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Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Cinéma, maudit cinéma!

Prince Albert, Sask. M. Frank L'Heureux vient de faire l'acquisition du Star Theatre.
Le Patriote de l'Ouest
le 11 juin 1914
C'est à la fin du XIXe siècle que le cinéma apparaît au Canada. D'abord, il n'y a pas de salles de cinéma pour présenter les films animés. «Les premiers films sont projetés sur des draps de lit devant un public assis sur des chaises pliantes à l'intérieur de magasins transformés en salles de cinéma. Mais, très vite, ce nouveau divertissement populaire trouvera de quoi se loger avec luxe dans d'étincelants palais baroques qui feront en quelque sorte partie du spectacle.»(1)

C'est à Vancouver, en 1902, qu'on ouvre la première salle au Canada dédiée exclusivement au cinéma, l'Electric Theatre, rue Cordova. Ailleurs, si le film n'est pas présenté dans un vieux magasin abandonné, c'est dans un théâtre de vaudeville qu'on le présente, en même temps que les attractions habituelles. Dans l'Ouest canadien, les salles de cinéma ne commencent à faire leur apparition que vers 1910. «Duck Lake: Une salle de vues animées a été ouverte ces jours derniers ici. Représentation tous les soirs des vues les plus ridicules que l'on puisse imaginer, et chose bizarre, il n'y a pas de prix d'entrée. On dit que la Compagnie est très riche et qu'elle est prête à dépenser un million de dollars américains pour faire ses représentations. Après le 21 septembre prochain, la salle sera fermée pour cause que le million sera tout dépensé inutilement.»(2)

Cet article du Patriote de l'Ouest ne dit pas qui est le propriétaire de cette salle de cinéma à Duck Lake. Appartient-elle à un indépendant ou à une chaîne appartenant aux producteurs de films? «Lorsqu'ils font leur apparition dans le monde du spectacle, les films attirent des brasseurs d'affaires ayant de l'imagination et de l'ambition qui voient, dans cet art nouveau, un bon moyen de gagner de l'argent. Bon nombre des premiers exploitants sont des gens qui offrent au public des numéros de toutes sortes. Cependant, ces ?indépendants? ne survivront pas dans cette industrie; la plupart seront absorbés par des chaînes appartenant ou affiliées aux producteurs de films.»(3) Frank L'Heureux, le vendeur d'alcool en gros à Prince Albert, est-il un indépendant ou est-il affilié à un producteur de films dans l'acquisition du Star Theatre? Le petit article dans le journal ne donne pas assez d'information pour permettre de découvrir les chances de succès de cette nouvelle entreprise.

Si le rédacteur du Patriote de l'Ouest trouve humoristique, en 1911, les méthodes de promotion des chaînes de distribution des films, tel n'est plus le cas en 1918 alors que la direction du journal mène une campagne acharnée contre ce médium. «Tel qu'il opère, le cinéma est une savante exploitation des instincts les plus dépravés de la nature humaine. Sous prétexte de divertir, il corrompt. Peindre les mauvais côtés de la vie, donner une crudité scandaleuse à la prostitution et à l'adultère, exhiber avec la figure sympathique de héros des personnages qui traînent l'amour ou la fidélité conjugale dans la fange, laisser planer sur certaines situations des sous-entendus d'une immoralité révoltante, exciter la sensualité et déchaîner les passions, voilà son propre. »(4) Voilà une description du cinéma et de la télévision qu'on entend encore de nos jours. Et, comme c'est le cas de nos jours, ce n'est pas en pontifiant dans le journal qu'on décourageait les Franco-Canadiens de la Saskatchewan d'assister, rarement, aux films.

En 1920, le rédacteur, Achille-Félix Auclair, o.m.i., choisit de parler de l'aspect positif du cinéma. «Il est possible de trouver dans la cinématographie convenablement appliquée de grandes ressources pour des fins instructives et éducatives, ou pour des fins de publicité commerciale ou industrielle. Nous apprenons avec plaisir que le Ralliement Catholique vient de lancer, sous le nom de Cinéma patriotique, une entreprise au bénéfice particulier du commerce et de l'industrie au Canada français, en vue de jeter les bases d'un cinéma véritablement éducateur et moralisateur.»(5) Même l'auteur franco-canadien, Jean Féron, Joseph-Marc Lebel, écrit, du fond de son homestead à Arborfield, au Premier ministre du Québec, Louis Alexandre Taschereau durant les années 1920 pour l'exhorter à aider à développer un cinéma patriotique canadien-français.

Toutefois, l'industrie canadienne du cinéma n'y peut rien contre le big-business de Hollywood. Comme ailleurs, les Franco-Canadiens de la Saskatchewan ont donc été à la merci de la culture de Hollywood.

(1) Russell, Hilary, «Palais du septième art», Horizon Canada, Québec: Université Laval, Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1987, p. 2096.
(2) Le Patriote de l'Ouest, le 12 octobre 1911.
(3) Russell, Hilary, op. cit., p. 2097.
(4) Leclerc, Chs., «Le cinéma, apothéose du vice», Le Patriote de l'Ouest, le 26 juin 1918.
(5) Auclair, A.-F., «Cinéma patriotique», Le Patriote de l'Ouest, le 22 septembre 1920.

Sources
Russell, Hilary, «Palais du septième art», Horizon Canada, Québec: Université Laval, Centre d'Études en Enseignement du Canada, 1987.





 
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