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Des lieux

L'église de Bellevue

Enfin les travaux de notre église s'achèvent. Le presbytère est complètement terminé. Le curé est installé depuis huit jours déjà. Il remercie ses paroissiens de leur bonne volonté et de leur bon esprit. C'est si bon d'être chez soi.

Le Patriote de l'Ouest
le 5 octobre 1910
Lorsque l'abbé Pierre-Elzéar Myre arrive pour fonder la paroisse de Saint-Isidore de Bellevue en 1902, plusieurs nouvelles familles francophones sont venues rejoindre la famille d'Azarie Gareau à Garonne: Ashby, Dumas, Gaudet, Gauthier et Grenier pour n'en nommer que quelques-unes. Mais il y a aussi plusieurs familles métisses dans la région: Dumont, Gariépy, Légaré, Parenteau, Pépin et Smith. Notons que le grand chef Métis, Gabriel Dumont, est mort chez un neveu à Bellevue en 1906. «C'est durant un séjour chez son neveu, Jean-Baptiste Dumont, dans la partie sud de la paroisse de Bellevue, que la mort vint le chercher le 19 mai 1906, à l'âge de 68 ans.»(1)

L'abbé Myre choisit alors d'établir son église entre les groupes métis et francophones, c'est-à-dire dans la vieille école construite en 1885. (Voir Garonne, Eau vive, le 16 avril 1992.)

En attendant que la vieille maison sur son homestead soit aménagée, le curé s'installe chez Isidore Dumas, à un mille à l'est de l'école. «L'Abbé Myre s'installe chez Isidore Dumas, un Canadien français marié à une métisse. Diplomatie?... Mgr Pascal avait d'ailleurs recommandé à M. Myre de se mettre entre les deux groupes.»(2)

Il passe le premier hiver chez Isidore Dumas. «Il a une chambre à sa disposition au second étage et il mange à la table des Dumas... Pour se garer du froid, M. Myre mettait son capot de chat sauvage sur son lit. Il racontait, avec une pointe de malice, qu'au printemps, à leur réveil, les puces étaient si nombreuses qu'elles ont failli emporter son capot.»(3)

À l'été de 1903, le curé peut enfin aménager son presbytère. On a rallongé l'école pour faire place à un sanctuaire. Cependant, au fur et à mesure que la paroisse grandit, on reconnaît la nécessité de bâtir une nouvelle église. Ce n'est qu'en 1907 qu'on décide d'aller de l'avant avec un projet de construction.

Cette même année-là, l'abbé Myre vend son homestead, sur lequel est situé l'école et l'église, à un nommé Honoré Beaulieu qui ouvre un magasin et prend en main le bureau de poste de Bellevue. Cette transaction signale le début d'une longue bataille entre les deux hommes qui ne prendra fin qu'avec le départ du curé en 1910. «Dans le contrat de vente, l'abbé Myre a oublié de réserver le morceau de terrain de l'église et du presbytère: tout appartient à Beaulieu.»(4)

Beaulieu menace de faire éclater le projet de construction d'une église «sur son terrain». Bien sûr, les paroissiens se rangent du côté de leur curé. À leur tour, ils menacent d'arrêter d'aller acheter au magasin de Beaulieu. Le commercant se voit obligé de plier lorsqu'on propose de bâtir la nouvelle église deux milles au nord.

Une fois ce problème réglé, on se met au travail sur la nouvelle église. «En 1907, débutèrent les travaux de construction dirigés par les Frères Welsh et Lacroix, frères convers Oblats de Duck Lake.»(5) Mais le travail n'avance pas vite. Trois ans plus tard, les travaux sur l'église ne sont pas encore terminés, même si on utilise l'église en été (en hiver, on regagnait la vieille école). «Le trois juillet 1910, à l'occasion de la première communion, on avait le salut du Très Saint Sacrement. Durant le salut, une tempête s'élève, un vent terrible (on eut peur que le toît ne parte au vent), une grosse pluie; les planches clouées dans les fenêtres ballotaient au gré du vent.»(6)

Ce n'est qu'à la fin de septembre 1910 que le curé peut enfin aménager son nouveau presbytère. Quelques semaines plus tard, on finit les travaux sur l'église. Toutefois, la petite guerre entre l'abbé Myre et Honoré Beaulieu bat encore son plein et en 1910, le curé demande à son évêque de le transférer ailleurs. L'abbé Pierre-Elzéar Myre ira à Marcelin, tandis que l'abbé Henri Chauvin viendra le remplacer à Bellevue.

Bellevue: Samedi dernier, toute la contrée de Bellevue était en liesse. M. l'abbé Chauvin, le dévoué curé de cette mission, avait fait pour son église l'acquisition d'une cloche, et Mgr l'évêque était arrivé de Prince Albert pour la bénir... La jolie église, qui domine les environs comme une reine, semblait plus fière encore que de coutume.»
Le Patriote de l'Ouest
le 14 septembre 1911.

À cette époque, il est commun de baptiser les cloches d'église et de leur donner des noms. Hélas, l'article ne dit pas quel nom a été donné à la cloche de Bellevue. En 1912, le curé Chauvin perd son presbytère dans un incendie et il faut reconstruire.

L'escarmouche entre le curé Myre et le commerçant Beaulieu n'est rien comparativement à la guerre qui éclate à Bellevue quinze ans plus tard. En 1925, la plupart des familles canadiennes-françaises sont établies au nord et au nord-est de l'église. Les familles métisses, anciennement établis au sud et au sud-est de l'église ont quitté la région et ont cédé leurs terres à des «Galiciens».(7)

Cette fois-là, on déménage l'église dans le slough, deux milles au nord et un mille et quart à l'est, à l'emplacement du village actuel. À cause de cette dispute, certaines familles quitteront Bellevue pour aller s'établir ailleurs.

Références

(1) Dubuc, abbé Denis et Gaudet, abbé Roland, Généalogie des familles de la paroisse de St.-Isidore de Bellevue, Sask., Saint-Louis (Sk): Roland Gaudet, 1970, p. 35.
(2) Gaudet, abbé Roland, St. Isidore de Bellevue, 1902-1977, St-Louis (Sk): Roland Gaudet, 1977, p. 7.
(3) Ibid., p. 7.
(4) Ibid., p. 9.
(5) Dubuc, abbé Denis et Gaudet, abbé Roland, op. cit., p. 71.
(6) Gaudet, abbé Roland, op. cit., p. 9.
(7) Galicien: nom qu'on donnait aux Ukrainiens.

Sources

Un bout d'histoire.... 15

Dubuc, abbé Denis et Gaudet, abbé Roland, Généalogie des familles de la paroisse de St.-Isidore de Bellevue, Sask., Saint-Louis (Sk): Roland Gaudet, 1970.

Gaudet, abbé Roland, St. Isidore de Bellevue, 1902-1977, St-Louis (Sk): Roland Gaudet, 1977.





 
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