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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 6 numéro 1

Dix années perdues : le bon côté des années 1930

extrait de La Saskatchewan de A à Z
de Richard Lapointe
Vol. 6 - no 1, octobre 1995
«On a beaucoup parlé de la misère et des dures privations subies durant la crise économique des années 1930. À titre de témoin, je puis dire qu'on n'a aucunement exagéré. J'aimerais toutefois parler du bon côté de ces années difficiles et des événements heureux qui les ont marquées.

«Comme il était difficile d'obtenir assez d'argent pour les nécessités de la vie de tous les jours, il ne restait rien, ou presque, pour les divertissements. Cette situation avait toutefois son bon côté, car elle forçait les gens à faire preuve d'imagination et à trouver du plaisir dans les choses simples de la vie. On organisa des ligues de hockey dans tous les villages et même dans les petits centres isolés. Les soirées d'hiver, les gens venaient de plusieurs milles à la ronde, en carriole, pour soutenir leur équipe favorite. À Marcelin, une vingtaine de jeunes gens sans travail s'étaient occupés à noyer un bas-fond pour en faire une patinoire. Ils installèrent des fils électriques tout autour pour l'éclairage; c'était le centre de la vie sociale en hiver. Quand il neigeait, ce qui arrivait fréquemment, ils organisaient une corvée pour enlever la neige et la patinoire était bientôt déblayée. Il n'était pas question de délinquance juvénile dans ce temps-là: on n'en avait pas le temps! Vers la fin de l'hiver, la patinoire était entourée de hautes murailles de neige. L'énergie et l'enthousiasme des patineurs compensaient mille fois leur manque de finesse. Les parties de la Ligue Nationale d'aujourd'hui ne sont qu'un pâle reflet des parties disputées autrefois à Marcelin.
Nombreux ont été les fermiers qui ont quitté le sud de la Saskatchewan
Photo: Archive de la Saskatchewan
Nombreux ont été les fermiers qui ont quitté le sud de la Saskatchewan pour le nord comme cette famille de Morse qui est allée s?établir dans la vallée de la rivière carotte en 1934.

«On se promenait souvent en carriole les soirs où la température était plus clémente. Ce genre d'amusement ne coûtait rien. Avec une paire de chevaux et une bonne couche de foin dans le fond de la carriole pour éviter le froid, une bande d'adolescents pouvait s'amuser toute une soirée. Et tant mieux si la pleine lune brillait dans un ciel clair.

«L'été, le softball avait la faveur des filles et des garçons. Il n'exigeait qu'une mise de fonds minime: une balle, un bâton, un gant pour le receveuret un camion de ferme pourtransporter tout le monde. On passait le chapeau parmi les spectateurs pour payer l'essence et, bien sûr, les mères fournissaient le lunch. Aucune série mondiale n'a jamais suscité autant d'animation et de débats qu'un match entre deux villages rivaux.

«Les meilleurs bals étaient les «bals de grange». On les appelait ainsi parce qu'ils avaient lieu au grenier d'une des plus grosses granges du district. Une fois, je me rappelle, on avait même eu un orchestre de la ville, avec sept musiciens. Rien que ça! On s'était bien amusé. Guy Lombarde aurait été bien en peine d'attirer une plus grande foule. Et je pourrais continuer avec d'autres épisodes de soirées à la maison, de concerts, de pièces de théâtre: les plus ambitieux arrivaient même à jouer des opérettes complètes de Gilbert et Sullivan. Voilà donc le bon côté des années de crise. Cela contribuera peut-être à changer l'image de misère et de désespoir qu'on se fait habituellement de ce temps-là.

«Malgré les soucis et le découragement, les gens ne semblaient jamais perdre tout à fait leur courage et leur sens de l'humour. On se préoccupait sincèrement des amis et des voisins, et personne n'hésitait à «mettre la main à la pâte». Les voisins s'entraidaient, se prêtaient de la machinerie et des outils, et ils n'hésitaient jamais à demander un coup de main. C'est tout à l'honneur des gens de cette génération que, d'une manière ou d'une autre, malgré le peu de possessions matérielles, ils riaient et chantaient beaucoup plus que jeunesse d'aujourd'hui. Il n'est pas étonnant que Iarre canadienne se soit comportée si bravement durant la Seconde Guerre mondiale: les soldats étaient issus de la crise économique et ils connaissaient l'adversité. C'est pourquoi ils étaient forts, tenaces et capables de faire face à toutes les situations.»

(Adapté de Irene Leask, History of Marcelin and District. Marcelin Historical Society. Marcelin. 1980. p. 27)





 
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