Canada-Communauté avec la communauté fransaskoise modifia le contexte dans lequel fonctionnait la Fondation de la radio. L'entente prévoyait des bourses d'études pour les étudiants fransaskois. À compter de ce moment, les bourses de la Fondation n'excédaient pas 500 $ par étudiant à l'exception des étudiants en communication qui touchaient des bourses de 600 à 850 $.

Arthur Marchildon
L'abbé Arthur Marchildon a été pendant plusieurs années le secrétaire-trésorier de la Fondation de la radio. Il s'occupait de l'administration de la Fondation. Source : Collection de la famille Marchildon.
Entre 1975 et 2001, la Fondation de la radio distribuera 874 000 $ à des étudiants ainsi qu'à des organismes locaux et provinciaux. L'Eau vive, le Collège Mathieu et les Scouts furent des bénéficiaires réguliers de la Fondation. Les bourses individuelles d'étudiants représentent 41 % du total des sommes distribuées par la Fondation. Quant aux organismes locaux, ils reçurent 9 % de toutes les subventions et bourses distribuées. Enfin, mentionnons que la Fondation accorda une aide aux prématernelles qui furent mises en place au début des années 1980, mais elle le fit « une fois pour toute » pour les aider à démarrer.

La façon dont la Fondation distribuait les bourses et subventions soulevait de nombreuses interrogations dans la population fransaskoise. On constatait par exemple que plusieurs boursiers ne revenaient pas en Saskatchewan une fois leurs études terminées, ou carrément qu'ils ne résidaient même plus dans la province. De plus, les besoins des Fransaskois changeaient, mais les critères d'attribution de la Fondation semblaient être demeurés les mêmes. Cette remise en question des critères d'attribution de la Fondation s'exprima dans ses assemblées régionales où furent adoptées des résolutions demandant que la préférence soit accordée aux organismes. Cette remise en question dépassait le cadre de la Fondation. Des demandes semblables furent exprimées par l'Association canadienne-française de Saskatoon, l'Association des parents de l'École canadienne-française de Saskatoon et la Commission des écoles fransaskoises. Éventuellement, la Fondation a mis sur pied un Comité de réflexion des bourses qui recommanda en 1991 que 70 % des fonds soient distribués en bourses à des étudiants et 30 % en subventions à des associations tout en respectant le mandat de la Fondation.

Peut-être la Fondation aurait-elle pu faire mieux, mais il est vrai que lorsqu'il n'y a que 20 000 $ à 25 000 $ à distribuer à l'échelle provinciale, la répartition est vite faite.

La visibilité de la Fondation de la radio

La Fondation de la radio souffrait d'un problème de visibilité. Souvent les participants des assemblées régionales faisaient la remarque qu'ils ne connaissaient pas bien les bourses offertes par la Fondation et ils demandaient une meilleure publicité. À ce sujet, il est assez intéressant de noter qu'outre les annonces dans L'Eau vive, la Fondation de la radio ne semblait faire aucune publicité pour se faire connaître et pour informer la population au sujet de ses activités. Elle ne possédait ni affiches ni dépliants pour rejoindre la population et les étudiants, ce qui incitait plusieurs Fransaskois à s'interroger sur le secret qui semblait entourer la gestion de la Fondation de la radio.

La Fondation de la radio se défendait bien d'être un organisme secret, mais il n'empêche que sa visibilité et son rayonnement étaient assez limités. Cela eut des répercussions sur la liste des membres de la Fondation. Au fil des ans, les dirigeants du Comité de la radio puis de la Fondation de la radio avaient perdu de vue des donateurs originaux des campagnes de souscription de 1945 et 1951. De plus, plusieurs conjoints ignoraient qu'ils pouvaient hériter du droit de membre et de vote d'un donateur original comme l'atteste l'avis de convocation aux réunions annuelles de 1982 : « Vous et vos successeurs êtes tous par les présentes convoqués à l'assemblée annuelle de la Fondation à l'endroit, la date et l'heure indiqués ci-dessus. »(7) Le manque de visibilité avait également des répercussions dans les assemblées régionales. Le taux de participation était très faible et les représentants régionaux étaient plus souvent qu'autrement élus par acclamation. En novembre 1991, l'assemblée annuelle des administrateurs de la Fondation fut même contrainte de nommer les représentants de deux régions puisque personne ne se présenta aux réunions régionales.

Ce manque de visibilité et de participation préoccupait les dirigeants de la Fondation de la radio. Lors de l'assemblée annuelle des administrateurs en novembre 1991, le président de la Fondation, Joseph Jeanneau, se demandait quels moyens pouvaient être déployés « pour intéresser la population à la Fondation et pour attirer des dons et legs pour augmenter le capital. »(8) Quelques personnes – souvent des parents de boursiers ou d'anciens récipiendaires qui exprimaient leur reconnaissance pour les bourses reçues – versaient des dons à la Fondation, mais cela ne suffisait pas.

Le Fonds fransaskois

Pendant que la Fondation de la radio tentait de trouver des solutions à ses problèmes de visibilité, l'ACFC et le réseau associatif se préoccupaient de plus en plus de leur dépendance envers les subventions gouvernementales; tout particulièrement celles du gouvernement fédéral qui soutenait depuis 1968 le développement des communautés francophones hors Québec. En janvier 1992, un symposium sur la diversification financière fut organisé par le Conseil de la coopération de la Saskatchewan, l'ACFC et le Service fransaskois d'éducation aux adultes (SFEA). On discuta entre autres des fondations comme moyen d'autofinancement. L'idée de créer une autre fondation parallèlement à celle de la Fondation de la radio qui soutiendrait la communauté fransaskoise fut envisagée à la fin des années 1970, mais elle n'eut pas de suite.

Dépliant Fonds fransaskois
Dépliant faisant la promotion du Fonds fransaskois en 1994-1995. On peut voit le premier logo du Fonds fransaskois. Sources : Archives du Fonds fransaskois, CCS, Regina.
Dès mars 1992, les participants de la table de concertation sectorielle en économie, qui regroupe tous les organismes fransaskois intéressés par le développement économique, discutèrent de la pertinence de mettre sur pied un fonds de développement. Un comité de travail fut créé et il recommanda la création d'une fondation publique s'inspirant du Francofonds au Manitoba qui verserait des subventions aux organismes fransaskois.

Le Francofonds est une fondation mise sur pied en 1978 par la Société franco-manitobaine dans le but de promouvoir la vie française au Manitoba. Les bénéficiaires principaux de cette fondation sont les organismes, les étudiants et les artistes franco-manitobains. De plus, le Francofonds et la Fondation de la radio de Saint-Boniface ont même fusionné en janvier 1990 permettant ainsi d'augmenter le total du fonds jusqu'à un million de dollars. Enfin, au début des années 1990, cette fondation avait même deux employées pour administrer la société.

Les recommandations furent présentées au conseil d'administration de l'ACFC (composé de représentants des organismes provinciaux et régionaux en plus des membres du comité exécutif élus lors du Congrès de l'ACFC). Les 3 et 4 décembre 1993, le conseil d'administration de l'ACFC adopta une résolution créant le Comité ad hoc du Fonds fransaskois. Le comité devait commencer à collecter des dons pour alimenter un fonds en vue d'un autofinancement éventuel des associations fransaskoises. Le comité devait également présenter un modèle de gouvernance pour le fonds.

Les 3 et 4 juin 1994, sur les recommandations du Comité ad hoc du Fonds fransaskois, le conseil d'administration de l'ACFC adopta une résolution créant le Comité permanent du Fonds fransaskois. Cette solution permettait de démarrer plus rapidement les activités du Fonds en attendant que soient complétées les démarches pour créer une fondation. Le Fonds fransaskois utilisa le numéro de charité de l'ACFC pour émettre des reçus d'impôt lors des campagnes de financement. Le Fonds fransaskois avait une autonomie relative. Il pouvait recommander et initier des changements, mais l'autorité et le contrôle dépendaient de l'ACFC. Le Fonds fransaskois était géré par huit administrateurs dont cinq étaient élus parmi les donateurs lors de l'assemblée générale annuelle des donateurs. Les trois autres administrateurs étaient désignés par le conseil d'administration de l'ACFC, soit le président de l'ACFC, un représentant des associations régionales ainsi qu'un représentant des associations provinciales et des institutions. L'ACFC s'engagea à débourser les dépenses de fonctionnement du Fonds fransaskois pendant trois ans et à assumer le secrétariat. En dépit de cette structure administrative, « l'objectif du fonds n'est pas de financer l'ACFC mais les projets des regroupements francophones »(9) afin de favoriser l'épanouissement et le développement de la communauté fransaskoise.

L'idée d'autofinancement devenait de plus en plus urgente car le gouvernement fédéral entama sa vague de compressions budgétaires massives afin de maîtriser son déficit. Ces réductions substantielles dans les programmes de financement menaçaient d'affecter la capacité d'opération des organismes créés par les Fransaskois pour assurer leur épanouissement. Les procès-verbaux du Fonds fransaskois révèlent le sentiment d'urgence qui motivait sa création et son développement. Il fallait amasser le plus d'argent possible dans les plus brefs délais afin de pouvoir aider les groupes, associations et institutions fransaskoises. La mise sur pied de fondations pour contrer les réductions de subventions était une idée assez répandue à cette époque. Les membres de la Fédération des communautés francophones et acadienne discutaient même de la possibilité de créer une « Fondation de la francophonie canadienne qui financerait les associations francophones nationales et provinciales. »(10)

Afin de recueillir des dons, le Fonds fransaskois organisa des tirages, il implanta un système de prélèvement automatique de fonds avec l'appui de Page Credit Union et il recevait des dons des entreprises participantes au projet de la carte fransaskoise. La majorité des dons provenait de la campagne de financement annuelle qui eut lieu pour la première fois du 1er décembre 1995 au 30 mars 1996. Le Fonds fransaskois parvint à recueillir 10 000 $. Lors de la deuxième campagne annuelle à l'automne 1997, le Fonds fransaskois a recueilli 25 116 $ auprès de 276 donateurs.

Toutefois, c'est le Francothon qui permettra de rejoindre le plus de gens et de faire connaître largement le Fonds fransaskois. En juin 1996, le Comité permanent du Fonds fransaskois commença à élaborer un concept de radiothon. L'idée était de recueillir des fonds pour des projets soumis par des organismes et pour le Fonds fransaskois. Pour chaque don à un projet, 65 % du montant irait au projet et 35 % au Fonds fransaskois. Le Fonds fransaskois sollicita l'aide de Radio-Canada qui accepta de participer à cette expérience. Le premier Francothon eut lieu le 22 mars 1997 sous le slogan « Moi, j'investis ». L'événement a permis de recueillir 24 000 $ dont 16 000 $ répartis entre 21 projets et 8 000 $ versés au Fonds fransaskois. En mai 1997, Florent Bilodeau, président du Fonds fransaskois, informa René Fontaine, directeur de la radio de Radio-Canada en Saskatchewan, que le Fonds fransaskois voulait organiser un autre Francothon et en faire un événement annuel. Jusqu'à ce jour, il y a eu 13 Francothons qui ont recueilli chacun en moyenne entre 20 000 $ et 25 000 $.
Francothon en 2007
Le 11e Francothon en 2007 dans la galerie de l'édifice de Radio-Canada à Regina. Source : Daniel Paquet.


Le capital du Fonds fransaskois croissait rapidement. En octobre 1997, l'actif s'élevait à 177 000 $. Une partie des fonds provenait de la vente de la Maison fransaskoise qui abritait les bureaux de l'ACFC à Regina ainsi que plusieurs organismes fransaskois. Le conseil d'administration de l'ACFC avait décidé de verser le profit de 60 000 $ réalisé lors de la transaction au Fonds fransaskois. Malgré le capital accumulé, celui-ci ne pouvait encore verser des subventions outre les sommes destinées aux projets présentés lors du Francothon. Le Fonds fransaskois était encore en phase de capitalisation. Nous reviendrons plus loin sur les stratégies d'investissement du Fonds fransaskois.

La fusion du Fonds fransaskois et de la Fondation de la radio

Dès le début des discussions sur la création d'un fonds fransaskois, les regards se tournèrent vers la Fondation de la radio française en Saskatchewan. Cette fondation ne pourrait-elle pas apporter un appui quelconque à la création d'un nouveau fonds? La table de concertation sectorielle en économie demanda à la Fondation de la radio de se joindre à elle afin de trouver une solution avantageuse pour la communauté fransaskoise. « Au début, le conseil d'administration de la Fondation [de la radio] voit d'un très mauvais œil cette initiative. Il y a toujours des vestiges des inquiétudes des années 1970 que l'ACFC, ou tout autre organisme fransaskois, mette la main sur les fonds de la Fondation et en gaspille le principal ».(11) En octobre 1992, lors de son assemblée annuelle, la Fondation de la radio adopta une proposition où elle affirme son ouverture à une discussion sur l'établissement éventuel d'un fonds fransaskois. Mais peu de temps après, elle informa la direction du CCS, impliquée dans le dossier, qu'il ne sera pas possible d'amalgamer la Fondation de la radio avec un fonds fransaskois, car les objectifs et les mandats sont très différents.

À la suite de sa création en décembre 1993, le Comité ad hoc du Fonds fransaskois a pris la relève dans les discussions avec la Fondation de la radio. En avril 1994, le Comité demanda à la Fondation de la radio s'il n'y avait pas moyen « d'effectuer la collecte et répartition des fonds du proposé Fonds fransaskois par le truchement de la Fondation de la radio. »(12) La démarche n'eut pas de suite, mais elle incita la Fondation de la radio à s'informer davantage sur le Francofonds. En 1995, lors de sa réunion annuelle, on étudia les documents du Francofonds. Inévitablement la question de la fusion du Francofonds et de la Fondation de la radio de Saint-Boniface occupa les esprits des dirigeants de la Fondation de la radio. Devait-on faire la même chose en Saskatchewan? Pour les membres de l'ACFC, c'était certainement la solution la plus efficace. Lors du Congrès de 1995, ils recommandèrent « que les responsables du Fonds fransaskois rencontrent le conseil d'administration de la Fondation de la radio pour évaluer le bien-fondé de jumeler un jour les avoirs de la Fondation à ceux du Fonds fransaskois. »(13)

À la même époque se déroulait une évaluation de l'évolution de la communauté fransaskoise depuis l'arrivée de l'entente Canada-Communauté en 1988. Cette évaluation était menée par Robert Schneider pour le compte du ministère du Patrimoine canadien et de la communauté fransaskoise et elle devait contribuer à l'élaboration d'une nouvelle entente. Dans son rapport, intitulé Une communauté à l'heure des choix, Schneider critiquait, selon une analyse coûts-bénéfices, la façon dont les fonds étaient allouées. Tout en reconnaissant les progrès accomplis par les Fransaskois dans de nombreux domaines, il recommandait un changement radical dans la manière de distribuer les fonds fédéraux au sein de la communauté fransaskoise. Il recommandait aussi fortement que soient déployés des efforts concrets pour diversifier les sources de financement. Parmi les mesures recommandées, il y avait l'agrandissement du Fonds fransaskois qui devrait être une priorité pour la communauté fransaskoise. De plus, « Patrimoine canadien verrait d'un bon œil le déblocage d'argent du fonds transitoire de l'Entente pour faciliter les procédures de fusion entre le Fonds fransaskois et la Fondation de la radio. »(14)

C'est dans cette ambiance que le Fonds fransaskois demanda et obtint une rencontre avec la Fondation de la radio pour discuter d'une éventuelle fusion entre les deux entités caritatives afin de constituer un fonds qui favoriserait l'autonomie financière de la communauté fransaskoise. Lors de cette rencontre le 20 août 1996, les deux parties ont convenu de mener une étude « pour assurer le bien-fondé et la gestion efficace d'un fonds jumelé. »(15) Malgré tout, il y a une grande hésitation du côté de la Fondation de la radio à entreprendre cette étude. La fusion a été discutée dans ses assemblées régionales de l'automne et l'assistance, quoique très faible, exprima beaucoup de réticences à propos de ce projet. Le conseil d'administration décida tout de même d'entériner le projet d'étude de fusion lors de sa réunion annuelle du 25 octobre 1996, mais il se réserva le droit de ne pas accepter les recommandations qui pourraient en découler. De plus, il demanda que cette étude n'ait aucun coût pour la Fondation de la radio.

Florent Bilodeau
Florent Bilodeau a été le président du Comité permanent du Fonds fransaskois de 1995 à 1997. Entre 2001 et 2005, il a également siégé au conseil d'administration de la Fondation fransaskoise où il représentait la région # 9 (Regina-Bellegarde). Source : Société historique de la Saskatchewan.
Un comité conjoint de l'étude de faisabilité sur la fusion a été mis sur pied et il comprenait les personnes suivantes : Florent Bilodeau (président du Fonds fransaskois), Denis Garand (Fonds fransaskois), Joseph Jeanneau (président de la Fondation de la radio) et Richard Marcotte (Fondation de la radio). Comme prévu une subvention du Patrimoine canadien fut versée pour défrayer les coûts de cette étude de fusion. C'est RM Communications (Richard Marcotte Communications) qui fut choisi pour mener l'étude. Le Fonds fransaskois et la Fondation de la radio ne semblèrent pas se soucier de conflits d'intérêts même si Richard Marcotte était membre des deux conseils d'administration; il occupait la vice-présidence de la Fondation de la radio et il était conseiller du Comité permanent du Fonds fransaskois. Marcotte se retira du comité conjoint d'étude de faisabilité.

Le 27 juin 1997, Richard Marcotte remettait son rapport final et il recommandait la fusion du Fonds fransaskois et de la Fondation de la radio. Il proposait même la marche à suivre pour réaliser cette fusion y compris la signature d'un protocole d'entente qui reprenait l'essentiel d'un protocole semblable signé en 1989 au Manitoba entre le Francofonds et la Fondation de la radio de Saint-Boniface. Selon le protocole proposé les sommes reçues de la Fondation de la radio française en Saskatchewan serait conservées dans un fonds distinct appelé « Fonds de la radio française en Saskatchewan », les bourses et subventions versées respecteraient le mandat de la Fondation de la radio et les états financiers de la société issue de la fusion présenteraient un poste particulier pour le Fonds de la radio française en Saskatchewan.

Le conseil d'administration de la Fondation de la radio organisa une réunion spéciale le 20 septembre 1997 pour « étudier à fonds le rapport et les recommandations de RM Communications, mais le conseil ne se prononce ni en faveur ni contre la fusion. La proposition de fusion est discutée et soumise au vote [cumulatif] lors des réunions régionales. »(16) La liste des membres de la fondation fut un véritable casse-tête pour la Fondation de la radio. Sur un total de 2 000 membres potentiels, il en restait peut-être moins de 20 % encore en vie. À ce nombre, il fallait ajouter les individus ayant fait des dons à la Fondation depuis 1976. Parmi les personnes qui assistèrent aux réunions régionales, 54 seulement avaient le droit de vote; 49 ont voté pour la fusion, 5 ont voté contre.(17) Dans ces assemblées, les participants approuvèrent l'idée de nommer la nouvelle société, Fondation fransaskoise. Le 25 octobre 1997, l'assemblée annuelle des administrateurs reconsidéra le projet à nouveau, et tenant compte du résultat du vote, accepta une fusion possible avec le Fonds fransaskois. Le 8 novembre suivant, l'assemblée générale des donateurs du Fonds fransaskois accepta à son tour la fusion afin de créer la Fondation fransaskoise.

Ce projet de fusion souleva des inquiétudes et des craintes. Toutefois, personne n'exprima avec autant de force son opposition à ce projet que le Dr Rosario Morin, ancien administrateur de Radio-Gravelbourg et un des premiers administrateurs de la Fondation de la radio. Morin n'habitait plus en Saskatchewan depuis 1976, mais, à partir de Pincourt, au Québec, il se tenait au courant de ce qui se passait dans sa communauté d'origine.
Rosario Morin
Le Dr Rosario Morin a été le président Radio-Gravelbourg (CFRG) à l'ouverture du poste en 1952 et à nouveau en 1973 quand le poste à été vendu à Radio-Canada. Il a été le président du Comité de la radio française pendant la transition vers la Fondation de la française entre 1974 et 1976. En 1998, il s'est opposé à la fusion entre le Fonds fransaskois et la Fondation de la radio française afin de créer la Fondation fransaskoise. Sources : Archives de la Saskatchewan.


Morin a entrepris une véritable campagne contre le projet de fusion car il voyait une tentative de l'ACFC de mettre la main sur les fonds de la Fondation de la radio et aussi un risque quant à la préservation de l'intégrité des fonds par la nouvelle société. Morin rédigea des lettres d'opinion dans L'Eau vive où il tentait de sensibiliser la population à l'importance de préserver les fonds de la Fondation de la radio pour le bien des générations futures. Dans une de ses lettres aux lecteurs, datée du 3 juillet 1997, il dénonça même le conflit d'intérêts dans lequel se retrouvait Richard Marcotte en étant vice-président de la Fondation de la radio et consultant chargé de mener l'étude de fusion. Morin dénonça aussi le processus même de consultation de la population dans le cadre de l'étude de fusion : « J'ai assisté à trois des quatre assemblées. Il y avait seize personnes présentes à l'assemblée de Gravelbourg, quinze personnes à celle de Regina, neuf personnes à celle de Saskatoon et à celle de Bellevue, on m'a assuré qu'il y avait quinze personnes, pour un gros total de 55 personnes. Il serait exagéré de parler d'une étude exhaustive! »(18) Morin a également écrit au Conseil de la vie française en Amérique au sujet de ce projet de fusion et lui a demandé de s'y opposer. Rappelons que le Conseil avait trois représentants au sein du conseil d'administration de la Fondation de la radio. Enfin, Morin a envoyé entre le 2 février 1997 et 6 octobre 1997 plusieurs lettres au ministre Ned Shillington, secrétaire provincial, dans le gouvernement de Roy Romanow, pour l'enjoindre de s'opposer à la démarche de fusion si jamais elle devait aboutir à l'Assemblée législative de la Saskatchewan, puisqu'une loi serait nécessaire pour créer la Fondation fransaskoise :

« Evidently, the matter of this fusion is in your hands and those of the legislative body! […] I beg you to demand that the administrative body of La Fondation de la Radio Française en Saskatchewan be left intact and to continue being the sole and only administration responsible for the distribution of the interests of these funds ».(19)

Dans ses réponses aux lettres de Morin, le ministre Shillington l'informa qu'il ne pouvait intervenir dans un processus menant à la modification d'une loi d'intérêt privé. Il invita par contre Morin à faire valoir ses objections à cette fusion lors des séances du Comité des projets de loi d'intérêt privé le cas échéant. C'est exactement ce que fit Morin lorsque l'ACFC et la Fondation de la radio entamèrent au printemps 1998 le processus législatif devant mener à l'incorporation de la Fondation fransaskoise.

Le projet de loi privé sur la Fondation fransaskoise se retrouva devant le Comité des projets de loi d'intérêt privé de l'Assemblée législative de la Saskatchewan le 20 mai 1998. Ce qui devait n'être qu'une formalité – dans le cas d'une loi privée les députés s'assurent que la loi n'enfreint aucune loi de la Saskatchewan – allait être un peu plus ardue pour l'ACFC et la Fondation de la radio. Rosario Morin avait écrit à chaque membre de la législature au sujet de ce projet de loi. Les membres du Comité des projets de loi d'intérêt privé n'avaient pas l'intention de s'opposer au projet de loi dans la mesure où ses défendeurs pouvaient répondre aux allégations du Dr Morin. Cette attitude des membres du comité législatif semblait inquiéter l'ACFC et la Fondation de la radio d'autant plus que quelques Fransaskois avaient envoyé des lettres à la greffière de l'Assemblée législative pour s'opposer à l'adoption du projet de loi.

Les témoins en faveur de l'adoption du projet de loi étaient Lorraine Archambault, présidente de l'ACFC, et Nobert Lepage, secrétaire-trésorier de la Fondation de la radio. Ce dernier donne l'explication suivante lorsque Dan D'Autremont lui demanda pourquoi il était nécessaire d'adopter le projet de loi :

« [… ] we want to merge the wisdom of the senior fund with the energy of the junior one. The Fondation de la Radio Française's fund, while having increased in an absolute fashion fairly admirably over the years, has not kept pace with inflation. In fact when we're just to factor in the rate of inflation since 1976 the fund should stand in excess of a million dollars. So on the other hand, la Fondation Fransaskoise has demonstrated substantially more flexibility, energy, and marketing exper-tise in the acquisition of funds for its purposes. That's one of the reasons. »(20)

Norbert Lepage
Les membres du Comité législatif ont longuement interrogé Lorraine Archambault et Nobert Lepage sur les processus ayant mené à la proposition de fusion, sur le fonctionnement des deux entités caritatives et sur la composition de leurs membres. Il fut question de la nouvelle structure qui allait émerger de la fusion et comment elle parviendrait à combiner les deux corporations initiales.

Les membres du Comité législatif ont ensuite interrogé Rosario Morin. Morin articula son argumentation selon deux axes principaux; d'abord sur le fait que les fonds de la Fondation de la radio n'appartenaient à personne en particulier et qu'ils étaient destinés à l'ensemble de la population francophone de la Saskatchewan, ensuite que la fusion impliquait l'ACFC, un groupe d'intérêt dont le mandat était d'exercer des pressions politiques et la Fondation de la radio, un organisme de charité qui distribuait des bourses selon un mandat bien précis. Il voulait ainsi faire clairement ressortir que le Fonds fransaskois n'était rien d'autre que l'ACFC agissant sous un autre visage. Il en voulait pour preuve que le Fonds utilisait le numéro de charité de l'ACFC. Bref selon lui, il s'agissait d'une transformation radicale de la vocation de la Fondation de la radio et qu'on ne pouvait modifier les buts d'une fondation selon les caprices de nouveaux administrateurs :


« The amalgamation of two charitable organizations, la Fondation de la Radio Française and the French association, ACFC in Saskatchewan, will undoubtedly transform the distinct purpose and objects for which la Fondation Radio was established. […] I petition the members of the standing commission to have courage and wisdom and to reject this proposal. [… ] We must avoid that the wishes of founding members of any public charitable organization be changed at the leisure of a new board that comes along. »(21)

Dans son témoignage Morin remet à nouveau en question la légitimité du processus qui a mené à la proposition de fusion : « Are the people of Saskatchewan really aware of these implications and consequences? Are the francophones really aware of the important history of this Canadian institution and what it represents? »(22)

Le témoignage de Morin a eu suffisamment d'impact puisque les membres du Comité législatif reportèrent d'une semaine leur décision afin de bien évaluer ses arguments (23). Finalement la Loi de 1998 sur la Fondation Fransaskoise fut adoptée par l'Assemblée législative et elle entra vigueur le 11 juin 1998.

Les craintes de Rosario Morin de voir l'ACFC s'emparer des fonds de la Fondation de la radio n'étaient pas justifiées, car il s'agissait vraiment de la fusion de deux entités caritatives sous une nouvelle société indépendante qui poursuivrait les missions initiales des deux fonds. Toutefois, qu'en est-il de ses craintes concernant le maintien de l'intégrité des fonds de la Fondation de la radio par la nouvelle société?

La Fondation fransaskoise

La nouvelle société issue de la fusion a conservé la même structure administrative que la Fondation de la radio. Le conseil d'administration est composé de quinze personnes dont neuf élus pour un mandat de deux ans lors des réunions régionales, une nommée par l'ACFC (par l'Assemblée communautaire fransaskoise depuis 1999), une par le Conseil de la vie française en Amérique (cet organisme a été dissous en septembre 2007), deux choisies par les fonds subsidiaires (principe qui ne fut guère respecté depuis 1998) et deux par le conseil d'administration (les membres dits cooptés) afin de s'adjoindre des expertises particulières au sein de la Fondation fransaskoise. Lors des réunions régionales, les membres de la Fondation fransaskoise peuvent voter sur les modifications aux statuts, recevoir les rapports approuvés par le conseil d'administration, formuler des recomman-dations à l'intention des administrateurs. Ces derniers entrent en fonction après l'assemblée annuelle qui a lieu après la tenue des réunions régionales. Un comité exécutif est choisi lors de la première réunion du conseil d'administration suivant l'assemblée annuelle des administrateurs. Les membres de la Fondation fransaskoise sont ceux des organismes fondateurs, toute personne résidant en Saskatchewan de plus de 18 ans et ayant fait un don d'au moins 10 $ à la Fondation fransaskoise et les couples qui avaient fait un don d'au moins 10 $ lors des campagnes de souscription en faveur de la radio française.

Il est particulièrement étonnant en parcourant le dossier des procès-verbaux de la Fondation fransaskoise de 1998 à 2009 de constater le faible nombre de rencontres du conseil d'administration. Il y a eu une réunion annuelle chaque année, une ou deux réunions du conseil d'administration par année et il y a eu tout au plus deux ou trois rencontres de comités spécifiques (attribution des fonds, investissement, Francothon) dans une année. Quant au comité exécutif, s'il tenait des rencontres, il en existe aucune trace. Pourtant, les conseils d'administration successifs de la Fondation fransaskoise ont eu des membres qui possédaient une grande expertise dans la gestion d'organismes sans but lucratif et on aurait pu s'attendre à un meilleur encadrement dans la gestion de l'organisme.

De plus, la Fondation fransakoise n'a jamais eu d'employé régulier qui aurait pu lui permettre d'établir une permanence et un meilleur contact avec la communauté fransaskoise. Les revenus de la Fondation fransaskoise ne permettaient pas de couvrir à la fois les coûts d'une administration permanente et la distribution des bourses et des subventions. En 2003-2004, la Fondation fransaskoise a effectué sans succès des recherches de financement auprès de Patrimoine canadien, du Secrétariat des affaires intergouvernementales canadiennes du Québec et de la Fondation Bronfman afin d'obtenir les fonds nécessaires à l'embauche d'un employé régulier. Tout au plus la Fondation a reçu du financement pour des projets ponctuels d'amélioration de son plan de marketing. La Fondation fransaskoise a donc continué à embaucher des contractuels pour l'aider à réaliser ses activités de financement et elle a conclu une entente avec le Conseil de la coopération de la Saskatchewan pour la réalisation des tâches administratives. Cette situation ne facilitait pas les efforts de visibilité de la Fondation comme l'expliqua Denis Garand président de la société de 1998 à 2006 : « la Fondation fransaskoise dépense beaucoup moins au niveau administratif que la Fondation au Manitoba. Mais, par contre, il est plus lent à la Fondation fransaskoise de se faire connaître à la communauté. »(24)

Denis Garand
Denis Garand a siégé au Comité permanent du Fonds fransaskois entre 1995 et 1998. Il a fait partie du conseil d'administration intérimaire de la Fondation fransaskoise suite à la fusion au printemps 1998. Il a occupé le poste de la présidence (1998-2006) et de la vice-présidence (2006-2009) de la Fondation fransaskoise. Source : Fondation fransaskoise.
Malgré tout, la Fondation a déployé des efforts afin d'accroître ses fonds. En plus d'accepter des dons directs, la Fondation fransaskoise a poursuivi le Francothon en collaboration avec Radio-Canada et elle a maintenu la campagne de financement annuelle créée par le Fonds fransaskois. La Fondation fransaskoise a favorisé la création de fonds subsidiaires, un moyen d'accroître son capital. Cela faisait partie d'une stratégie pour atteindre un actif de 2 000 000 $. De plus, la Fondation fransaskoise estimait que la création de fonds subsidiaires augmenterait « sa crédibilité et sa visibilité envers la communauté. »(25) Pour créer les fonds subsidiaires, la Fondation fransaskoise a sollicité les organismes fransaskois, les institutions fransaskoises ainsi que des familles. Entre 1998 et 2007, vingt fonds subsidiaires ont été créés dont sept dans la seule année de 2006. Les efforts déployés par la Fondation fransaskoise semblaient porter fruit. L'actif est passé de 913 933 $ en 1998-1999 à 1 589 926 $ en 2006-2007. Cette augmentation de l'actif provenait également des revenus des placements, nous y reviendrons plus loin.

En dépit de ces succès, la visibilité, le marketing et les communications demeuraient des défis constants pour la Fondation fransaskoise. Le nombre de donateurs avait augmenté jusqu'au début des années 2000, mais depuis il a commencé à diminuer. Il y avait 450 donateurs de moins de 500 $ en 1999 contre 244 en 2008. Les dons recueillis provenaient de plus en plus d'un nombre restreint de gros donateurs et de commanditaires. Au-delà des événements comme le Francothon et la campagne de financement annuel, la Fondation fransaskoise a peu communiqué ses activités à la population. Par ailleurs, le suivi avec les donateurs – et membres de la Fondation – n'a pas toujours été adéquat et ceux-ci ne semblent pas très familiers avec le fonctionnement de la Fondation si on en juge par les taux de participation aux assemblées régionales. Un exemple parmi tant d'autres, en 2005, il y a eu seulement 4 personnes à l'assemblée de la région no 9 à Regina qui englobe le sud-est de la province. Des taux de participation qui rappellent ceux de l'époque de la Fondation de la radio. De plus, il y a des endroits dans la province où des communautés francophones n'ont pas de région attitrée. C'est le cas de Saskatoon qui fait partie de la région no 5 dont le centre est Saint-Denis. Le conseil d'administration a eu des discussions ces dernières années sur la répartition des régions mais aucun suivi n'a été fait.

La Fondation fransaskoise a commencé à distribuer des bourses et des subventions dès sa formation. Les seuls montants qu'elle distribua à ce moment furent ceux destinés aux projets du Francothon, les bourses du Fonds de la famille Lepage, les dons du Fonds Marcel Moor ainsi que les bourses et subventions du Fonds de la radio française. En 2001-2002, la Fondation fransaskoise commença à distribuer des subventions à partir du Fonds général anciennement le Fonds fransaskois. Cette situation a eu pour effet de transférer des projets de certaines associations, du Fonds de la radio française vers le Fonds général. Ainsi le Fonds de la radio procédait selon la répartition suivante : 10 % aux demandes de soutien, 20 % aux demandes de projets et 70 % pour les bourses aux étudiants. Avec la croissance des revenus de placement, le Fonds de la radio augmenta les bourses individuelles qui passèrent d'une moyenne de 360 $ par personne en 2000 à 1 000 $ en 2005 et enfin à 1 500 $ en 2007. Les subventions de soutien allaient à l'Eau vive. Dans la catégorie projets, la Société historique bénéficia d'un soutien constant pour la publication de la Revue historique. Entre 1998 et 2008, le Fonds de la radio a distribué 360 000 $ en bourses et subventions.

Nicole Poulin
Nicole Poulin a été la vice-présidente (2002-2006) et la présidente (2006-2009) de la Fondation fransaskoise. Source : Fondation fransaskoise.
Entre 2002 et 2008, le Fonds général a versé 152 000 $ en subventions à des organismes provinciaux et régionaux ainsi qu'à des groupes divers tels que des garderies, des associations locales de l'âge d'or et des paroisses. Certains organismes provinciaux ont bénéficié d'un soutien constant du Fonds général, c'est le cas du Conseil culturel fransaskois et de la Troupe du jour qui ont reçu respectivement 22 % et 13 % du montant total accordé entre 2002 et 2008. Dans l'ensemble, les organismes provinciaux ont reçu 55 % des sommes distribuées alors que les associations régionales ont reçu 16 % des montants déboursés. Si on y ajoute les garderies, les associations de l'âge d'or locales, les paroisses et les autres associations locales, la proportion des subventions accordées aux régions s'élèvent à 37 %. Le reste des montants répartis va au Prix du livre français du Sask Book Awards que la Fondation fransaskoise a accepté de parrainer.

L'espace nous manque pour passer en revue l'ensemble des Fonds subsidiaires et les projets du Francothon, mais mentionnons que depuis 1999 l'événement a permis à la communauté fransaskoise de recueillir un peu plus de 207 000 $ pour la réalisation de différents projets. En tenant compte de tous les fonds distribués depuis 1998, la Fondation fransaskoise a versé près de 880 000 $ en bourses et subventions. Si on ajoute les 776 000 $ versés par la Fondation de la radio entre 1975 et 1997, c'est près de 1 656 000 $ qui ont été versés au sein de la communauté fransaskoise au cours des 35 dernières années.

Deux cultures d'investissement

Une des premières tâches des administrateurs d'une fondation est de placer les fonds. Les pratiques d'investissement ont changé au fil des années passant d'une politique d'investissement plus prudente à l'époque de la Fondation de la radio française à une politique plus ouverte au risque ces dernières années.

La Fondation de la radio française a poursuivi les pratiques du Comité de la radio, c'est-à-dire diversifier les placements tout en favorisant autant que possible les institutions financières francophones. La Fondation de la radio privilégiait les obligations d'épargne du Canada, les placements dans les caisses populaires et autres institutions coopératives. Par exemple, dans les premières années, il y avait 293 000 $ placés à la Caisse populaire de Gravelbourg. À compter du milieu des années 1990, la Fondation a graduellement déplacé ses avoirs vers des institutions à charte dont RBC Dominion Securities. En 1993, les administrateurs de la Fondation de la radio ont envisagé de placer les fonds dans des investissements plus lucratifs. Ils ont adopté une résolution acceptant en principe de placer une somme ne dépassant pas 100 000 $ dans des investissements à risque. Toutefois, rien ne sera fait. La décision fut prise à la lumière des résultats très favorables du marché boursier de 1993, mais lorsque vint le temps de placer les montants d'argent au début de 1994, les conditions n'étaient pas les mêmes et cela a refroidi les ardeurs des membres du comité d'investissement de la Fondation de la radio.

Il y eut un seul cas de mauvaise créance au cours de l'histoire de la Fondation de la radio. Il s'agit d'un placement avec l'Association coopérative d'établissement limitée de Ferland (ACE) qui aidait des jeunes francophones à acquérir des fermes. En 1980, « un placement de 45 000 $ est consenti à l'ACE par l'entremise de la Caisse populaire de Ferland avec une garantie d'hypothèque. En novembre 1985, le conseil d'administration de la Fondation est préoccupé par le manque de sécurité de cet investissement, surtout parce que les fonds semblent maintenant engagés dans un camp de tourisme U-Fly-In de Pelican Narrows. Le Conseil demande le remboursement du 45 000 $. En 1990, il devient évident que l'entreprise n'est pas en mesure de retourner l'argent prêté. La Fondation espère alors récupérer ses fonds en vendant le camp. En 1996, la Fondation doit accepter que l'ACE soit effectivement en faillite. Le camp de tourisme est vendu mais la plupart des recettes sont allées aux autres créanciers. Une somme de 5 535 $ sera le paiement final à la Fondation. Le dossier est enfin clos. »(26)
Dépliant Fondation fransaskoise
La campagne de prélèvement de fonds pour la Fondation fransaskoise en 2009 encourageait les Fransaskois à « Bâtir l'avenir ». Source Fondation fransaskoise


Les membres du comité permanent du Fonds fransaskois désiraient accroître rapidement le capital du fonds afin d'aider le plus rapidement possible les organismes fransaskois. Ils tentèrent de trouver un équilibre entre la préservation du capital et l'accroissement de celui-ci. Les fonds étaient placés au Investor Group et à la Page Credit Union. Un compte fut également ouvert afin d'effectuer certaines transactions à moindre coût. Ce compte est désigné sous le nom « Green Line » dans les documents du Fonds fransaskois. Au début on prévoyait effectuer des investissements plus agressifs, puis « à mesure que la communauté aimerait un revenu de gains stables, la majorité des fonds devraient être investis dans différents fonds d'obligation. »(27) Les membres du comité permanent du Fonds fransaskois envisageaient d'obtenir l'avis d'un expert en matière financière lorsque l'actif se situerait entre 300 000 $ et 500 000 $.

Lors de la formation de la Fondation fransaskoise, les administrateurs de la nouvelle société devaient s'entendre sur une politique d'investissement qui conviendrait aux tenants de deux philosophies d'investissement opposées. De plus, il fallait respecter la Loi de 1998 qui prévoyait que le capital de la Fondation fransaskoise ne devait jamais être réduit à moins de 800 000 $. Un comité d'investissement a été formé et sa composition fut renouvelée chaque année. Particularité intéressante, à aucun moment, entre 2000 et 2009, le trésorier de la Fondation fransaskoise a fait partie de ce comité. La première politique d'investissement adoptée en octobre 1998 était somme toute modérée. Elle prévoyait des investissements de l'ordre de 5 % à 15 % dans des actions, 70 % à 90 % dans des obligations gouvernementales ou d'entreprises, 10 % tout au plus dans l'immobilier et jusqu'à 25 % dans les obligations à terme.

En accord avec cette politique, la Fondation fransaskoise a commencé à investir à la bourse. Par exemple en avril 2000, le conseil d'administration a pris la décision d'investir de 70 000 $ à 80 000 $ dans un « TSE 35 » à la Page Credit Union, le capital est garanti alors que les revenus sont à risque. En 2001 lors de leur assemblée annuelle, les administrateurs de la Fondation fransaskoise, sur les conseils du comité d'investissement, décident d'utiliser 3 % de tous les placements, soit 30 000 $, dans un «TSE 300 ». Un placement plus à risque mais qui a la réputation de rapporter plus. Au fil des ans, une tolérance au risque s'installe au sein du comité d'investissement et du conseil d'administration de la Fondation; motivée par un désir d'accroître le rendement des placements pour être plus généreux dans les octrois et aussi pour atteindre le plus rapidement possible un actif de 2 000 000 $. Avec un tel actif, il aurait alors été justifié de contracter une firme d'investissement professionnelle. Cette tolérance au risque est reflétée dans les politiques d'investissement successives de la Fondation fransaskoise. En 2005, jusqu'à 40 % des investissements pouvaient être faits dans les actions. En 2008, la politique précise qu'on peut y investir jusqu'à 90 %. Parallèlement, comme en témoigne les états financiers de la Fondation fransaskoise, il y a eu une concentration des avoirs de la société au sein d'une seule institution financière, RBC Dominion Securities.

Cette stratégie financière a culminé avec la décision d'acquérir des actions de la compagnie d'assurances Sun Life pour un montant de 2 000 000 $ au moyen d'une marge de crédit contractée auprès de la RBC Dominion Securities. Nulle part dans les politiques d'investissement il a été question d'emprunts pour effectuer des investissements. La Loi de 1998 sur la Fondation Fransaskoise autorise les emprunts, mais aucune précision n'est apportée sur ce droit d'emprunt. Les statuts et règlements sont également silencieux sur l'utilisation qui peut être faite de ce droit d'emprunt. Lors de la crise financière de 2007-2008, la Fondation fransaskoise a été sérieusement malmenée en raison de sa stratégie d'investissement. Elle a perdu 575 000 $ dans les investissements qu'elle a faits dans Nortel, une compagnie qui éprouvait pourtant de sérieux problèmes financiers depuis plusieurs années. La crise a obligé la Fondation à revendre à perte ses parts dans la Sun Life afin de rembourser sa marge de crédit comme l'exigeait la RBC Dominion Securities.

Ces pertes de 1 275 000 $ ont eu de sérieuses répercussions sur l'état des différents fonds de la Fondation fransaskoise particulièrement sur les deux fonds à l'origine de la Fondation fransaskoise. Avant la crise, le Fonds de la radio française s'élevait à 621 380 $ au 31 août 2009 il n'en restait que 143 866 $. Quant au Fonds fransaskois (Fonds général), il y avait 323 882 $ contre 73 401 $.

Conclusion

Le désastre financier qu'a connu la Fondation fransaskoise en 2008 a porté un dur coup aux rêves qui sont à l'origine de la Fondation de la radio, du Fonds fransaskois et de la Fondation fransaskoise. Nous l'avons vu, ces rêves ont été portés par des bénévoles et de généreux contributeurs faisant preuve d'un engagement ferme envers leur communauté. Les bourses et subventions distribuées par la Fondation de la radio et la Fondation fransaskoise ont permis à bon nombre de jeunes de poursuivre leurs études en français et à des organismes de réaliser des projets rassembleurs au sein de la population. L'onde de choc qu'a connu la Fondation n'est pas seulement liée à la crise financière de 2007-2008. Les structures mises en place pour prélever, gérer et distribuer ces fonds sont également à la source des problèmes financiers vécus par la Fondation depuis août 2008. Deux tendances observées dans cette recherche peuvent fournir une explication : d'un côté, un fonctionnement en marge de la communauté qui remonte au temps de la Fondation de la radio et de l'autre, le sentiment d'urgence d'accroître le plus rapidement possible le capital qu'on retrouve dans le Fonds fransaskois. La rencontre de ces deux tendances au sein de la Fondation fransaskoise a mené à des prises de décisions qui ne prenaient pas en compte les désirs de la population fransaskoise et qui sont allées à l'encontre d'un élément fondamental de toute fondation, la préservation du capital versé par les donateurs pour le plus grand bien de tous.

Par Frédéric Roussel Beaulieu


Notes et références
(1) Pour plus de détails sur l'histoire de la radio française voir le site La radio française en Saskatchewan produit par la Société historique de la Saskatchewan et aussi les ouvrages suivants : Laurier Gareau, Le défi de la radio française en Saskatchewan, Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1990 et le collectif 50 ans de radio, Les Éditions de la nouvelle plume, 2002.
(2) Réunion du Comité de la radio, 30 juin 1974, Procès-verbaux et correspondance, 1967-1988, Fondation de la radio, CCS, Regina.
(3) Wilfrid Denis, « La naissance de la Fondation de la radio française et la fin du Comité de la radio », 50 ans de radio, Les Éditions de la nouvelle plume, 2002, p. 107.
(4) Denise Robillard, L'Ordre de Jacques Cartier. Une société secrète pour les Canadiens français catholiques, 1926-1965, Montréal, Fides, 2009, p. 459 et Bernard Wilhelm, « Visage de la Saskatchewan : Un fantôme du passé, la société secrète de l'Ordre de Jacques Cartier », dans Les Discours de l'altérité, Actes du 12e Colloque du Centre d'études franco-canadiennes de l'Ouest, Regina, 1994, pp. 67-81.
(5) Wilfrid Denis, « Le Comité de la radio française en Saskatchewan » dans 50 ans de radio, op. cit., p. 103.
(6) Wilfrid Denis, « La naissance de la Fondation de la radio française et la fin du Comité de la radio », op. cit., p. 115.
(7) Lettre de convocation, 7 octobre 1982, Procès-verbaux et correspondance, 1967-1988, Fondation de la radio, CCS, Regina. Le statut de membre des conjoints héritiers des donateurs régionaux fut réaffirmé lors de l'assemblée annuelle de la Fondation de la radio le 25 octobre 1997.
(8) Assemblée annuelle de la Fondation de la radio française, 2 novembre 1991, Procès-verbaux et correspondance, 1989-1998, Fondation de la radio, CCS, Regina.
(9) Première assemblée générale des donateurs du Fonds fransaskois, 12 novembre 1994, Fonds fransaskois, CCS, Regina.
(10) « Document d'analyse des projets d'un fonds de fiducie national et d'une Fondation des communautés francophones et acadiennes », FCFA, février 1994, Fonds fransaskois, CCS, Regina.
(11) Wilfrid Denis, « La naissance de la Fondation de la radio française et la fin du Comité de la radio », op. cit., p. 112.
(12) Réunion du comité exécutif de la Fondation de la radio, 28 avril 1994, Procès-verbaux et correspondance, 1989-1998, Fondation de la radio, CCS, Regina.
(13) Lettre de Florent Bilodeau, président du Fonds fransaskois à Joseph Jeanneau, président de la Fondation de la radio, 14 août 1996, Fonds fransaskois, CCS, Regina.
(14) Réunion du Comité permanent du Fonds fransaskois, 29 mai 1996, Fonds fransaskois, CCS, Regina.
(15) Rencontre Fonds fransaskois – Fondation de la radio française, 20 août 1996, Dossier étude de fusion, Fonds fransaskois, CCS, Regina.
(16) Wilfrid Denis, « La naissance de la Fondation de la radio française et la fin du Comité de la radio », op. cit., p. 112.
(17) « La Fondation de la radio-projet fusion, sommaire des bulletins de vote », Procès-verbaux et correspondance, 1989-1998, Fondation de la radio, CCS, Regina.
(18) Rosario Morin, « La Fusion », L'Eau vive, 3 juillet 1997.
(19) Lettre de Rosario Morin à Ned Shillington, 9 juin 1997, Records transfer 5505, Box 1, File 1380.55, Archives de la Saskatchewan, Regina.
(20) « Comité des projets de loi privés », 20 mai 1998, Débats de l'Assemblée législative de la Saskatchewan, site Web de l'Assemblée législative de la Saskatchewan.
(21) Ibid.
(22) Ibid.
(23) « Comité des projets de loi privés », 28 mai 1998, Débats de l'Assemblée législative de la Saskatchewan, site Web de l'Assemblée législative de la Saskatchewan.
(24) Assemblée annuelle de la Fondation fransaskoise, 27 novembre 2004, Réunions 2003-2004, Fondation fransaskoise, CCS, Regina.
(25) Assemblée annuelle de la Fondation fransaskoise, 15 décembre 2001, Réunions 2000-2001, Fondation fransaskoise, CCS, Regina.
(26) Wilfrid Denis, « La naissance de la Fondation de la radio française et la fin du Comité de la radio », op. cit., p. 111.
(27) Politique d'investissement, janvier 1997, Fonds fransaskois, CCS, Regina.






 
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