Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Ferdinand-Alphonse Turgeon et les élections de 1911

Samedi prochain, 8 h de l'après-midi, l'hon. A Turgeon tiendra une assemblée publique dans la salle Price. Son sujet sera la réciprocité, donc il est bien entendu qu'il y aura salle comble pour entendre cet excellent orateur.

Le Patriote de l'Ouest
le 14 septembre 1911
Il y a quatre ans, le Canada était en pleine campagne électorale; les conservateurs et Brian Mulroney prônaient une entente de libre-échange avec les États-Unis, tandis que les libéraux et John Turner soutenaient qu'une telle entente serait la fin du Canada comme on le connaît. Il est donc intéressant à noter que 77 ans auparavant, en 1911, la même campagne avait eu lieu. Dans les deux cas, ce sont les conservateurs qui en sont sortis gagnants. La différence: en 1988 ils sont en faveur du libre-échange; en 1911, ils y étaient farouchement opposés.

Wilfrid Laurier est premier ministre du Canada depuis quatorze ans, lorsqu'il est question de négocier des tarifs plus bas avec les États-Unis. «En 1909, le Congrès américain a adopté la loi Payne-Aldrich permettant d'imposer des droits spéciaux sur les importations en provenance d'un pays ayant une politique discriminatoire contre les produits américains.»(1) Le Canada, bien sûr, a en place depuis 1879, la politique nationale de John A. Macdonald. Cette politique maintient en place un système de tarifs interprovinciaux et internationaux élevés afin d'encourager l'industrie en Ontario.

En 1910, les libéraux sont au pouvoir dans les provinces de l'Ouest. Puisqu'il perd de la popularité au Québec et en Ontario, et voulant maintenir ses forces dans cette partie du pays, Wilfrid Laurier se rend dans l'Ouest cette année-là. Là, il découvre le mécontentement des agriculteurs des Prairies. «Plus que jamais, les agriculteurs de l'Ouest maudissent les tarifs douaniers élevés qui sont la pierre de touche de l'économie canadienne depuis 1879... En plus d'une baisse des tarifs douaniers, les agriculteurs vont réclamer aussi l'étatisation des services publics - plus précisément du chemin de fer et des silos à blé - , une nouvelle voie ferrée jusqu'à la baie d'Hudson, de meilleurs taux de transport, et enfin la surveillance des institutions financières du Canada central..»(2) À la suite de cette rencontre avec les agriculteurs de l'Ouest, Wilfrid Laurier engage son gouvernement à négocier une entente de reciprocité avec les Américains.

On en arrive à une entente qui va satisfaire les fermiers de l'Ouest en janvier 1911. Toutefois, les manufacturiers canadiens (de l'Ontario et du Québec) s'opposent au traité de reciprocité. Les conservateurs se mobilisent contre le libre-échange. À la Chambre des communes à Ottawa, il y a des débats orageux entre libéraux et conservateurs. Enfin, à la fin juillet, Wilfrid Laurier convoque des élections pour le 21 septembre. Les électeurs canadiens décideront de la question.

Il n'est donc pas surprenant qu'à Duck Lake, on attend une salle comble pour entendre les propos de l'Honorable Ferdinand-Alphonse Turgeon à la veille des élections. À Duck Lake, comme ailleurs dans l'Ouest, on est en faveur de la reciprocité; du libre-échange. L'Honorable Turgeon est libéral, donc, il y aura des propos favorables au libre-échange.

Ferdinand-Alphonse Turgeon était natif de Petit-Rocher, près de Bathurst au Nouveau-Brunswick. Né en 1877, il avait habité New York avant de se rendre au Québec, au Collège de Lévis, pour y faire ses études classiques. Après des études à l'Université Laval, il fait un apprentissage dans un cabinet d'avocat à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick. Il se dirige ensuite vers l'Ouest canadien où il ouvre un cabinet à Prince Albert en 1903. Là, il s'associe avec un avocat affluent de Prince Albert, John Henderson Lamont. Lamont sera bientôt élu à la Chambre des communes à Ottawa, mais en 1905, lors de la création de la Saskatchewan, Lamont quitte Ottawa pour se faire élire à l'Assemblée de la Saskatchewan où il devient procureur-général.

Lorsque Lamont est nommé juge de la Cour Suprême du Canada en 1907, le premier ministre, Walter Scott, demande à Alphonse Turgeon de le remplacer. «Il voudrait aussi s'assurer le vote des catholiques et, si possible, celui de la minorité de langue française.»(3) Turgeon remporte les élections et est nommé procureur-général. Au cours des prochaines années, grâce à l'Honorable Turgeon, les Canadiens français de la Saskatchewan auront une voix influentielle dans le cabinet libéral à Regina. Turgeon demeure comme membre de l'Assemblée législative jusqu'en 1921 lorsqu'il est nommé, à son tour, juge de la Cour d'appel de la Saskatchewan. Plus tard, il sera ambassadeur en Argentine, au Chili, au Mexique, en Belgique, en Irlande et au Portugal. L'Honorable Turgeon est décédé à Prince Albert en 1969.

Revenons maintenant en 1911. Alphonse Turgeon participe à une assemblée publique à Duck Lake où il défend la politique de reciprocité. Hélas, une semaine plus tard, le 21 septembre 1911, le gouvernement fédéral de Wilfrid Laurier est écrasé par les conservateurs de Robert Borden. En Saskatchewan, toutefois, les libéraux remportent tous les sièges, sauf un; celui de Prince Albert va au conservateur.

(1) Curtis, Christopher, «Les élections de 1911», Horizon Canada, Québec: Université Laval, Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1985, p. 1970.
(2) Ibid., p. 1970.
(3) Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1988, p. 398.

Sources:

Curtis, Christopher, «Les élections de 1911», Horizon Canada, Québec: Université Laval, Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1985.

Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1988.





 
(e0)