Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des mots

Frousse

Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, certains mots et expressions sont entrés dans notre vocabulaire au cours des années et nous ne connaissons pas leurs origines. Dans bien des cas, nous nous demandons même si le terme ou l'expression est en bon français.

Il y a plusieurs mois, M. Wilfrid Fortier de Chase, Colombie-Britannique, mais anciennement de Debden, m'a envoyé une longue liste de mots et d'expressions qu'il se souvenait avoir entendus au cours de sa jeunesse. J'ai puisé dans cette liste à plusieurs reprises et aujourd'hui je vais y retourner une autre fois.

M. Fortier propose l'expression avoir la frousse – avoir très peur. Il s'agit d'une expression qui m'est très familière, car elle était utilisée couramment dans notre famille.

Permettez-moi de vous raconter une petite histoire. «J'étais très jeune à cette époque; j'avais six ou sept ans. Mon père était un véritable amateur des chevaux. Sur la ferme, nous avions toujours de dix à douze chevaux malgré le fait que les tracteurs les avaient remplacés pour les travaux dans les champs. Les chevaux étaient surtout utilisés pour tirer le stoneboat en hiver lorsqu'on nettoyait les étables. En été, ils menaient la belle vie dans le pacage.

La plupart de nos chevaux étaient des juments et des poulains. Nous n'avions pas d'étalon; lorsque venait le temps, mon père faisait appel à Robert Venne, un vieux Métis célibataire de Batoche, qui était propriétaire d'un bel étalon palomino blond.

Quelques jours plus tard, M. Venne arrivait en buggy, le palomino bien attaché derrière. Il portait un grand chapeau de cowboy noir, une chemise et un pantalon noirs. Le véritable badguy des films western.

Le palomino était conduit au pacage et pendant qu'il faisait ce qu'il avait à faire, mon père invitait M. Venne à rentrer prendre une tasse de café.

J'étais impressionné par cet homme! Chaque fois qu'il venait, je traînais dans les environs, écoutant les conversations de mon père et de ce cowboy métis. Un jour, alors qu'il buvait son café, il m'aperçu assis à l'autre bout de la table.

Il me regarda, souria et m'annonça, en plaisantant, que puisqu'il n'avait pas d'enfant, puisqu'il s'ennuyait, il allait m'enlever; il allait me prendre dans son buggy et m'emmener avec lui dans sa maison à Batoche.

La frousse m'a pris! J'admirais peut-être cet homme, ce badguy, mais je ne voulais pas m'en aller avec lui. Je ne voulais pas quitter mes parents, mes frères et mes soeurs. Je me suis sauvé en vitesse de la cuisine et je me suis réfugié dans ma chambre, sous mon lit.

La frousse, je l'avais chaque fois que M. Venne venais faire son tour. Une fois, il arriva après que toute la famille était assise à la table pour le dîner du midi. Puisque nous étions douze pour les repas, nous avions une grande table contre un mur. Je m'adonnais à être derrière la table, entre mon frère aîné et une de mes soeurs. Comment sortir lorsque je l'ai aperçu dans la porte. En vitesse, je me suis faufillé sous la table, entre les pieds des autres et je suis monté à ma chambre à la course.

La frousse! Cet homme qui n'a fait qu'une blague m'a fait plus peur que n'importe quelle autre chose dans ma vie.»

En passant, on retrouve le mot frousse dans le Petit Robert. Selon ce dictionnaire, «frousse n.f. (1858; provençal frous, «bruit strident».) Populaire voir peur. Avoir la frousse.»

Malheureusement, je n'ai pas pu trouver plus de renseignements au sujet de ce mot dans mes dictionnaires. Je ne peux pas vous dire de quelle région le mot prend ses origines.





 
(e0)