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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 16 numéro 4

Gravelbourg - Coeur et âme

texte de John Hamon, traduction française de Robert LaBerge
Vol. 16 - no 4, juin 2006
L’abbé Louis-Pierre Gravel arriva sur les berges de la rivière La Vieille au printemps de l’an 1906. Cent ans plus tard, c’est avec grande fierté que nous pouvons apprécier le développement de Gravelbourg et de ses environs et comprendre la réalisation des rêves, des aspirations, des attentes ainsi que le dur labeur de nos ancêtres.

Certes, des tribus amérindiennes, des chasseurs de bisons, des missionnaires et surtout des peuples nomades étaient venus dans cette région avant 1906. Il y a très peu d’informations quant à leur nombre. La vraie histoire de Gravelbourg cependant débuta avec l’arrivée en 1906 du Père Gravel, prêtre et missionnaire envoyé ici par Monseigneur Langevin, évêque de Saint-Boniface.


L’abbé Louis-Pierre Gravel est né à Princeville au Québec le 8 août 1868. Il fut ordonné prêtre le 28 août 1892 et commença son ministère dans la paroisse de Saint-Jean-Baptiste à New York. C’est là qu’il maîtrisa ses capacités de travailler avec des gens d’ethnies, de cultures et de religions différentes.

La responsabilité première de l’abbé Gravel fut d’attirer des Canadiens-français et d’autres pionniers francophones dans la vaste région du sud de la Saskatchewan. Travaillant en étroite collaboration avec d’autres communautés telles que Willow Bunch, Cantal, Ponteix et Val Marie, il se dévoua incessamment à inviter des nouveaux pionniers dans la région.

La contribution de la famille Gravel au développement de Gravelbourg et de la région fut énorme. Attestant que leurs efforts portèrent fruits, en quelques années, grâce à leurs compétences, Gravelbourg était devenue une entité exclusive. Il suffit de souligner la contribution individuelle des membres de cette famille; l’abbé Louis-Pierre, prêtre; l’honorable juge Alphonse; Émile, avocat et maître de poste; Guy, pharmacien; Dr Henri, médecin et membre de la ‘NWMP’; Laurianne, épouse de l’honorable juge Hébert; Dr Maurice, médecin; Sam, membre de la ‘NWMP’ et Wilfrid, fonctionnaire et filleul de Sire Wilfrid Laurier.

La famille Gravel entretenait des liens étroits avec Sire Wilfrid Laurier, septième Premier Ministre du Canada, qui fut responsable de l’établissement des provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta en 1905.
L?abbé Louis-Pierre Gravel
Photo: Archives de la Saskatchewa
L?abbé Louis-Pierre Gravel, dans la prairie au sud de Moose Jaw en 1908 avec un monsieur Dugas, à gauche, et Zacharie Lacasse à droite


C’est en travaillant main dans la main avec les gouvernements fédéral et provincial que Gravelbourg est devenue une communauté viable, épanouie et exclusive en moins de vingt ans.

Le développement d’une communauté française et catholique favorisa la venue d’ordres religieux qui furent indispensables pour assurer le caractère éducatif et spirituel de la ville de Gravelbourg, ce joyau des prairies.

Le Père Gravel décéda à Montréal le 10 février 1926; sa dépouille fut transportée et inhumée près de Gravelbourg, environ vingt ans après que celui-ci ait posé le pied sur les rives de La Vieille dans cette prairie riche et fertile qu’il chérissait au point d’en faire le lieu de son repos éternel. Plusieurs années plus tard, une statue de bronze à son effigie fut érigée face à la cathédrale. Des visiteurs d’un peu partout arrivent ici chaque année pour assouvir leur curiosité et parfois partager ce voyage spirituel qui leur est offert.

Au décès du Père Gravel, ses efforts et ceux de ses collaborateurs avaient attiré plus de dix mille pionniers dans le sud-ouest de la Saskatchewan. Les deux clochers de la nouvelle église s’élevant au-dessus de ces vastes champs de blé doré devinrent les témoins d’un succès monumental. L’abbé Charles Maillard avait complété les fresques religieuses dans cette église qui allait bientôt devenir une cathédrale.

Jeunes hommes et jeunes filles furent dorénavant éduqués soit au Jardin d’enfance, soit au Collège Mathieu ou encore au Collège Thévenet. Ce dernier devint également une école publique. D’autres ordres religieux et institutions firent de Gravelbourg la plus grande communauté catholique et française de la Saskatchewan. En 1930, le Saint-Siège nomma Monseigneur Villeneuve premier évêque du nouveau diocèse de Gravelbourg qui allait couvrir tout le sud-ouest de la province.
Émile Gravel
Photo: Archives de la Saskatchewa
Émile Gravel, en routr vers La Vieille à l? automne de 1906. Il accompagnait son frère l?abbé Louis-Pierre Gravel.


Gravelbourg a dû franchir plusieurs étapes dans son développement et sa croissance. Maintenir une identité catholique et française, tout en côtoyant des gens de langues et cultures multiples, ne fut pas toujours chose facile. Il va sans dire qu’il y eut de nombreuses tensions raciales et religieuses, dont certaines persistent encore quelque peu aujourd’hui. Le développement d’une communauté nouvelle n’est pas stationnaire dans le temps, mais c’est plutôt un cheminement graduel qui doit être cajolé doucement. Les embûches qui ont dû être franchies ne furent pas sans peines. Cependant une communauté épanouie telle que Gravelbourg est symbolique du Canada et de la grande nation qu’elle représente.

L’agriculture a toujours été et demeure encore aujourd’hui l’industrie première à Gravelbourg. À l’automne 1928, la municipalité rurale de Gravelbourg #104 comptait une population de 2 800 habitants. Avec ses neuf élévateurs à grain, son moulin à farine, ses douzaines de marchands de machines agricoles, ses magasins et commerces de toutes sortes, Gravelbourg était devenue la communauté la plus prospère pour des kilomètres à la ronde. On y trouvait également la Cour du banc de la Reine pour ce district.

La crise de la bourse en 1929 et la sécheresse des années trente furent difficiles pour notre population rurale. Plusieurs familles retournèrent dans l’Est du pays, d’autres partirent vers d’autres régions de l’Amérique et du Canada, poursuivant ainsi leur rêve de jours meilleurs. La deuxième guerre mondiale, les sécheresses ainsi que la baisse des marchés de produits agricoles ont tous contribué à réduire la population. Cependant, beaucoup de gens professent encore leur foi en ce coin de pays qui est le leur, et ne souhaitent pas s’en départir.

C’est presque impossible de documenter un siècle d’existence pour la communauté de Gravelbourg en quelques pages. Un simple petit tour à Gravelbourg suffira pour vous convaincre que la ville de Gravelbourg est toujours vivante et vibrante. Bien que la ville ait perdu quelques institutions et certains commerces, cette communauté continuera de s’épanouir et faire partie intégrale de notre province, de notre pays.
Aperçu de la ville de Gravelbourg
Photo: Musée de Gravelbourg
Aperçu de la ville de Gravelbourg avec huit élévateurs à grain vers 1925


Gravelbourg représente l’essence même - le coeur et l’âme - du Canada. Diverse, dynamique, multiculturelle, cette petite ville s’élève fièrement au-dessus de la prairie, surpassant les rêves et aspirations de ses fondateurs. Aujourd’hui notre communauté est distincte, bien définie, et elle continue de charmer ses citoyens, ainsi que les nombreux visiteurs. Que Dieu bénisse le coeur et l’âme de Gravelbourg.





 
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