Des gensJoseph-Antoine SoucyLe 8 décembre, vers 2 heures de l'après-midi, le feu se déclarait dans le magasin de M. Ziegler, causé par l'explosion d'une lampe. Grâce au prompt secours des voisins et de la brigade de feu, le feu a pu être maîtrisé avant qu'il puisse faire trop de dommage et la bâtisse reste à peu près intacte. Un des commis qui reçut l'huile causé par l'explosion fut assez brûlé; il est maintenant sous les soins du docteur Soucy. Le Patriote de l'Ouest le 23 décembre 1915
Antoine Soucy avait vu le jour le 16 mai 1889 À Cacouna, comté de Rivière-du-Loup, Québec. Son père, Jean-Baptiste Soucy, était fermier et sa mère, Claudia Beaulieu, était une institutrice. Il avait commencé ses études à la maison sous la direction de sa soeur Émilie, puis, il était ensuite allé au Petit Séminaire de St- Germain à Rimouski, Québec, pour faire ses études classiques. Au début, le jeune Soucy avait songé à la vie sacerdotale, mais c'est vers une carrière médicale qu'il s'est dirigée à la fin de son cours classique. En 1909, il s'était inscrit à la Faculté de Médecine de l'Université Laval à Québec. «En plus, il se fait militaire en se joignant au 17e Régiment de l'Infanterie et réussit à allier ses études en médecine avec ses fonctions militaires. Il se mérite même le rang de capitaine, le 7 décembre, 1911. En fait, ces stages d'entraînement lui fourniraient plus que des avantages pécuniers; ils contribueraient à développer chez lui une endurance physique qui, plus tard, lui serait un précieux support. En plus, ces stages étaient une occasion précieuse d'acquérir de l'expérience dans le commerce avec les humains.»(2) En 1913, une fois ses études en médecine terminées, Antoine Soucy s'est dirigé vers la Saskatchewan avec quelques confrères de classe pour ainsi répondre à l'appel de Mgr Mathieu. Il arrive à Regina au mois d'août. «Mais, malheureusement, pour les médecins du groupe, ils arrivaient un jour trop tard pour subir les examens provinciaux en médecine, nécessaires dans l'obtention du droit d'exercer la profession médicale dans la province. Il faudrait se reprendre en janvier, mais, en attendant . . . On tolérerait leur présence pourvu qu'ils n'empiètent pas sur les territoires déjà pourvus de services médicaux.»(3) C'est grâce à une visite de l'abbé Jules Bois, curé de Meyronne, à l'archevêché de Regina que le jeune Soucy s'est éventuellement retrouvé dans la région de Gravelbourg. L'abbé Bois l'avait invité à venir travailler dans sa paroisse en attendant la reprise des examens en janvier. «Comme ils s'approchaient de Meyronne, ils rencontrèrent M. Pierre Hormidas Bouvier et son fils. A la demande de ceux-ci, le docteur Soucy se rendit au foyer Bouvier, à Bouvierville, neuf milles au nord de Meyronne. Cette visite marquait le début d'une carrière médicale exceptionnelle qui devait se dérouler durant presque quarante ans dans le sud de la province.»(4) Une fois établi à Meyronne, à l'automne 1913, le docteur Antoine Soucy a commencé à recevoir des patients de Gravelbourg. Puis, il a commencé à se rendre à Gravelbourg. Sa visite a eu lieu le 13 septembre 1913, la même journée que l'arrivée du premier train. Il est retourné à Gravelbourg à plusieurs reprises, mais puisqu'il n'avait pas encore reçu sa licence pour pratiquer la médecine en Saskatchewan, certains professionnels de cette communauté l'ont rapporté aux autorités «le condamnant d'empiéter sur certains territoires et d'y exercer la médecine sans l'autorisation de la province».(5) Le docteur Soucy a donc dû cesser ses visites à Gravelbourg, mais après avoir écrit les examens provinciaux en médecine, le 15 janvier, 1914 (examens qu'il a réussi avec grand succès) et avoir été inscrit au registre du Collège des Médecins et Chirurgiens de la Saskatchewan, il est venu s'établir définitivement à Gravelbourg. À cette époque, les médecins faisaient beaucoup de visites à domicile et les services médicaux étaient souvent dispensés dans les conditions les plus primitives. Pour certaines de ses randonnées entre Gravelbourg et Meyronne, le docteur Soucy a dû avoir recours à son revolver pour garder les loups à distance. Au début, il se promenait monté sur son cheval Jet, puis il s'est acheté un 'buggy' «muni d'une capote pour le protéger contre le soleil, la pluie et le vent».(6) À la fin de 1914, le docteur Soucy a acheté une première automobile, une Ford. «Malgré ses qualités nombreuses, cette Ford n'était pas solution à tout problème. Les cas de chirurgie devaient être transportés à Moose Jaw. Les ressorts peu flexibles de la Ford et des chemins qui laissaient à désirer rendaient le trajet plutôt raboteux pour les malades. Afin d'améliorer cette situation, on ramollissait les pneus en les dessoufflant pour ensuite les ressouffler lorsque les conditions de la route s'amélioraient.»(7) Bien sûr, avec l'arrivée de l'hiver le bon docteur a dû avoir recours à ses chevaux et à sa carriole pour se déplacer ici et là en campagne. Comme bien d'autres médecins de campagne de l'époque, le docteur Soucy a dû ouvrir sa propre pharmacie en 1916. «Il construisit cette pharmacie avec bureau de consultation au rez-de-chaussée et avec logement au deuxième étage. Cet édifice qu'on est venu à nommer le bloc Sheer existe toujours. M. Pierre Demesle fut son premier pharmacien et Mme. Gracia Gauthier y travailla longtemps comme commis. La garde-malade Berthe Gérard fut employée comme réceptionniste au bureau du docteur pendant nombre d'années. Cette pharmacie fut vendue au docteur Lavoie, devint ensuite la propriété de Cliff Davidson.»(8) Le docteur Antoine Soucy s'était si bien ajusté à l'Ouest canadien qu'il avait décidé d'y passer le reste de ses jours. Le 18 décembre, 1917, il a épousé Henriette Beauchesne de Gravelbourg. C'est le vieil ami du docteur, l'abbé Jules Bois de Meyronne, qui a béni le mariage. Un premier fils, Marcel, est né le 10 octobre, 1918. Un second fils, Louis, est né en septembre 1921. L'année 1918 a été marquée par l'infâme «grippe espagnole» et la petite communauté de Gravelbourg a été frappée aussi sévèrement que toute autre communauté de l'Ouest canadien. «On ne connaissait pas alors les 'remèdes miracles' qui ont vite raison de ce genre de maladies. Dans deux semaines , toute la région de Gravelbourg était atteinte. Les cas d'influenza étaient si nombreux que certaines familles ne pouvaient plus prendre soin de leurs malades. Il fallait faire vite et répondre à ces urgences. On improvisa donc un hôpital temporaire dans la salle St- Jean-Baptiste. On mobilisa sur place un personnel de quatre aide infirmiers, sans formation professionnelle, animés seulement par la volonté de faire de leur mieux, plus une cuisinière. En réponse aux instances du docteur Antoine, l'hôpital de Regina permit à l'habile garde-malade Rawding et à une compagne Grey de venir prêter main-forte à l'équipe déjà à l'oeuvre. Le docteur Soucy se dévoua sans compter, répondant aux appels et aux besoins partout, nuit et jour. Bien souvent, les trajets d'un endroit à un autre étaient les seuls moments où le docteur pouvait se permettre de reprendre le sommeil perdu pendant les nombreuses nuits passées au chevet de ses malades. Avec les froids d'hiver, l'épidémie prit du ralenti. Cependant, le bilan était désastreux; presque toutes les familles étaient frappées par le deuil. Même les siens, son fils Marcel et son frère Philippe avaient été sérieusement atteints.»(9) Lorsque le docteur Antoine Soucy était arrivé dans l'Ouest en 1913, la région de Gravelbourg comptait à peine 700 personnes. Dix ans plus tard, elle en comptait environ 2000 et environ 1500 d'entre eux demeuraient au village. Grâce à l'initiative du père Gravel, plusieurs institutions imposantes, le Collège Mathieu, le Couvent Jésus-Marie, la Cathédrale avaient été construits dans le village. Mais il n'y avait encore rien pour les malades. Le docteur Soucy, comme d'autres, reconnaissaient le besoin d'un hôpital. «On amorça donc le projet pour la construction de cet édifice. Le docteur Soucy comprit tout de suite qu'un département de chirurgie bien équipé, avec de bons chirurgiens était de toute première importance. Il lui fallait étudier davantage pour être à la hauteur de sa tâche. Où aller sinon en Europe, plus précisément à Paris' Le docteur Martial Lavoie le remplacerait à Gravelbourg et veillerait, en même temps, sur la construction de l'hôpital projeté.»(10) Antoine Soucy a donc quitté Gravelbourg avec sa famille à la fin novembre 1925. Ils ont visité la famille du docteur à Cacouna avant de poursuivre le chemin vers l'Europe. «En fin de décembre, le groupe s'embarquait sur le S.S. Montnair de la ligne Canadienne Pacifique pour une traversée d'une dizaine de jours durant laquelle tous furent affligés du mal de mer excepté le docteur Soucy lui-même. Le séjour à Paris fut des plus agréables... Au début de son séjour, l'étude occupait la première place. Il s'appliqua d'abord à maîtriser de nouvelles techniques de chirurgie. De nombreuses rencontres avec des médecins de diverses nationalités étaient pour lui sources d'enrichissement sur le plan culturel autant que médical. Il se procura une voiture, une Chénard 8 Walker afin de faciliter les allées et venues entre l'université et les différents hôpitaux. On adopta vite le style de vie parisien et on se fit des amis prêts à venir en aide au groupe canadien.»(11) En février, 1928, à cause de la dévalorisation du franc français, le groupe a décidé de revenir au Canada. «Pendant l'absence du docteur Soucy, beaucoup de travail s'était fait à Gravelbourg. Les Soeurs Grises étaient rendues depuis huit mois, l'hôpital était construit, le nom même était choisi.»(12) Après une absence de deux ans, le docteur Soucy devait se remettre au travail. «Ainsi, en 1928, après quinze ans dans l'Ouest, le docteur Soucy avait franchi une étape importante de sa carrière. Gravelbourg possédait un hôpital; lui-même était enrichi de toutes les connaissances acquises en Europe. Le projet d'organiser une clinique était amorcé avec la présence du docteur Jordani.»(13) En effet, le docteur Léopold Jordani, un Allemand recherchiste et linguiste pouvant s'exprimer en cinq langues, était un ami que le docteur Soucy avait connu en Europe. Il était arrivé à Gravelbourg en 1928 avec l'intention d'y rester. La tragédie a frappé la famille Soucy en 1931. Madame Soucy est morte en donnant naissance à son troisième fils, Henri. «Afin de dissiper son chagrin, le docteur Soucy se remit aux soins de ses patients avec une nouvelle ardeur. Tout son temps était consacré à la pratique médicale. En fait, même ses fils le voyaient peu. Parti tôt le matin, il rentrait tard le soir. Ce régime de vie devait continuer jusqu'en 1950. Un étourdissement soudain durant une intervention chirurgicale lui fit comprendre que l'heure de la retraite était venue.»(14) Il a vendu sa pratique médicale au docteur Rosario Morin. En 1951, il a épousé Mademoiselle Yvonne Leblanc qui avait eu soin de ses fils, surtout d'Henri pendant plus de quinze ans. Les deux ont continué à habiter la maison construite par Lorenzo Guay pour lui-même et sa famille en 1927 ou 1928 et que le docteur avait acheté en 1937. Cette maison, aux lignes architecturales attrayantes avec ses gracieuses tourelles et ses longs toits est encore souvent un point d'attrait pour les visiteurs de passage à Gravelbourg. Après sa retraite, le docteur Soucy s'est consacré à sa deuxième passion, l'élevage d'animaux. En 1946, il avait acheté un ranch à Fir Mountain où il faisait l'élevage des Aberdeen Angus. Il aimait bien la musique mais pas la danse et il jouissait des réunions d'amis et de parenté surtout durant le temps des Fêtes. Il a fait plusieurs voyages dans le Québec voir sa famille, à Hawaii, surtout dans le sud des États-Unis, en Floride, mais plus particulièrement à McAllen au Texas. «Il profitait de ces randonnées pour consulter les registres de cours de justice et autres dans l'espoir de retracer son oncle disparu.»(15) Antoine Soucy est décédé le 17 novembre, 1972 à l'hôpital Saint-Joseph de Gravelbourg à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il laissait pour le pleurer son épouse Yvonne, ses fils Marcel, chiropraticien à Montréal, Louis, agronome employé par le Ministère de l'Agriculture au Nouveau-Brunswick et Henri, employé par la télévision à Regina. (1) Gravelbourg Historical Society, Heritage, Gravelbourg'District, 1906-1985, Gravelbourg: Gravelbourg Historical Society, 1987, p.617. (2) Ibid., p. 617. (3) Ibid., p. 617. (4) Ibid., p. 617. (5) Ibid., p. 617. (6) Ibid., p. 618. (7) Ibid., p. 618. (8) Ibid., p. 619. (9) Ibid., p. 619. (10) Ibid., p. 621. (11) Ibid., p. 621. (12) Ibid., p. 622. (13) Ibid.. p. 622. (14) Ibid., p. 622. (15) Ibid., p. 623. Sources Gravelbourg Historical Society, Heritage, Gravelbourg'District, 1906-1985, Gravelbourg: Gravelbourg Historical Society, 1987. |
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