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Des gens

François-Pierre Moreau

M. le docteur Moreau et M. Jules Casgrain, mis en nomination vendredi 17 septembre, comme commissaire de l'école catholique séparée de Prince Albert, ont été élus par acclamation.

Le Patriote de l'Ouest
le 23 septembre 1915
Dans la communauté fransaskoise, il y a eu, au fil des ans, des centaines d'hommes et de femmes qui, par leurs actions, ont assuré que la langue française survivrait et qu'elle serait transmise aux futures générations. Certains ont lutté activement au sein de l'ACFC et de l'ACEFC pour atteindre ce but, mais d'autres en ont fait autant tout simplement en vivant une vie exemplaire au niveau local et régional.

Durant les années 20, 30 et 40, la petite communauté de Hoey, environ 40 kilomètres au sud de Prince Albert, était une des plus actives au sein de la communauté francophone. C'est grâce à des familles françaises, belges et canadiennes-françaises comme les Motut, Charbonneau, Begrand et Papen que le premier concours de français de l'ACFC a eu lieu dans cette région, en 1924. Même Antonio de Margerie, futur secrétaire général de l'ACFC, a enseigné à Hoey pendant ces années-là, de 1925 à 1929.

Aujourd'hui, quand on parle aux aînés de Saint-Louis, Hoey, Domrémy, Batoche et Bellevue, un nom dont ils se souviennent bien est celui du docteur François-Pierre Moreau. Il est né à Saint-Bernard, Comté de Dorchester, Québec le ler janvier 1884. Il est le fils de Magloire Moreau, un fermier et bûcheron de la région et de Malvina Leclerc. À la fin du XIXe siècle, Magloire Moreau se rend au Klondike avec son fils aîné, Joseph. C'est la Ruée vers l'or et les Moreau, père et fils, font de bonnes affaires.

À leur retour au Québec, Magloire suggère à un autre fils, François- Pierre, de se faire instruire au Petit Séminaire de Québec. «À 14 ans, François-Pierre savait à peine lire et écrire. Dix ans plus tard, il recevait son diplôme de médecin à l'Université Laval de Québec.»

Ayant terminé ses études, le jeune docteur décide, en 1908, de venir s'établir dans la nouvelle province de la Saskatchewan; ayant été exposé à la tuberculose, l'air sec et salubre lui donnerait de meilleures chances de survie.

François-Pierre Moreau s'installe d'abord à Vonda, où plusieurs familles francophones sont déjà installées grâce au travail de recrutement de l'abbé Bérubé. «Élu président de la commission scolaire, l'un de ses premiers devoirs fut d'embaucher une institutrice bilingue. Se fiant sur son curriculum vitae, il fit venir Ellen Mackinnon de l'Île du Prince Édouard. Malgré un français qu'il trouva grammaticalement correct mais exécrable au point de vue prononciation, il embaucha Ellen sur le champ.»(1) En 1912, le Président de la commission scolaire marie la jeune institutrice, à la prononciation exécrable, et le jeune couple quitte Vonda pour s'installer dans la ville de Prince Albert.

Dans sa nouvelle ville d'adoption, il est accueilli avec joie par la communauté francophone. «Le Dr Moreau est un catholique parlant couramment les deux langues et reconnu comme bon médecin.»(2) Il est en société avec un docteur Chisholm et leurs bureaux sont sur l'avenue Central dans le Holme Block.

Avant même son arrivée à Prince Albert, François-Pierre Moreau s'était impliquée dans les causes nationales françaises et catholiques. En novembre 1911, alors qu'il était toujours à Vonda, il avait été un des membres fondateur d'un comité organisateur d'une succursale du «Parler Français» en Saskatchewan. Ce groupe allait donner naissance, en février 1912 à Duck Lake, à l'ACFC.

À Prince Albert, il continue son implication dans les mouvements francophones. Il est membre fondateur du groupe local de l'ACFC en juin 1913. En décembre de la même année, son nom est même proposé à la présidence du groupe. «M. le docteur Moreau fut d'abord proposé pour la présidence mais il fit valoir que les occupations de sa profession ne lui laisserait pas le temps de remplir les devoirs de cette charge.»(3) J.P. Daoust du Patriote de l'Ouest a donc été élu président, tandis que le docteur Moreau accepte un poste de directeur (conseiller) de l'organisme.

Le docteur et madame Moreau étaient les parents de cinq enfants. Deux sont nés à Prince Albert; une première fille est née en 1913. «M. le Dr Moreau de cette ville est l'heureux père d'une fille qui a reçu lundi au saint baptême les noms de Marie Thérèse Alice.»(4) Frances (Francis) est née en 1915. Les trois autres, Paul (1920), Alberta (1922) et Geneviève (1925) ont vu le jour à Hoey, car le docteur est déménagé dans cette petite communauté francophone en 1918.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, une série de petites communautés de langue française avaient été établies sur la rive sud de la rivière Saskatchewan. Des Métis avaient commencé à défricher des terres à Batoche, Saint-Laurent et Saint-Louis. Des colons du Québec et du Minnesota avaient établi une communauté francophone importante à Saint-Isidore de Bellevue. D'autres colons, des Français et des Belges en grand nombre, s'étaient établis à Domrémy et à Hoey.

Hoey était alors le village à peu près au centre de ces communautés. C'était aussi le siège d'une des premières municipalités rurales; la municipalité de Saint-Louis. François-Pierre Moreau décide de s'y installer. «En 1918, le maire de la municipalité de Saint-Louis, William-Albert (Boss) Boucher, plus tard le Sénateur Boucher, réussit à convaincre le docteur de s' installer à Hoey au milieu de cette importante population francophone.»(5) En plus de ses fonctions de médecin, le docteur Moreau se lance en affaires avec «Boss» Boucher. Les deux exploitent une opération agricole surnommée «Nineteen», 640 acres près de Hoey.

La compétence professionnelle et la réputation du médecin sont vite mises à l'épreuve. En 1918, la grippe espagnole fait des ravages dans l'Ouest. «Pendant la grippe espagnole (1918-1919), le docteur Moreau recommandait à ses patients de la chaleur, du gin ou du rye. Succès formidable, il sauva tous ses patients...»(6)

Étant le seul médecin de la région, François-Pierre Moreau doit souvent se rendre à Batoche, Domrémy, Bellevue ou Saint-Louis pour voir aux besoins de ses patients. «La pratique d'un médecin de campagne sans accès à un hôpital, dans une jeune communauté, tournait autour des soins de grossesses et des accouchements. Le docteur Moreau mit au monde des centaines d'enfants. Tous à domicile. Un réseau de tantes et de sages-femmes improvisées, aidait à le faire venir ni trop tôt, ni trop tard. Ces accouchements étaient sujets à la liste de complication et à de sérieuses difficultés de communication et de transport. Les chemins étaient souvent impassables pour l'automobile et la moto-neige ou le déblaiement des routes en hiver n'existaient pas. Une paire de chevaux de courses de l'étable de Roland Frigon, attelés sur un 'cutter' léger desservait les patients dans un rayon de six à huit milles de Hoey. Un relais de chevaux frais à cette distance, permettait des courses plus longues.»(7)

La crise économique des années 30, où le blé se vendait 25 cents le boisseau, change complètement le portrait économique de la région, et le docteur Moreau n'échappe pas à la pauvreté des fermiers. «Face à leur pauvreté et par un accord mutuel, les patients n'appelaient le médecin qu'en cas d'urgence sérieuse et lui, rémunéré ou non, ne refusait pas ses services.»(8) Ses patients le payaient souvent en nature: boeuf, porc, volailles, légumes et même du bois de corde.

Le docteur Moreau était un mordu du bridge. Souvent, en attendant la naissance d'un bébé, il jouait au bridge avec le mari et les parents de la mère ou du père. «Presque tous les samedis soirs il jouait au 'bridge' avec le Père Carpentier.»(9) Pour sa part, Ellen Moreau était impliquée dans des causes sociales et paroissiales. Elle est une des fondatrices des Dames de la Ligue Catholique de Hoey et aussi de la Croix Rouge.

«Le docteur Moreau suivait sa mode à lui; il portait des pantalons bouffants, des guêtres de cuir et un collet haut. Avec sa barbe en pointe, et sa longue pipe, on le reconnaissait de loin.»(10)

En 1947, le docteur prend sa retraite. Il quitte Hoey pour aller vivre soit auprès de ses frères au Québec, soit chez ses enfants en Alberta. Il est mort le 5 février 1956, d'une thrombose coronarienne.


(1) Moreau, Joseph P., et Lefebvre, Mme Francis, Le docteur François-Pierre Moreau, Texte inédit, chez les auteurs.
(2) Le Patriote de l'Ouest, «Médecin catholique canadien-français», 23 mai 1912, p. 6.
(3) Le Patriote de l'Ouest, «Chronique locale», 24 décembre 1913, p. 8.
(4) Le Patriote de l'Ouest, «Chronique locale», 7 août 1913, p. 8.
(5) Moreau, Joseph P., et Lefebvre, Mme Francis, Le docteur François-Pierre Moreau, Texte inédit, chez les auteurs.
(6) Comité d'histoire locale, Je me souviens, Histoire de Saint-Louis et des environs, Saint-Louis: Comité d'histoire locale, 1980, p. 175.
(7) Moreau, Joseph P., Op.cit.
(8) Ibid.
(9) Comité d'histoire locale, Op. cit., p. 175.
(10) Ibid., p. 175.

Sources

Comité d'histoire locale, Je me souviens, Histoire de Saint-Louis et des environs, Saint-Louis: Comité d'histoire locale, 1980.

Moreau, Joseph P., et Lefebvre, Mme Francis, Le docteur François-Pierre Moreau, Texte inédit, chez les auteurs.

Le Patriote de l'Ouest, 23 mai 1912, 24 décembre 1913 et 7 août 1913.





 
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