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Des gens

Dumont Lepage

La lutte pour l'obtention des postes français de radio dans l'Ouest a été longue et particulièrement acerbe. Plusieurs Franco-Saskatchewanais se sont distingués tout au long de ce combat et durant les premières années d'existence des postes C.F.R.G. de Gravelbourg et C.F.N.S. de Saskatoon. Dumont Lepage a été l'un de ceux-là.
Dumont Lepage naît le 3 novembre 1903 à Sainte-Anne-des-Monts, petit village de la Gaspésie à environ 450 kilomètres au nord-est de Québec et la famille Lepage vient s'établir à Vonda en 1909. Le jeune garçon fréquente l'école séparée du village et poursuit ses études secondaires au Collège de Saint-Boniface, avant d'entreprendre un cours en commerce dans un institut spécialisé de Prince Albert.

Il est d'abord secrétaire d'un avocat bien connu de Vonda, Me Adrien Doiron, avant de devenir secrétaire du village de Vonda et de la municipalité rurale de Grant, qui englobe le village, de 1928 à 1944. Il accepte ensuite le poste de secrétaire de la municipalité rurale de Gravelbourg, en même temps que celui de directeur de la caisse populaire.

Il s'intéresse de toujours plus près aux organismes franco-canadiens. Il fait partie d'un groupe, comprenant entre autres M. l'abbé Maurice Baudoux et Antonio de Margerie, qui s'occupe de promouvoir la diffusion d'émissions bilingues et françaises à la radio d'État dans l'Ouest. Face aux refus répétés des autorités de la radio, le groupe se donne pour mission d'obtenir des postes de radio française dans chacune des trois provinces de l'Ouest et d'en assurer le financement. Dumont Lepage est nommé secrétaire de la Radio-Ouest-Française en 1948.

Lorsque après cent délais l'obtention des permis de radiodiffusion paraît imminente, il assume au printemps de 1951 les fonctions d'administrateur général des deux postes. Il est chargé de veiller aux dernières démarches auprès du bureau des gouverneurs de Radio-Canada et de guider l'établissement et les premiers pas des postes. Mise en place des structures administratives, sélection du personnel, organisation matérielle des studios et administration des affaires courantes, telles sont ses responsabilités. En plus, il participe activement à la campagne de souscription de l'été 1951. Ce sont des semaines et des mois fébriles: cent détails à régler, mille contretemps à surmonter, jamais une heure de répit... Dumont Lepage a bien raison de déclarer, lors des cérémonies de l'inauguration officielle du poste C.F.R.G. de Gravelbourg le 1er juin 1952:

«Quand des appareils récepteurs syntonisés à 1230 a retenti pour la première fois l'indicatif ¨Ici C.F.R.G., Radio-Gravelbourg¨, peu d'auditeurs, ai-je l'impression, ont su mesurer à son réel aspect le travail immense et complexe qui a permis à l'annonceur de leur porter au coeur même de leurs foyers, les accents du verbe français, du doux parler de nos aïeux. Car si l'on peut, à plus d'un point de vue parler de miracle à l'endroit de notre réalisation d'aujourd'hui, il faut par ailleurs constater le labeur parfois écrasant qui nous a valu ce miracle!»

Le poste C.F.N.S. de Saskatoon est inauguré, lui, en novembre de la même année. Les premiers mois sont difficiles, car il faut convaincre un à un les commanditaires éventuels, et les frais d'opération sont plus élevés que prévus. Néanmoins, grâce aux talents d'administrateur de M. Lepage et aussi à l'aide de la société Radio-Canada, la survie des postes devient de plus en plus certaine. Deux ans plus tard, Dumont Lepage abandonne la direction de C.F.N.S., à Saskatoon, pour se restreindre à celle de Radio-Gravelbourg.

La radiophonie n'est pas son seul champ d'activité. Il devient président général de l'Association Catholique Franco-Canadienne de la Saskatchewan en 1953, poste qu'il occupera jusqu'en 1959. L'association a d'ailleurs besoin d'une main ferme au gouvernail, car il importe d'éviter un relâchement des efforts après la victoire de la radiodiffusion française. Dumont Lepage voit clair et il rappelle les troupes à l'ordre au congrès de 1955:

«Depuis quelques années, la plupart des Franco-Canadiens de la Saskatchewan ont fait porter leurs efforts sur l'oeuvre de la radio française, mais il ne faut pas pour cela oublier l'importance et la nécessité – et même plus que jamais – de notre association nationale, l'Association Franco-Canadienne de la Saskatchewan. Nous lui sommes redevables depuis 43 ans de tout ce qui a contribué au maintien et à la défense de nos droits, de nos belles coutumes et de notre riche culture. Elle nous a sans cesse incités à TENIR envers et contre tout. Elle ne veut pas que nous lâchions, elle veut que nous continuions à travailler et à conquérir. Elle ne faillira pas à la tâche si nous-mêmes nous ne lui faisons pas défaut. À nous d'y voir!

«Depuis trois ans, le lancement officiel de ces deux vastes bâtiments, C.F.N.S. et C.F.R.G., sur les ondes des grandes plaines de la Saskatchewan et la survie de ces postes ont d'emblée accaparé toutes nos énergies. Notre association nationale demeure toujours cependant l'organisme de commande et de surveillance de toutes nos activités nécessaires à notre survivance française en Saskatchewan et nous devons la maintenir forte et bien vivante.»

Dumont Lepage s'intéresse activement au progrès matériel de son village adoptif, Gravelbourg. Il occupe le poste de président de la Chambre de Commerce locale pendant plusieurs années et siège au conseil d'administration de l'hôpital Saint-Joseph; il participe aussi à l'organisation d'une Société coopérative d'établissement, ayant pour but de faciliter l'établissement de jeunes fermiers de langue française dans les environs de Gravelbourg.

Même ceux qui l'ont bien connu affirment que sa personnalité était difficile à saisir. «Dumont Lepage était un homme très réservé, presque timide, mais timide en apparence seulement car il était animé d'une volonté à toute épreuve. Bien mieux à l'aise dans l'action discrète et efficace que dans la grandiloquence et la forfanterie, il ne s'avouait jamais battu quand il savait défendre une cause juste. Dur envers lui-même comme envers les autres, il savait cependant se faire apprécier, car il était très respecté. Comme tout homme de cette trempe, M. Dumont Lepage avait les qualités de ses défauts. Avec le recul des années, en changeant d'échelle d'observation, nous dirons qu'il fut continuellement partagé entre le sentiment et la raison. Au cours de son existence, il eut à prendre des décisions très importantes, impopulaires parfois, mais toujours il sut maîtriser ses sentiments. Il ne se confiait pas facilement, rares sont ses confidences recueillies. Ce ne fut qu'au cours de ce qui devait être les derniers mois de son existence qu'il devint plus loquace... nous le sentions moins préoccupé. Mais, au fait, avait-il besoin de parler? Il savait si bien se faire comprendre sans grands discours. Et c'est là certainement l'une des brillantes qualités qui font d'un homme un vrai chef!»

Il prend sa retraite de Radio-Gravelbourg en 1969 et il meurt subitement à son domicile le 19 février 1974 à l'âge de 70 ans.

(citations: cérémonies d'inauguration de C.F.R.G., 1er juin 1952, aux Archives provinciales; La Liberté et le Patriote, 5 novembre 1955, p.1; En mémoire de Dumont Lepage, collection de Norbert Lepage)

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