Des gensHenri Bourassa et l'Ouest canadienM. Henri Bourassa sera l'un des orateurs à la Convention française d'Edmonton. M. Henri Bourassa a accepté l'invitation qui lui a été faite par les organisateurs de la Convention française d'Edmonton. Les Franco-Canadiens de l'Ouest, quelles que soient leurs sympathies politiques, n'ont pas oublié que M. Bourassa n'a jamais manqué de défendre avec énergie les droits de leurs écoles et de leur langue; aussi se proposent-ils de lui accorder partout une réception d'autant plus cordiale que cet orateur et écrivain distingué ne vient pas dans l'Ouest en tournée politique. Le Patriote de l'Ouest le 15 mai 1913 En se rendant à Edmonton en 1913, Henri Bourassa se proposait de visiter les principaux centres francophones de l'Ouest. Qui était Henri Bourassa et pourquoi l'attendait-on avec impatience dans l'Ouest canadien d'antan ? Il est né à Montréal le 1er septembre 1868. Il est le fils de Napoléon Bourassa, peintre et auteur, et d'Azélie Papineau. Son grand-père est nul autre que le célèbre chef de la rébellion de 1837-1838, Louis-Joseph Papineau. « Bourassa hérite de son grand-père un caractère ardemment indépendant, son éloquence et son enthousiasme pour l'action publique. »(1) Toutefois, contrairement à son fameux grand-père, Henri Bourassa est un catholique sincère, étant même ultramontain dans sa dévotion à Rome. À l'âge de 18 ans, il devient l'administrateur de la seigneurie de Louis-Joseph Papineau, «La Petite Nation», située à Montebello sur la rivière Outaouais. C'est là qu'il commence sa carrière publique. Il appuie les libéraux provinciaux d'Honoré Mercier et ensuite les libéraux fédéraux de Wilfrid Laurier. En 1896, lorsque Laurier forme un gouvernement à Ottawa, Bourassa est élu député du comté de Labelle comme candidat libéral indépendant. Il semble bien s'arranger avec Wilfrid Laurier jusqu'en 1899 quand le premier ministre canadien se soumet à des pressions du Canada anglais et accepte la participation de soldats canadiens dans la guerre des Boers. Il demeure député fédéral jusqu'en 1907 lorsqu'il quitte pour se lancer en politique provinciale. Il est élu à l'Assemblée nationale en 1908. Deux ans plus tard, Bourassa fonde le journal Le Devoir. Il en sera l'éditeur jusqu'en 1932. Henri Bourassa revient sur la scène nationale en 1925 comme député de Labelle; il quitte la politique en 1935. Il meurt à Outremont, Québec, le 30 août 1952 à l'âge de 84 ans. Même durant les luttes les plus acharnées entre francophones et anglophones, Henri Bourassa ne « flirt » jamais avec le séparatisme; il demeure, tout au long de sa carrière, farouchement nationaliste canadien. « Je fais partie de cette école qui voit plus d'avantages que de désavantages dans la co-existence de deux races au Canada. »(2) Pourquoi Bourassa est-il si populaire auprès de la presse française de l'Ouest canadien ? Pourquoi serait-il si populaire auprès du clergé ? C'est peut-être parce qu'il incarne beaucoup des mêmes idéologies. N'a-t-on pas déjà dit qu'il est ultramontain comme beaucoup des membres dirigeants du clergé de l'Ouest canadien ? Son amour pour un Canada français et pour l'Église catholique le rend certainement très populaire auprès des évêques et des prêtres de la Saskatchewan. « La Providence a voulu que le groupe principal de cette colonisation française et catholique constituât en Amérique un coin de terre à part où l'état social, religieux et politique se rapproche le plus de ce que l'Église catholique apostolique et romaine nous apprend être l'état le plus désirable des sociétés. »(3) Même si Bourassa parle du Québec dans ce texte publié en 1910, pour les évêques et les missionnaires-colonisateurs de la Saskatchewan ses propos peuvent aussi bien s'appliquer à l'Ouest canadien où ils tentent d'établir des noyaux français et catholiques. Henri Bourassa espère arrêter la migration des Canadiens français vers les villes industrialisées de la Nouvelle-Angleterre. Durant les années 1890, il appuie les démarches de l'abbé Labelle qui rêve d'établir un empire français allant de St-Jérome à Winnipeg. Même si l'abbé Labelle ne réussit qu'à établir quelques colonies dans les pays d'en haut avant sa mort en 1891, son rêve de s'emparer du sol est repris par d'autres comme Bourassa. «C'est par la colonisation... que nous pourrons augmenter notre population, développer notre production agricole, augmenter notre influence à Ottawa... augmenter la permanence sur un terrain d'égalité de la race française à côté de la race anglaise.»(4) Bourassa propage donc la même philosophie de la colonisation et de l'agriculturisme que le clergé catholique français de l'Ouest. Henri Bourassa et Le Devoir miroitent parfaitement les propos du clergé français. Pour convaincre les Canadiens français d'aller coloniser la région du Lac St-Jean ou les prairies de l'Ouest plutôt que d'aller se réfugier dans les villes industrielles des États-Unis, Bourassa a le mot juste. « Alors il y aurait partout des hommes pour qui l'idéal américain, le culte du veau d'or, les profits du commerce et de l'industrie ne seraient pas le principal objectif...»5 S'il faut se battre pour établir des collèges classiques dans l'Est ou préserver le système des écoles catholiques dans l'Ouest, le clergé peut compter sur Henri Bourassa. « Le premier principe d'éducation est de former l'âme de l'enfant avant que de lui donner la science. »(6) Henri Bourassa est alors un demi-dieu aux yeux du clergé catholique de l'Ouest et il n'est donc pas surprenant qu'on attend impatiemment sa visite en 1913. (1) Durocher, René, « Le Canada, oui, l'empire, non! », Horizon Canada, Saint-Laurent (Québec) : Centre d'Étude en Enseignement du Canada, Inc., 1984, Volume 7, p. 1850. (2) Ibid., p. 1853. (3) Levitt, Joseph, Henri Bourassa and the Golden Calf, Ottawa, Les éditions de l'Université d'Ottawa, 1972, p. 21. (4) Ibid., p. 57. (5) Ibid., p. 67. (6) Ibid., p. 79. Sources: Durocher, René, « Le Canada, oui, l'empire, non! », Horizon Canada, Saint-Laurent (Qué): Centre d'Étude en Enseignement du Canada, Inc., 1984. Volume 7. Levitt, Joseph, Henri Bourassa and the Golden Calf, Ottawa, Les éditions de l'Université d'Ottawa, 1972. |
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