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Dollard

Un autre groupe local à 'Dollard' dans la Saskatchewan sud. Nous apprenons en dernière heure qu'autre groupe local considérable de l'Association Franco-Canadienne vient de se fonder à Dollard, Sask. dans la paroisse que dirige M. l'abbé Kugener. Le Patriote sera heureux de publier prochainement les noms des 35 premiers membres fondateurs de ce groupe qui en comptera bientôt une centaine nous assure-t-on. Voilà des exemples magnifiques et réconfortants. Bravo.

Le Patriote de l'Ouest
le 29 mai 1913
Un bout d'histoire....(79)

Au début du siècle, la région de Dollard, ou Valroy, est une des communautés francophone les plus actives en Saskatchewan. Elle est une des premières à se doter d'un comité local de l'A.C.F.C. et pendant de nombreuses années, elle a un comité très actif de la Société Saint-Jean-Baptiste.

C'est à partir de 1908, à la suite d'une visite dans la région de l'abbé Jérome Boutin, alors curé de la mission de Saint-Hubert, que des colons de langue française commencent à arriver en grand nombre dans la région.

Mais il y a déjà une présence blanche dans les environs, car depuis la disparition des bisons, vers le début des années 1880, des rancheurs sont venus s'établir dans le sud-ouest du district d'Assiniboia. Il est possible de trouver trois gros ranchs dans la région de Dollard et de la rivière Frenchman au début du XXe siècle, soit le Turkey Track, le T-Bar Down et le 76, sans mentionner les plus petits ranchs.

Le curé de la mission Saint-Hubert avait décidé de partir faire un voyage de découverte avec deux compatriotes Français, Philippe Buffet et Henri Billard au printemps de 1908. Ils y trouvent bien sûr des Canadiens français dans la région, car c'est chez un Français que le curé chante la messe à Dollard. «À leur arrivée dans ces nouveaux cantons, à peu près trente milles au sud de Gull Lake, ils ont rencontré un compatriote, Albert Doyon, qui était déjà installé dans la région, environ cinq milles au nord où Dollard est situé aujourd'hui. Chez lui, le 19 mars 1908, le missionnaire célébra la messe et à ce moment prit la décision de fonder une paroisse.»(1)

Même si l'abbé Boutin ne demeure pas dans la région, il ne tarde pas à se réserver un homestead, comme le font aussi ses deux camarades de voyage. Les trois requêtes sont pour la section 6-8-19-W3; Philippe Buffet prend le carreau nord-est, Henri Billard celui du nord-ouest et l'abbé Boutin le carreau sud-est. L'abbé Boutin est aussi celui qui choisit sainte Jeanne d'Arc comme patronne de la nouvelle paroisse. «C'est sur ce carreau du sud-est où il y avait une butte, que le missionnaire et ses amis érigèrent une croix en bois, la bénie et choisissaient le nom de Jeanne d'Arc, héroïne de France, comme patronne de la florissante colonie.»(2)

Entretemps, Léon Roy, agent d'immigration à Moose Jaw, cherche du terrain sur lequel il pourrait installer des membres de sa famille. «À l'automne 1908, M. Léon Roy, agent d'immigration, descendait à Gull Lake avec plusieurs membres de sa famille, en route vers le sud. Les messieurs Roy choisirent leurs terrains et retournèrent auprès de leurs familles pour revenir au printemps suivant.»(3) Les membres de la famille Roy se seraient établis environ trois milles au sud du homestead de l'abbé Boutin.

Au début, les nouveaux colons francophones choisissent le nom de Valroy pour leur communauté, sans doute à cause du nombre élevé de familles Roy. Le nom de Dollard est donné par l'abbé Louis-Pierre Gravel, missionnaire colonisateur. Lors d'un voyage au Québec, il fait publier une plaquette intitulée Le Pays des blés d'or pour encourager l'immigration vers l'Ouest des Canadiens français du Québec et des Franco-Américains. Dans cette plaquette, il parle de 42 paroisses où il est possible de trouver des francophones et dont il a lui-même choisi les noms, la plupart ayant une signification historique. «Ce nom donné à notre paroisse, à notre premier bureau de poste, et plus tard à notre village était pour honorer la mémoire d'un héros Canadien, Adam Dollard, Sieur des Ormeaux.»(4) Malgré cela, les gens de la région continuent de parler de Valroy pendant quelques années et non pas de Dollard.

En 1909, Mgr Adélard Langevin, évêque de Saint-Boniface, mandate l'abbé Albert Dufresne d'aller desservir les missions dans la région de Swift Current. «M. l'abbé Dufresne avait comme mandat spécial de travailler au développement de Valroy et du Lac Pelletier.»(5) Lorsque l'abbé Dufresne chante sa première messe à Dollard, il n'y a que deux femmes dans l'assistance, mesdames Azilda Dufresne et Anaise Dégand.

Puisque l'abbé Dufresne doit desservir plusieurs missions, il est décidé au printemps de 1910 qu'il viendra dire la messe à Dollard le troisième dimanche de chaque mois. Il n'y a pas encore de chapelle et la messe est généralement chantée dans les maisons d'Adélard Roy ou Josephat Bouffard. L'année suivante, l'évêque de Saint-Boniface nomme enfin un curé résidant pour la paroisse Sainte-Jeanne d'Arc. «À cette époque la paroisse y compris plus de 60 familles et devenait connue sous le nom de 'Val Roy'. Enfin au mois de mars 1911, l'archevêque Langevin désigna le Père Victor Jayet comme prêtre résidant.»(6)

L'abbé Jayet ne passe qu'un an à Dollard, mais il est responsable de la première église. «Ensuite, ce fut le bureau de poste que l'on établit en 1909 et en 1911, le curé V. Jayet bâtit une église sur son homestead dans le district de Valroy. Tôt après, c'est un magasin qui vit le jour sur la terre voisine de Trefflé St-Hillaire, puis en 1912, on construisit une école.»(7)

Le départ de l'abbé Jayet en 1912 signale l'arrivée de l'abbé Kugener qui sera responsable de l'élan patriotique et français que connaîtra Dollard pendant de nombreuses années.

Un bout d'histoire....(80)

Les premiers prêtres qui viennent à Dollard se réservent des homesteads. Rappelons que l'abbé Jérome Boutin avaient réservé le carreau SE6-8-19-W3 en 1908. L'année suivante, l'abbé Dufresne avait pris le carreau NE14-7-20-W3 et puisqu'il avait abandonné le terrain, c'est ce même carreau que l'abbé Jayet avait enregistré comme son homestead en 1911. C'est sur ce terrain qu'il fait construire l'église de Val Roy.

Au printemps 1912, l'abbé Jayet quitte la paroisse Sainte-Jeanne d'Arc à Val Roy pour des raisons inconnues. «Le premier dimanche de juin 1912, M. l'abbé Jayet quitte Dollard pour n'y plus revenir. Aucune messe n'y est célébrée jusqu'au premier dimanche de septembre, jour où M. l'abbé H. Kugener, envoyé par S. Exc. Mgr Mathieu, évêque de Regina, y chante la messe. Il est accompagné de l'abbé Dufresne, curé de Gull Lake.»(8)

L'abbé Henri Kugener était né en France, le 20 janvier 1873. Il avait été ordonné prêtre en 1901 dans sa paroisse natale de Vrigne aux Bois, canton de Sédan-Nord. Il était arrivé au Canada en 1904 et avait exercé son ministère dans plusieurs paroisses du Manitoba avant de venir en Saskatchewan. En Saskatchewan, il est curé à Sainte-Delphine et à Melville avant d'être nommé à la paroisse Sainte-Jeanne d'Arc en 1912.

Puisque l'église est sur le terrain de l'abbé Jayet, il est décidé de l'acheter. «Les annales indiquent que le Père Kugener était le propriétaire terrien jusqu'à ce que la Corporation Épiscopale Catholique Romaine de Regina prenne charge.»(9) La première tâche de l'abbé Kugener dans sa nouvelle paroisse est de faire déménager l'église plus près de la route.

À cette époque, Rome vient de béatifier Jeanne d'Arc et a commencé les démarches pour sa canonisation. Rappelons, que c'est l'abbé Boutin qui avait dédié la paroisse de Val Roy à sainte Jeanne d'Arc. En 1912, le nouveau curé commence à faire de grands rêves pour sa paroisse. «Le Père Kugener devait être dévoué à Jeanne d'Arc comme le Père Boutin qui l'avait précédé car il faisait des projets afin que la paroisse devienne un lieu de pèlerinage pour honorer la sainte.»(10) Le curé rêve tellement en couleurs qu'il parle même de faire construire une ligne secondaire de chemin de fer pour transporter les pèlerins jusqu'à Val Roy.

Débordant d'enthousiasme, l'abbé Kugener voit cependant ses rêves modifiés, non pas par l'archevêque de Regina, ni par ses paroissiens, mais bien par la compagnie de chemin de fer. En effet, comme c'est le cas avec Notre-Dame d'Auvergne, quelques kilomètres à l'Est, c'est le Canadien Pacifique qui va déterminer l'avenir de Val Roy. «Bien que la pente du chemin de fer du Canadien Pacifique était en construction durant l'année 1913 et dépassait de quelques milles au nord de Val Roy, et que le village et le chemin de fer commençait à devenir réalité en 1914, l'église restait toujours sur place à Val Roy.»(11)

Malgré cela, l'abbé Kugener s'assure du développement de sa paroisse. En mai 1913, Dollard est une des premières communautés francophones en Saskatchewan à se former un cercle local de l'Association Franco-Canadienne, précurseur de l'ACFC. «Ce mouvement patriotique se manifestait dans les rassemblements des membres, des conférences et au cours des années, la célébration de la St-Jean-Baptiste, le 24 juin.»(12)

Éventuellement, une nouvelle église sera construite dans le village de Dollard sur la ligne du Canadien Pacifique. Toutefois, dès 1913, l'abbé Kugener avait fait agrandir la bâtisse de l'église pour y ajouter une sacristie. Le 4 mai 1913, les travaux de construction sont terminés et l'abbé Kugener procède à la bénédiction d'une statue de sainte Jeanne d'Arc.

À cette époque, la tradition veut que les cloches de l'église soient baptisées et qu'elles reçoivent un nom chrétien. Le 12 août 1913, Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, archevêque de Regina, est de passage à Val Roy où il baptise la cloche. «Il présidait à une cérémonie de baptême pour la nouvelle cloche qui fut donnée les noms de Jeanne Marie Henriette. Cette cloche parvenait de l'atelier M.M. Paccard d'Onnecy, Haute Savoie, France. Elle pesait 300 livres.»(13)

Cependant, le séjour de l'abbé Kugener sera de courte durée. En 1914, la guerre éclate en Europe et l'abbé Kugener, comme citoyen français, est appelé au service militaire. Il reviendra au Canada après la guerre et sera curé de Radville et de Willow Bunch. Plusieurs curés le suivront à Val Roy, avant même qu'une nouvelle église soit construite à Dollard.


Références

(1) Lefebvre Prince, Thérèse, Listen! The Wind is Rising! Écoutez! Le vent se lève! Dollard, Saskatchewan & District, Yorkton: T. Lefebvre Prince, 1989, p. 44.
(2) Ibid., p. 44.
(3) Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1956,
p. 24.
(4) Lefebvre Prince, Thérèse, Op. cit., p. 36.
(5) Croquis historiques, Op. cit., p. 24.
(6) Lefebvre Prince, Thérèse, Op. cit.. p. 46.
(7) Lefebvre Prince, Thérèse, «La fête de la St-Jean-Baptiste à Dollard», Revue historique, Volume 1, no 2, mars 1991, p. 1.
(8) Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1956, p. 24.
(9) Lefebvre Prince, Thérèse, Listen! The Wind is Rising! Écoutez! Le vent se lève! Dollard, Saskatchewan & District, Yorkton: T. Lefebvre Prince, 1989, p. 48.
(10) Ibid., p. 48.
(11) Ibid., p. 50.
(12) Lefebvre Prince, Thérèse, «La fête de la St-Jean-Baptiste à Dollard», Revue historique, Volume 1, no 2, mars 1991, p. 1.
(13) Lefebvre Prince, Thérèse, Listen! The Wind is Rising!, op. cit., p. 48.

Sources

Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, Gravelbourg: Diocèse de Gravelbourg, 1956.

Lefebvre Prince, Thérèse, Listen! The Wind is Rising! Écoutez! Le vent se lève! Dollard, Saskatchewan & District, Yorkton: T. Lefebvre Prince, 1989.

Lefebvre Prince, Thérèse, «La fête de la St-Jean-Baptiste à Dollard», Revue historique, Volume 1, Numéro 2, mars 1991. p. 1.





 
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