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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Hiver, froid glacial et poudrerie

Peu de nouveaux arrivants de langue française, même ceux du Québec, pouvaient prévoir que le climat serait si rude en Saskatchewan. L'hiver, avec son froid glacial et ses poudreries, était démoralisant, terrifiant même, d'autant plus que les familles étaient isolées sur leurs terres, souvent à bonne distance du voisin le plus proche. Dans chaque région, dans chaque paroisse presque, l'hiver a fait quelques victimes; ainsi en a-t-il été à Sainte-Colette, près de Radville, à Montmartre, à Val-Marie et au lac Pelletier:
«Pendant les 50 ans passés, de tristes événements ont été vécus à Ste-Colette. Trente-et-une personnes perdirent la vie dans des tempêtes de neige. En l'hiver 1907, deux enfants de M. A. Lee, une fille et un garçon de 12 et 10 ans, étaient partis chercher de l'eau à une source, à un demi-mille de la maison avec un traîneau. Les deux enfants perdirent leur chemin au retour. Ils furent trouvés morts gelés deux jours après à trois milles de la maison, couchés côté à côte, et ensevelis sous la neige. Le cheval avec son traîneau était à vingt pas des enfants. Ils furent enterrés sur la terre du père.

«Dans la même tempête de neige, M. Eugène Bourgeois, célibataire, bâtissait sa maison sur sa concession. Voyant la tempête se lever, il partit à pied pour se rendre chez M. Henri Mazenc, manqua la maison, et fut trouvé à quatre milles à l'est dans une maison sans feu, le nez, les doigts et les pieds gelés. Il eut le nez amputé. La Croix-Rouge de Régina lui fit cadeau d'un nez artificiel. Ce nez était retenu par une paire de lunettes. Quelques années plus tard, en se réveillant un matin, il trouva son nez en plastique mangé par son chien, les lunettes brisées en-dessous la chaise, où il avait l'habitude de les déposer avant de s'endormir.

«En l'année 1925, M. Albert Lefranc ainsi que sa fille, Antoinette, étaient partis en traîneau chez M. Yinst, pour affaires. La neige tombait, mais le temps était beau, calme et doux. Le vent du Nord-Ouest se leva dans l'après-midi, et la neige continua à tomber à gros flocons. M. Yinst conseilla à M. Lefranc de rester et d'attendre que la tempête cesse. Il refusa et partit, malgré la tempête de neige qui faisait rage. Il perdit son chemin, le palonnier du traîneau cassa et les chevaux se sauvèrent. Ils (le père et la fille) se blottirent près d'un tas de pierre, côte à côte. Le lendemain, ils furent trouvés par M. Émile Bourassa sur la terre de M. Pierre Barbarin; la fille Antoinette, morte gelée, et M. Lefranc, la main et le pied gauches gelés. Ils furent transportés chez M. Barbarin. Malgré les soins pour ramener la main et le pied de M. Lefranc, la gangrène se déclara. Le Docteur O'Shea ordonna de le transporter d'urgence à Radville, et il lui amputa la main et le pied. Il fut opéré sur une table de cuisine dans la résidence de M. H. Ayotte.

«En 1947, M. Prosper de Bruyne partit en visite à pied chez M. Gust. Une tempête de neige se leva à son retour; il manqua son chemin et fut trouvé mort gelé à un demi-mille de sa résidence, accroupi contre un poteau de téléphone.»

Les colons de France venus à Montmartre étaient particulièrement mal préparés pour affronter l'hiver canadien. Durant l'hiver de 1893-1894, un des hommes de la première heure Louis Fombeur, fut surpris par la poudrerie en rase campagne, alors qu'il était parti chercher du fourrage en chariot à boeufs. Il eut la présence d'esprit de lâcher les rênes et de laisser les animaux trouver eux-mêmes le chemin du retour. Il parvint ainsi à regagner l'abri primitif où l'attendaient avec inquiétude son épouse et ses quatre enfants, mais il était à ce point gelé qu'il succomba bientôt à la pneumonie. Ce fut le premier décès à la colonie de Montmartre.

À Val-Marie, si les hivers n'étaient pas aussi glaciaux que dans la plaine parce que les vents tièdes venus des Rocheuses adoucissaient l'air, les distances à parcourir étaient en revanche plus longues et les périls de la route aussi dangereux. L'aventure vécue par les frères Pinel, partis chercher leur courrier au bureau de poste le plus proche, Ponteix – à 60 kilomètres – aurait pu tourner au tragique:

«Les deux frères Pinel, en janvier 1911, revenant de Ponteix avec leur malle, furent surpris par une tempête à treize milles au sud. Le vent ayant changé de direction, ils s'égarèrent. Ils pensaient aller au sud et ils allaient vers l'ouest; ils marchèrent toute la nuit et ce n'est qu'à trois heures de l'après-midi que la tempête cessant, ils se retrouvèrent à quinze milles à l'ouest et durent passer la nuit dans la maison sans plancher de M. Filiatreault, à l'endroit même où se trouve la maison-chapelle actuelle. Cette maison n'était pas habitée, mais il y avait un poêle, quelques ustensiles de cuisine, des branches et une hache. Les frères Pinel avaient un peu de pain gelé et du café. Léon fit du feu toute la nuit, car il paraît qu'il était moins gelé que François, qui lui était devenu aveugle. Les forces commençaient à leur manquer. Heureusement, le lendemain, Léon put découvrir la maison de Louis Bailleul, qui était la seule habitée pour dix milles à la ronde. Il y avait donc deux jours que les frères Pinel marchaient sans avoir pu se réchauffer et manger. Là, ils se reposèrent quelques jours.»

La fureur des blizzards de l'Ouest dépasse presque l'imagination. À l'approche d'une tempête, les fermiers tendaient une corde solide entre la grange et la maison afin de ne pas se perdre en allant «faire le train». Au lac Pelletier, une colonie française à 40 kilomètres au sud de Swift Current, quatre fillettes périrent lorsqu'elles s'égarèrent entre l'école et la toilette extérieure, pourtant situées à moins de vingt pas l'une de l'autre:

«Le 11 janvier 1917 fut une journée des plus tragiques pour la famille d'Oliva Deschamps dont les enfants fréquentaient l'école Congress à quelques milles de l'église. Un blizzard épouvantable s'éleva sur l'heure de midi. Le terrain de l'école n'était pas clôturé et les toilettes se trouvaient à l'extérieur. C'est pendant une de ces sorties que les trois filles Deschamps, Marguerite, 14 ans, Hortense, 12 ans, Corinne, 10 ans, et la jeune Esther Wetterstrand, 9 ans, gelèrent à mort: étant incapables de retrouver l'école, elles se mirent à errer à l'aventure. Elles furent trouvées le lendemain à un quart de mille plus loin. La plus âgée était assise sur la neige le dos tourné au vent, les autres étendues en cercle se pressaient contre elle.»

(tiré ou adapté de Jean-Claude Porte, Échos de Ste. Colette; Donatien Frémont, Les Français dans l'Ouest canadien, p. 95; Codex historicus de Val-Marie; album-souvenir du vingt-cinquième anniversaire du diocèse de Gravelbourg, s.é.n.l., 1955; tous aux Archives provinciales.)





 
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