Revue historique: volume 16 numéro 4Gravelbourg avant larrivée des GravelTexte de Laurier Gareau Vol. 16 - no 4, juin 2006
Avant larrivée des premiers colons et de labbé Gravel, avant la construction de la cathédrale, du Collège Mathieu et même de la première maison, ce coin de la Saskatchewan avait été visité par des Indiens, des Métis et des hommes blancs. Jean-Louis Légaré, fondateur de Willow Bunch, était venu chasser le bison dans la région de La Vieille en 1871 avec des Métis de la Montagne de Bois.
Larticle du Patriote de lOuest attribue à labbé Louis-Pierre Gravel la fondation de Gravelbourg. «La fondation de Gravelbourg remonte à lannée 1906. La paroisse fut colonisée par des Canadiens français placés sur des concessions gratuites réservées par lentremise de M. labbé Gravel, missionnaire colonisateur auprès du ministre de lIntérieur, lhonorable Frank Oliver. Pendant deux années, de 1906 à 1908, le squatter fut ainsi protégé jusquà lépoque où les homesteads des quatre townships réservés furent pris entièrement.»(2) Ce passage indique toutefois que des «squatters» étaient établis dans la région de Gravelbourg avant larrivée de labbé Gravel en 1906. On sait, par exemple, quil y avait dans la région les cow-boys du Turkey Track Ranch et du W-Bar Ranch. Certains dentre eux étaient peut-être devenus des «squatters». Cest dans un autre article du Patriote de lOuest que lon en découvre plus au sujet des «squatters» de La Vieille. Dans cet article publié en 1919 et intitulé «En marge des fêtes de Gravelbourg», on affirme que les premiers colons canadiens-français étaient arrivés à La Vieille en 1905. Ils venaient de Cantal, village établi en 1892 près de la frontière Saskatchewan-Manitoba par labbé Jean-Isidore Gaire. Labbé Alphonse Lemieux avait été curé de Cantal avant dêtre nommé curé de la paroisse de Saint-Ignace-des-Saules à Willow Bunch vers 1905. Puisque les homesteads se faisaient rares dans la région de Cantal, plusieurs personnes avaient alors décidé de le suivre vers lOuest. Edmond Gauthier avait été chargé de se rendre dans la région pour y trouver de bonnes terres agricoles pour ces gens. Avec un nommé Lepage, il avait exploré la région de Willow Bunch, mais elle nétait pas à son goût. «La vue des collines qui avoisinent Willow Bunch, le terrain plutôt montueux, ne leur plut pas; ils avaient rêvé dune plaine plus vaste.»(3) Les Métis de Willow Bunch leur avaient annoncé quil y avait des plaines interminables qui nattendaient que la charrue des laboureurs plus à louest à la rivière La Vieille. En mai 1906, accompagné dEd Lespérance, un guide métis, Edmond Gauthier et Lepage avaient voyagé en chariot de Willow Bunch jusquà la rivière La Vieille. Là, ils avaient trouvé du terrain à leur goût. Les plaines étaient vastes et semblaient être fertiles. Gauthier, Lepage et Lespérance avaient passé quelques jours dans la région puis, ils étaient retournés à Willow Bunch pour annoncer à labbé Lemieux quils avaient choisi plusieurs endroits pour des homesteads.
Dans son livre, Les débuts de Gravelbourg, le juge Georges Hébert, le beau-frère de labbé Gravel, vient confirmer cette visite dEdmond Gauthier et ajoute un autre élément à cette histoire. «Il y avait là quelques colons qui avaient connu le curé Lemieux, de Willow Bunch, à Cantal. Il leur avait dit que, daprès certains Métis, les terres étaient belles à une soixantaine de milles à louest et aux alentours de la rivière La Vieille. Lun des colons, Edmond Gauthier, alla voir M. Roy (le père de léminent écrivain contemporain, Mme Gabrielle Roy), alors agent de colonisation à Winnipeg, qui lui fournit deux cents dollars et un guide, Ed Lespérance, de Willow Bunch. Edmond Gauthier choisit du terrain, bâtit une hutte en terre et planta une croix. Ce fut la première habitation à la rivière La Vieille.»(4) Edmond Gauthier était retourné passer quelques jours à Cantal avant de repartir le 24 mai 1906 en destination de La Vieille. Cette fois, il était accompagné dun groupe de colons dont Napoléon LHeureux, Ferdinand Gauthier, Gustave Beaubien, Damase Gauthier et James Ledoux. Certains descendants de ces premiers habitants de Gravelbourg soutiennent que les colons ont pris le train jusquà Mortlach, situé à louest de Moose Jaw et à 75 kilomètres au nord de La Vieille. Toutefois, dans larticle du Patriote de lOuest, on mentionne que le groupe sest rendu à Willow Bunch avant de se rendre à La Vieille. «De passage à Willow Bunch le 29 mai, ils arrivèrent à la Rivière la Vieille le 2 juin.»(5) Il est alors probable que le groupe, formé dhommes, ait voyagé directement de Cantal à La Vieille en chariot. Les femmes suivraient plus tard en train jusquà Mortlach. Au cours des semaines suivantes, dautres familles étaient venues rejoindre les premiers colons à La Vieille. Nous connaissons les noms des hommes qui étaient dans ces deux premiers groupes, puisque le 8 juillet 1906, labbé Lemieux de Willow Bunch est venu leur dire la messe. «Bien quéloignés de soixante milles de la paroisse la plus proche, au mois de juillet, ils avaient le bonheur de recevoir la visite du missionnaire.»(6) Après la messe, les hommes ont tous signé un registre. Voici leurs noms: Edmond Gauthier, Damase Gauthier, Ferdinand Gauthier, Louis Gauthier, Napoléon LHeureux, Amédée Beaubien, Gustave Beaubien, Ferdinand Beaubien, Edmond Cardinal, Willy Dion, Urbain Audet, Alex McGillis, Jim Ledoux, J.-P. Beauregard, France Beaudoin et messieurs Hamel, Boutin et Beaubien de lAbitibi. On apprend dans le même article quun troisième groupe de colons était arrivé pendant lété de 1906. Dans ce groupe, il y avait Omer Gauthier, Philibert LHeureux, Jos Gaumond, les frères Jos, Antoine et Pierre Ross, Jean-Baptiste Brousse et messieurs Gallard, Dièse et Lagacé. Louis Gallard et Jean-Baptiste Brousse étaient des associés de labbé Albert-Joseph Royer, fondateur de Ponteix. Le groupe dEdmond Gauthier était-il formé de «squatters» jusquen 1908 comme lindique larticle du 27 mars 1918? Une recherche dans les dossiers des prises de concessions (Homestead Files) révèle quEdmond Gauthier a inscrit son terrain, le carreau NE 32-10-4-W3, en 1907. Pour sa part, Damase Gauthier a reçu les lettres patentes pour le carreau NW 28-10-4-W3 le 12 septembre 1908. Il aurait donc été établi sur le terrain depuis 1905. Enfin, lorsque Ferdinand Gauthier a reçu les lettres patentes pour son homestead, le carreau NW 24-11-5-W3, en 1910, plusieurs témoins ont affirmé quil avait habité le terrain depuis six ans. Lorsque labbé Gravel est donc arrivé à Gravelbourg, il a en effet trouvé un groupe de «squatters» car le terrain nallait pas être arpenté avant lautomne 1906. Les premiers colons «squatters» nont toutefois pas perdu de temps pour inscrire leur concession une fois le terrain arpenté. Avant les Gravel Enfin, dans larticle «En marge des fêtes de Gravelbourg», lauteur se permet un constat intéressant. Il écrit: «Il est regrettable cependant que le travail de colonisation se soit limité à quelques townships. Quelle belle moisson nous serions en demeure de recueillir si un travail constant et méthodique de douze années avait couvert toute la région au sud de Gravelbourg.»(7) Labbé Louis-Pierre Gravel sétait-il limité à quatre townships dans son élan de colonisation dans la région de Gravelbourg? Lauteur avait-il raison? Aurait-il été possible de créer un territoire français plus vaste dans le sud-ouest de la province? Notes et références (1) Le Patriote de lOuest, 27 mars 1918. (2) Ibid. (3) «En marge des fêtes de Gravelbourg». Le Patriote de lOuest, 31 décembre 1919. (4) Hébert, Georges, Les débuts de Gravelbourg, son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905-1965, Gravelbourg: le juge Georges Hébert, 1965. (5) Op.cit. «En marge des fêtes de Gravelbourg». (6) Ibid. (7) Ibid. |
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