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Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Colonisation et compagnies de chemin de fer

Duck Lake: Dimanche dernier, M. Josephat Bourdon de Bellevue, nous revenait d'un voyage de deux mois dans la Province de Québec. Il était accompagné de son beau-frère, M. Josephat Tessier, sa femme et ses trois enfants, venus pour s'établir dans l'Ouest.
Le Patriote de l'Ouest
le 14 mars 1912
Les missionnaires-colonisateurs, les agents de colonisation du gouvernement et les Oblats ne sont pas les seuls à faire du recrutement de colons canadiens-français dans le Bas-Canada (Québec) ou dans les villes industrialisées de la Nouvelle-Angleterre.

Pour encourager les compagnies de chemin de fer à bâtir les lignes transcontinentales, Ottawa accepte de leur céder de grandes étendues de terres dans le Nord-Ouest. Dans bien des régions, presque la moitié de chaque township avait été donné par le gouvernement à la compagnie Canadien Pacifique pour l'encourager à construire une ligne transcontinentale. «Les sections portant les numéros 2, 4, 6, 8, 10, etc., à l'exception des Nos 8 et 26, appartiennent au gouvernement qui les donne gratuitement aux colons. Les sections impairs, 1, 3, 5, 7, 9, sont généralement la propriété de la Cie du Pacifique, à l'exception des sections 11 et 29 qui sont vendues pour le soutien des écoles. C'est la Cie de la Baie d'Hudson qui possède les Nos 8 et 26.»(1)

Puisque les compagnies ont de grandes étendues de terres à disposer dans l'Ouest canadien, elles ont tout intérêt à recruter des colons. Les compagnies travaillent alors avec le gouvernement pour le recrutement en Europe, et, souvent au grand chagrin des Canadiens français, elles offrent même des tarifs spéciaux à des colons de l'Ukraine, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. «Les historiens canadiens-français, ainsi que les évêques catholiques de l'Ouest ont souvent accusé le gouvernement fédéral de dépenser beaucoup d'argent et d'efforts pour attirer des émigrants anglais, scandinaves et allemands et qu'il faisait très peu pour attirer les colonisateurs français et belges.»(2)

Cette même critique est souvent dirigée aux compagnies de chemin de fer; on disait au début du siècle qu'il en coûtait moins pour un billet Liverpool-Regina que pour un billet Montréal-Regina.

Toutefois, les compagnies comme le Canadien Pacifique font au moins certains efforts pour recruter des colons au Québec. Plusieurs Canadiens français, établis dans l'Ouest depuis quelques années, reçoivent des billets gratuits des compagnies de chemin de fer ou du gouvernement pour aller visiter leurs parents dans le Bas-Canada; et tout en visitant, on espérait qu'ils puissent les convaincre de venir tenter leurs chances en Saskatchewan ou en Alberta.

«Azarie Gareau passait la veillée chez Camille Gaudet en cet hiver de 1892-93. Il était cousin de Marie-Louise, la femme de Camille et il avait profité de l'occasion non seulement pour aller voir sa cousine, mais aussi pour convaincre Camille d'aller dans l'Ouest. D'ailleurs, le gouvernement canadien lui avait accordé une passe pour le chemin de fer à condition qu'il fasse du recrutement. Azarie voulait attirer tous les colons possibles.»(3)

Comme dans le cas d'Azarie Gareau, Josephat Bourdon a peut-être reçu une passe du Canadien Pacifique ou du gouvernement pour aller faire du recrutement dans l'Est en 1912. Il est le fils d'Anthyme Bourdon et de Clérina Giroux de Châteauguay, Québec. Il est venu s'établir à Bellevue en 1895.

Sa soeur, Rose, avait marié Josephat Tessier de Saint-Jean Chrysostome, Québec, quatre ans plus tôt en 1908 à Malone dans l'état de New York. En 1912, lors de la visite de Josephat Bourdon, la famille Tessier habite Saint-Urbain, Québec. Arrivée dans l'Ouest en 1912, la famille Tessier s'établit à Bellevue, à quelques milles du beau-frère Bourdon.

Une autre façon pour recruter de nouveaux colons pour l'Ouest canadien est par le mariage. Puisqu'il y a peu de jeunes femmes à marier dans l'Ouest au début du siècle, les jeunes hommes, comme Josephat Bourdon qui est célibataire en 1912, retournent dans le Bas-Canada se chercher une épouse. On parle même des «Mail-Order Bride» à cette époque. Une fois marié, le jeune homme réussissait souvent à convaincre toute la famille de sa femme à venir dans l'Ouest. Ce n'est pas le cas pour Josephat Bourdon. Deux ans plus tard, en 1914, il marie une fille de Bellevue, Albertine Deault. La famille Deault était venue de Lambert, Minnesota en 1903.

Mais, le gros du travail de recrutement repose toujours entre les mains des agents de colonisation, comme Amédée Cléroux de Vonda.

Misère des Canadiens aux États-Unis
Le mouvement de repatriement des nôtres des États-Unis sur l'Ouest Canadien s'accentue tous les jours. Mais ce qui fait qu'un plus grand nombre ne viennent pas planter leurs tentes dans nos plaines si fertiles et si riantes de l'Ouest Canadien, c'est dû au manque d'argent. On vit, règle générale, je parle ici de la classe ouvrière, au jour le jour; les épargnes sont rares. La vie de nos compatriotes dans beaucoup de villes manufacturières n'est pas rose.
Le Patriote de l'Ouest
le 20 juin 1912

S'il y a une certaine vérité dans ces propos, M. Cléroux n'ajoute pas que pour des milliers de Canadiens français réfugiés aux États-Unis, on ne veut pas abandonner la ville industrielle pour la vie incertaine et isolée du homesteader dans l'Ouest canadien.

(1) Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986. p. 15.
(2) Lalonde, André, «Les Fransaskois: une vie d'ensemble historique et sociologique», L'Eau Vive, le 1er octobre 1980. p. 11.
(3) Gaudet, abbé Roland, Maman, racontez-moi. Souvenirs de Lumena Gaudet recueillis par son fils Roland, Saint-Louis (Sk): Auteur. p. 1.

Sources:

Dubuc, abbé Denis et Gaudet, abbé Roland, Généalogie des familles de la paroisse St-Isidore de Bellevue, Sask., Saint-Louis (Sk): Auteur, 1971.

Gaudet, abbé Roland, Maman, racontez-moi. Souvenirs de Lumena Gaudet recueillis par son fils Roland, Saint-Louis (Sk): Auteur.

Lalonde, André, «Les Fransaskois: une vie d'ensemble historique et sociologique», L'Eau Vive, le 1er octobre 1980.

Lapointe, Richard et Tessier, Lucille, Histoire des Franco Canadiens de la Saskatchewan, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1986.





 
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