Des gensConstant Bourdel, prêtreHowell, Sask. Monseigneur l'évêque de Prince Albert nous fait cette semaine le grand honneur d'une visite pastorale. À l'arrivée du train samedi 2 mai un nombre considérable de catholiques et, à leur tête, notre dévoué curé, M. l'abbé Bourdel, attendaient Sa Grandeur qui fut aussitôt conduite au presbytère dans l'auto de M. le Dr Lavoie. Le Patriote de l'Ouest le 7 mai 1914 Dans une de mes premières chroniques, j'avais présenté le village de Prud'homme, autrefois Howell. Parlons cette fois-ci de celui qui a été le fondateur de la paroisse des Saints Donatien et Rogatien, l'abbé Constant Bourdel. Il est né à Saint-Mars-la-Jaille (Loire-Atlantique), France, le 21 octobre 1861. Il a fait des études au Collège de Chateaubriand et, en 1877, il est entré au petit séminaire de Nantes et ensuite au grand séminaire dans la même ville. Il a été ordonné prêtre à Nantes, le 29 juin 1886. Sa première obédience a été comme enseignant dans l'école classique de Nantes. Il est ensuite devenu vicaire de paroisses à Rougé, Saint-Michel-le-chef et à Nantes. Il était âgé de plus de quarante ans lorsqu'il a décidé, en 1904, de quitter la France pour les lointaines prairies de l'Ouest canadien. « L'idée lui en était venue soudain en s'occupant d'y diriger quelqu'un de sa famille. Il arriva donc en 1904 avec un neveu, Joseph Poilièvre, et sa femme, là où devait naître la paroisse d'Howell, dont le nom fut plus tard changé en celui de Prud'homme. »(1) Joseph Poilièvre était jardinier en France, mais, étant responsable du jeune homme, l'abbé Bourdel cherchait à lui trouver un meilleur emploi. Il se souvient avoir lu un article à propos du Canada et réussit à convaincre son neveu d'immigrer dans le Nord-Ouest canadien. L'abbé Bourdel, alors vicaire d'une des grandes paroisses de Nantes, a décidé d'essayer de convaincre d'autres jeunes gens de la région des avantages du Canada. « Après leur mariage, ils s'établissaient dans les villes pour travailler dans les usines. Après avoir été en contact avec d'autres ouvriers, ils oubliaient les croyances chrétiennes de leur enfance. »(2) Il se proposait de publier une annonce dans les journaux invitant des jeunes gens à immigrer au Canada avec son neveu, mais commençait à songer sérieusement à s'y rendre lui-même, comme missionnaire. Au début, son évêque a refusé de lui donner la permission, mais enfin, en 1904, après avoir obtenu des certificats de deux des plus fameux médecins de Nantes, attestant à sa bonne santé, Constant Bourdel a obtenu la permission de venir dans l'Ouest canadien. Joseph Poilièvre a quitté la France le 29 mars 1904, avec l'abbé Lefloc'h et les colons de Saint-Brieux, quelques mois avant que son oncle n'obtienne la permission de le suivre vers le Canada. « C'était en juin 1904. Je me suis préparé immédiatement pour mon départ. Un groupe d'immigrants devait quitter le 10 juillet avec l'abbé Gaire et je voulais être avec eux. Mes études du nord du Canada m'avaient renseigné qu'il fallait y être tôt l'automne afin de se préparer pour un hiver sévère. »(3) Il a quitté la France le 20 juillet et est arrivé à Sainte-Agathe, Manitoba, le 7 août. Il était accompagné de la fiancée de son neveu qui s'était arrêté à Sainte-Agathe. De Sainte-Agathe, les trois se sont dirigés vers Prince Albert dans les Territoires du Nord-Ouest. En route de la gare de Prince Albert vers le centre-ville, l'abbé Bourdel a fait la connaissance d'un autre prêtre, l'abbé Pierre-Elzéar Myre. « Il n'y avait pas de trottoirs, seulement une route recouverte d'une boue collante. Nous n'avions fait qu'une courte distance quand j'ai entendu du français derrière nous. C'était l'abbé Myre dont l'Honorable Turgeon (alors avocat à Prince Albert) était venu rencontré. Quand je lui ai expliqué notre situation, d'être dans un pays étranger et ne pas connaître le langage, il a envoyé un de ses paroissiens pour nous aider à s'installer dans un hôtel. »(4) Quelques années plus tard, en 1910, les deux hommes travailleront ensemble pour fonder le premier journal de langue française en Saskatchewan, Le Patriote de l'Ouest. Rendu dans l'Ouest canadien, l'abbé Constant Bourdel fait la connaissance de Mgr Albert Pascal, évêque du diocèse de Prince Albert. Avant son départ de France, il avait communiqué avec l'évêque pour lui faire connaître son intérêt à venir travailler comme missionnaire dans le Nord-Ouest et avait ainsi appris qu'il aurait une paroisse avec 80 familles s'il acceptait de venir. À Prince Albert, il apprend que cette paroisse est à un endroit qui porte le nom de Lally's Siding. Deux ans plus tard, en 1906, le nom sera changé à Howell (Prud'homme en 1922). De Prince Albert, les trois Français doivent rebrousser chemin jusqu'à Duck Lake (en train) pour ensuite se diriger vers le sud-est en wagon. À Duck Lake, l'abbé Bourdel fait la connaissance du père Ovide Charlebois, o.m.i., un autre de ses collaborateurs en 1910 pour la création d'un journal français. De Duck Lake, ils suivent la piste Batoche jusqu'à Fish Creek où ils rencontrent le frère Célestin Guillet, o.m.i. C'est lui qui sera responsable, quelques années plus tard, d'organiser le premier pèlerinage à Saint-Laurent. Leur destination, toutefois, c'est le ranch de Joseph Marcotte et ils poursuivent leur trajet. Lorsque les trois arrivent enfin à Lally's Siding, l'abbé Bourdel apprend qu'il n'y a pas encore 80 familles dans la région. C'est Georges Marcotte qui avait raconté cette histoire à Mgr Pascal dans le but d'y obtenir un curé. « Étant un homme religieux, il était heureux de rencontrer son curé. C'était lui qui avait demandé à Mgr Pascal un prêtre parce qu'il y avait quatre-vingts familles dans la région. (C'était, bien sûr, le rêve du “Père Georges” pour l'avenir.) En 1903, environ 50 homesteads avaient été pris, surtout par les Métis de Fish Creek. Lorsque je suis arrivé en 1904, il y avait seulement quelques familles, surtout Georges, Aimé, Joseph et Adélard Marcotte, Philippe Lafrenière, arrivé l'année précédente, et deux autres familles nouvellement arrivées de la Belgique deux mois plus tôt, Georges Vanderbeck et Émile Henriet. »(5) C'est loin des 80 familles qu'on lui a promises. Sa première préoccupation est de trouver un homestead. Il choisit un carreau de la section 2 sur lequel il y a une belle grande butte. Il fait bâtir sa maison sur le haut de cette butte où il peut voir de superbes couchers de soleil, mais aussi où il est la victime des grands vents froids d'hiver. L'abbé Bourdel retourne ensuite à Prince Albert où il a l'intention d'étudier l'anglais jusqu'au 1er septembre, soit deux semaines. Il revient à Lally's Siding au début septembre. « J'arrivais pour m'y fixer définitivement le jeudi 1er septembre 1904. Le lendemain matin lorsque je voulus célébrer la sainte messe, je m'aperçus que ma pierre sacrée avait été oubliée à Duck Lake. Que faire? » (6) Il se rend donc chez le père Meinrod, un Bénédictin établit à Leofnard, environ 30 kilomètres au nord-est, dans la région de Wakaw. Il se perd plus d'une fois avant de trouver l'humble demeure du Bénédictin. Là, nouvelle difficulté. « Le Père ne parlait pas français et moi peu l'anglais. Bah ! on parlerait latin. Je n'eus pas besoin de sortir mon latin. La Providence toujours si bonne m'avait envoyé un interprète. Le policeman de Duck Lake, un Canadien français, Monsieur Dorion, était en conversation avec le Père Meinrod. »(7) À Leofnard, l'abbé Bourdel passe deux jours et ne revient pas à Prud'homme à temps pour dire la messe le dimanche. C'est dans la maison de Joseph Marcotte qu'il chantera sa première messe. « Le nouveau curé célébra la messe le dimanche, dans la demeure du plus ancien catholique de l'endroit, pour cinq familles et deux célibataires des environs. »(8) Lorsqu'il était au grand séminaire de Nantes, l'abbé Constant Bourdel avait fait la connaissance d'un moine de Solesmes, un monastère bénédictin en France, qui allait développer chez lui un grand amour, celui du chant grégorien. À cette époque, le moine, Dom Pothier, essayait de restaurer dans l'Église ces anciens chants grégoriens. L'abbé Bourdel était devenu amoureux de ces chants antiques. Il avait même acheté le premier livre de cantiques qui avait été publié en 1833. On dit que, jusqu'à la fin de ses études, chaque fois qu'il avait une vacance, il était possible de trouver l'abbé Bourdel, avec quatre compagnons, dans les vieilles grottes de Nantes à pratiquer les anciens cantiques. Plus tard, il s'était rendu au monastère de Solesmes pour étudier davantage le chant grégorien. À Prud'homme, le chant grégorien devient une partie importante de la messe. L'abbé Bourdel avait aussi un zèle pour recruter des jeunes hommes à la prêtrise. Lorsqu'il était jeune prêtre, à Rougé, en France, il cherchait à déceler, chez les jeunes garçons du village, ceux qui auraient une vocation. Ceux-ci, il les invitait chez lui pour leur enseigner le latin et pour les préparer pour le petit séminaire. À Prud'homme, il continue à recruter des jeunes hommes pour la prêtrise. Une des vocations dénichées par le vieux curé est celle de l'abbé Maurice Baudoux. « Le curé du village, l'abbé Constant Bourdel, accueille le jeune homme au presbytère en 1916, lorsque celui-ci est devenu trop âgé pour demeurer au couvent. Il lui enseigne aussi le latin, pour le préparer aux études classiques, car son protégé possède de grands talents et sa vocation sacerdotale s'affirme déjà. »(9) La vocation de Maurice Baudoux n'est pas la seule que l'abbé Bourdel déniche dans sa paroisse. En 1929, c'est le 25e anniversaire de la paroisse des Saints Donatien et Rogatien, et de l'arrivée du curé au Canada. C'est aussi l'occasion d'une double ordination, celles des abbés Maurice Baudoux et Alexandre Grimard. L'abbé Bourdel allait même avoir le plaisir d'accueillir chez lui, comme son vicaire, son ancien élève, l'abbé Baudoux. L'abbé Constant Bourdel s'est aussi préoccupé des causes canadiennes-françaises. En 1910, il est un de ceux qui aident à fonder Le Patriote de l'Ouest à Duck Lake. Dans ses mémoires, Raymond Denis nous parle d'une réunion qui eut lieu à Duck Lake en 1909. «Pendant que nous nous réunissions à Vonda pour assister au congrès de 1909, plusieurs prêtres, le même jour, se réunissaient à Duck Lake pour étudier la possibilité de créer un journal catholique et français. Je puis citer les noms du Père Charlebois, principal de l'école St-Michel de Duck Lake, qui devint plus tard Mgr Charlebois, vicaire apostolique du Pas, M. l'abbé Bourdel, curé de Prud'homme (Howell dans le temps), devenu ensuite Mgr Bourdel, et M. l'abbé Myre, curé de Bellevue.»(10) En 1912, il retourne à Duck Lake lors de l'assemblée de fondation de l'Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan. Mais une de ses plus grandes contributions à la cause française en Saskatchewan a été réalisée en 1905 lorsqu'il réussit à convaincre la congrégation des Filles de la Providence à venir fonder un couvent dans son village d'Howell. Pendant plus de 60 ans, des centaines de jeunes filles, et certains garçons comme Maurice Baudoux, allaient perfectionner leur français dans les classes du couvent. L'abbé Constant Bourdel est décédé à l'hôpital catholique de Cudworth le 23 mai 1951 à l'âge de 89 ans. Il a été enterré dans le cimetière de Prud'homme. Notes (1) Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface : Les Éditions du blé, 1980, p. 122. (2) Prud'homme History Committee, Life As It Was, Prud'homme, Saskatchewan, 1897-1981, Prud'homme: Prud'homme History Committee, 1981, p. 65. (Traduction) (3) Ibid., p. 66. (Traduction) (4) Ibid., p. 67. (Traduction) (5) Prud'homme History Committee, Life As It Was, Prud'homme, Saskatchewan, 1897-1981, Prud'homme: Prud'homme History Committee, 1981, p. 68. (Traduction) (6) Transcriptions des écrits de Monseigneur Bourdel, Cahier rédigé en 1936. Discours prononcé à l'occasion du Jubilé d'or de son ordination à la prêtrise. Chez l'auteur. (7) Ibid. (8) Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface : Les Éditions du blé, 1980, p. 122. (9) Lapointe, Richard, « Maurice Baudoux », 100 NOMS, Regina : Société historique de la Saskatchewan, 1988, p. 16. (10) Denis, Raymond, Mes mémoires, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Volume 1, p. 13. Sources Denis, Raymond, Mes mémoires, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Volume 1. Frémont, Donatien, Les Français dans l'Ouest canadien, Saint-Boniface : Les Éditions du blé, 1980. Lapointe, Richard, « Maurice Baudoux », 100 NOMS, Regina : Société historique de la Saskatchewan, 1988. Prud'homme History Committee, Life As It Was, Prud'homme, Saskatchewan, 1897-1981, Prud'homme: Prud'homme History Committee, 1981. Transcription des écrits de Monseigneur Bourdel, Cahier rédigé en 1936. Discours prononcé à l'occasion du Jubilé d'or de son ordination à la prêtrise. |
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