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Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Horrible accident

«Pourquoi faut-il que des événements malheureux viennent parfois jeter la tristesse dans tous les coeurs. Toute la paroisse de St-Brieux, après bientôt dix ans pourtant, est encore sous l'impression de la terrible catastrophe survenue le soir du 23 novembre 1920. Cette journée s'annonce tout d'abord comme devant être un jour de réjouissances: Louis Legars et Anna Rallon se sont mariés le matin en présence de leurs parents et amis. Après le repas, qui a eu lieu chez les parents de la jeune mariée, qui alors habitaient non loin de là, jeunes gens et jeunes filles se promènent sur le lac; la glace semble être suffisamment épaisse et quelques-uns traversent en automobile.
Le soir, en attendant l'arrivée des violonistes, il n'est donc pas surprenant si les jeunes se laissent attirer par le plaisir de faire une promenade sur la glace lisse du lac; d'ailleurs il fait beau clair de lune et la température est idéale. Jean Fagnou, accompagné de sa soeur Eugénie et de deux autres jeunes filles, Rachel Réhaume et Esther Bédard, a déjà fait plusieurs tours d'automobile sur la glace: aucun d'eux n'a remarqué le moindre symptôme de danger. Mais tout à coup, pendant que l'automobile est lancée à une bonne vitesse, un craquement se fait entendre: la glace, moins épaisse sans doute en cet endroit, cède soudain et l'automobile plonge dans vingt pieds d'eau. Comme par miracle et sans qu'elle ait jamais bien su comment expliquer la chose, Rachel Réhaume se trouve rejetée hors du trou béant et revient à elle-même sur la glace. Saisie d'épouvante et transie de froid, elle se dirige vers la maison d'Yves Rallon dont elle aperçoit la lumière et où tous les invités de la noce se préparent à danser: il est facile d'imaginer l'effet produit par l'arrivée de cette jeune fille aux cheveux transformés en glaçons et aux vêtements raidis par le froid; à peine peut-elle balbutier cette phrase: «les autres sont tombés dans le lac.» Immédiatement les hommes se mettent à la recherche des disparus; ils essayent de retrouver les pistes de l'automobile. Ce n'est pourtant qu'après un certain temps, grâce aux phares restés allumés et dont la lumière se réflecte à travers la glace, que l'on découvre l'endroit où s'est produit la catastrophe. Le lendemain dans l'après-midi, c'est-à-dire près de vingt heures après l'accident, il est possible, après bien des préparatifs et beaucoup de précautions, de ramener à la surface l'automobile et les corps de Jean Fagnou et des deux autres malheureuses jeunes filles. Le souvenir de cette soirée sinistre vit toujours dans l'esprit de tous les membres de la colonie et il ne s'effacera pas de sitôt.»

(tiré de Denys Bergot, Réminiscences d'un pionnier, Jubilé d'Argent de St-Brieux, 1904-1929, s.l., 1929, p. 68)





 
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