Revue historique: volume 13 numéro 4La famille Denispar Laurier Gareau Vol. 13 - no 4, juin 2003
Léon Denis est né le 10 avril 1862 à Courcelles (Charente Maritime) France, le fils de Louis Denis et Hélène Vernoux-Guérin. Son père est mort accidentellement le 24 décembre 1873 laissant dans le deuil sa fem-me et quatre enfants: Hélène, Adélaïde, Léon âgé de onze ans et Gustave. Après la mort de son père, Léon a dû arrêter lécole pour aider aux travaux de la ferme. À lâge de 15 ans, il est par-ti travailler à gages dans des fermes avoisinantes. Puis, quelques mois plus tard, le 28 novembre 1877, il est devenu apprenti cordonnier chez Eugène Rayer, cordonnier aux Églises dArgenteuil. Cet apprentissage a duré 18 mois. À lâge de 18 ans, il avait fini son apprentissage de cordonnier et il a commencé à chercher un emploi, entamant ainsi ce quil a appelé «son tour de France»; un tour qui a duré environ 4 ans. Le 24 décembre 1883, pendant quil travaillait à Lyons, Léon Denis a reçu un télégramme de sa mère lui
disant que ses deux surs étaient malades. Il est revenu au bercail. Adélaïde est décédée quelques heures après son retour tandis que lautre sur, Hélène, sest remise de la fièvre typhoïde. Léon a décidé de rester avec sa mère. En juin 1884, il a rencontré Héloïse Bon, âgée de 20 ans, la fille de Pierre Bon du village de Maraud, quil a épousée le 22 novembre 1884. Au cours des prochaines années, Léon et Héloïse ont eu cinq enfants: Raymond, Clotaire, Clodomir, Marie et Maria. En 1897, Léon a trouvé une annonce dans un journal: le Gouvernement français cherchait des colons pour aider à développer lîle de la Nouvelle-Calédonie. Les nouveaux colons recevraient 65 hectares de terre gratuits. Les frais de voyage des colons étaient assumés par le gouvernement. «Pour avoir le pas-sage gratuit, il fallait déposer 5000 francs à la banque de lIndo-Chine et ensuite retirer cet argent une fois rendu en Calédonie. Le gouvernement français voulait sassurer que les colons aient de largent pour vivre une fois rendus là-bas. En même temps,
ceux-ci travailleraient à développer le pays.»(1) Léon sest associé avec deux amis, M. Talon et M. Berger pour former une association. Leur plan était davoir une plantation de caféiers, des vaches, une fromagerie et une distillerie pour faire de lalcool de fruits. À la fin de décembre 1899, après deux ans de préparations, Léon et son groupe de 17 personnes, composé de trois couples et onze enfants sont partis de St--Jean-dAngély pour le port de mer de Marseille et ensuite la Nouvelle-Calédonie avec 53 caisses contenant les effets des trois familles. Le voyage par mer a duré six semaines. «La Calédonie est un pays très beau, boisé et montagneux, avec des rivières, belle température, pas dhiver, des feuilles sur les ar-bres toute lannée, et beaucoup de pluie. Ils se sont lancés dans la cul-ture du café et lélevage des animaux. Comme ils étaient situés à six milles du premier voisin et quils se sen-taient trop isolés, Léon acheta un magasin à Foa, deuxième ville de lÎle. Ils géraient le commerce tout en pre-nant soin des animaux et de la plantation.»(2) Les Denis ont demeuré trois ans en Calédonie. En 1902, Héloïse a contracté la tuberculose pulmonaire et elle a voulu retourner se faire soigner dans son pays. De retour en France, la famille sest installée dans une ferme, «La Grenoblerie», qui appartenait à labbé Gustave Denis, le jeune frère de Léon. Cest là que Héloïse est décédée le 2 décembre 1902 à lâge de 38 ans. À cette époque en France, tous les garçons devaient faire leur service militaire à lâge de 18 ans. Léon ne voulait pas que ses trois garçons soient tués à la guerre. Ils avaient alors 17, 16 et 14 ans. Puisque le Canada faisait beaucoup de propagande pour attirer des colons vers les terres de lOuest, il a décidé dy envoyer son plus vieux, Raymond, pour trouver du terrain. Raymond Denis est parti pour le Canada le 20 juin 1904. Il sest dabord rendu à Liverpool en Angleterre où il a embarqué un vieux paquebot pour le Canada. Arrivé au Canada, il a fait une escale à Québec et sest ensuite rendu à
Winnipeg, où il a fait la connaissance dun monsieur Roy, le père de Gabrielle Roy, auteure de plusieurs grands romans canadiens-français. Cest monsieur Roy qui lui a aidé à trouver un premier emploi dans une ferme de Saint-Léon. Il a été embauché par un fermier alsacien dorigine allemande à un salaire de 28 $ par mois. Il a passé quelques mois dans cette ferme avant de se diriger plus vers lOuest. En Alberta, il a été copropriétaire dun magasin à Castor, un petit village à lest de Red Deer. À lautomne 1905, il est retourné à Montréal, mais là il nétait pas facile de trouver du travail. Entre temps, puisque Raymond navait pas encore trouvé de terrain à son goût, Léon Denis a décidé denvoyer, vers le Canada, son deuxième fils, Clotaire, maintenant âgé de 18 ans. Alors que Raymond cherchait une terre avec des rivières et des montagnes, bref, un pays qui lui rappellerait la Nouvelle-Calédonie, son frère était plus réaliste. Clotaire sest dirigé tout de suite vers la Saskat-chewan dans le but dy prendre un homestead. «À lâge de 18 ans, quittant sa famille et son pays, il arriva à Montréal en mai 1905. Il partit en train se dirigeant directement vers la Saskatchewan et arriva à Prince- Albert. De là, il partit à la recher-che de terrain, en wagon jusquà St--Louis; il marcha ensuite à Duck Lake, Wakaw, Bonne Madone, St-Brieux, Vonda, Howell. Durant ses explorations, il arrêtait chez des étrangers hospitaliers qui lui offraient nourriture et lit. Il a aussi couché au couvent de Prudhomme même avant que la construc-tion en soit terminée. Avec laide de M. Adélard Marcotte, il sorienta vers le sud-ouest de Howell où il y avait plusieurs carreaux de terre ensemble, car en effet, il était à la recherche de terrain pour lui-même, son père et ses frères. Il prit
homestead sur le NW 24-37-1, ouest du 3e méridien; il réserva trois autres carreaux pour son père et ses frères. Il se rendit à Saskatoon à pied pour faire application pour son homestead. Il envoya un télégramme à son père lui disant quil avait trouvé du bon terrain, qui ne serait pas trop difficile à casser et de faire leurs préparatifs pour venir le rejoindre au Canada. Le terrain était situé à 14 milles de Howell, ce qui devint plus tard une partie de la paroisse de St-Denis.»(3) Léon Denis, maintenant âgé de 42 ans, sétait remarié à Fernande Lafarchoux âgée de 21 ans. Au mois daoût 1905, la famille a quitté la France pour venir rejoindre Clotaire en Saskatchewan; il y a sa jeune épouse, Fernande, qui était enceinte, et ses enfants: Clodomir âgé de 16 ans, Marie 11 ans et Maria 10 ans. Ils sont arrivés à Saskatoon à la fin daoût. Un nommé Gédéon Masson a accepté de les transporter jusquà St-Denis dans une démocrate. Deux jours plus tard, ils sont arrivés au terrain dun nommé Mével sur le carreau SE 24-37-1-W3. Clotaire partageait le petit shack avec Mével, un gars quil avait rencontré sur le bateau en venant au Canada. À leur arrivée, Léon et sa famille nont trouvé personne dans le shack, Mével étant parti faire les moissons à Duck Lake. À peine des-cendu avec leurs bagages, ils ont aperçu un homme avec un fusil sur le dos, qui se dirigeait vers eux. «Ils nétaient pas rassurés du tout croyant que cétait un Indien, mais à mesure que cet homme approchait, ils trouvaient quil avait la démarche familière. À leur grand soulagement, cétait Clotaire! Il revenait de la chasse aux lièvres et à la perdrix. Ils avaient de la peine à le reconnaître... il ne sétait pas fait couper les cheveux depuis quil était parti en mai et avait le visage très bronzé.»(4) Maintenant que la famille était rendue en Saskatchewan, il fallait construire une maison au plus vite avant lhiver. Ils ont bâti sur le carreau NE 24-37-l à louest du 3e méridien, sur le homestead de Léon à 12 milles de Vonda et 14 milles de Howell en pleine prairie avec quelques talles de bois ici et là. Le temps pressait pour finir la maison, car Fernande attendait le premier enfant de la deuxième famille de Léon Denis. En effet, Louis est né le 9 novembre 1905. En 1906, Raymond, toujours à Montréal, a décidé daller tenter sa chance à San Francisco aux États-Unis. Mais avant dy aller, il est venu visiter sa famille à Saint-Denis. Là, il a fait la connaissance de la fille dun voisin de son frère, Jeanne Hubert. Il a abandonné ses projets de voyage à San Francisco et sest installé sur le homestead que Clotaire lui avait réservé à Saint-Denis. Jeanne travaillait à lhôtel de Howell et puisque les gens de St-Denis se rendaient souvent dans ce village pour y faire leurs emplettes, Raymond a eu la chance de la fréquenter pendant un an. Le 13 novembre 1907, le curé de Howell, labbé Constant Bourdel, les a mariés à léglise du village. Léon Denis travaillait donc maintenant de société avec ses trois fils, Raymond, Clotaire et Clodomir. Quand le plus jeune des frères, Clodomir, a atteint lâge de 18 ans, il a pris son home-stead, le SE-30-37-1-W3. Il a aussi obtenu un script, «le Volunteer Bounty Grant», quil a utilisé pour obtenir la demie est du 23-37-1-W3. En 1905, un autre Français, Félix Haudegand, un veuf de Crespin, France, est arrivé dans lOuest canadien
avec ses deux enfants, Jules, 19 ans, et Justa, 10 ans. Selon Justa: «Nous avons débarqué à Québec. De Québec, on nous conseilla daller au lac St-Jean. À St-Jérome, mon père et mon frère ont travaillé un mois dans une ferme et fromagerie. Mon père pensait de sinstaller à St-Jérome mais les terres et les conditions ne leur plurent pas. Alors nous sommes partis pour lOuest canadien. Nous avons passé à Winnipeg et à Regina, de Regina à Duck Lake où il y avait
un agent coloni-sateur, un M. Dubois. Daprès les renseignements de ce monsieur, il y avait un prêtre, labbé Bourdel, qui était à même de fonder une paroisse, Howell, dont le nom a été changé à celui de Prudhomme. Avec un homme de Duck Lake, ses chevaux et sa voiture, nous nous rendirent à Howell. Labbé Bourdel nous encouragea à prendre des homesteads. M. Aimé Marcotte qui soccupait de montrer les terres aux nouveaux venus, nous amena voir du terrain au sud de Prudhomme. Ne connaissant rien au pays, mon père apprécia les conseils de M. Marcotte. Cest ainsi que mon père et mon frère ont pris un homestead sur la section 36 (township 37) et rang 1 à 15 milles au sud-ouest de Prudhomme. En 1905, à Howell, il y avait un petit magasin, deux ou trois maisons, et sur le haut de la butte léglise et le couvent. La messe se disait en haut et le bas servait de couvent et de presbytère.»(5) Les deux jeunes Haudegand et les deux frères Denis, Clotaire et Clodomir et leurs surs Marie et Maria, sont devenus de bons amis. Le 7 novembre 1910, Clodomir a épousé Justa Haudegand, maintenant âgée de 15 ans. Leur mariage a été béni par labbé Gagné dans la toute nouvelle paroisse de St-Denis fondée quelques mois auparavant. Cétait un mariage double car Jules Haudegand, le frère de Justa, épousait pendant la même cérémonie, Marie Denis, la sur de Clodomir. Clodomir et Justa se sont établis sur leur homestead, six milles à lest de celui de Jules et Marie. En 1911, ils ont dé-ménagé à Howell; Clodomir étant devenu agent des compagnies Massey Harris, Fairbanks et De Laval. Il vendait des disques, des balances, des pom-pes, des wagons, des écrémeuses, des moulanges, des brouettes, des scies, des formalineuses, et des engins à gaz. La tragédie a frappé la famille Denis en janvier 1913. Clodomir a contracté une pneumonie. Il en est mort le 8 janvier à lâge de 23 ans laissant dans le deuil, son épouse Justa, enceinte et âgée de 17 ans et demi, ainsi que sa fille Rose, née le 14 mars 1912. Justa et la petite Rose sont déménagées chez le grand-père Léon à St-Denis jusquà la naissance de lenfant quelle portait, le 26 mars 1913. Il a été nommé Clodomir Joseph en honneur de son père. Cette même année-là, les Denis ont décidé dobtenir dautre terrain, cette fois plus au nord, dans la région de Léoville. À St-Denis, Léon continuait à travailler la terre avec ses fils, Clotaire et Raymond. Les récoltes étaient assez bonnes et ils avaient acheté dautre terrain à St-Denis. Pas satisfaits de ça, ils ont décidé daller prendre dautres
homesteads à Witchekan, plus tard Laventure, quelques milles au sud de Léoville, pour faire lélevage des animaux, car il y avait là de bons pâturages, ouverts et gratuits, beaucoup deau et beaucoup darbres pour de labri. Clotaire a été le premier à partir pour établir un ranch. Lannée suivante, 1914, Léon et Fernande et leurs trois jeunes enfants, Louis, 8 ans, Hélène, 6 ans et Roger, 4 ans sont allés le rejoindre à Witchekan. Là-bas, il ny avait ni école, ni église, ni médecin. «Le chemin de fer et le village le plus proche était Debden à 28 milles. Le chemin pour sy rendre nétait quun sentier à travers la broussaille et les swamps, tandis quà St-Denis, il y avait une église à 7 milles et une école qui venait de se bâtir à 2 milles. Le 2 avril 1915 est né un autre garçon, Robert. Léon et sa famille sont demeurés à Witchekan pendant 4 ans.»(6) Raymond Denis et sa famille sont restés à St-Denis pour soccuper de la ferme. Il dit dans ses mémoires quil y avait des éléments des travaux de la vie dagriculteur quil naimait pas tellement: «Il est une chose que je naimais pas, cétait de travailler avec des boeufs. Ils étaient trop lents pour mon tempérament. Je ne me suis jamais non plus habitué à traire les vaches. Je préférais me passer de lait. Mais que cétait agréable de travailler avec des chevaux, surtout quand ceux-ci étaient un peu vigoureux. Les chevaux sur la ferme, cétait pour moi une passion.»(7) Toutefois, il affirme dans ses mémoires avoir passionnément aimé la ferme, ayant même acheté du terrain dans la région de Batoche, patelin de Louis Riel. Il a abandonné la vie de fermier en 1919 pour se consacrer à la vente dassurance et autres intérêts. Pendant ce temps, Justa, la veuve de Clodomir, allait dune famille à
lautre avec ses deux petits; soit chez son frère Jules, chez son beau-frère Raymond ou chez le beau-père Léon à Witchekan. Elle est arrivée à Witchekan en 1915. «Étant veuve, javais droit dappliquer pour un homestead, ce que je fis. Cette terre fut vendue avec les autres terres à M. Joseph Turgeon de Laventure. Le 11 janvier, 1916, Clotaire et moi, nous avons été mariés à Shell River, maintenant Victoire, par le curé de St-Denis, labbé Perquis qui a bien voulu bénir notre mariage. Le père Perquis était arrivé à Debden par le train. Clotaire alla le chercher à la gare par un froid de 40 sous zéro. Le pauvre prêtre était gelé et comme il avait une barbe, sa figure nétait quun glaçon lorsquil arriva au presbytère de labbé Voisin. (Nous étions arrivés la veille, le 10 janvier, chez le père Voisin. Nous avons été bien reçus.) Jai resté au presbytère pendant que Clotaire était allé chercher le père Perquis à Debden.»(8) Les témoins au mariage étaient labbé Voisin et sa sur, Mlle Voisin, plus tard Mme Calixte Branger de St. Louis. Les enfants de Justa, Rose et Clodomir étaient restés à Laventure avec leur tante Maria. En 1916, Maria Denis a marié Alfred Turgeon de Laventure. Ils se sont établis dabord à Shell River (Victoire) et ensuite à Laventure. Clotaire Denis, fils est né à Witchekan. En août 1919, Clotaire Denis, Justa, et leur famille (Rose, Clodomir et Clotaire, fils) sont revenus à St-Denis pour de bon. Cet automne-là, Léon, Clotaire et Raymond se sont séparés. Raymond et sa famille sont allés sinstaller à Vonda, Léon et sa deuxième famille travaillaient son terrain tout comme Clotaire et sa famille. Il avait maintenant 8 carreaux. Les terres à Laventure ont été vendues un peu plus tard à Jos Turgeon. La première famille de Léon Denis avait maintenant quitté le bercail. Il avait toutefois une deuxième famille avec Fernande qui comptait cinq enfants (Louis, Hélène, Roger, Robert et Léon). En décembre 1919, Fernand sest ajouté à la famille et une septième, Reine, est née en 1923. La cause française La défense de la langue française a toujours été un élément important pour les membres de la famille Denis. Raymond Denis a été le premier à simpliquer dans les «luttes nationales» canadiennes-françaises en Saskatchewan. Déjà comme jeune garçon en France, il sétait intéressé aux choses politiques. «Ma jeunesse, je suppose, fut tout à fait normale. Des études plutôt écourtées pour différentes raisons: tempérament batailleur et mintéressant beaucoup à la politique.»(9) Son père, Léon, voulant sauver du temps, lui faisait lire les journaux à haute voix, et, dès lâge de dix ans, le jeune
Raymond connaissait le nom de la plupart des 562 membres de la Chambre des députés de Paris. Établi à la ferme à St-Denis en 1909, cest à la demande de labbé Philippe-Antoine Bérubé, curé de Vonda, quil a prononcé un discours lors dune réunion de tous les représentants des Sociétés St-Jean-Baptiste de la province. «Le premier congrès des Canadiens français, après la formation de la province de la Saskatchewan, eut lieu à Vonda, les 29 et 30 juin 1909. Il fut convoqué par M. labbé Bérubé, curé de Vonda... Ce congrès avait pour but de créer une fédération des sociétés St-Jean-Baptiste qui
existaient déjà dans la province, et étaient assez actives, spécialement à Willow Bunch, Delmas et Vonda... Le soir, il y eut un grand banquet avec pas moins de 400 convives et, comme de coutume, toute une série de discours. M. le curé de Vonda mavait demandé, dans le cours de laprès-midi, si jaccepterais de parler sur une question quil mindiqua lui-même: «La langue gardienne de la foi.»(10) Jusquà sa mort en 1964, Raymond Denis est demeuré un des plus ardents défenseurs de la langue française en Saskatchewan, même après son départ pour Montréal avec sa famille en 1934. En 1910, il est devenu un des premiers actionnaires de la compagnie La Bonne Presse qui publiait le journal Le Patriote de lOuest. En 1918, après un congrès assez houleux de la Saskatchewan School Trustees Association, Raymond Denis a aidé à mettre en place lAssociation des commissaires décole franco-canadiens de la Saskatchewan (ACEFC). «Alors que Raymond se trouvait à Prince Albert, il prit loccasion den parler longuement avec le Père Auclair, directeur du journal, et Donatien Frémont, rédacteur. La discussion eut lieu dans les bureaux du «Patriote». À leur trois, ils ont décidé de nommer un comité provisoire avec Émile Gravel de Gravelbourg comme président et Raymond Denis de Vonda comme secrétaire général. Ils se sont adjoint plusieurs directeurs pour représenter les francophones des différentes régions de la province. En tant que secrétaire général de la nouvelle association des Commissaires décoles franco-canadiens, il pouvait écrire ce que bon lui semblait. Dans ses mémoires, il avoue avoir écrit à tous ses directeurs pour dire quà une assemblée très représentative, ils avaient été élus directeurs de lAssociation des Commissaires. À vrai dire, ils étaient trois, dont deux nétaient même pas commissaires décoles, Donatien Frémont étant le seul commissaire. Le premier congrès de cette nouvelle association eut lieu en 1919,
à Regina.»(11) En 1923, il a été élu président de lACEFC et, deux ans plus tard, en 1925, il a également assumé la présidence de lACFC. Il est demeuré président des deux organismes jusquà son départ pour Montréal en octobre 1934. Durant ses multiples mandats à lACFC et à lACEFC, il a dû réorganiser lACFC qui était au bord de la faillite en 1925, il a joué un rôle important dans la création des examens de français et il a dû lutter corps et âme contre la haine du Ku Klux Klan et du gouvernement Anderson envers tout ce qui était français et catholique. Une fois établi à Montréal, Raymond Denis na pas oublié ses chers Franco-Canadiens de la Saskatchewan. Il a travaillé avec eux pour mettre sur pied les postes de radio française à Gravelbourg et à Saskatoon. En 1951, il est même revenu en Saskatchewan pour mener la campagne de souscription qui a prélevé plus de 500 000 $ pour létablissement des deux postes. Tout en voyant au bon fonctionnement de son entreprise agricole, Clotaire Denis na jamais hésité à suivre lexemple de son frère Raymond et de simpliquer dans les causes nationales canadiennes-françaises. Dès sa création en 1912, il est devenu actif dans lAssociation catholique franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC). Il a aussi été actionnaire de la compagnie La Bonne Presse et directeur du journal Le Patriote de lOuest. Au niveau local, il a aidé à mettre sur pied le district scolaire Casavant et a été commissaire décole et secrétaire du district de 1920 à 1961. Enfin, il a participé à lorganisation de Radio-Prairie-Nord Ltée, la compagnie établie pour mettre en place le poste CFNS à Saskatoon et ensuite ladministrer. Il a été directeur de cette compagnie de 1944 à 1958 et président de 1958 à 1968.
Bien sûr, il y avait aussi des choses qui loccupaient plus près de la maison. Clotaire Denis a été con-seiller de la Municipalité rurale de Grant à quelques reprises entre 1924 et 1958, ayant siégé pour un total de 20 ans. À un temps où il y avait une série de petites compagnies
de téléphone rurales dans la province, il a été un des fondateurs de la compagnie de téléphone dans la région de Vonda, ayant même assumé la présidence de cette compagnie de 1939 à 1945. Il en a aussi été le secrétaire de 1946 à 1969. Il a été un membre fondateur de la coopérative de Vonda, directeur de 1939 à 1954, et pré-sident de 1954 à 1966. Enfin, Clotaire Denis a été un
des fondateurs de la paroisse de St-Denis en 1910. Il en a été marguillier pendant 45 ans. Il nest donc pas surprenant que les enfants et les petits-enfants de Léon Denis soient très attachés à leurs racines françaises. Ont assumé la présidence de lACFC: Maurice, fils de Raymond (1959-1963) et Clotaire, fils (1975-1977), et Ligouri Leblanc, gendre de Clotaire (1983-1985). Ligouri Leblanc a aussi été président des commissaires décoles (ACEFC). Durant les années 1980 et 1990, Gérard LeBlanc, fils de Ligouri, a été président de lAssociation des parents fransaskois durant ses longues luttes pour lobtention de la gestion scolaire en Saskatchewan. Un des petits-fils de Raymond Denis, Paul (fils de Maurice Denis), a été président de lAssociation canadienne-française de lAlberta, tandis quun fils de Clotaire Denis, fils, Arthur, a mené les destinées de la Commission culturelle fransaskoise pendant dix ans. Et, comme il a été mentionné plus tôt, deux des arrière-petits-fils de Léon Denis, Normand (fils de Clotaire Denis, fils) et Wilfrid (fils de Clodomir Denis, fils) sont très actifs comme député de lAssemblée communautaire fransaskoise. Un autre descendant de Léon Denis, un petit-fils de Marie Denis et Jules Haudegand, Roger Lepage, est impliqué avec lAssociation des juristes dexpression française de la Saskatchewan depuis sa fondation en 1987. Il ne faudrait pas non plus passer sous silence lénorme contribution des descendants de Léon Denis au sein de leur communauté, soit au conseil municipal, au conseil scolaire, au conseil culturel, au conseil paroissial, etc. La famille Denis est depuis longtemps une famille canadienne-française modèle. La communauté fransaskoise lui doit une dette de reconnaissance pour son courage, sa ténacité et sa volonté dassurer une longue vie à notre belle langue et notre culture. Au début du 21e siècle, il a été possible de fixer la descendance de Léon Denis à environ 1 240 sur cinq générations.
Notes et références (1) Denis: Une histoire de famille, Comité historique, p. 15. (2) Ibid., p. 16. (3) Ibid., p. 62. (4) Ibid., p. 17. (5) Denis, Justa, Mes mémoires, Manuscrit en dépot aux Archives de la Saskatchewan, RE1282, p. 3. (6) Denis: Une histoire de famille, Ibid., p. 18. (7) Denis, Raymond , «Mes Mémoires», Vie française, Volume 22 nos 9-10, mai-juin 1968, p. 243. (8) Denis, Justa, Ibid., p. 8 et 9. (9) Denis, Raymond , «Mes Mémoires», Vie française, Volume 22 no 6-7, mars-avril 1968, p. 185. (10) Ibid. Volume 22, no 9-10, mai-juin 1968, p. 265-267. (11) Denis: Une histoire de famille, Ibid., p. 32. |
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