Revue historique: volume 8 numéro 3EN MARGE DES FÊTES DE GRAVELBOURG POUR L'HISTOIREVol. 8 - no 3, février 1998 LE PATRIOTE DE L'OUEST, le 31 décembre 1919 Il y a quelques semaines se déroulaient à Gravelbourg des fêtes grandioses. La bénédiction d'une église, chef-d'oeuvre de bon goût, la visite de deux archevêques et d'un clergé nombreux, le passage de M. Dufault, le grand ténor canadien, tout était de nature à faire de cet événement une fête de première classe. Le moment ne pouvait être mieux choisi pour rendre hommage au passé, glorifier le présent et ouvrir son âme aux espérances des réalités futures. Le présent a été magnifique d'une façon superbe; d'ailleurs les monuments qui se dressent sur l'horizon: église, couvent, collège, etc., et qui font à juste titre l'orgueil des paroissiens de Gravelbourg, disent assez le mérite de ceux qui les ont édifiés et qui ont fait Gravelbourg ce qu'il est aujourd'hui. Avec raison on a auguré de la grandeur future de cette paroisse, les actes pris jusqu'à présent étant une garantie de sa prospérité future. Le passé, - «O notre histoire, écrin de perles ignorées» - le passé, dis-je, lui aussi a été remué; mais laissez-moi le dire tout de suite, il semble qu'on n'ait pas pénétré assez loin dans ce domaine vénéré. Il est bien vrai qu'on a levé un des coins du voile qui nous cachait les belles choses d'autrefois, mais on a eu peur, semble-t-il, de le soulever entièrement. Je ne sache pas qu'on ait fait mention des origines de la colonie; je ne sache pas qu'on ait prononcé le nom des premiers colons et des premiers missionnaires, de ceux enfin qui les premiers ont été au labeur et à la peine. Si je fais aujourd'hui une perquisition dans ce domaine sacré, personne ne m'en voudra, je l'espère. La vie marche si vite' Hâtons-nous d'arracher à l'oubli cette belle page d'histoire avant qu'elle ne se perde dans la nuit des temps... En 1904, l'endroit appelé aujourd'hui Gravelbourg était une vaste plaine déserte, visitée uniquement par les coureurs de la prairie, les sauvages et les métis. Cette vaste contrée était connue alors sous le nom de RIVIERE LA VIEILLE, à cause de la rivière de ce nom qui arrose cette contrée et qui coule vers le lac Johnson (autrefois lac la VIEILLE.) Une circonstance, comme la Providence seule sait en susciter, amena la colonisation de ce territoire. En 1905, M. l'Abbé A. Lemieux était nommé curé de Willow Bunch. A son arrivée, il fut agréablement surpris d'apercevoir de vastes terrains propres à la culture, et à ce qu'il voyait de ses propres yeux s'ajoutait le récit des métis qui affirmèrent exister, du côté de l'ouest, des plaines interminables qui n'attendaient que la charrue du laboureur. Quinze jours plus tard, il retournait vers ses anciens paroissiens de Cantal afin de leur annoncer cette bonne nouvelle et d'en appeler, si possible, quelques-uns auprès de lui. Son appel fut entendu. Cette même année, plusieurs de ses amis vinrent visiter Willow Bunch. L'année suivante, au mois de mai, arrivaient M. Edmond Gauthier et M. Lepage. La vue des collines qui avoisinent Willow Bunch, le terrain plutôt montueux ne leur plut pas; ils avaient rêvé d'une plaine plus vaste. Alors M. l'Abbé A. Lemieux qui, par le récit des métis, avait appris qu'il y avait de vastes terrains plats à la Rivière la Vieille, s'offrit de les y faire conduire. L'offre fut acceptée et M. Edmond Lespérance chargé de la mission. Le 14 mai, MM. Ed. Gauthier et Lepage étaient de retour à Cantal, et le 24 ils en repartaient pour aller prendre définitivement possession des domaines qu'ils s'étaient choisis et fonder la paroisse qui devait s'appeler plus tard Gravelbourg.
Voici les noms de ces hardis colons MM Edmond Gauthier, Napoléon L'Heureux, Damase Gauthier, Ferdinand Gauthier et Gustave Beaubien. De passage à Willow Bunch le 29 mai, ils arrivèrent à la Rivière la Vieille le 2 juin. Plein d'ardeur ils se mirent à l'oeuvre immédiatement. Bien qu'éloignés de soixante milles de la paroisse la plus proche, au mois de juillet, ils avaient le bonheur de recevoir la visite du missionnaire. Le 8 juillet 1906, était chantée à Gravelbourg la première messe. M. l'Abbé A. Lernieux, curé de Willow Bunch, en fut l'officiant. Des mains pieuses nous ont légué les noms des personnes qui assistaient à cette première messe, on ne nous en voudra pas de les mentionner ici MM. Edmond, Damase, Ferdinand et Louis Gauthier, Napoléon L'Heureux, Amédée, Gustave, Joseph et Ferdinand Beaubien, Edmond Cardinal, Willy Dion, Urbain Audet, Alex McGellis, Jim Ledoux, J.P. Beauregard, France Beaudoin, MM. Hamel, BoutinetBeaubiende 1'Abitibi. Dans le cours de l'été, de nouvelles recrues arrivèrent. Parmi ceux-là on relève les noms de MM. Orner Gauthier, Philibert L'Heureux, Jos Gaumond, Antoine, Jos et Pierre Ross, J.-Bte Brousse, MM. Gallard, Dièse et Lagacé. Si je ne me trompe, ce fut au cours de l'automne de 1906 qu'arrivèrent MM. les abbés A. Royer et P. Gravel; le premier ne devant y séjourner que peu de temps, le second devant y consacrer le meilleur de sa vie. L'année précédente, M. l'abbé A. Lemieux avait eu l'occasion de rencontrer Mgr Langevin, archevêque de St-Boniface. Dans une entrevue qu'il avait eue avec Sa Grandeur, le curé de Willow Bunch, lui avait causé de cette région de Rivière la Vieille, et lui avait suggéré de nommer un missionnaire qui s'occupa du développement de cette région, ainsi que de la partie sud de la Saskatchewan. Monseigneur avait promis sa plus prompte attention et il n'y a pas de doute que ce fut à la suite de cette entrevue que M. l'abbé P. Gravel fut nommé. Il est regrettable cependant que le travail de colonisation se soit limité à quelques townships. Quelle belle moisson nous serions en demeure de recueillir si un travail constant et méthodique de douze années avait couvert toute la région au Sud de Gravelbourg. L'année suivante, 1907, la nouvelle paroisse avait l'honneur de recevoir la première visite pastorale. Mgr Langevin, de vénérée mémoire, malgré toute la fatigue de sa démarche, avait tenu à aller visiter cette nouvelle portion de son troupeau. M. l'abbé A. Royer était alors curé-missionnaire. Un accident survenu quelquesj ours auparavant l'avait forcé à quitter sa paroisse pour l'hôpital de Moose-Jaw. Ce fut M. Edmond Gauthier, celui qui peut être appelé le père de la colonie, qui fit les frais de la réception. Il avait préparé de grandes tentes sous lesquelles eurent lieu les cérémonies religieuses, les agapes, etc. M. l'abbé A. Lemieux et plusieurs prêtres accompagnaient Sa Grandeur. Le lendemain, Mgr partait pour Moose Jaw. Fait à noter et qui peint bien les difficultés du temps, il dut faire le trajet (distance de 70 milles) en gros wagon conduit par M. Edmond Gauthier. Quelques années plus tard, ce même M. Gauthier, si dévoué aux oeuvres paroissiales, victime des menées de certaines personnes, dégoutté, abandonnait la région pour ne plus revenir. Son départ fut regretté par tous les gens de bien, et nous sommes heureux de lui rendre ici l'hommage qui lui est dû. Voilà en quelques lignes l'historique de la paroisse de Gravelbourg. Depuis le jour où quelques hardis colons allèrent planter leur tente en pleine prairie, cette paroisse a grandi; je dis plus, elle a marché à pas de géant. Tous ceux qui l'ont visitée, à l'occasion des fêtes du 5 novembre dernier, ont été émerveillés de son progrès. On a rendu hommage, et ajuste titre, à tous ceux qui l'ont développée et embellie; pourquoi n'a-t-on pas eu un mot pour les ouvriers de la première heure? Je ne sais pas si c'est ignorance ou parti-pris, mais il semble que l'occasion était propice pour remettre en lumière cette belle page du passé, pour reconnaître le rôle qu'ont joué les premiers colons et les premiers missionnaires. Rien de tout cela n'a été fait. Bien au contraire, on n'a pas même mentionné le nom des deux premiers missionnaires et on a eu soin de reléguer à l'arrière-plan celui des deux qui avait fait l'honneur d'être présent. Belle façon de reconnaître le mérite. Je ne sache point que le mérite qui revient à certaines personnes ait jamais diminué le mérite des autres. Il semble que ce soit la peur qui existe en certains quartiers. Nous n'insistons pas davantage, nous en avons dit assez pour éclairer la situation. A bon, entendeur, salut. UN ANCIEN. |
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