Des lieuxGravelbourgL'Association Saint-Jean-Baptiste de Gravelbourg nous prie par l'entremise de son secrétaire de publier la résolution suivante: Proposé par MM. E. Cardinal, G. Colleaux, J. Lafrenière, P. Remillard et N. Mercier, qu'un vote de condoléances soit présenté à notre président M. Nap Aussant pour la douleur qui le frappe en la perte de son fils aîné, et que copie soit envoyée au Patriote. Le Patriote de l'Ouest le 9 juillet 1914 L'abbé Louis-Pierre Gravel arrive comme prêtre colonisateur dans le sud-ouest de la Saskatchewan en 1906. Accompagné de son frère Émile, il donne son nom à la communauté qui s'établira sur les bords de la rivière La Vieille. Dans un article publié dans le Patriote de l'Ouest du 27 mars1918, on peut lire la description suivante: «Gravelbourg est situé sur la rivière des Bois qui coule du sud-ouest et va se jeter dans l'ancien lac La Vieille, aujourd'hui le lac Johnson. Les Anglais ont le don de tout dépoétiser. Johnson! un nom nègre pour remplacer celui qui pleurait si bien le terroir: La Vieille! Il y a une jolie légende qui se rapporte à ce nom et que je vous conterai plus tard.»(1) Cet article attribue à l'abbé Gravel la fondation de Gravelbourg. «La fondation de Gravelbourg remonte à l'année 1906. La paroisse fut colonisée par des Canadiens français placés sur des concessions gratuites réservées par l'entremise de M. l'abbé Gravel, missionnaire colonisateur auprès du ministre de l'Intérieur, l'honorable Frank Oliver. Pendant deux années, de 1906 à 1908, le “squatter” fut ainsi protégé jusqu'à l'époque où les homesteads des quatre townships réservés furent pris entièrement.»(2) Ce passage indique qu'il y avait des «squatters» établis dans la région avant l'arrivée de l'abbé Gravel en 1906. C'est dans un article publié dans Le Patriote de l'Ouest en 1919 que l'on en découvre plus au sujet de ces «squatters». L'article intitulé «En marge des fêtes de Gravelbourg» et signé «Un Ancien» affirme que les premiers colons canadiens-français étaient arrivés à La Vieille en 1905. Ils venaient de Cantal, village établi en 1892 près de la frontière Saskatchewan-Manitoba par l'abbé Jean-Isidore Gaire. L'abbé Alphonse Lemieux avait été curé de Cantal avant d'être nommé curé de la paroisse de Saint-Ignace-des-Saules de Willow Bunch vers 1905. Plusieurs personnes de Cantal avaient alors décidé de le suivre vers l'ouest. Edmond Gauthier avait été chargé de se rendre dans la région pour y trouver de bonnes terres agricoles pour ces gens. Avec un nommé Lepage, il avait exploré la région de Willow Bunch, mais elle n'était pas à leur goût. «La vue des collines. qui avoisinent Willow Bunch, le terrain plutôt montueux, ne leur plut pas; ils avaient rêvé d'une plaine plus vaste.»(3) Les Métis de Willow Bunch leur avaient annoncé qu'il y avait des plaines interminables qui n'attendaient que la charrue des laboureurs plus à l'ouest à la rivière La Vieille. Accompagné d'Ed Lespérance, un guide métis, Edmond Gauthier et un nommé Lepage avaient voyagé de Willow Bunch jusqu'à la rivière La Vieille en chariot. Là, ils avaient trouvé du terrain à leur goût. Les plaines étaient vastes et semblaient être fertiles. Gauthier, Lepage et Lespérance avaient passé quelques jours dans la région puis, ils étaient retournés à Willow Bunch pour annoncer à l'abbé Lemieux qu'ils avaient choisi plusieurs endroits pour des homesteads. Dans son livre, Les débuts de Gravelbourg, le juge Georges Hébert, le beau-frère de l'abbé Gravel, ajoute un autre élément à cette histoire. «Il y avait là quelques colons qui avaient connu le curé Lemieux, de Willow Bunch, à Cantal. Il leur avait dit que, d'après certains Métis, les terres étaient belles à une soixantaine de milles à l'Ouest et aux alentours de la rivière “La Vieille”. L'un des colons, Edmond Gauthier, alla voir M. Roy (le père de l'éminent écrivain contemporain, Mme Gabrielle Roy), alors agent de colonisation à Winnipeg, qui lui fournit deux cents dollars et un guide, Ed Lespérance, de Willow Bunch. Edmond Gauthier choisit du terrain, bâtit une hutte en terre et planta une croix. Ce fut la première habitation à la rivière “La Vieille”.»(4) Ayant passé l'hiver à Cantal, Edmond Gauthier était revenu à La Vieille le printemps suivant (1906) avec un groupe de colons dont Napoléon L'Heureux, Ferdinand Gauthier, Gustave Beaubien, Damase Gauthier, James Ledoux. Les premiers colons avaient nommé la région de La Vieille, Gauthierville. En 1907, le nom a été changé à Gravelbourg. Le groupe d'Edmond Gauthier était-il formé de «squatters» jusqu'en 1908 comme l'indique l'article du 27 mars 1918? Une recherche dans les dossiers des prises de concessions (Homestead Files) révèle que Edmond Gauthier a inscrit son terrain, le carreau NE 32-10-4-W3, en 1907. Pour sa part, Damase Gauthier a reçu les lettres patentes pour le carreau NW 28-10-4-W3 le 12 septembre 1908. Il aurait alors été établi sur le terrain depuis 1905. Enfin, lorsque Ferdinand Gauthier a reçu les lettres patentes pour son homestead, le carreau NW 24-11-5-W3, en 1910, plusieurs témoins ont affirmé qu'il avait habité le terrain depuis six ans. Lorsque l'abbé Gravel est donc arrivé à Gauthierville en 1906, il a en effet trouvé un groupe de «squatters». Toutefois, le terrain ne serait arpenté qu'à l'automne 1906. Au printemps de 1906, le 24 mai, un groupe de colons, sous la direction d'Edmond Gauthier, avait quitté Cantal pour se rendre à la rivière La Vieille. Il aurait été possible pour eux de prendre le train jusqu'à Mortlach, situé à l'ouest de Moose Jaw et à 75 kilomètres au nord de La Vieille. Toutefois, dans un article publié dans le Patriote de l'Ouest en décembre 1919, on mentionne que le groupe s'était premièrement rendu à Willow Bunch avant d'aller à La Vieille. Puisqu'ils ont des wagons et autres biens à transporter à leurs nouveaux homesteads, il est alors tout à fait possible qu'ils aient suivi une ancienne piste métisse pour se rendre directement de Cantal à Willow Bunch. Le groupe d'Edmond Gauthier était à Willow Bunch le 29 mai et il est arrivé à la rivière La Vieille le 2 juin. Un deuxième groupe serait arrivé dans la région quelques semaines plus tard. Les membres des deux premiers groupes ont signé un registre le 8 juillet 1906 à l'occasion d'une messe chantée par l'abbé Lemieux de Willow Bunch. «Bien qu'éloignés de soixante milles de la paroisse la plus proche, au mois de juillet, ils avaient le bonheur de recevoir la visite du missionnaire.»(5) Voici les noms des premiers pionniers: Edmond Gauthier, Damase Gauthier, Ferdinand Gauthier, Louis Gauthier, Napoléon L'Heureux, Amédée Beaubien, Gustave Beaubien, Ferdinand Beaubien, Edmond Cardinal, Willy Dion, Urbain Audet, Alex McGillis, Jim Ledoux, J.-P. Beauregard, France Beaudoin et messieurs Hamel, Boutin et Beaubien de l'Abitibi. Alex McGillis, un Métis, a accompagné l'abbé Lemieux de Willow Bunch et n'est pas un des pionniers de Gravelbourg. Il y a donc de l'activité à La Vieille avant l'arrivée de l'abbé Gravel. À cette époque, toute la région sud de la Saskatchewan appartient encore au diocèse de Saint-Boniface (celui de Regina ne sera créé qu'en 1910). Mgr Adélard Langevin, archevêque de Saint-Boniface, s'intéresse beaucoup aux mouvements d'immigration dans l'Ouest canadien et il a nommé des agents de colonisation ou prêtres colonisateurs, comme l'abbé Jean-Isidore Gaire dont la mission était le recrutement de colons catholiques et français. Selon le juge Georges Hébert, beau-frère de l'abbé Louis-Pierre Gravel, Mgr Langevin avait rencontré le futur fondateur de Gravelbourg à New York lors d'un de ses nombreux voyages à Rome. «M. Gravel escortait toujours l'Archevêque jusqu'au paquebot en partance pour l'Europe. Dès 1904, Mgr lui parlait des belles terres de la Saskatchewa, qui faisaient alors partie du diocèse de Saint-Boniface et étaient accessibles aux colons.»(6) Selon le juge Hébert, l'abbé Gravel aurait visité la région de la rivière La Vieille au printemps 1906, mais il ne semble pas avoir rencontré les colons (squatters) déjà sur place car il ne leur a pas chanté de messe. Dans son Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., l'abbé Adrien Chabot place la date de l'arrivée de l'abbé Gravel à l'automne 1906. «Dès l'automne 1906, un prêtre colonisateur est envoyé par lui (Mgr Langevin), muni d'une lettre datée du 28 septembre.»(7) Avant cette date, l'abbé Gravel a déjà eu recours à son amitié avec le Premier ministre du Canada, Wilfrid Laurier, pour faire réserver quatre townships pour ses projets de colonisation. «Il se rendra à Ottawa où, par l'influence et les relations d'amitié qui existent entre sir Wilfrid Laurier et lui-même, par l'intermédiaire de W.E. Knowles, c.r., député de cette région au fédéral, et d'autres influences marquantes, il demandera que les quatre townships 10-4, 10-5, 11-4 et 11-5, à l'ouest du troisième méridien, soient réservés aux colons canadiens-français, qu'il repatriera, ou qui viendront d'eux-mêmes, que l'on arpente ces terres non encore subdivisées en sections, et que l'on donne un abri aux arrivants.»(8) L'arpentage du district se fait à l'automne 1906. Pour faciliter son travail de recrutement, le Père Gravel, comme il a toujours été appelé par les gens de Gravelbourg, choisit de s'établir à Moose Jaw où se trouve alors le bureau des Terres du Dominion et il n'a jamais vraiment été curé de Gravelbourg. «Le 12 mars suivant (1907), le gouvernement reconnaissant déjà les services rendus par ce fondateur, donne son nom à la concession qui se peuple autour du bureau de poste qui vient d'être ouvert à la Rivière La Vieille. Gravelbourg est né.»(9) Au fil des ans, le Père Louis-Pierre Gravel a beaucoup fait pour assurer que la ville qui portait son nom recevrait tous les avantages possibles: chemin de fer, commerces et institutions d'éducation. Toutefois, il n'a jamais été curé de Gravelbourg. Plus tôt, il a été mention de la première messe chantée à la rivière La Vieille, en juillet 1906, par l'abbé Lemieux de Willow Bunch. Avant même la venue de l'abbé Lemieux, en avril 1906, un prêtre français, l'abbé Albert Royer, était arrivée dans l'Ouest canadien avec deux autres Français, J.-B. Brousse et Louis Gallard. L'abbé Royer cherchait un endroit où il pourrait dédier une paroisse à la Sainte-Vierge. Il avait voyagé ici et là dans le sud de la Saskatchewan et de l'Alberta et avait fait la connaissance, à Moose Jaw, d'un M. Gelley. Celui-ci lui avait indiqué la présence d'un groupe de Canadiens français dans la région de la rivière La Vieille. Sans visiter la région, l'abbé Royer semble avoir décidé d'y fonder sa paroisse dédiée à la Sainte-Vierge. J.B. Brousse et Louis Gallard vont prendre des homesteads à cet endroit alors que l'abbé Royer retournait en France recruter des colons pour sa nouvelle paroisse à La Vieille. Il a quitté le Canada le 1er juillet 1906. Selon l'abbé Royer, c'est pendant son voyage en France que le Père Gravel est arrivé dans les parages. Écoutons ses propos à ce sujet. «Trois mois plus tard, arrivait de New York un autre prêtre, désireux lui aussi, disait-il, de fonder une colonie. Se proposant d'aller pour cela à 15 milles plus au Sud, il fut arrêté sans doute par les buttes où son cocher se perdit car il se replia aussitôt vers notre plaine. Il y marqua des terrains, visita les gens qui s'y trouvaient: les Gauthier, premiers arrivés qui avaient pensé donner leur nom à la place, leurs parents, les Lagassé, les Ross, Biron, Ledoux, les français, Gallard, Brousse, etc..., leur promit l'appui du Gouvernement, une Église, un presbytère, etc., et repartit aussitôt. À Saint-Boniface, où il passait pour très riche, il fit dédier la paroisse à sainte Philomène.»(10) Quelle déception pour l'abbé Royer à son retour d'Europe! À l'évêché à Saint-Boniface, on lui annonce qu'il devrait peut-être aller établir sa paroisse ailleurs. «Et c'est ainsi que la Vieille, qui sera probablement toujours la Vieille dans le langage populaire, s'appelle officiellement Gravelbourg, bien qu'il n'y ait actuellement, ni Gravel, ni bourg.»(11) Mais le prêtre français est décidé de se rendre à la Vieille et il est encore là en juin 1907 lorsque Mgr Langevin visite la nouvelle métropole française. Selon un témoin, Mgr Langevin aurait demandé à l'abbé Royer de quitter Gravelbourg. «Sa Grandeur rappela à M. Royer que lors de sa visite à Saint-Boniface, il lui avait dit: “N'allez pas dans la région choisie par l'abbé Gravel, je l'ai fait venir de New York et son travail de colonisation est déjà commencé”.»(12) Déçu, l'abbé Royer accepte amèrement la volonté de Mgr Langevin. «Considérant la colonie comme établie, à l'annonce de nouveaux colons et parce que j'avais projeté une paroisse dédiée à la Sainte-Vierge et portant son nom, je me décidais à franchir les buttes du Sud pour aller chercher une autre place à l'embouchure du Pinto-Horse Creek.»(13) C'est ainsi que l'abbé Albert Royer est allé fonder la paroisse Notre-Dame d'Auvergne qui deviendra plus tard, Ponteix. Toutefois, le prêtre français ne pardonne pas facilement le Père Gravel pour son ingérence dans son territoire. Au cours des années suivantes, il y aura souvent des chicanes entre les deux colonisateurs. Entre-temps, à Gravelbourg, la paroisse Sainte-Philomène commence à prendre forme. Le Père Gravel est toutefois trop occupé avec ses projets de recrutement de colons pour s'en occuper et le 3 août 1907, Mgr Langevin lui annonce qu'il a trouvé un jeune prêtre pour Gravelbourg. «J'ai trouvé un jeune prêtre pour la colonie de Gravelbourg, M. l'abbé A. Magnan. Il est jeune et malade. Je tiens beaucoup à ce que M. Magnan prenne un “homestead”, soit celui dont vous avez parlé qui est très bon, ou celui qui avoisine le terrain de M. Gauthier. Il y aura quarante acres à donner pour l'église.»(14) L'abbé Magnan devient ainsi le premier curé résidant officiel à Gravelbourg. Le départ de l'abbé Albert Royer et la nomination de l'abbé Arthur Magnan comme curé résidant de Gravelbourg, en 1907, marque le début formel de la paroisse qui a été placée, par le Père Gravel, sous la protection de Sainte-Philomène. Une première réunion des colons a lieu le 15 septembre, quelques jours seulement après l'arrivée du nouveau curé, pour discuter de la construction d'une chapelle. La chicane éclate entre les paroissiens. Certains veulent que l'église soit établie plus à l'ouest de l'emplacement actuel de la ville de Gravelbourg. D'autres veulent qu'elle soit construite plus à l'est. «Il y fut décidé de construire la première maison-chapelle au coin du quart nord-est de la section 36, canton 10, rang 5, à l'ouest du troisième méridien, à peu près où est située actuellement la bâtisse principale du Collège.»(15) La construction de la chapelle ne commence pas avant le printemps de 1908. La petite bâtisse est peinte en blanc et on lui donne le nom de la «Maison Blanche». Au cours des années suivantes, la population de Gravelbourg augmente. En 1912, l'abbé Magnan invite ses paroissiens à penser sérieusement à la construction d'une nouvelle église. Le 15 juin 1913, des paroissiens se réunissent pour commencer à creuser les fondations de cette nouvelle église près de la «Maison Blanche». Les travaux de construction du soubassement de l'église sont terminés pour Noël 1914. Cependant, l'arrivée des Soeurs Jésus-Marie, en 1915, vient changer les plans de l'église. Les religieuses veulent construire un couvent et la compagnie du Canadian Northern leur offre 30 acres de terre à plusieurs centaines de mètres à l'ouest de la chapelle. Une autre chicane éclate dans la métropole française de la Saskatchewan. Certains veulent construire l'église près du couvent, d'autres veulent continuer à bâtir là où est le soubassement. En octobre 1917, l'abbé Magnan est à bout de force et un nouveau prêtre est nommé pour le remplacer. Il s'agit de l'abbé Charles Maillard, ancien curé de Wolseley. Le nouveau curé réussit à convaincre ses paroissiens qu'ils devraient faire don du soubassement à l'archevêque de Regina, Mgr Mathieu, pour qu'il y construise un collège catholique et français à cet endroit et de bâtir la nouvelle église au bout de la rue principale, directement au sud et en face de la gare du chemin de fer. De cette façon, l'église dominerait la rue principale. À la gauche, il y aurait le couvent des Soeurs et à la droite, il y aurait un collège catholique. Le nouveau curé réussit à amadouer les esprits en leur disant: «Et puis, sait-on jamais? Avec le temps et l'augmentation de la population, Rome pourrait bien décider de former un nouveau diocèse et alors, Gravelbourg, avec une magnifique église, un beau collège, un couvent imposant...»(16) La nouvelle église est ouverte et bénie par Mgr Mathieu le 5 novembre 1919. L'intérieur de l'église n'offre alors rien d'extraordinaire. Rien ne laisse présager qu'un jour ce bâtiment deviendrait un monument historique. Toutefois, dans la paroisse de Gravelbourg, réside une personne qui saura donner un cachet unique à l'église. L'abbé Charles Maillard a déjà peint des toiles religieuses pour les églises de Willow Bunch et Wolseley. En 1921, il ressort ses pinceaux et se met à l'oeuvre. Il a décidé de recouvrir les murs et le toit de son église d'une série de peintures: «L'effet d'ensemble ne manque pas d'impressionner. Tout autour du sanctuaire, sept grands tableaux traitent de questions de dogme: la présentation de Jésus par le précurseur Jean-Baptiste, la promesse d'un Rédempteur faite à Adam et Eve au Paradis terrestre, la transfiguration du Christ, le Christ en croix, sa résurrection, le couronnement de la Sainte Vierge et la révélation à Pierre de sa mission de vicaire du Christ. Surplombant les tableaux, les choeurs des anges, en couleurs douces, s'animent sur les panneaux de la voûte.»(17) L'abbé Maillard quitte Gravelbourg en 1929 après avoir terminé ses peintures. L'année suivante se réalise un rêve qu'il a semé lors de son arrivée en 1917, celui de voir cette ville devenir le siège d'un nouveau diocèse. Mgr Rodrigue Villeneuve devient le premier évêque de Gravelbourg et l'humble église construite en 1918 devient la cathédrale du nouveau diocèse. «La cathédrale de Gravelbourg dresse très haut au milieu d'un océan de blé ses deux tours blanches. Elle constitue le témoignage permanent de la volonté de l'épiscopat de former une enclave franco-catholique au sud-ouest de la Saskatchewan.»(18) La communauté francophone de Gravelbourg commence à prendre forme dès 1906 lorsque le frère du Père Gravel, Émile, fait une demande auprès du ministère des Postes à Ottawa pour ouvrir un premier bureau de poste. L'année suivante, Ottawa donne sa bénédiction à ce bureau de poste qui ouvre ses portes le 1er juin 1907, section 14-10-5-W3. «Émile Gravel devient lui-même maître de poste. Il fait lui-même les casiers pour recevoir les lettres, et le shack qu'il habite devient le premier bureau de poste.»(19) Les premiers magasins de Gravelbourg auraient été dans les maisons de certains colons. Par exemple, la boucherie était chez Joseph Beaubien et les épiceries étaient dans les shacks de P. Maurel et F. Géraud. Ce n'est qu'en 1911 que William St-Germain établit un commerce d'épiceries et de quincaillerie. «Ce magasin à rayons comprenait aussi merceries, hardes, draperies, enfin tout ce qui était nécessaire au public du temps.»(20) O. Rinfret (meubles et fourrures) et Ernest Cadieux (habits et fourrures) ont été deux autres des premiers commerçants de Gravelbourg. C'est grâce à l'initiative du Père Gravel qu'une compagnie financière vient ouvrir, dès 1910, une banque à Gravelbourg. Le prêtre colonisateur a fait la connaissance à Moose Jaw d'un Français nommé Vicz. «Il était le gérant de la Banque Union, grand ami du Père Gravel qui l'avait induit dès 1910, à faire un rapport à son bureau chef sur la prospère colonie de Gravelbourg qu'on appelait la future métropole française de la Saskatchewan. Il s'agissait d'obtenir l'autorisation d'y établir une succursale, ce qui se fit la même année, à la grande joie de la population de Gravelbourg.»(21) Peu de temps après, la Banque de Toronto ouvre un comptoir à Gravelbourg et plus tard, le Père Gravel réussit à convaincre la Banque d'Hochelaga de venir s'y établir. En 1908, une ligne télégraphique est construite pour relier Gravelbourg et Moose Jaw. Le premier télégraphiste est Joseph Hamelin. Après la construction de la Banque Union, le bureau du télégraphe est installé au deuxième étage du même édifice. Alors que le village de Gravelbourg commence à prendre forme, il y a un élément qui manque toujours: le chemin de fer. En 1910, à la grande déception du Père Gravel, le Canadien Pacifique décide de construire une ligne de chemin de fer 19 kilomètres au sud de Gravelbourg, à Laflèche. Puisque le Canadien Pacifique n'a pas l'intention d'y ajouter une ligne secondaire jusqu'à Gravelbourg, le prêtre colonisateur commence à talonner le Canadian Northern pour qu'il bâtisse dans la région. «Cinq ans plus tard (1913), par son travail acharné, il avait décidé les constructeurs du Canadian Northern à pousser leur voie ferrée jusqu'au coeur de cette région nouvelle.... Le 30 septembre 1913, le premier train entrait dans Gravelbourg au milieu d'une population en délire.»(22) Enfin, c'est durant les élections provinciales de 1917 que les chefs de la communauté francophone de Gravelbourg ont commencé à faire pression auprès du parti libéral pour obtenir la création d'un district judiciaire avec son siège dans leur ville. Pour ce faire, ils ont convaincu la population du district à voter pour Charles Dunning, le candidat libéral. Leur candidat est facilement élu dans le comté de Moose Jaw. «Charles Dunning fut nommé trésorier provincial. Peu de temps après, Gravelbourg reçut la nouvelle qu'un district judiciaire allait être bientôt formé avec notre ville comme chef-lieu.»(23) Gravelbourg peut donc se doter d'un superbe palais de justice. Dès 1909, le Père Gravel avait entreprit des démarches pour l'établissement éventuel d'un hôpital à Gravelbourg. Cette année-là, il avait demandé au ministre de l'Intérieur, l'honorable Frank Oliver, une section de terre pour la construction d'un édifice pour les malades. Ce n'est qu'en 1927 que la communauté de Gravelbourg construit, grâce au travail des Soeurs Grises, son hôpital Saint-Joseph. L'éducation des enfants devient par contre le principal leg du Père Gravel à la communauté qui porte son nom. Nous en reparlerons dans la prochaine chronique. L'éducation a toujours été très importante pour les Canadiens français de la Saskatchewan surtout à cause de politiques voulant assurer leur assimilation. C'est grâce aux rêves de l'abbé Louis-Pierre Gravel et Mgr Olivier-Elzéar Mathieu que Gravelbourg a pu se doter d'une série d'institutions d'éducation comme le Collège Mathieu, le Couvent Jésus-Marie et le Jardin de l'enfance. Ce sont ces institutions qui distinguent Gravelbourg des autres communautés de langue française de la Saskatchewan dans le domaine de l'éducation. Mais, en ce qui concerne les petites écoles de campagne, l'histoire est la même dans toutes les communautés de langue française de la Saskatchewan. Comme ailleurs en Saskatchewan, les Canadiens français de Gravelbourg se sont bâtis des écoles de campagne: Piché et Gauthier(1909), Lefort (1910) et Aussant (1911). Il y avait aussi plusieurs écoles avec des noms anglais dans la région de Gravelbourg, Arland, Bekker et High Region. Il y a aussi une école publique dans le village. «Il a été également question assez souvent de savoir quel arrondissement scolaire avait été formé le premier dans Gravelbourg. Une lettre de M. T.H. Waugh, assistant sous-ministre de l'Éducation pour la province de la Saskatchewan en date du 26 juillet 1961, nous informe que: “L'arrondissement scolaire de Gravelbourg No 2244” a été formé le 8 décembre 1908, et l'arrondissement Gauthier No 2388 a été établi le 9 juin 1909.”»(24) À l'exception de l'école du village, on n'offre pas le cours secondaire dans ces écoles de campagne. Tous les élèves, de la première à la huitième année, sont dans la même classe avec un seul maître. On accorde beaucoup d'importance à l'enseignement du français et de l'anglais et aux mathématiques. Il n'y a pas de sports organisés; les jeunes jouaient à la tague, à la marelle (hopscotch) et à la balle pendant la récréation. En 1915, le Père Gravel demande à la congrégation des Soeurs de Jésus-Marie, de Sillery au Québec, de lui envoyer des religieuses pour enseigner dans l'école du village. Mère Sainte-Émilienne et trois religieuses arrivent en août de la même année. Deux ans plus tard, les religieuses décident de faire construire un couvent à Gravelbourg. Le Couvent Jésus-Marie (Collège Thévenet) existe encore aujourd'hui et sert d'école élémentaire. Au Couvent Jésus-Marie, les filles peuvent être pensionnaires et poursuivre leurs études jusqu'à la douzième année, ce qui n'est pas possible ailleurs dans les écoles de campagne. Pendant que les religieuses surveillent la construction de leur couvent, le nouvel archevêque de Regina, Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, approche le gouvernement de la Saskatchewan pour obtenir la permission d'établir deux collèges catholiques dans son diocèse, un pour les anglophones à Regina (le Collège Campion) et un pour les francophones à Gravelbourg (le Collège Mathieu). Le gouvernement lui accorde les chartes et le «Collège catholique de Gravelbourg» ouvre ses portes le 14 décembre 1918. La première année, il y a 72 garçons venus de tous les coins de la province. En 1920, la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée accepte la direction du collège, qui devient le Collège Mathieu. Au tout début, au Collège Mathieu de Gravelbourg, «on offre un cours élémentaire, un cours secondaire, un cours commercial et un cours de lettres aussi bien qu'un cours de séminaire.»(25) Plus tard, on y ajoute des cours universitaires, des cours en agriculture et des cours en menuiserie, électricité et mécanique automobile. Les Soeurs Oblates arrivent à Gravelbourg en 1918. Puisqu'on accepte des garçons de l'élémentaire au collège, ce sont les Soeurs Oblates qui s'occupent de l'éducation des plus jeunes. En 1920, elles ouvrent le Jardin de l'enfance, une école élémentaire pour les garçons de cinq à treize ans. Parmi les premiers élèves du Jardin, il y a Pierre Lafrance, Joseph Bélisle, Lucien Bourgeois, Armand Lizée, Simon Mailhot, Raymond Michaud et Joe Ross. Ce premier Jardin est situé dans l'édifice qui est aujourd'hui le Pavillon, la résidence des garçons du Collège Mathieu. En 1929, on fait construire un nouveau Jardin de l'enfance à quelques pas de la cathédrale. Cette école pour jeunes garçons fonctionne à Gravelbourg jusqu'en 1964. Donc, avec les écoles de campagne, le Jardin de l'enfance, le Couvent Jésus-Marie et le Collège Mathieu, les garçons peuvent faire toutes leurs études élémentaires, secondaires et universitaires à Gravelbourg; les filles, elles, peuvent y faire des études de la 1re à la 12e année. Pour l'abbé Louis-Pierre Gravel et Mgr Mathieu de Regina, l'éducation des jeunes Canadiens français devait être la plus grande priorité de cette nouvelle métropole française en Saskatchewan. Références (1) Le Patriote de l'Ouest, le 27 mars 1918. (2) Ibid. (3) «En marge des fêtes de Gravelbourg». Le Patriote de l'Ouest 31 décembre 1919. (4) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965. (5) «En marge des fêtes de Gravelbourg». Le Patriote de l'Ouest , le 31 décembre 1919. (6) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965, p. 11. (7) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask. à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1903-1955, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1955, p. 40. (8) Hébert, Georges, op. cit., p. 12. (9) Chabot, abbé Adrien, op. cit., p. 40. (10) Royer, abbé Albert, Excursion d'un missionnaire en 1907, Fondation de plusieurs Paroisses dans le S.-O. de la Saskatchewan, Clermont-Ferrand (France): Imprimerie Moderne, 1908. p. 4. (11) Ibid. p. 5. (12) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965. p. 19. (13) Royer, abbé Albert, Op. cit. p. 5. (14) Hébert, Georges, Op. cit. p. 19. (15) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965, p. 15. (16) Lapointe, Richard, «Cathédrale des blés», La Saskatchewan de A à Z , Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1987, p. 43. (17) Ibid., p. 44. (18) Ibid., p. 38. (19) Régis, Constant, Gravelbourg et son histoire, Gravelbourg: La Relève, page 3, le vendredi 7 juillet 1961. (20) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965, p. 23. (21) Ibid., p. 21. (22) Ibid., p. 29. (23) Régis, Constant, Op. cit. le 3 novembre 1961. (24) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965, p. 30. (25) Gravelbourg Historical Society, Héritage: Gravelbourg - District,1906-1985, Gravelbourg: Gravelbourg Historical Society, 1987, p. 27. Sources Un bout d'histoire... 157, 158, 159, 160, 161 et 162 «En marge des fêtes de Gravelbourg». Le Patriote de l'Ouest 31 décembre 1919. Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965. Le Patriote de l'Ouest, le 27 mars 1918. Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask. à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1903-1955, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1955. Royer, abbé Albert, Excursion d'un missionnaire en 1907, Fondation de plusieurs Paroisses dans le S.-O. de la Saskatchewan, Clermont-Ferrand (France): Imprimerie Moderne, 1908. Lapointe, Richard, «Cathédrale des blés», La Saskatchewan de A à Z , Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1987. Régis, Constant, Gravelbourg et son histoire, Publié dans La Relève de Gravelbourg en 1961. Gravelbourg Historical Society, Héritage: Gravelbourg - District,1906-1985, Gravelbourg: Gravelbourg Historical Society, 1987. |
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