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Des histoires

Guerre de quatorze

Prince Albert, Sask. Plusieurs Français de cette ville sont en route pour la France, fidèles aux ordres de mobilisation générales lancés par le Conseil général français à Montréal, entre autres M. Paul Bayl et M. Edgar Fisley.
Le Patriote de l'Ouest
le 13 août 1914
Lorsque les pays de Russie, de France et d'Angleterre (la Triple-Entente) sont engloutis dans une guerre contre l'Allemagne au début août 1914, le Canada est aussi tiré dans le conflit par son alliance à la Grande-Bretagne. L'Allemagne déclare la guerre à la France le 3 août et la Grande-Bretagne riposte en déclarant la guerre à l'Allemagne le lendemain, 4 août 1914.

Au Canada, on ne tarde pas à s'inscrire dans l'armée du pays. Pour des milliers de réservistes français de Saint-Brieux, White Star, Ponteix et Meyronne, pour n'en nommer que quelques-uns, l'appel aux armes veut dire l'enrôlement dans l'armée de France. Il s'agit souvent de noms disparus des bottins de téléphone de la Saskatchewan car nombreux sont ceux qui ne reviendront pas dans les prairies de l'Ouest canadien. Certains perdront la vie sur les champs de bataille d'Europe, tandis que d'autres en auront eu assez de la vie de colon en Saskatchewan.

Un réserviste français de Prince Albert, Aimé Falhum, écrit une lettre au Patriote de l'Ouest le 21 août 1914. Il est rendu à Regina et se prépare à quitter pour Montréal. «Un mot pour vous dire que je suis rendu à Regina et que je partirai ce soir pour Montréal. Voici quelques noms des Français réservistes rencontrés en chemin: Ernest Calonier de Arcy, Maurice Percher de Carlton, René Jegon de Aldina, Jean Bruski de Duck Lake. À toutes les stations nous descendons et chantons la Marseillaise. Je vous assure qu'on se rend de bon coeur vers la vieille France.»(1)

Comme bien d'autres Canadiens, Aimé Falhum part pour le front avec enthousiasme. Au Canada, 33 000 s'inscrivent dans l'armée dans les trois premières semaines de la guerre. On les surnomme «Hughes Boys» en honneur du ministre de la Défense, Sam Hughes. Un énorme camp est construit à Valcartier, Québec et dans les premières semaines de septembre, ces soldats partent pour l'Angleterre. «Un contingent de 31,000 volontaires canadiens a quitté le camp de Valcartier cette semaine pour se mettre à la disposition des autorités militaires de la métropole. Un second contingent de 19,000 hommes devra suivre tout probablement d'ici la fin de l'année, formant ainsi un total de 50,000 hommes.»(2)

Si les réservistes français et les sujets britanniques voient le conflit en Europe comme une guerre patriotique, certains membres du clergé catholique tentent d'en faire une guerre quasi religieuse au Canada français. «Une voix très autorisée, celle de Monseigneur l'archevêque de Montréal, a fort bien marqué l'attitude des Canadiens français dans la présente guerre européenne où l'Angleterre et la France combattent sous les mêmes drapeaux. Dans son discours qu'il prononça à Montréal à l'occasion de son dix-septième anniversaire de consécration épiscopale, Mgr Burchesi fut bien l'interprète du Canada français tout entier lorsqu'il s'écria: ?Jamais aucun peuple n'a entrepris une guerre avec une conscience plus nette et une conviction mieux arrêtée. Nous, nous luttons pour un principe dont dépend la civilisation. C'est notre devoir à tous de donner à l'Angleterre notre loyal et généreux appui.?»(3)

Toutefois, en 1914, personne ne s'attend que la guerre va durer quatre longues années et que des milliers de Canadiens (66 000) vont perdre la vie. Il devient de plus en plus difficile à recruter des jeunes hommes, surtout au Québec. Dès 1916, on commence à parler de conscription et pendant l'été 1917 le gouvernement Borden adopte une loi de conscription. Lors du vote, les députés libéraux anglophones avaient voté avec le gouvernement tandis que les députés conservateurs francophones s'étaient rangés avec le chef du parti libéral, Sir Wilfrid Laurier.

Pour la plupart des Canadiens français, la guerre était devenue une guerre anglaise. Nombreux sont les Canadiens français qui refusent toujours de s'inscrire dans l'armée, malgré la loi de conscription. Au Québec, il y a parfois même des émeutes dans les rues. «La mise en vigueur de la loi de conscription suscite des désordres sérieux. ? La ville est placée sous le contrôle des autorités militaires. ? Échange de coups de fusils entre soldats et émeutiers. ? Quatre tués, une quinzaine de blessés, soixante-deux arrestations.»(4)

Quand la guerre prend fin en 1918, les soldats canadiens sont heureux de revenir chez eux et de reprendre leurs petites vies. Mais, pour certains réservistes français, le retour au Canada sera moins joyeux. Durant leur absence, le Bureau des terres du Dominion aura donné leur terrain à d'autres, croyant que leurs homesteads avaient été abandonnés. C'est une autre raison qui motive des Français à quitter définitivement le pays pour la France.

(1) «Lettre d'un réserviste français de Prince Albert», Le Patriote de l'Ouest, le 27 août 1914.
(2) «Le contingent canadien», Le Patriote de l'Ouest, ler octobre 1914.
(3) «La loyauté canadienne-française», Le Patriote de l'Ouest, le 20 août 1914.
(4) «Troubles graves à Québec», Le Patriote de l'Ouest, le 6 avril 1918.






 
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