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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 6 numéro 3

Femme d'aujourd'hui, femme d'autrefois ! - La petite histoire de ma vie

2e partie
par Aime Pelletier, née Gaudet
Vol. 6 - no 3, février 1996
Après avoir passé toute sa jeunesse dans la petite communauté de Saint-Isidore de Bellevue, Saskatchewan, Aime Gaudet se prépare à quitter le foyer paternel pour s'aventurer dans l'autre monde. On est toutefois au milieu des années de la Dépression!

Mais elle ne sera pas longtemps étrangère. Bellevue sera à nouveau sa résidence... à deux reprises même.


Le départ du bercail

En 1936, le temps était venu pour moi de quitter ma famille et d'aller chercher du travail. Au départ, j'ai travaillé pour de jeunes familles de la région, à prendre soin des enfants et à faire le travail de maison. L'année suivante, avec d'autres jeunes filles de Bellevue, je suis partie travailler à Saskatoon, à l'hôpital Saint-Paul. J'ai travaillé dans la section des enfants et j'ai bien aimé cela. J'y suis demeurée trois ans.

En 1940, j'ai trouvé un emploi à l'hôpital SainteFamille à Prince Albert. Je faisais le ménage dans la salle d'opération etje stérilisais aussi les outils pour les chirurgiens. Je m'étais donc rapproché un peu des miens, Prince Albert étant seulement à 40 milles de Bellevue. J'avais fait un ami à Bellevue, Félix Pelletier, qui pouvait venir me visiter de temps à autre, soit par autobus, soit avec des amis qui avaient une automobile. Une fois, il est même venu me voir à bicyclette; il s'était arrête pour se reposer le long du chemin, chez des connaissances et avait couché chez un cousin à Prince Albert.
Aline Gaudet, à droite, avec sa soeur
Photo: Aline Gaudet
Aline Gaudet, à droite, avec sa soeur Huguette et felix Pelletier en 1942.


Cette même année, 1940, Félix a reçu son appel pour l'armée. C'était au temps de la Deuxième Guerre mondiale. Il a fait son entraînement à Dundurn, au sud de Saskatoon. C'était difficile pour lui, surtout les grandes marches avec fusil, équipement et nourriture. Son entraînement terminé, il a suivi un cours de mécanicien pour apprendre à réparer les moteurs de camion. Il était aussi instructeur pour les apprentis conducteurs de camions militaires.

Félix a ensuite été transféré à Shilo, Manitoba, où il a poursuivit son entraînement, et, par la suite, il s'est rendu à Halifax, Nouvelle-Écosse, en route pour l'Europe. Une pneumonie l'a hospitalisé pendant un mois, l'empêchant ainsi d'aller outremer. Lors de sa récupération, il travaillait à la cantine des officiers et il agissait comme leur chauffeur.

Nous nous sommes fiancés à son retour, au printemps 1943, et mariés le 14 octobre 1943. Au début, nous avons habité Prince Albert puisque Félix travaillait comme mécanicien chez Mann Motors, un concessionnaire de voitures. En novembre 1943, Félix a changé d'emploi; il travaillait pour M. & C. Aviation, une entreprise qui fabriquait des avions «Tiger Moths» pour les efforts de guerre. J'ai aussi travaillé pour cette usine; j'étais souvent appelée à travailler la nuit alors que Félix travaillait le jour. J'arrivais donc de l'ouvrage comme mon mari partait: «Allô - Good-bye». C'était un peu triste!

Mon travail à l'usine consistait à ancrer de petits clous sur des languettes de bois qui étaient par la suite utilisées pour fabriquer les ailes des avions. Le travail de nuit était plutôt monotone. Les pauses cafés nous aidaient à garder l'oeil ouvert.

Au début, mon salaire à l'usine était de 40 cents de l'heure; mais plus tard j'ai reçu une augmentation à 53 cents et ensuite à 65 cents. Félix travaillait avec des perceuses électriques à faire des trous dans du fer pour mettre des vis qui tenaient la carosserie de l'avion en place. Il gagnait 1,00 $ l'heure.

En 1944, nous avons été transférés à Fort William, aujourd'hui Thunder Bay, pour travailler dans l'usine Helldiver Canada Car & Foundry Co. Ltd. qui fabriquait aussi des avions pour les efforts de guerre. C'est là que notre fils aîné, Denis, est né en 1945. C'était un poisson du lac Supérieur!
La famille Pelletier
Photo: Aline Pelletier
La famille Pelletier: 2e rangé de g à d.: Janet, Rita, Colette, Aline, Céline et Cheryl. 1re rangée: Gustave, Félix et Denis.

La guerre prend fin au mois de juillet de cette même année et notre petite famille revient s'établir à la ferme à Bellevue. Six autres enfants naissent à Bellevue: Céline, Gustave, Cheryl, Rita, Colette et Janet. Les deux dernières sont des jumelles. Tous sont allés à l'école Saint-Isidore de Bellevue; ils ont étudié l'anglais et le français. Rita, Colette et Janet ont terminé leurs études à Aberdeen, puisqu'en 1970, Félix a obtenu la gérance du magasin coopératif de Saint-Denis. Il était aussi conducteur d'autobus scolaire. Je travaillais avec lui au magasin.

Puis ont commencé les mariages: Céline, enseignante, épouse Louis Doderai de Saint-Louis au mois de janvier 1967. Denis épouse Margaret Sloboda de Wakaw, au mois d'août 1968. Gustave épouse Adelaide Héroux de Domrémy au mois d'août 1969. Cheryl épouse Ovide Pilon de Batoche au mois de mai 1970. Rita épouse Jean-Pierre Denis de Domrémy au mois de février 1972. Colette épouse Daniel Denis de Domrémy au mois de novembre 1972. Janet épouse Gérald Saint-Pierre de Domrémy au mois de juin 1973. Denis et sa famille demeurent à Saskatoon; Céline à Prince Albert; Gustave en Ontario; Cheryl à Saskatoon; Rita et Colette sur des fermes à Domremy; et Janet à Saskatoon.

J'ai toujours regretté ne pas avoir eu la chance de compléter mon secondaire. Félix et moi avons donc toujours encouragé nos enfants à lire et leurs études sont devenues une priorité. Ils ont tous fini le secondaire et, par la suite, ont poursuivi des études supplémentaires.

Rapprochement de Bellevue
Après avoir passé sept bonnes années à SaintDenis, Félix a accepté, à l'été 1977, de prendre la gérance du magasin Coop à Domremy. On se rapprochait

Félix Pelletier

Félix Pelletier , un jeune militaire
Photo: Aline Gaudet
Félix Pelletier , un jeune militaire, vers 1942.


Félix Pelletier est né à Sainte-Rose du Lac au Manitoba, le 23 janvier 1920. Ses parents sont nés aux États-Unis, dans l'état de l'Illinois. Son père se nommait Silas Pelletier; sa mère, Loretta Uoulombe. Les Pelletier étaient originaires de Saint-Leon, P.Q. On ne sait pas à quel moment, ils ont émigré aux États. Sa grand-mère maternelle, Alma Coulombe, est née Alma Fontaine à SaintGrégoire, P.Q. le 22 septembre 1852. On ne connaît rien des Coulombe.

Silas Pelletier est né le 20 avril 1889 à L'Erabèle, Illinois. Il a déménagé à Sainte-Rose, Mani-toba en 1904 et il a épousé Loretta Coulombe le 25 janvier 1916 à Sainte-Rose.

Félix Pelletier n'était pas un enfant en très bonne santé. Il était très maigre et petit à sa naissance; de plus il était atteint d'une infirmité au dos et a dû porter un attelage au dos comme support. Mais sous les bons soins de sa mère, son problème de dos disparu et sa santé s'est améliorée. Il a commencé l'école à SainteRose, à l'école St-Patrick. Il avait alors sept ans. Il continuera ses études à Bellevue.

A cause de mauvaises récoltes et de malchance, son père a décidé, en 1928, de déménager à Saint Isidore de Bellevue. La famille est ensuite venue le rejoindre. Le voyage a été fait par train et la famille est arrivée à Domremy où Silas, accompagné de son nouveau voisin, Leon Gaudet, les attendait. Le quart de section que son père avait loué à Bellevue était situé à un mille à l'est et 1/2 mille au nord du village de Bellevue et appartenait à un nommé Rock Lefèvre.
Les Parents de Félix Pelletier
Photo: Aline Gaudet
Les Parents de Félix Pelletier, Loretta et silas Pelletier

Les édifices de la ferme étaient tous en bon état. Il y avait une grande étable et une maison spacieuse à deux étages de teinte cendrée; très confortable pour abriter toute la famille comprenant le père, la mère et les sept enfants.

La famille est demeurée trois ans sur la ferme de Lefèvre. Puisque son père refusait d'acheter du terrain, par crainte des dettes, les Pelletier ont souvent déménagé. Après trois ans chez Rock Lefèvre, ils sont déménagés à trois milles au sud, chez Hercule LeBlanc.




Le magasin CO-OP de Domrémy
Photo Aline Pelletier
Le magasin CO-OP de Domrémy
à nouveau de Bellevue. Nous habitions dans la maison de la Coop que Préfontaine avait bâtie. Nous connaissions beaucoup de gens à Domrémy, alors c'était intéressant. Rita et Colette étaient mariées et demeuraient à Domrémy, alors on les voyait plus souvent avec leurs enfants. Je me souviens qu'une fois, Rita s'était arrêtée pour quelques instants, à la maison. Elle avait laissé Gilles, bébé d'un an et demi, dans l'auto. Imitant son papa, Gilles debout, se tenait au volant. Il a dû toucher le levier de vitesse et la voiture a avancé et est venue s'arrêter sur le camion Coop. Heureusement que la voiture avançait très lentement pour traverser la rue! Le bébé n'a pas été blessé!

Pendant les années que nous étions à Domremy, j'ai été appelé pour servir comme membre d'unjury. Comme j'étais énervée! Il s'agissait d'une tentative de meurtre. Le crime a fait les manchettes des journaux locaux seulement. Deuxjeunes filles avaient été battues, violées, étouffées et laissées pour mortes. Des membres de la GRC de Regina, avec l'aide de chiens, avaient retrouvé les deux filles dans un bois. Il y avait deux accusés. Le procès a duré cinq jours et le dernier, nous avons délibéré pendant 5 heures avant d'en arriver à un verdict. L'un a été trouvé coupable et l'autre acquitté. La sentence a été imposée par le juge une fois le jury renvoyé. Ça n'a pas été facile. Quelle expérience!

On aimait bien recevoir la visite des enfants. Félix disait toujours qu'il fallait que tous ces jeunes se connaissent et c'était la seule façon! Il y en a eu des belles rencontres! Surtout la fête de Noël. Comme c'était excitant et joyeux! Tous les petits enfants la rendaient si impressionnante.

En 1968, les enfants nous ont préparé une belle fête surprise pour célébrer notre 25e anniversaire de mariage. La fête a eu lieu à la salle communautaire de Bellevue. Et, en 1981, une autre grande réunion de famille a été organisée chez Rita et JeanPierre Denis, à Domremy, pour les familles Gaudet et Pelletier. Tous les frères et soeurs de Félix (et leurs familles) ainsi que mes frères et soeurs étaient de la partie. Quelle belle fête!

En 1983, nos enfants ont organisé une autre fête pour célébrer notre 40e anniversaire de mariage. Cette fête a été bien spéciale pour nous!

Les voyages
En 1982, Félix et moi avons pris notre retraite. Nous nous sommes installés dans une jolie maisonnette que nous avions fait construire à Bellevue.

Quand nous avons travaillé pour les coopératives, nous avons fait plusieurs voyages à travers le Canada et les États-Unis. Félix aimait beaucoup les voyages pendant les vacances. Il les préparait minutieusement et choisissait avec soin les endroits à visiter, là où il y avait de l'histoire. Il lisait beaucoup, au sujet des endroits à visiter et il nous organisait des voyages soit par automobile, par avion ou par train.

Mes années de retraite avec mon mari ont été de courte durée. En 1985, pendant la nuit, Félix s'est rendu compte que son coeur ne battait pas à un rythme régulier. Un rendez-vous chez le médecin a révélé qu'il avait une tache sur son poumon et que cette tache grossissait et faisait pression sur le coeur. Il a été référé à des spécialistes à Saskatoon. Les résultats que nous avons reçu le 6 janvier 1986 ont confirmé que c'était bel et bien le cancer. Quelle affreuse nouvelle même si on s'en doutait!

Aux mois de février et mars, Félix a subi des traitements de radiation. Cela a aidé pour quelque temps, mais le mal se répandait dans le dos et dans les hanches. En octobre, il a subi une opération pour mettre une plaque de fer dans sa cuisse où le cancer avait commencé à manger l'os, et pour éviter que l'os se brise. Pendant ce temps-là, Félix maigrissait. Il était revenu chez nous pour Noël. Le 15janvier, il était à fêter l'anniversaire de Céline avec nous à Prince Albert.
Félix et Aline Pelletier
Photo: Aline Pelletier
Félix et Aline Pelletier à l?occasion de leur 40e anniversaire de mariage en 1983

Mais à la fin janvier, il a été admis à l'hôpital SainteFamille à Prince Albert pour faire enlever de l'eau sur les poumons. Ce traitement l'a soulagé un peu et lui a aidé à respirer. Le premier février, on la transféré à l'hôpital Université à Saskatoon où on lui a donné de l'oxygène. Puis, le 15 février 1987, Félix, mon époux, est mort à l'hôpital après avoir souffert cruellement pendant plusieurs mois.

Aujourd'hui, je fais du jardinage, j'écris mes mémoires et je lis. Je m'implique aux activités du Club d'âge d'or de Bellevue, je visite mes enfants et fais des voyages. Jejouis encore d'une bonne santé. Jai de bons amis qui m'entourent et sur qui je peux compter et à qui je peux me confier.








 
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