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Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 10 numéro 4

Courrier

Vol. 10 - no 4, avril 2000
Suivi La Rolanderie

Cher monsieur,

Je vous remercie très vivement d'avoir adressé à mon père, qui hélas est décédé le 20 janvier 2000, vos deux premiers numéros dc votre revue historique, que j'ai parcouru avec beaucoup d'intérêt. J'ai été très sensible à ce geste car je m'occupe des archives de notre famille et en relate les faits importants.

Mon père m'avait parlé il y a quelque temps des contacts qu'il avait eu avec le Canada au sujet de la Rolandene et cela m'avait beaucoup intéressé car j'ai de nombreux documents que mon grand-père Gonzague (de Saint-Seine) m'avait laissés, car il écrivait chaque jour ce qu'il faisait quand il était au Canada. Comme vous le dite dans votre article, il était avant tout un chasseur et un excellent dresseur de chevaux.

Mon grand-père est venu (au Canada) très jeune pour la première fois, vers 18 ans, à la mort de son père le Marquis de Saint-Seine. Il fit par la suite de nombreux voyages en compagnie de Monsieur de Laborde qui deviendrait plus tard l'Amiral de Laborde. J'ai les carnets de mon grand-père qui raconte les faits marquants et la tenue de ses comptes, car il dépensait sans regarder ayant hérité d'une belle fortune, que ses frères lui remirent à la mort de son père. Il en perdit une partie sur le bateau qui l'amenait au Canada, puis le reste il le perdit en confiant sa gestion à un certain Monsieur de Montravel' qui devait être employé à la Rolanderie, pendant qu'il chassait dans le Manitoba. Il revint donc en France ou il vendit quelques bois pour pouvoir repartir et se réinstaller à la Rolanderie pour les périodes de chasse. C'est au cours de ces années qu'il fit connaissance des Indiens qui lui apprirent à dresser et soigner les chevaux. Ils lui révélèrent le secret du baume «Sioux»; baume qui permet de faire repousser les poils dans la couleur de la robe après une brûlure ou une blessure et une méthode de dressage des chevaux sauvages avec la longe dit «Barnum»; ces deux secrets sont toujours dans la famille et ont permis à mon grandpère de dresser des chevaux de l'école de cavalerie de Saumur et surtout de faire disparaître les accidents de pelage.

Ce ne sont que des histoires mais nous pourrions si vous le désirez vous faire-part des récits de chasse qu'il a vécu dans votre si beau Canada. Ces histoires ont bercé notre enfance et sont à nouveau présentes plus de cent ans après. J'ai été très touché de voir le portrait de mon grand-père «le Comte Gonzague de Saint-Seine» peint par Mademoiselle Géraldie que j'ai en trois couleurs dans notre maison en Anjou.

Nous avons toujours conservé ces grands chapeaux canadiens qu'il a portés toute sa vie (plusieurs fois refait par le chapelier «Mosch» à Paris spécialement pour lui).

Merci à Monsieur Carol Léonard d'avoir publié ces écrits et dites-,lui que nous connaisSons encore ces familles (les Roffignac, les Jumilliac, les Langle, les La Forest-Divonne) qui sont toujours très présentes en France et que nous pouvons joindre si vous souhaitez retrouver des descendants. Il est évident que quelques corrections pourraient être apportées sur les dates et les noms.

Je vous prie, Monsieur le Président, de croire à l'assurance de mes salutations distinguées et de transmettre à Monsieur Carol Léonard, nos félicitations sur ces recherches.

Gonzague de Saint-Seine Neuilly sur Seine (France)

Selon Donatien Frémont, dans Les Français dans l'Ouest canadien, (Éditions du blé, Saint-Boniface, 1980) le jeune vicomte de Montravel, de Joyeuse (Ardèche) était parmi le premier groupe Français arrivé à NotreDame-de-Lourdes (Manitoba) le 14 mai 1891.

Suivi Ku Klux Klan

Monsieur Gareau,

J'ai lu avec intérêt ton histoire du Ku Klux Klan en Saskatchewan. Ce mouvement était surtout anti-catholique et antifrançais. Au haut de la neuvième page de la Revue historique (février 2000), tu mentionnes que les Canadiens français ne font rien... J'avoue que les Canadiens français n'ont rien fait comme groupe, mais il se peut fort bien que plusieurs aient fait quelques choses comme individus.

Pour ma part, quand je fus nommé enseignant pour l'école élémentaire Winslow Lake de Mattes en 1948-1949, ma première tâche fut de demander aux élèves s'ils désiraient avoir un crucifix dans l'école. À leur réponse affirmative, je les ai encouragés d'acheter euxmêmes un crucifix et nous l'avons placé à l'honneur audessus du tableau. J'ai fait cela de moi-même sans consulter personne. Ce crucifix demeurera dans l'école jusqu'à sa fermeture vers l'année 1958.

Le surintendant Amundrud de la grande division scolaire de Shellbrook est venu visiter l'école durant l'année. Il n'a rien dit et moi non plus.

Quand j'ai quitté l'enseignement, je fus élu commissaire d'école. Avec la grande division scolaire, les trois petits commissaires locaux n'avaient pas grand-chose à dire ou à faire.

Entre-temps, la grande division scolaire avait embauché une jeune maîtresse d'école canadienne-française pour l'école de Matte. Elle venait de la paroisse de Victoire, mais elle n'avait pas eu la chance d'apprendre beaucoup de français. Je lui ai demandé poliment si elle était qualifiée pour enseigner le français de la première à la huitième année; elle m'a répondu que non.

Je lui ai fait comprendre que nous avions absolument besoin d'une maîtresse qualifiée pour l'enseignement du français. Alors, les commissaires locaux lui ont préparé sa formule de démission en bonne et due forme, signée par ellemême et endossée par les trois commissaires comme témoin. De la même façon, nous avons embauché une maîtresse canadienne-française qualifiée.

Un peu plus tard, le surintendant Amundrud fut remplacé, mais j'ignore le nom du monsieur (je vieillis, j'ai 82 ans). Ce monsieur avait déclaré publiquement que d'apprendre deux langues à l'école retardait un enfant.

Il y eut un concours oratoire pour les élèves de la douzième année dans la grande unité de Shellbrook. Ce fut la fille du surintendant qui rapporta le trophée comme de raison. Il paraît (je n'étais pas présent) qu'une jeune fille de l'école de Debden, qui avait une bonne maîtrise du français et de l'anglais, était tout aussi bonne sinon meilleure que la gagnante.

Par après, à une réunion avec le surintendant dans notre région, j'ai profité de l'occasion pour y mettre ça sur le nez. J'ai commencé par lui dire que certains disent qu'apprendre deux langues à la fois retardait un enfant à l'école. Puis, j'ai parlé du concours oratoire en disant: «Il paraît qu'une élève qui a appris deux langues à l'école de Debden était tout aussi bonne, sinon meilleure, que celle qui a gagné le premier prix.» « Sais-tu qui a gagné le premier prix? » m'a-t-il demandé. J'ai fait semblant de ne pas le savoir. «C'est ma fille.» qu'il m'a dit.

Tout cela pour dire que je crois que plusieurs Canadiens français ont dû faire quelques choses de semblable à travers la province dans ce temps-là.

D'un ancien Fransaskois,
Wilfrid Fortier





 
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