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Crystal Springs et la mission de Bonne Eau

Un bout d'histoire (138 et 139)

Prince Albert: Mde Fred Turgeon de Crystal Springs, Sask., est arrivée samedi soir chez ses parents M. et Mde A. Houle, pour une promenade de huit jours. M. A. Houle relève à peine d'une longue maladie de deux mois; les beaux jours du printemps, nous l'espérons, vont le ramener parfaitement à la santé.

Le Patriote de l'Ouest
le 2 avril 1914
La communauté de Crystal Springs, située environ 30 kilomètres à l'est de Domrémy, est une des plus vieilles dans cette région. Elle se trouvait, autrefois, sur la piste Carlton reliant Fort Garry (Winnipeg) et Fort des Prairies (Edmonton). Puisque les ruisseaux de la région étaient d'excellentes sources d'approvisionnement d'eau, les fréteurs métis s'arrêtaient là pour la nuit. On avait même donné le nom de «Bonne Eau» au campement de Crystal Springs.

La région de Crystal Springs compte aujourd'hui, parmi sa population, des Ukrainiens, des Polonais, des Allemands, des Norvégiens et des Canadiens français. La présence française remonte au milieu du XIXe siècle. Paul Malec, dans son histoire de la région, affirme que la piste Carlton était autrefois surtout une piste canadienne-française: «La piste Winnipeg-Edmonton a été utilisée par bien des gens, surtout les Anglais, les Métis et parfois les Indiens. Toutefois, elle a surtout été utilisée par les Français comme voie pour leur plan de colonisation. Une fois la piste bien établie, les dirigeants français de Saint-Boniface, sans doute en consultation avec les dirigeants de la ville de Québec, ont commencé à établir une série de missions qui serviraient de projets pilotes pour l'établissement de colonies françaises dans les Territoires du Nord-Ouest qu'on connaît aujourd'hui comme la Saskatchewan et l'Alberta.»(1)

Le clergé catholique a établi plusieurs missions le long de la piste Carlton: à la Montagne du Tondre (Touchwood Hills), à la Montagne du Lime (Fife Hills) au lac aux Canards et à Battleford. Une petite mission est aussi établie à Bonne Eau, environ 8 kilomètres de la Piste Carlton. «Cette mission a été établie vers 1860... Bonne Eau, qui était située à environ trois quarts de milles de l'actuel hameau de Tway, allait desservir les Indiens et être un centre pour les colons canadiens-français qui s'établiraient sur les terres avoisinantes.»(2) Selon Paul Malec, le plan de colonisation du clergé se serait réalisé si ça n'avait pas été de la résistance des Métis en 1885. Malec est persuadé que la défaite des Métis a ralenti la colonisation canadienne-française et a empêché le district de devenir une région entièrement française.

Le document de Paul Malec nous permet de nous faire une petite idée de la mission de Bonne Eau. «Bonne Eau était surtout une église en bois ronds dans le style canadien-français. Elle comptait un presbytère pour le missionnaire résidant... Il est tout à fait probable que la mission ne comptait pas plus de cinq bâtiments permanents en bois ronds et le nombre de tentes indiennes variait selon les circonstances et le temps de l'année.»(3)

La mission de Bonne Eau desservait surtout les Indiens et les quelques familles métisses établies dans la région. La signature du traité N° 6 en 1876 oblige les Indiens à vivre dans des réserves et la défaite des Métis en 1885 pousse les quelques familles métisses à se disperser aux quatre coins du Territoire. Quelques colons Français viennent s'établir dans la région de Bonne Eau avant la fin du XIXe siècle, ayant été recrutés par Auguste Bodard et la Société d'Immigration Française. Ils venaient, selon Paul Malec, pour être ranchers. Certains resteront pour devenir fermiers.

L'arrivée à Bonne Madone, en 1902, des Pères Voisin et Garnier, deux moines de la congrégation des Canons de l'Immaculée Conception, marque la fin de la mission de Bonne Eau. «Ils n'avaient ni église, ni résidence. Ainsi est-il qu'ils ont défait la chapelle de Bonne Eau et l'ont déménagé à Bonne Madone, un endroit plus propice pour desservir les gens.»(4) C'est ainsi que prend fin la première mission catholique de Crystal Springs.

Selon le livre de Paul Malec, They Planted The Seed, seuls les Indiens étaient dans la région de Bonne Eau avant l'établissement de la première mission catholique vers 1860. Quelques Métis viennent ensuite s'établir dans cette région qui comprend aujourd'hui les villages de Reynaud au sud, Yellow Creek à l'est, Domrémy à l'ouest et Crystal Springs au nord. L'un des premiers Métis dans la région est un nommé Venne. Il établit un ranch près de Tarnopol vers 1880. «Il a bâti une maison sur les rives du lac dont la pointe nord-est à environ un mille et demi au sud-ouest de Tarnapol.»(5) Malec croit que le lac aurait dû être nommé lac Venne.

Deux autres familles métisses, parmi les premières dans la région de Crystal Springs, sont les Deschambault et les Letendre. Comme les Venne, ils ont d'abord été ranchers avant de devenir fermiers.

Tel que mentionné dans la dernière chronique, plusieurs colons français arrivent dans la région à la fin du XIXe siècle. Ils ont été recrutés par Auguste Bodard et la Société d'Immigration Française. Beaucoup de ces colons français s'établissent dans la région sud-est du district de Bonne Eau, à l'endroit qui deviendra plus tard Bonne Madone.

Le dernier missionnaire catholique qui dessert la petite mission de Bonne Eau est l'abbé Barbier, curé de Domrémy. «En 1900, l'abbé Barbier a vu un grand nombre de colons slaves venir s'établir dans la région. Plusieurs familles slaves avaient entouré la mission, à l'ouest et au sud. Ces nouveaux colons n'étaient pas catholiques et n'appartiendraient donc pas à la mission française. L'abbé Barbier a donc réalisé que la région de Tway serait colonisée par des Slaves et qu'il serait donc inutile d'avoir une mission catholique et française au coeur d'une colonie slave.»(6) La décision est donc prise de déménager la mission à Bonne Madone.

Bien sûr, il y a toujours quelques familles métisses, canadiennes-françaises et françaises au coeur de la colonie slave. Dès 1903, l'abbé Voisin, un des deux missionnaires de Bonne Madone, vient dire la messe à Crystal Springs. «La première messe à Crystal Springs fut célébrée le 1er novembre 1903 par l'abbé Voisin dans la maison de M. et Mme Pierre Viens.»(7) L'abbé Voisin continue pendant cinq ans à venir chanter la messe chez les Viens deux ou trois fois par année.

En 1908, les quelques familles canadiennes-françaises établies à l'ouest de Crystal Springs fondent un district scolaire. L'école Tremblay est construite cette année-là, douze milles à l'ouest de Crystal Springs et elle sert d'église pour les catholiques de la région lorsqu'un prêtre est de passage.

Paul Malec, dans son étude de la région, n'a pas réussi à établir la date précise du changement de nom de Bonne Eau à Crystal Springs. Toutefois, le village de Crystal Springs apparaît seulement en 1929 quand le Canadien Pacifique bâtit la ligne de chemin de fer entre Prince Albert et Humboldt. Selon Malec, «les dirigeants anglo-saxons dans la région ne pouvaient pas avoir un nom français comme Bonne Eau pour leur village... Des familles comme les Reed, Drew, Longworth et Sutherland ont décidé de lui donner un nom anglo-saxon. Mais, ils voulaient un nom qui refléterait encore en anglais l'histoire de Bonne Eau.»(8) C'est ainsi qu'on lui a donné le nom de Crystal Springs.

Le village de Crystal Springs commence avec l'arrivée du Canadien Pacifique en 1929. La même année, un donateur anonyme donne 500 $ pour la construction d'une chapelle dans le nouveau village. Une nouvelle paroisse prend forme: la paroisse Saint-Joseph de Crystal Springs.

Un des descendants des colons français qui s'étaient établis dans la région de Crystal Springs, au début du siècle, a laissé un bel héritage dans la province. Il s'agit d'Arthur Thibault qui a été un des rares francophones qui n'a pas eu peur de briguer les suffrages pour ainsi donner une voix aux francophones dans l'arène politique. Arthur Thibault a été député CCF et NPD pour la circonscription de Kinistino à l'Assemblée législative de la Saskatchewan durant les années 1960 et 1970.


(1) Malec, Paul, They Planted The Seed, Regina: Government of Saskatchewan, 1977, p. 20. (Traduction)
(2) Ibid., p. 21. (Traduction)
(3) Ibid., p. 21. (Traduction)
(4) Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures—One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891—1991, Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 205. (Traduction)
(5) Malec, Paul, They Planted The Seed, Regina: Government of Saskatchewan, 1977, p. 24. (Traduction)
(6) Ibid., p. 55. (Traduction)
(7) Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures—One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891—1991, Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990, p. 205. (Traduction)
(8) Malec, Paul, op. cit., p. 60. (Traduction)

Sources

Lavigne, Solange, Kaleidoscope, Many Cultures—One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891—1991, Prince Albert: Diocèse de Prince Albert, 1990.

Malec, Paul, They Planted The Seed, Regina: Government of Saskatchewan, 1977.





 
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