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Georges Hébert

Le premier ministre J. Thomas Milton Anderson se sentait en verve en cette soirée du 18 septembre 1930. Il venait d'assister aux longues cérémonies d'intronisation du premier évêque de Gravelbourg, Mgr Rodrigue Villeneuve, et le maire du village l'avait invité, en compagnie d'une brochette de dignitaires à venir «se rafraîchir» chez lui. L'inspiration du lieu aidant, il entonna d'une voix juste le vieux refrain «Alouette», auquel les autres invités s'empressèrent de répondre sinon harmonieusement du moins joyeusement. Espérant que la bonne humeur du premier ministre ne serait pas trop sérieusement entamée par l'interruption, le secrétaire de la commission scolaire, l'avocat Georges Hébert, le prit à part un moment pour l'entretenir d'un problème majeur et urgent.
Le sous-ministre de l'Instruction publique avait enjoint la commission scolaire, par deux fois, de construire une école dans les plus brefs délais: c'est que les récents amendements à la Loi sur l'Instruction publique interdisaient l'affichage des emblèmes et le port de l'habit religieux dans l'enceinte de toute école publique. Or, la commission scolaire publique louait depuis de nombreuses années le nombre de salles de classe nécessaires au couvent des Soeurs de Jésus-Marie. Cet arrangement profitait aux deux parties, les religieuses recevant un revenu assuré et les contribuables s'évitant les onéreux frais de construction d'une école. Voilà maintenant qu'on voulait forcer la commission scolaire à endosser une dette de 150 000 $ pour la construction d'un édifice inutile, en plus des frais annuels d'entretien, de chauffage et d'assurance. La somme paraissait d'autant plus lourde que l'on venait de connaître deux faillites consécutives de la récolte. Le premier ministre aurait-il la bonté de suggérer une solution...? «Count on me», affirma Anderson, probablement parce que comme tout politicien élu de fraîche date il avait besoin de faire étalage de son pouvoir pour se rassurer en son for intérieur qu'il le possédait enfin, «vous n'entendrez plus jamais parler de cette affaire!»

Il tint parole et c'est effectivement ce qui arriva, au grand soulagement des syndics et des contribuables de l'arrondissement scolaire. Celui qui avait si adroitement plaidé la cause des Gravelbourgeois n'était pas le premier venu. Brillant avocat et déjà récipiendaire d'un doctorat honoris causa en droit de l'université d'Ottawa, Georges Hébert allait devenir en fin de carrière juge de district à Gravelbourg.

Georges Hébert est né le 28 avril 1887 à Saint-Constant-de-Laprairie, bourg situé sur la rive sud du Saint-Laurent, en face de l'île de Montréal. Son père est Acadien de vieille souche et du côté de sa mère, il descend d'une famille d'origine espagnole, les Robidoux, dont plusieurs membres ont exploré l'ouest des États-Unis, du Missouri à la Californie. Il étudie d'abord à l'école normale Jacques-Cartier à Montréal et va terminer ses études en Ontario, pour y mieux apprendre l'anglais. De là, il se rend directement dans l'Ouest, probablement en 1907, où il enseigne l'école pendant quelque temps. Il étudie ensuite le droit, commence sa cléricature avec les frères Gravel et la termine dans une étude de Swift Current, est admis au Barreau de la Saskatchewan le 15 janvier 1917 et s'associe ensuite à l'étude Gravel & Gravel, de Gravelbourg.

Le Patriote de l'Ouest du 2 juin 1920 rapporte le mariage de Georges Hébert avec Mlle Laurianne Gravel, soeur de ses deux associés: «Deux jeunes enfants, Raineau Gravel et Lilianne Gravel, neveu et nièce de la mariée, habillés en pages du style Louis XIV et portant des corbeilles de fleurs ont accompagné les mariés à l'autel et ont servi de garçon et de fille d'honneur. Après la cérémonie, une réception eut lieu chez M. Alphonse Gravel, avocat, frère de la mariée, à laquelle assistait l'élite de la société de Gravelbourg. De nombreux et riches cadeaux ont été envoyés aux nouveaux mariés qui sont partis en voyage de noces à Chicago.» C'est qu'on sait faire les choses en grand dans la famille Gravel!

L'année suivante, il prend le parti d'ouvrir son propre cabinet à Gravelbourg, où il demeurera jusqu'en 1933. «Il contribue pour sa juste part à l'expansion de Gravelbourg par son esprit d'initiative et ses activités dans tous les domaines», écrira-t-on plus tard à son sujet. C'est en 1927 qu'il reçoit son doctorat honoris causa de l'université d'Ottawa.

Toutefois, la crise économique et surtout la sécheresse qui sévit encore plus durement dans la région du sud-ouest que partout ailleurs le forcent à partir pour Meadow Lake. Il est bientôt nommé juge provincial dans ce village du nord-ouest de la zone agricole, poste qu'il occupe pendant 18 ans. En avril 1951, il est nommé Conseiller du Roi et en août de l'année suivante, il devient juge de la cour de district pour la Saskatchewan, avec résidence dans le village où il avait commencé sa carrière d'avocat.

Lorsque ses responsabilités et ses multiples activités le lui permettent, il travaille à la rédaction d'un volume sur la fondation et les institutions du village de Gravelbourg, depuis sa fondation. Le travail paraît en 1965, sous le titre de Les Débuts de Gravelbourg, 1905-1965.

C'est le 25 août 1969 qu'il meurt à l'hôpital de Gravelbourg, après une brève maladie.

(citations: Le Patriote de l'Ouest, 2 juin 1920, p. 4; La Liberté et le Patriote, 3 septembre 1969, p. 6; renseignements: Georges Hébert, Les Débuts de Gravelbourg, 1905-1965, Gravelbourg, s.é. 1965, passim)





 
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