Revue historique: volume 5 numéro 4L'activité culturelle et artistique dans la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan au début du XXe sièclepar Laurier Gareau Vol. 5 - no 4, avril 1995
La culture fransaskoise est beaucoup plus que le fol klore traditionnel canadien-français; c'est un heureux mélange entre le folklore de nos ancêtres, qu'ils soient venus du Québec, de la France, de la Belgique ou même de la Suisse, et aussi de cent ans de vécu dans les prairies de l'Ouest. Dans ce contexte, pour ceux qui se disent Fransaskois, la fête de la Saint-Jean-Baptiste a aussi peu à faire avec leur culture vivante que les «perogies» qu'ils ont emprunté à leurs voisins de descendance ukrainienne et qu'ils consomment depuis 90 ans. Si la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan a pu survivre et même évoluer pour se développer une culture «fransaskoise» unique, c'est en grande partie à cause du nombre, quand même incroyable, d'activités culturelles et artistiques organisées au début du siècle dans les villages fondés par des Canadiens français, des Français et des Belges. On retrouve même des éléments de cette activité culturelle et artistique à la fin du XIXe siècle. A la Rolanderie, dans la région de Whitewood et Saint-Hubert dans le sudest de la Saskatchewan, les familles nobles venues de la France s'impliquent dans la vie sociale de la région. Certains comtes sortent même leurs vieux instruments pourfaire partie de la fanfare de Whitewood: «Une photographie de l'époque nous montre le groupe de la fanfare municipale de Whitewood. On y distingue aisément: le comte de Jumilhac (le petit bugle), le comte de Soras (piston), Robert Wolfe (clarinette) et le comte de Langle (tambour)»(1) Cette fanfare avait été mise sur pied par le directeur de l'école de Whitewood, M. W.H. Hudson. Parmi les membres de la fanfare, il y avait aussi un des fils du comte de Beaulincourt.(2) Whitewood était aussi, vers 1885, le patelin de la «The Guérin Dramatic Company», lapremièrecompagnie dethéâtre professionnelle dans l'Ouest canadien. Cette troupe bilingue avait été établie par Angelica Mary (Tritton) Guérin, une Anglaise d'Angleterre, et un jeune dentiste français, Jean-François Guérin. Au tout début, la troupe comprenait seulement le jeune couple, mais plus tard, leurs enfants ont fait partie de la distribution. «La qualité de leurs représentations les fit bientôt connaît re et reconnaître. Au fil des ans, ils se produiront avec leurs enfants sur les scènes souvent improvisées de nombreuses villes de la Saskatchewan, nommément: Regina,
Photo: Archives de la Saskatchewan Lafanfare de Whitewood avec certains aristocrates français, vers 1885. On y reconnaît le comte de Soras (piston) et M. de Wolf (clarinette à la gauche, le comte de Jumihac (petit bugle), avant dernier de la droite et le comte de Langles (tambour), au centre. Wapella, Whitewood, Moosomin, Qu'Appelle et Gren fell. Les spectateurs de l'époque pouvaient apprécier les oeuvres d'auteurs tels Shakespeare, Molière, Dickens et lnglesbury.
L'arrivée, au début du XXe siècle, de milliers de pionniers de langue française mène à l'établissement, aux quatre coins de la Saskatchewan, de centaines de communautés francocanadiennes. Puisqu'il n'existe pas encore de télévision ou de radio pour divertir les gens de ces villages, on organise régulièrement des soirées dramatiques et musicales. On établit même des fanfares dans plusieurs villages. Les concerts paroissiaux Une activité très populaire dans les communautés francophones au début du siècle est le «concert» du village ou de la paroisse. Ces «concerts» empruntent librement au vaudeville qui est très populaire à cette époque aux États-Unis. Comme le vaudeville, le «concert» dans la communauté franco-canadienne de la Saskatchewan mélange différentes formes d'expression artistique: pièces de théâtre, chansons, récitals de piano et même des danseurs à claquettes. En parcourant les pages du Patriote de l'Ouest, on trouve plusieurs articles au sujet de concerts qui ont eu lieu dans les communautés francophones de la Saskatchewan. Dans une courte période de sept mois, de janvier à juillet 1918, nous avons relevé un total de 53 articles parlant de concerts à des endroits comme Arborfield, Delmas, Duck Lake, Gravelbourg, Howell (Prud'homme), Marcelin, Montmartre, Ponteix, Prince Albert, Saint-Denis, Sainte-Marthe, Saint-Hubert Mission, Saint-Louis, Vonda et Willow Bunch. En voici quelques exemples. Dans le Patriote de l'Ouest du 16 janvier 1918 on peut lire dans la chronique de Gravelbourg: «Le 27du mois de décembre dernier a eu lieu, dans la salle Saint-Jean-Baptiste, une séance dramatique et musicale. On joua «Cercle de femmes» comédie tout à fait spirituelle de Jean Ségaux. » Dans le même numéro du Patriote de l'Ouest du 16 janvier 1918, on apprend qu'il y a aussi eu un concert pendant le temps des fêtes à Sainte-Marthe, dans le sud-est de la province près de Rocanville. Lors de ce concert, on a présenté des numéros au piano, des jeunes ont fait entendre leurs habiletés oratoires, il y a eu des chants et des pièces religieuses. Dans le Patriote de l'Ouest du 23 janvier 1918, on peut lire qu'Aurélie Vallière, Juliette Roy et Margot Langlois de Delmas ont présenté une pièce de théâtre pendant le temps des fêtes «Nous offrons nos félicitations aux dames de la Croix rouge pour leur beau succès de leur fête de Noël. La pièce «Le beignet de Noël» fut très bien rendue. » Pour clore la soirée, les dames ont eu recours à une personnalité bien connue à Delmas à cette époque. «La belle voix de M. Jos Duval fut, comme toujours, très appréciée dans son joli répertoire de chansons canadiennes. »(6) Un mois plus tard, les 10 et 11 février 1918, les trois communautés de Delmas, Gravelbourg et Sainte-Marthe organisent de nouveaux concerts pour mettre un terme aux jours gras. Le Carême s'en vient, mais il faut avoir un dernier concert avant le grand jeûne. C'est aussi le cas à Ponteix, comme on peut le lire dans le Patriote de l'Ouest du 20 février 1918. «Les élèves du couvent nous ont donné les derniers jours du carnaval, dans le soubassement de l'église, une
soirée récréative parfaitement réussie, bien que préparée seulement depuis une semaine et complètement en dehors des heures de classe. »(7) A cette époque, l'art dramatique joue aussi un rôle important dans la vie sociale des élèves du Collège Mathieu. Avant l'aménagement du gymnase en 1949, une scène avait été érigée dans la salle des jeux située au sous-sol de l'ancien édifice du Collège. Là, on y présentait des grandes comédies et des tragédies françaises. Par exemple, à l'occasion des fêtes du 25 anniversaire du Collège en 1943, les élèves avaient préparé un concert dont la pièce de résistance était une comédie en trois actes de T. Botrel, Jean Kermor. Rappelons qu'à cette époque il n'était pas question d'avoir des filles dans des productions théâtrales au Collège Mathieu; c'étaient les gars qui assumaient eux-mêmes les rôlesféminins dans les pièces de théâtre jusqu'aux années 1960. Souvent les concerts d'antan étaient organisés pour prélever des fonds pour payer la dette de l'église, ou de l'école; ou encore, l'activité était organisée au profit d'une organisation comme la Société Saint-JeanBaptiste de Willow Bunch. Malgré la crise économique des années 1930, l'activité dramatique se poursuit et, dans certains cas, on arrive même à accueillir des artistes de l'étranger, comme c'est le cas à Prud'homme en 1936. L'occasion est une grande fête organisée pour marquer l'anniversaire du curé, Mgr Constant Bourdel. Dans son discours de remerciement, Mgr Bourdel écrit: «Avant de nous séparer qu'il me soit permis d'adresser à nos artistes quelques paroles de remerciement et de félicitations. Remerciement pour la bonne soirée qu'ils nous ont fait passer: félicitations pour le talent qu'ils ont montré dans l'interprétation de leur rôle... Mais je m'en voudrais de ne pas adresser des remerciements particuliers à l'auteur de cette comédie et de ce ballet mademoiselle Bosiés qui a joué avec tant de brio dans ces deux pièces.» (8) L'auteure en question, Mme Bosiés, avait connu l'abbé Bourdel 32 ans auparavant en France lorsque l'abbé était vicaire dans la paroisse Notre-Dame de Nantes. Depuis le départ du curé pour le Canada, et Prud'homme, Mme Bosiés avait écrit de nombreuses comédies qu'elle avait fait jouer dans plusieurs villes de la France, du Maroc et de la Syrie. Mgr Bourdel ajoute dans son discours: «Je fus bien surpris quand il y a 5 à 6 mois je recevais de Mademoiselle Bosiés une lettre dans laquelle elle me proposait de venir jouer une de ses pièces à Prud'homme. » La pièce présentée par Mme Bosiés et ses jeunes comédiens de Prud'homme est Une vieille fille et ses 13 garçons. Mgr Bourdel décrit la pièce comme suit: «Il y a des comédies qui sont composées uniquement pour faire rire. Les auteurs de ce genre de comédies méconnaissent le but du théâtre qui est d'instruire, de moraliser en faisant rire. Mademoiselle Bosiés n'est point tombée dans ce travers; ses pièces ont toutes un but moralisateur. Elles nous font rire en nous instruisant. » Donc, malgré la crise économique, les gens continuent à faire du théâtre et à s'y rendre pour se divertir. La musique Au début du siècle, on trouve les cahiers de «La Bonne Chanson» de l'abbé Gadbois dans la plupart des foyers francophones de la Saskatchewan. Mais il est aussi possible de trouver, dans ces mêmes foyers, des copies des chants patriotiques du R.P. Georges Boileau, o.m.i. ou ceux de l'abbé Louis-Pierre Gravel. Les deux abbés travaillent dans la région de Gravelbourg. Au temps des pionniers, il est possible de trouver un piano, une guitare, un accordéon ou même un harmonica dans la plupart des foyers canadiens-français, comme il était possible de trouver un violon dans tous les foyers métis à la fin du XIXe siècle, Il y a donc plusieurs bons musiciens dans les communautés francophones et métisses. Certains d'entre
eux se regroupent pour former des orchestres. À Duck Lake, un ensemble musical offre un mélange de mélodies traditionnelles, de danses carrées et de rengaines modernes, copiées des big bands américains. Parmi les membres de ce groupe, il y a Jos de la Gorgendière, Gaston Dubois et Raoul Saint-Denis.' Dans certaines communautés francophones, l'établissement d'un cercle local de la Société Saint-JeanBaptiste permet l'établissement de fanfares ou de chorales. A Willow Bunch, «le comité musical, formé lui aussi dès les premiers jours de la Société, organise une chorale de vingt-six voix mâles, sous la direction du Dr Godin, et une fanfare de vingt instruments. »(12) A Gravelbourg, la Société Saint-Jean-Baptiste tente d'en faire autant. «L'Association Philharmonique et la Chorale de Gravelbourg, constituées sous les auspices de la Société en 1915 et 1916 respectivement, n'obtiennent que des résultats décevants; la fanfare sera réorganisée deux ans plus tard, sans beaucoup plus de succès d'ailleurs, puisqu'on formera la fanfare Huel en 1924.»(13) Ailleurs, comme à Laflèche se sont des individus comme Tabaldo Bourassa qui fondent une fanfare. Au début, les membres des fanfares régionales et les chefs des chorales reçoivent leur formation musicale ailleurs, mais avec l'établissement des couvents et du Collège Mathieu, les jeunes Franco-Canadiens de la Saskatchewan peuvent enfin recevoir une formation musicale dans la province. Dans tous les couvents, il y a au moins une religieuse qui offre des cours de musique, qu'il s'agisse des couvents de Marcelin, Saint-Louis, SaintBrieux, Ponteix, Montmartre ou Laflèche. Pendant de nombreuses années, le seul revenu des Soeurs de la Charité de Saint-Louis au couvent de Radville, à part la pension des élèves, est le coût payé par les parents pour des leçons de musique, les religieuses ne recevant pas de salaire puisqu'elles opèrent une école privée. Au Collège catholique de Gravelbourg, c'est avec sa fanfare que l'institution établit sa réputation dans le domaine de la musique. «Dès le début du Collège, on a compris l'influence formatrice de la musique, et c'est pourquoi on a toujours fait la place grande à son étude théorique et à ses réalisations pratiques... Et les fondateurs, soucieux de bien commencer, etsachant que la culture musicale est un élément essentiel de formation générale, encouragèrent l'étude de cet art. » 4 Aujourd'hui, cette tradition se poursuit avec l'harmonie, le MAT, la chorale et le Jazz band. Toutefois, dès 1918, les pères réalisent que l'étude de la musique, dans une situation de salle de classe, ne saurait pas nécessairement inculquer chez les jeunes le goût de la musique. Puisque les fanfares continuent d'être populaires dans la province, les dirigeants du Collège optent de mettre sur pied une fanfare pour créer un intérêt chez les élèves. «Sous la vigoureuse impulsion de Monsieur l'abbé Louis Lussier, alors professeur au collège, le premier embryon débuta en 1921.»(15) Le R.P. Aimé Lizée, o.m.i., recteur du Collège de 1941 à 1944, fait partie de la première fanfare en 1921. Lorsqu'il revient au Collège comme professeur quelques années plus tard, il en devient chef d'orchestre. En 1930, le directeur de la fanfare est le R.P. Maurice Dussault, o.m.i. Cet oblat décide qu'il devrait aller mesurer son groupe avec les autres fanfares de la province. Le groupe brille cette année-là et dans les années qui suivent: «Sur dix participations aux concours, la fanfare remporta le trophée Classe 'B' dix fois; le trophée Classe 'Junior', huit fois, et le
trophée 'Toddington', décerné à la fanfare qui obtient la plus haute note, indépendamment de la classe, trois fois. (16) Ni la diminution du nombre d'élèves au Collège, ni la dépression qui sévit à travers le pays durant les années 1930, n'enlève à la qualité de la fanfare du Collège Mathieu. Ailleurs dans la communauté francophone de la Saskatchewan, le goût de la musique pousse de nombreux Franco-Canadiens de la Saskatchewan à apprendre à jouer du piano, de l'orgue, de la guitare, du violon, etc. Chaque paroisse peut vanter ses chantes; à Bellevue il y a Fortunat Tessier, Dom-Léo Grenier, Jean Gaudet et Émile Topping, tandis qu'à Gravelbourg on se souvient de la belle voix de l'avocat Crépeau. De temps à autres, les francophones ont l'occasion d'assister à des concerts donnés par des vedettes de renommées nationales et internationales; Paul Dufault fait une tournée de l'Ouest en 1919. Durant les années 1920, les Franco-Canadiens ont souvent l'occasion d'assister à un chautauqua, un circuit d'artistes dont le but est de répandre la culture en Amérique du Nord. «On trouvait à peu près de tout au programme. D'abord, des numéros musicaux: un quintette à cordes classiques, un ténoret une colorature, des chanteurs tyroliens, quelques Noirs exécutant des 'chants typiques des plantations', un virtuose du violon, des Hawaïens avec leurs ukulélés, un groupe de joueurs de clochettes suisses ou de chanteurs cosaques. L'exotisme exerçait de toute évidence un attrait particulier.»(17) Mais la dépression met fin à ces visites d'artistes de renommée; les francophones doivent maintenant se contenter de leurs propres artistes. Les artistes du temps Les musiciens Certains artistes francophones ont séjourné en Saskatchewan au début du siècle. Ils ont laissé un bel héritage artistique dans les domaines de la musique, des arts visuels et de la littérature. Plus tôt, il a été mention des chants patriotiques du R.P. Georges Boileau, o.m.i. et de l'abbé Louis-Pierre Gravel. Certains frères de l'abbé Gravel ont aussi composé des chants. Mais c'est le père Boileau qui a le plus contribué à notre héritage musical. Il est né à Sainte-Geneviève-de-Pierrefonds, Québec, le 27 août 1885. Après des études au juniorat du Sacré-Coeur à Ottawa, au Noviciat de Lachine et au scolasticat SaintJoseph à Ottawa, il est ordonné prêtre le 23 juillet 1911. Oblat de Marie Immaculée, il travaille dans certaines paroisses au Québec et fait ensuite un séjour au scolasticat d'Edmonton avant d'arriver en Saskatchewan en 1921. «De retour dans l'Ouest, le père travailla au Collège Mathieu de Gravelbourg, Saskatchewan (1921-1930), fut nommé visiteur des écoles françaises de cette province (1927-1930), puis vicaire à Lebret, Saskatchewan (1930-1932). (18) C'est durant son séjour au Collège Mathieu qu'il écrit les paroles pour la plupart de ses chants patriotiques. Il recrute plusieurs collaborateurs pour composer la musique pour ces chants, entre autres le R.P. Henri Gervais, o.m.i, l'abbé A. Erny et Messieurs E.-H. Chatillon, Pierre Gautier, J.-l. Paquet et J.-A. Contant. Au moins douze chants ont survécu jusqu'à nos jours, soit Le Doux Parler Ancestral (Boileau-Gervais), L'Hymne de Gravelbourg à la Vierge Immaculée (BoileauGervais), Vive 'Le Patriote' (Boileau-Erny), 'Le Baiser de la Langue Française' aux 'Petits de Chez-Nous' (BoileauChatillon), Stances Patriotiques des Écoliers de Langue Française à la Vierge Immaculée (Boileau-Gervais), Le Blé Qui Lève (Boileau-Gervais), La Patrie (Boileau-Gautier), L'Éclosion des Berceaux (Boileau-Paquet), Floraison de Lys au Canada Français! (Boileau-Contant), La Survivance de Dollard des Ormeaux (Boileau-Gervais), À l'Avant-Garde! O Do/lard des Ormeaux! (Boileau-Contant) et Reviens Dollard... Combattre 'Jusqu'au Bout'! (Boileau-Chatillon).
Plusieurs chants du père Boileau sont dédiés aux évêques et aux curés de la Saskatchewan du temps; par exemple, Vive 'Le Patriote' est dédié à Monseigneur Mathieu de Regina et à Monseigneur Prud'homme de Prince Albert et aux pères Achilles-Félix Auclair et Ubald Langlois, o.m.i., ancien et actuel directeur du journal tandis que L'Hymne de Gravelbourg à la Vierge immaculée est dédié à l'abbé Charles Maillard curé de Gravelbourg. Le père Boileau dédie même 'Le Baiser de la Langue Française' aux 'Petits de Chez-Nous' à la mémoire de Mgr Adélard Langevin «l'ardent défenseur du Parler des Aïeux aux lèvres des Petits Canadiens-Français, l'irréductible champion de nos libertés scolaires, nationales et religieuses. »(19) En plus des chants du père Boileau, il est possible de noter un nombre de chants composés parles frères Gravel de Gravelbourg. Guy Gravel est l'auteur des paroles de La Belle Cousine (musique de Botrel) et Floraison (musique d'Émile Gravel) tandis que l'abbé Louis-Pierre Gravel est l'auteur et le compositeur de M'Aimeras-tu?, Cantique de Mariage, Cantique à S. Jean-Baptiste et Hymne à S. Jean-Baptiste. Il collabore avec son frère, le docteur Maurice Gravel, pour composer la musique du chant, Autrefois, écrit la musique pour le poème de Victor Hugo, La Demoiselle et les paroles pour la musique de l'abbé Erny de Meyronne, Ô Mon Pays! Il écrit aussi les paroles Sors de ce Monde, Ame Chrétienne pour être chantée avec la musique d'une vieille mélodie espagnole. Au début du siècle, les partitions musicales de tous ces chants sont disponibles aux Franco-Canadiens de la Saskatchewan ayant été imprimées chez Gravel & Frères, Éditeurs de Gravelbourg.
Les auteurs Selon l'abbé Jean Papen, la Saskatchewan n'aurait produit aucun auteur de marque, comme ce fut le cas au Manitoba et en Alberta. «Dans l'héritage de la littérature francophone écrite dans l'Ouest canadien, le Manitoba peut se glorifier de quelques noms célèbres comme Maurice ConstantinWeyer ou Gabrielle Roy, et l'Alberta est fière de son Georges Bugnet. Mais la Saskatchewan ne compte pas d'auteur de quelque renom pour lui donner une certaine importance dans ce domaine. »(20) L'abbé Papen affirme dans ce même article qu'un seul auteur a publié une oeuvre littéraire durant les premières années du siècle, soit le poète Joseph Harvey. Cette affirmation de l'abbé Papen est fausse puisque des auteurs comme Jean Féron et AugusteHenri de Tremaudan ont aussi publié des oeuvres avant la deuxième guerre mondiale. D'autres Franco-Canadiens de la Saskatchewan, comme Eugène Pascal Rayne, dont le pseudonyme est Jules Lamy, et Gaston Giscard écrivent mais leurs oeuvres ne sont publiées que plusieurs années plus tard. Dans la terre promise, de Jules Lamy et Jean Féron, est seulement publiée sous forme de livre en 1986 par les Editions des plaines à SaintBoniface, mais le document avait été publié sous forme de feuilleton en 1929 dans Le Soleil de Québec. Quant à Giscard, un pionnier dans la région de la Butte du paradis, dans le nord-ouest de la Saskatchewan, son livre, Dans la prairie canadienne, est publié à Lyon par les Éditions des remparts, en 1952. Une autre auteure qui contribue à la littérature franco-canadienne de la Saskatchewan, au début du siècle est Marie-Anne Duperreault. Originaire de Saint-Damien de Brandon, Québec, elle passe la majeure partie de sa vie dans une ferme à Willow Bunch, Saskatchewan. Pendant de nombreuses années, Mme Duperreault publie des articles dans Le Patriote de l'Ouest sous le pseudonyme de Perrette. En 1969, plusieurs de ces articles sont regroupés dans une anthologie intitulée Esquisses canadiennes. Ces auteurs n'ont peut-être pas été les seuls à prendre plume et papier pour écrire poèmes, romans, pièces de théâtre ou essais. Il est tout à fait possible que d'excellents manuscrits aient été écrits par des pionniers pour n'être jamais soumis pour publication. Nombreux sont les manuscrits qui auraient été détruits au fil des ans, mais d'autres ont peut-être survécus, reposant depuis longtemps dans le fond d'une boîte dans un grenier ou un sous-sol. Les beaux-arts Enfin, dans le domaine des beauxarts, la Saskatchewan française peut être fière d'avoir eu un des grands peintres religieux du début du siècle, l'abbé Charles Maillard. En 1917, il devient curé de la paroisse Sainte-Philornène de Gravelbourg où ses toiles religieuses feront de la cathédrale un lieu historique. Toutefois, avant même son arrivée à Gravelbourg, l'abbé Maillard a commencé à se faire une réputation comme peintre. Il a exercé sa profession de curé à Wolseley dans le sud-est de la province pendant 12 ans où il peint des toiles pour l'église. Dans Le Patriote de l'Ouest, on découvre aussi qu'il a fait des toiles pour l'église de Willow Bunch. «Dans l'église de Willow Bunch, où se sont tenues plusieurs séances du dernier congrès franco-canadien, tous ont admiré l'harmonieux coup d'oeil que présentent le sanctuaire et les murs de transept. C'est que Willow Bunch s'est acquis le privilège très rare encore en Saskatchewan d'avoir une église décorée de toiles murales. Cette transformation magnifique est l'oeuvre de M. l'abbé Maillard, curé de Wolseley, dont le pinceau habile sait reproduire avec succès même les chefs-d'oeuvre les plus difficiles des grands maîtres. »(21) Une des toiles dans le sanctuaire de l'église de Willow Bunch mesurant 18 pieds par 14 représente Jésus sur croix se donnant au monde. Deux anges adorateurs sur la toile sont de grandeur nature. Hélas, une nouvelle église est construite à Willow Bunch en 1959. Qu'est-il advenu des toiles de l'abbé Maillard? Personne n'a pu nous répondre.
En 1917, Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, archevêque de Regina, nomme l'abbé Maillard curé de Gravelbourg. «Au printemps de 1921, le prêtre artiste reprend ses pinceaux. lia déjà établi un plan général et complété quelques esquisses. Il veut
couvrir les murs, depuis le parquet jusqu'aux corniches, ainsi que la voûte toute entière, d'une série de tableaux résumant les principa uxpoints de l'enseigne-ment catholique. »(22) L'abbé Charles Maillard passe plus de dix ans à peindre les toiles qu'on retrouve aujourd'hui dans la cathédrale de Gravelbourg. En plus de peindre des toiles pour les églises de Wolseley, Willow Bunch et Gravelbourg, l'abbé Charles Maillard aurait aussi peint un fond de scène pour le théâtre du Collège Mathieu. Selon Roland Pinsonneault, étudiant au Collège durant les années 1920, la toile représentait l'arrivée de La Vérendrye dans l'Ouest canadien au XVllle siècle. Conclusion À quoi doit-on toute cette création culturelle et artistique dans la communauté franco-canadienne au début du siècle? Premièrement, les gens ont peu d'occasion pour se détendre, le travail du pionnier occupant la majorité de leur temps. Il n'y a pas de télévision ni de radio pour divertir les gens et même le cinéma ne fait que commencer à faire son apparition en Saskatchewan. Bien sûr, le clergé n'encourage pas les FrancoCanadiens à assister aux «vues». Le Patriote de l'Ouest publie plusieurs articles contre les «vues animées». Le clergé s'oppose aussi à la danse. Comme dans le cas du cinéma, on peut trouver de nombreux articles dans Le Patriote de l'Ouest contre la maudite danse. Mentionnons en terminant, qu'au début du siècle, un bon nombre de professionnels (médecins, notaires, etc.) viennent s'établir en Saskatchewan. Ces hommes et femmes comme le docteur Godin de Willow Bunch, le docteur Saucier de Saskatoon et Mme Emma Morrier de Prince Albert contribuent à la vie culturelle et artistique de la province. Le docteur Godin est directeur de la chorale de Willow Bunch, le docteur Saucier envoie souvent des poèmes pour publication dans Le Patriote de l'Ouest et Mme Morrier est impliquée dans la vie théâtrale de Prince Albert. Mme Morrier a reçu une formation professionnelle en musique et en peinture en France et au Québec avant son arrivée dans l'Ouest. Les francophones établissent plus d'une centaine de petites communautés en Saskatchewan au début du siècle et, jusqu'aux années 1950, la population de langue française est d'environ 50 000. II faut alors faire des activités culturelles et artistiques dans la langue de Molière pour divertir cette population. Il n'est donc pas surprenant que le nombre de «Concerts paroissiaux» ait été si élevé avant la deuxième guerre mondiale. Aujourd'hui, les Fransaskois ne sont plus aussi nombreux qu'ils l'étaient autrefois et trop souvent, l'activité communautaire se fait en anglais. Il y a, toutefois, certaines commuanutés fransaskoises, comme Bellevue, Ponteix et Gravelbourg, qui perpétuent la tradition artistique d'autrefois. (Ce texte a été préparé pour le dernier colloque du CEFCO à Edmonton en automne 1994.) Notes et références (1) FRÉMONT, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, SaintBoniface: Les Editions du blé, 1980, p. 87. (2) HAWKES, John, The Story of Saskatchewan and its People, Chicago: The S.J. Clarke Publishing Company, 1924, p. 945. (3) LEONARD, Carol, «Centenaire de «The Guérin Dramatic Company', L'Eau vive, Regina: le mercredi 7août 1985, p. 5. (4) «Gravelbourg», Le Patriote de l'Ouest, le 16 janvier 1918, p. 3. (5) «Delmas», Le Patriote de l'Ouest, le 23 janvier 1918, p. 3. (6) Ibid., p. 3. (7) «L'Hirondelle de Ponteix», Le Patriote de l'Ouest, le 20 février 1918, p. 10. (8) BOURDEL, abbé Constant, Cahier rédigé en 1936, Transcription des écrits de Monseigneur Bourdel, p. 4. Inédit. Chez l'auteur. (9) Ibid., p. 4. (10) Ibid., p. 5. (11) LAPOINTE, Richard et TESSIER, Lucille, Op. cit., p. 198. (12) TESSIER, Lucille, «La vie culturelle dans deux localités d'expression française du diocèse de Gravelbourg (Willow-Bunch et Gravelbourg) 1905-1930», Perspectives sur la Saskatchewan française, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1983, p. 240. (13) Ibid., p. 241. (14) Programme souvenir, 25e 1918-1943, «Notre fanfare», Gravelbourg: Le Collège Catholique de Gravelbourg, Sask., 1943. (15) Ibid. (16) Ibid. (17) LAPOINTE, Richard, La Saskatchewan de A à Z, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1987, p. 47. (18) CARRIÈRE, Gaston, o.m.i., Dictionnaire biographique des Oblats de Marie Immaculée au Canada, Tome 1, Ottawa: Editions de l'Université d'Ottawa, 1976, p. 109. (19) BOILEAU, Georges, o.m.i., LeBaiserdelaLangue Française auxPetitS de Chez-Nous, photocopie aux Archives de la Saskatchewan, Dossier brochure Songs. (20) PAPEN, abbé Jean, «Joseph Harvey: Poète-laboureur, 1898-1973», Héritage et avenir des francophones de l'Ouest, Saskatoon: Centres d'études franco-canadiennes de l'Ouest, actes du cinquième colloque du CEFCO, 1986, p. 29. (21) «Un prêtre-artiste en Saskatchewan- M. l'abbé Maillard», Le Patriote de l'Ouest, le 7 septembre 1916, p. 2. (22) LAPOINTE, Richard, La Saskatchewan de A à Z, Op. cit., p. 43. |
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