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Des gens

Dominique Dugas

Les ecclésiastiques ont formé pendant plusieurs décennies l'élément dominant de l'élite franco-saskatchewanaise. S'ils ont été progressivement remplacés par des laïques, surtout après la Seconde Guerre mondiale, ils n'en ont pas pour autant cessé de soutenir avec efficacité l'établissement et l'action d'organismes voués à l'épanouissement de la minorité de langue française. Il serait de toute évidence impossible de les mentionner tous, ou même de dresser la liste des organismes auxquels ils ont collaboré. L'abbé Dominique Dugas, par exemple, curé de la cathédrale de Gravelbourg, s'est intéressé à plusieurs organismes, dont les caisses populaires et le réseau de «bibliothèques circulantes françaises».
Dominique Dugas est né à Meyronne le 14 février 1915. Son père, Marcel, meurt sur les champs de bataille en France lors de la Première Guerre mondiale. Sa mère épousera quelque temps plus tard Louis Girardin, de Meyronne. Le jeune Dominique fait ses études primaires à l'école du village, entreprend ses études classiques au Collège de Saint-Boniface et termine sa philosophie au Collège Mathieu. Il entre ensuite au grand séminaire de Mazenod, à Gravelbourg et est ordonné prêtre le 5 janvier 1941 à Meyronne. D'abord vicaire à Val-Marie, à Willow-Bunch et à Swift Current, il est nommé curé de Maple Creek en 1944. Durant près de 15 ans, il n'a jamais l'occasion de prêcher en français, car les fidèles du village et des nombreuses missions éparpillées sur un territoire couvrant tout près de 10 000 kilomètres carrés sont de langue anglaise. C'est certainement l'une des raisons pour lesquelles il s'intéresse dès la première heure au Comité des bibliothèques mis sur pied par l'Association Catholique Franco-Canadienne de la Saskatchewan et qu'il accède bientôt à sa présidence. Il en explique la raison d'être et en définit le rôle lors d'une allocution au congrès de l'Association canadienne des Bibliothèques, tenu à Winnipeg en juin 1949:

«Essayons d'entrevoir ce qu'il adviendrait le jour où nous retirerions de nos foyers la lecture française qui a formé à la longue notre âme jeune et plastique par un commerce assidu avec les esprits supérieurs renfermés dans les bons livres. Il ne resterait bientôt plus – en attendant la venue de la Radio «à nous» – pour battre l'air de l'Ouest de syllabes françaises, que le sermon de M. le curé le dimanche, quelques bribes à l'école et à la radio-État, et la conversation plus ou moins châtiée ponctuant le travail quotidien.

«On n'aime que ce que l'on connaît; on ne conserve que ce que l'on aime. Et dans l'Ouest, où nos moyens de préservation culturelle sont peu nombreux, le livre français adapté à ses goûts et à son temps, demeure le grand retranchement, l'imprenable tranchée où l'on peut puiser aux meilleures sources de la pensée française. Depuis de nombreuses années, les hommes clairvoyants de la Saskatchewan française déplorent le fait que, d'une part, nos gens lisent peu, et que, d'autre part, il y a grande difficulté pour chaque paroisse ou école à se monter une bibliothèque de volumes adaptée aux besoins, à la page et intéressante. La plupart de nos paroisses sont petites, et préoccupées jusqu'ici de questions plus immédiates que la fondation de bibliothèques paroissiales ou scolaires respectables.

«Il sembla à la section provinciale de la Société Canadienne d'Enseignement Postscolaire qu'un projet de bibliothèques françaises serait réalisable. Au congrès de l'A.C.F.C. tenu à Saskatoon en 1942, la S.C.E.P. chargea un comité spécial de s'occuper de la chose. Le Comité des Bibliothèques reçut l'offre d'un millier de volumes de la part de l'A.C.F.C. L'inventaire en fut pris, le service organisé et la publicité faite à la bibliothèque circulante. La première circulaire parut au moins de février 1943 et fut distribuée à 600 exemplaires aux comités paroissiaux de l'A.C.F.C.

«Les volumes s'expédient en lots de 35, 50 et 100 volumes, par train express dans tous les coins de la province pour une somme variant de 45 cents à $1.75. Il n'en coûte pas plus cher d'expédier cinquante volumes que vingt-cinq. Les volumes sont destinés à demeurer à l'usage de ceux qui en font la demande jusqu'à rappel par le Comité des Bibliothèques. Les volumes et revues modernes illustrées, répartis en coffre ou colis variant de 10 à 100 livres de poids, partent de Vonda, siège du Comité des Bibliothèques, vers tous les points de la province: aux adultes, aux écoliers, aux maîtresses, même aux écoles militaires de l'armée et de l'aviation. Seul le port est aux frais de celui qui fait la demande. Nous faisons circuler quelques centaines de volumes et augmentons régulièrement nos rayons selon nos moyens, au rythme de cent dollars par année que nous recevons de la Société Canadienne d'Enseignement Postscolaire, ce qui permet d'acheter de nouveaux titres chaque année. On a obtenu de plusieurs organisations de l'Est l'assurance d'une coopération maintenue de publicité et de dons de volumes. La Société St-Jean-Baptiste, la Chambre de Commerce Junior de Montréal, certaines librairies, même un bon nombre de particuliers nous firent don de nombreux volumes.

«Les bibliothèques rurales circulantes jouissent d'une popularité croissante dans les districts scolaires, si on peut se fier au langage des chiffres. En 1947, 17 districts scolaires demandaient des volumes au Comité des Bibliothèques; en 1948, vingt faisaient la même demande; en 1949, trente-trois firent la demande. Présentement, le grand désir du Comité des Bibliothèques est de mettre tout en oeuvre pour faire acquérir tôt à nos jeunes l'habitude de la lecture. C'est là un point d'une importance capitale chez les peuples minoritaires tel que le nôtre.»

L'oeuvre des bibliothèques circulantes se poursuivit pendant bon nombre d'années et le nom de l'abbé Dominique Dugas y fut associé jusqu'à ce qu'elle se fasse moins nécessaire et soit abandonnée.

En 1958, l'abbé Dugas est nommé curé de la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption de Gravelbourg. Il continue à s'intéresser à plusieurs mouvements, dont celui des caisses populaires; il avait déjà été élu directeur de district de la Ligue des Caisses populaires de la Saskatchewan à son congrès annuel tenu à Régina en juillet 1949. En plus, il apporte sa contribution au mouvement coopératif, à l'A.C.F.C., à l'Association des Commissaires d'École Franco-Canadiens, à la radio française en Saskatchewan, au mouvement Foyer-école, à la Relève, à l'A.C.E.L.F., au Collège Mathieu et à son Amicale, à l'oeuvre de la Bonne Presse et à plusieurs autres causes.

Il appuie aussi l'expansion du Scoutisme et du Guidisme au sein de la jeunesse de langue française. C'est au retour d'une réunion du comité diocésain des Guides à Ferland, qu'il meurt dans un accident de voiture à un passage à niveau près de Woodrow peu après minuit le 4 novembre 1966.

(citation: La Liberté et le Patriote, 22 juillet 1949, p. 14; renseignements: Le Patriote de l'Ouest, 15 janvier 1941, pp. 1 et 7; Liberté, 22 juillet 1949, p. 8, 10 novembre 1966, p. 9, 17 novembre 1966, p. 8)





 
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