Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 12 numéro 3

Frenchville : autrefois Filiatrault

Village fantôme de la Saskatchewan
par Denise Grégoire
Vol. 12 - no 3, mars 2002
Frenchville a toujours été un très, très petit village francophone... entouré de fermes et de villages anglophones. Le non, Frenchville, a été donné au village par les anglophones de la région. En 1910, Frenchville portait le nom de St-Aldwine. Un bureau de poste a ouvert ses portes et a été appelé Ste-Eldwine. Plus tard, le nom a été changé à Filiatrault. On a choisi ce nom car à cette époque il n’y avait qu’un bâtiment dans le village, celui de monsieur Jean-Baptiste Filia-trault. La partie nord de l’édifice était réservée pour un petit magasin et le bureau de poste. Au deuxième, il y avait un hôtel. Cet hôtel était pour les fermiers et les ranchers qui se rendaient à Swift Current, car il était impossible de faire le voyage en chevaux dans une seule journée.

En plus de son commerce, monsieur Filiatrault était forgeron; il forgeait les pointes des charrues pour les fermiers de la région. Près du magasin et de l’hôtel, il avait construit une étable pour les chevaux.

Filiatrault (Frenchville) était alors un très petit village. En 1922, une partie de la maison de monsieur Filiatrault a été aménagée en presbytère et le deuxième étage est devenu l’église Saint-Joseph avec le père C.-Joseph Passaplan comme curé. Dorénavant, la messe ne serait plus chantée dans les maisons des fermiers.

En 1922, il y avait trois bâtiments dans le village de Frenchville. Environ trente familles grimpaient les escaliers tous les dimanches pour la messe et, après la messe, ces personnes passaient un peu de temps à jaser avec leurs voisins avant de repartir chez eux avec leurs chevaux.

Pendant vingt-trois ans, Frenchville avait été une mission de Val Marie et Lac Pelletier, mais les familles françaises de la région caressaient le rêve d’un village français. En 1929, on a organisé un bazar dans la petite église au deuxième étage et réalisé des recettes de 2 000 $ en vue de construire une nouvelle église. Ils devront attendre jusqu’en 1940. Cette année-là, les paroissiens ont démoli le vieil hôtel de monsieur Filiatrault et ont construit une nouvelle église. Imaginez une église avec une cloche, un chœur de chant et une salle paroissiale au sous-sol. Chaque dimanche, les bancs se remplissaient de familles françaises. Au chœur de chant, on chantait des cantiques en français et après la messe, les gens se réunissaient sur le perron de l’église pour parler de choses et autres. Pour les bazars et autres célébrations, la salle au sous-sol se remplissaient de voix françaises.

La deuxième église de Frenchville
Photo: Collection Diocèse de Gravelbourg
La deuxième église de Frenchville construite en 1940.

Toutefois, en 1954, on décide de fermer les petites écoles de campagne et de transporter en autobus les élèves vers l’école centralisée (et anglophone) d’Admiral. Les gens de Frenchville tenaient encore au français, alors ils ont déménagé une école dans le village. Ils ont aussi déménagé deux maisons, une qui servirait de presbytère pour le curé et l’autre comme couvent pour les deux religieuses qui viendraient enseigner les classes en français à l’école de Frenchville. À cette époque, il y avait même un petit magasin dans le village de Frenchville.

Mais, avec les changements dans le monde agricole, les enfants sont de moins en moins nombreux et l’école a fermé ses portes en 1968. Les paroissiens aussi sont de moins en moins nombreux et, en 1987, l’église St-Joseph ferme pour de bon.

Toujours un très petit village avec seulement quelques bâtis-ses, il ne reste aujourd’hui que l’église St-Joseph et l’école dans le village de Frenchville. L’église est abandonnée depuis 15 ans, tandis que l’école est un centre communautaire. Par un beau dimanche d’été, on ne voit plus la poussière des voitures sur les routes de campagne comme autrefois quand les gens se rendaient à la messe. La cloche n’appelle plus les paroissiens à la petite église St-Joseph. L’air calme de la région n’est plus rempli des belles chansons françaises. Et, il n’y a plus d’enfants qui jouent dans la cour d’école. Mais, il y a encore le soleil qui brille, l’herbe qui pousse et le vent qui siffle parmi les bâtiments d’un rêve. On sent encore l’esprit de ces familles françaises qui voulaient tellement un petit village français au milieu de tous ces anglophones.





 
(e0)