Contact
Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Des lieux

Courval et Coderre

Un bout d'histoire (99 et 100)

Le mouvement de l'Association Franco-Canadienne. Formation de groupes locaux à Moose Jaw, Courval, Gravelbourg et Willow Bunch. Le R.P. Libert, F.M.I. et M. Amyot, avocat de Regina, délégués par le Comité central de l'Association Franco-Canadienne ont entrepris la semaine dernière un voyage de conférences dans le Sud de la Saskatchewan pour établir dans les florissantes paroisses françaises de cette partie du diocèse de Regina des groupes locaux de cette association.

Le Patriote de l'Ouest
le 10 juillet 1913

Louis Poulin de Courval arrive en Saskatchewan en 1908 avec un groupe de colons canadiens-français du Québec. Ils y fondent la communauté de Courval dans la région du lac Johnston au sud de Moose Jaw.

Le fondateur de Courval naît à Trois-Rivières, Québec en 1854 où son père est notaire. Il étudie au Collège de Nicolet d'où il obtient un certificat d'arpenteur en 1874; un de ses premiers travaux est d'établir les limites d'Arthabaska en 1875. Il s'établit dans cette communauté près de Victoriaville avec sa famille. Une autre famille qui vient s'établir à Arthabaska en 1878 est celle du docteur Louis Gravel dont plusieurs des enfants viendront s'établir à Gravelbourg au début du XXe siècle.

En 1882, Louis Poulin de Courval se dirige vers l'Ouest où il est embauché comme arpenteur dans la région de la rivière Qu'Appelle. L'année suivante, il est dans le sud de l'Alberta, mais en 1885, il est à nouveau dans le district d'Assiniboia dans les Territoires du Nord-Ouest. «Dès l'été de 1885, le jeune Sieur Louis Poulin de la Seigneurie de Courval près d'Arthabaska, P.Q., se fait engager comme arpenteur et envoyer par le Gouvernement, dans la région du lac Johnston, en Saskatchewan. Il gardera un tel souvenir de ces plaines de l'Ouest qu'il y reviendra au printemps de 1908.»(1)

C'est l'abbé Louis-Pierre Gravel, le fils du docteur Gravel d'Arthabaska, qui l'encouragera à revenir en Saskatchewan en 1908. «En 1906, il rencontre, à Ottawa, l'abbé Gravel qui est missionnaire-colonisateur dans l'Ouest... et qui connaît M. de Courval comme étant un grand voyageur. Il lui parle de sa mission de Gravelbourg et lui demande d'inviter des gens d'Arthabaska à venir fonder une colonie.»(2)

Cette même année, Louis Poulin de Courval se rend en Saskatchewan par train avec Fulgence Blanchette, Élie Bélanger et Joseph Saint-Laurent. Les quatre hommes descendent à Mortlach et se dirigent vers la nouvelle mission de Gravelbourg. Ils explorent les districts de Gravelbourg et de Meyronne avant de décider d'établir leur colonie à mi-chemin entre Gravelbourg et Moose Jaw. En route pour le Québec, ils arrêtent au bureau des terres de Moose Jaw pour y inscrire leurs homesteads.

Dans ses mémoires, Amour, Médecine et Vie, le docteur Rosario Morin offre une version féodale de cette histoire. «Par un contrat en bonne et due forme avec chacun de ses colons, qu'on pourrait appeler ses vassaux, le seigneur de Courval fournit l'argent nécessaire pour l'achat d'un homestead de 160 acres avec préemption sur un autre 160 acres pour une dizaine de colons. Étant donné qu'un seul individu pouvait prendre possession de ces terres, et que les titres étaient émis qu'après deux ans d'essai, ces colons signaient un autre contrat par anticipation avec le seigneur de Courval, dans lequel il était spécifié que celui-ci était propriétaire.»(3) Selon le docteur Morin, cet arrangement n'aurait pas plu à certains colons et Louis Poulin de Courval aurait été obligé de quitter la région dans le milieu de la nuit alors que des avocats de Moose Jaw se seraient mêlés de l'affaire pour aider aux colons à devenir propriétaires de leur terrain.

Il a été impossible de confirmer cette version de l'histoire. Il ne semble exister aucun témoignage écrit à ce sujet et le docteur Morin ne cite aucune source pour confirmer sa version des faits. Par contre, ayant été longtemps médecin dans la région, il est tout à fait possible que le docteur Morin ait entendu cette histoire d'un pionnier du district de Courval.

Rosario Morin a toutefois raison lorsqu'il dit que Louis Poulin de Courval quitte la Saskatchewan pour regagner sa province d'origine. Après quelques années passées en Saskatchewan, il retourne à Victoriaville, près d'Arthabaska, où il meurt le 17 novembre 1940 à l'âge de 86 ans. La dernière de ses terres à Courval est vendue par son épouse Emma Bélanger, vers 1950.

Donc, en mars 1908, le groupe de Louis Poulin de Courval quitte le Québec pour venir s'établir en Saskatchewan. En plus des familles Blanchette, Bélanger et Saint-Laurent, le groupe accompagnant de Courval compte les familles d'Arthur L'Heureux et Philippe LeMay et deux célibataires, Paul Blanchette et Philippe Côté.

Ils vont ainsi fonder une nouvelle communauté francophone dans la région de Gravelbourg.


Au printemps de 1908, le groupe accompagnant Louis Poulin de Courval quitte le Québec pour venir s'établir en Saskatchewan. Il s'agit des Blanchette, Bélanger, Saint-Laurent, L'Heureux, LeMay et Côté. «La colonie s'installe au coin nord-ouest du lac Johnston, et porte quelque temps le nom de “Crémerie L'Heureux”.»(4) Toutefois, le nom «Crémerie L'Heureux» change à l'automne 1908 lorsque Fulgence Blanchette ouvre le premier bureau de poste et lui donne le nom de Courval. «Le premier Bureau de poste de Courval fut ouvert dans le “shack” de Fulgence Blanchette en 1908, un quart de mille à l'ouest du cimetière actuel. Les boîtes de poste étaient les tiroirs du bureau. La maison était si froide qu'on érigea une tente à l'intérieur de la maison en hiver.»(5)

Lorsque Philippe Côté ouvre un magasin général à Courval un ans plus tard, le bureau de poste est déménagé dans le magasin.

En 1909, les frères François et Arthur Tremblay et leur père François arrivent de Saint-Fidèle, Québec.

En 1910, les familles Fontaine, Peltier, Cossette, Leblanc, Gagnon, Desnoyer, Bélisle, Dubois, Jalbert, Croteau et Deleau du Dakota du Nord et Coderre, Gaucher, Brin, Lemire et Hupé du Québec arrivent dans la région. Elles s'installent six milles à l'ouest de Courval. Eudore Coderre ouvre un bureau de poste dans la nouvelle colonie et lui donne le nom de Coderre.

Jusqu'en 1925, Coderre et Courval forment une seule paroisse. «La plupart des colons canadiens-français étaient des catholiques et dès les débuts de 1908, ils étaient fiers de recevoir un prêtre missionnaire de passage. À tour de rôle le père Passaplan, l'abbé Magnan de Gravelbourg et autres ont baptisé et administré les Sacrements dans les maisons.»(6) Même l'abbé Louis-Pierre Gravel arrête dire la messe en route entre Mortlach et Gravelbourg. La messe est souvent chantée dans la maison de L.P. de Courval. «À Courval, la maison de L.P. de Courval était toujours ouverte. Elle fut le logis de M. le Curé jusqu'à ce qu'il ait son presbytère et même y célébra la messe.»(7)

Le premier curé résident est l'abbé Charles Poirier qui arrive à Courval en 1912. Mgr Mathieu, archevêque de Regina lui a demandé de fonder une paroisse dédiée à saint Charles-Borromée. Les colons de Courval et de Coderre organisent des corvées pour transporter le bois de Mortlach pour la construction de l'église.

Lorsque le Canadien Pacifique construit une ligne de chemin de fer entre Swift Current et Coderre en 1924, l'église est déménagée près de la gare du chemin de fer. Les gens de Courval demandent alors à Mgr Mathieu de fonder une nouvelle paroisse et en août 1927 l'archevêché de Regina établit la paroisse Saint-Joseph de Courval.

Puisque l'éducation des jeunes est importante, les gens de Courval et de Coderre ne tardent pas à mettre sur pied des écoles. Au début de 1911, on fonde des écoles publiques à Coderre et à Courval et, dès le début, la chicane éclate entre catholiques et protestants. «La première école de Courval a eu une institutrice de la Province de Québec. Comme elle ne parlait pas l'anglais, les Anglais ont donc commencé à regimber. L'année suivante, pour coup de vengeance, les protestants ont engagé la femme du Ministre qui ne parlait pas français. Ce fut le comble de la mesure qui déclencha la séparation.»(8)

Puisque les pionniers ont le droit d'établir des écoles séparées, c'est ce que font les gens de Courval et de Coderre en septembre 1916. La première école séparée de Courval est établie sur le terrain de Philippe Pépin. Philippe-Albert Pépin arrive d'Arthabaska avec sa famille en 1912; il achète le magasin de L.-P. Côté et devient ainsi le nouveau maître de postes de Courval.

En 1942, les Soeurs de Jésus-Marie acceptent de venir prendre en charge l'enseignement à l'école du village de Coderre. Elles y restent jusqu'à tout récemment.

D'autres familles canadiennes-françaises viennent s'établir dans la région.
Mentionnons les familles Arguin, Patoine, Blanchard et Grajczyk. Deux Suisses, Henri Chenevard et Emil Meili sont aussi parmi les premiers habitants de Courval. Henri Chenevard est le premier forgeron du village.

Mais l'un des plus fameux fils de la région est l'Honorable Lionel Coderre, député provincial et ministre dans le cabinet de Ross Thatcher de 1964 à 1971. M. Coderre a été un des principaux architectes, en 1968, du système des écoles désignées permettant ainsi l'enseignement du français pour plus d'une heure par jour. Peut-être qu'il se souvenait des chicanes d'école à Coderre au début du siècle.

(1) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1930-1955, Winnipeg: La Liberté et le Patriote, 1955, p. 21.
(2) Pioneer Memories, A Historical Account of Courval and Districts Since 1908, Courval: Joseph Henri Tremblay, 1974, p. 2. (Traduction)
(3) Morin, Rosario, Amour, Médecine et Vie, Saint-Boniface: Éditions des Plaines, 1993, p. 44.
(4) Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1930-1955, Winnipeg: La Liberté et le Patriote, 1955, p. 21.
(5) Tremblay, Joseph-Henri, Historique de Courval (908-1968), manuscrit aux Archives de la Saskatchewan, p. 5.
(6) Ibid., p. 3.
(7) Ibid., p. 3.
(8) Ibid., p. 5.

Sources

Chabot, abbé Adrien, Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l'occasion de son Jubilé d'Argent, 1930-1955, Winnipeg: La Liberté et le Patriote, 1955.

Tremblay, Joseph-Henri, Historique de Courval (908-1968), manuscrit aux Archives de la Saskatchewan.

Morin, Rosario, Amour, Médecine et Vie, Saint-Boniface: Éditions des Plaines, 1993.

Pioneer Memories, A Historical Account of Courval and Districts Since 1908, Courval: Joseph Henri Tremblay, 1974.





 
(e0)