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Société historique de la Saskatchewan

Des mots

Gumbo

Pâques! Puisque les politiciens n'ont pas encore cru bon de légiférer un nouveau congé en février, une fête du patrimoine, nous accueillons la fête de Pâques autant pour les quelques jours de congé que pour sa signification religieuse. Mais, Pâques est aussi annonciatrice du printemps, saison que nous attendons impatiemment cette année pour remplacer le long hiver froid qui nous afflige. En Saskatchewan, le printemps arrive rarement le 21 mars et nous sommes accoutumés aux tempêtes de neige en avril.

Toutefois, Pâques nous permet de rêver aux beaux jours chauds d'été, aux voyages aux plages de nos lacs, aux parcours de golf, et même à une belle récolte record.

Plus tôt, j'ai parlé des termes d'hiver: des bancs de neige, des poudreries, et des chinooks. Dans cette même chronique, j'ai parlé de la slush, mais ce mot est plutôt indicatif du printemps (de la fonte des neiges) et non pas des grands froids de l'hiver. Ce mot a suscité une réaction d'un lecteur franco-manitobain, l'historien Rossel Vien. Il écrit pour commenter le mot slush. «En lisant votre intéressante chronique, j'ai été replongé dans la sloche et la tourbe de Laurier, Manitoba. Je tiens à vous dire que le terme sloche a été accepté par des linguistes distingués... Suite à votre billet du 16 février, je regrette la névasse (qui me fait penser à la nieve des vendeuses de glaces au Mexique) et me range avec vous et mes bottes dans la bonne vieille sloche de mars, qui menace de se prolonger en avril, avec l'abondance de matière blanche de cet hiver, n'est-ce pas?» Vous remarquerez que monsieur Vien a trouvé une façon française, sloche, d'épeler le mot anglais slush.

Monsieur Vien nous suggère d'autres mots associés au printemps dans l'Ouest canadien. Nos lecteurs sont certainement familiers avec le mot gumbo. Le gumbo est une terre vaseuse qui forme une boue collante quand elle est trempe. En lisant la lettre de monsieur Vien je me suis souvenu des quatre années que j'ai passé au Collège Mathieu durant les années 1960. À cette époque, les rues n'étaient pas goudronnées ou «huilées» et le printemps, quand nous recevions la permission d'aller en ville, on revenait avec des bottes bien glacées de gumbo.

Monsieur Vien nous parle aussi du coupe-vent. Selon lui, «coupe-vent, pour désigner une haie d'arbres ou d'arbustes destinée à protéger une propriété, un champ, contre les vents. Le sens canadien de coupe-vent, supposément emprunté à wind-breaker est donné par Bélisle, et même Robert: blouson dont le tissu protège contre le vent. Mais, même Bélisle ignore le sens de: haie d'arbres.»

En Saskatchewan, on connaît la nécessité des coupe-vent puisque la province est souvent balayée par des grands vents du nord et de l'ouest. Puisque les arbres sont plutôt rares dans le sud de la province, les coupe-vent sont nécessaire pour protéger nos champs et nos cours contre l'érosion du sol.

Monsieur Vien trouve surprenant que le mot coupe-vent ne soit pas accepté par le Dictionnaire Nord-Américain de la Langue Française de Louis-Alexandre Bélisle, puisqu'il précise: «C'est d'autant plus surprenant que la plupart des dictionnaires définissent le coupe-feu: obstacle ou espace sans arbres destiné à empêcher la propagation des incendies.»

Le vent, le gumbo et la sloche sont des mots qui décrivent bien les printemps saskatchewannais. L'automne dernier, dans une des premières chroniques, j'ai parlé des soddies ou sodhouses, les maisons de tourbe construites par les premiers habitants du sud de la Saskatchewan. Le printemps, les toits de ces maisons de tourbe devaient couler, obligeant le propriétaire à les rebâtir chaque année.

Monsieur Vien a pris connaissance du terme tourbe en lisant L'Histoire de Ponteix de Rachel Lacoursière-Stringer. Il écrit: «Les dictionnaires français modernes limitent l'acceptation de tourbe à une sorte de combustible d'origine végétale... que l'anglais appelle peat ou peat-moss, dont la senteur est bien connue, dans l'Ouest, à l'approche de l'automne, lorsque des fermiers font brûler leur mousse. Mais, bien sûr, nos pionniers ne bâtissaient pas dans la mousse, surtout pas dans l'étoupe combustible! Le dictionnaire Bélisle vient à notre secours, et donne le sens canadien (et saskatchewannais) de tourbe: «gazon; surface de terrain couverte de gazon, de l'épaisseur de l'humus. Voyez Couenne.» La couenne des prairies n'était pas de la pelouse bien flattée comme celle du Parlement de Régina ou de Winnipeg, mais... de la prairie, justement.»

Monsieur Vien termine en disant: «Ce sont certainement des mots à conserver, comme le muskeg du Nord, qui ne gèle pas. Et il faudrait peut-être déclarer Ponteix: capitale de la tourbe...?»





 
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