Des histoiresFers rougesDès le siècle dernier, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avait adopté une série de règlements sur l'érection de clôtures et la garde des troupeaux de bétail et des chevaux. On y stipulait entre autres les modalités de construction de «clôtures légales». La forme la plus courante comprenait trois rangs de fil de fer barbelé, solidement fixés à l'aide de «cavaliers» à des poteaux mis en terre à tous les 16 pieds et demi, soit cinq mètres environ. Cette distance, une perche, n'avait pas été choisie au hasard. Elle permettait en effet de calculer à vue d'oeil la superficie d'un champ. Une perche par un demi-mille, soit toute la longueur du champ, équivalait à une acre. Dans certaines régions et à certaines périodes de l'année, il était permis de laisser les animaux paître et errer en liberté; mais en 1918, une loi provinciale mettait pour ainsi dire fin à cette pratique, appelée open range. Tous les animaux étaient habituellement marqués au fer rouge. Au début, le dessin du fer était enregistré à Pincher Creek ou à Edmonton, mais après la création de la province de la Saskatchewan en 1905, cette responsabilité passa au gouvernement de Régina. Pour le bétail, cette marque devait comporter trois caractères de dix centimètres de hauteur, de préférence des lettres majuscules. Comme il était permis de mettre la marque à l'un ou l'autre de six endroits – l'épaule, le flanc ou l'arrière-train, du côté gauche ou du côté droit – six fermiers ou ranchers pouvaient utiliser la même marque. Quand on vendait un animal qui n'était pas destiné à l'abattage, par exemple un taureau de reproduction, il était coutume d'ajouter, au fer rouge, le caractère situé entre les deux autres sur le fer et de l'appliquer «couché» – c'est-à-dire à 90° – sous l'original. Les marques pour les chevaux étaient moins grandes, à peu près cinq centimètres de hauteur. Elles étaient appliquées soit sur la cuisse, l'épaule ou la mâchoire, encore une fois du côté gauche ou du côté droit. On évitait de mettre une marque sur le flanc, car la selle ou le harnais auraient pu la frotter et causer une inflammation. Avant que l'usage des lettres se répande, c'était la mode d'employer un fer au dessin plus original. C'est ainsi que le bétail d'un gros rancher français, Michel Oxarart, établi dans la région de Maple Creek, portait la fleur de lys des anciens étendards de France. On dit aussi qu'Oxarart, peut-être par nostalgie, avait gravé une grande fleur de lys sur une pierre à l'entrée de son ranch. |
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