Revue historique: volume 14 numéro 3Centenaire de PrudhommeCent ans passé, il ny avait rien par Laurier Gareau Vol. 14 - no 3, mars 2004
Le legs de la famille Marcotte L'un des fils de Joseph-Alexandre Marcotte, Joseph, fils, est le premier à venir dans le District de la Saskatchewan dans les Territoires du Nord-Ouest. En 1897, il conduit un troupeau de vaches et quelques chevaux vers les Sage Hills. Joseph Marcotte se choisit un terrain dans une région située entre Humboldt, Saskatoon et Batoche. Il établit les quartiers généraux de son ranch sur le carreau sud-est de la section 6, Township 39, Rang 27 à lOuest du 2e Méridien, quelques milles au sud de lactuel village de Prudhomme. Selon lhistoire, lorsque Joseph Marcotte a établi le Blue Bell Ranch, en 1897, la superficie du ranch devait être de 50 milles carrés. Bien sûr, le territoire na pas encore été arpenté lorsquil obtient un bail pour quatre townships de terrain dans la région. Le bail est d'une durée de 50 ans, à condition que le terrain demeure inoccupé. Le bail sera toutefois terminé en 1905 avec larrivée des premiers colons dans la région.
Joseph Marcotte nomme son ranch le Blue Bell Ranch à cause des petites fleurs bleues quon peut trouver en abondance dans la région. Au début du XXe siècle, le Canadien Northern est à arpenter la route en vue d'une nouvelle ligne ferroviaire qui rejoindra Canora, Humboldt, Warman et North Battleford. Cette ligne doit passer à travers le ranch de Joseph Marcotte. La région prend alors un nouveau nom, Marcottes Crossing. Les arpenteurs du Canadien Northern sont alors dans la région dès 1902. «En 1902, le premier arpenteur, M. McKenna, nomme les lacs: Buffers Lake à cause du muskeg et Muskiki Lake à cause du sel. Muskiki est le nom indien pour médecine. Ce dernier était connu comme le lac Vermillion par les gens de la région à cause de sa couleur rouge.»(1) On passe près du lac Muskiki en voyageant vers le nord sur la route #2. Le lac Buffer est au nord-ouest de Prudhomme. Joseph Marcotte est un bon ami de plusieurs autres rancheurs canadiens-français qui sinstallent dans le territoire qui deviendra, en 1905, la Province de la Saskatchewan. «Parmi ceux-ci, avec lesquels notre histoire est associée, il y avait Alphonse et Ernest Béliveau, qui ayant reçu de laide financière de Ben Prince, avaient chacun leur ranch, le premier à Horse Hill et lautre sur le site actuel de Turtleford. Michel Côté et Burke avaient des ranchs dans le district de Bolney. Étienne Roussel avait un ranch à Emmaville.»(2) Benjamin et Alphonse Prince de Battleford et Émile Richard de Richard sont aussi des amis de Joseph Marcotte.
Certains de ces rancheurs canadiens-français quittent la région à la fin du siècle dernier pour se rendre chercher de lor au Klondyke: «La fièvre du Yukon frappe la région des Battlefords en 1897... Les frères Béliveau se rendent à Edmonton en bateau, puis ensuite à Calgary où ils apprennent comment charger des chevaux pour le long trajet. Ils achètent environ 20 chevaux, mais nen ont plus lorsquils arrivent au Yukon.»(3) Joseph Marcotte est de ce groupe. Toutefois, si Ernest Beliveau ne revient pas du Klondyke avant 1906, Joseph Marcotte est de retour en 1900. Cette année-là, il épouse une jeune autrichienne, Anielka Belinski. Une fille naît de ce mariage en 1903. Puisquil ny a pas encore déglise, ni de missionnaire dans la région de Prudhomme, les Marcotte doivent se rendre à Fish Creek, à 40 kilomètres au nord-ouest, pour faire baptiser leur petite fille quils nomment Lally. Puisquelle est le premier bébé blanc dans la région, on décide que la future gare du Canadien Northern ne portera pas le nom de Marcottes Crossing, mais plutôt celui de Lallys Siding. Joseph Marcotte nest pas le seul de sa famille qui sinstalle dans la région. Ses frères Georges et Alcide arrivent en même temps que lui. Célibataire, Georges prend un homestead dans la région. Une fois dans la quarantaine, il épouse la veuve Painchaud. Plusieurs années plus tôt, Georges avait été servant de messe au mariage de Desneiges Fontaine et Joseph Painchaud et il avait longtemps admiré Desneiges. Après la mort du mari Painchaud, Desneiges est laissée avec une famille de 13 enfants. Georges la demande en mariage et adopte les enfants Painchaud. Ce serait Georges qui aurait demandé à lévêque du diocèse de Prince Albert, Mgr Albert Pascal, o.m.i., denvoyer un curé pour desservir les gens de la région de Buffers Lake. Un autre frère, Alcide, est également dans la région dès 1897. Mieux instruit que ses frères, Alcide devient entrepreneur. Lorsque la ligne de chemin de fer du Canadien Northern est construite vers 1905, il est propriétaire dhôtels à Warman, Osler, Hudson Bay et Vaunder (Vonda). Alcide Marcotte joue un rôle dans le choix du quatrième nom donné à Prudhomme. En 1906, dautres colons canadiens-français et hongrois se sont établis dans la région. Louis Lafrenière ouvre un magasin et un bureau de poste. Quel nom va-t-on donnée au bureau de poste? Lavocat dAlcide Marcotte, un dénommé Howell de Winnipeg, accepte de prêter son nom pour la nouvelle communauté. Jusquen 1922, la région sera connue sous le nom de Howell. Alcide Marcotte quitte la région peu de temps après pour soccuper de son hôtel à Hudson Bay. Il meurt là-bas en 1920.
Aimé Marcotte est venu de Oak Lake, Manitoba, sétablir comme squatteur sur le Blue Bell Ranch en 1903. Pendant les premières années, il sert de guide à beaucoup des nouveaux arrivés dans la région, comme Clotaire Denis, père, en 1905. Aimé Marcotte est le premier forgeron de Prudhomme, puis propriétaire de lagence Massey Harris. Il a aussi été propriétaire de la salle de billard du village. En 1913, il ouvre un magasin général au village avec son beau-frère, Charles Masson. Aimé avait épousé Anna Vigneault à Oak Lake avant de venir en Saskatchewan. En 1934, Aimé et son épouse sont allés sinstaller avec leur fils, Émile, à Crystal Springs où il meurt en 1943. Adélard Marcotte, encore un autre frère de Joseph, avait marié Anastasie Colleaux à Oak Lake, Manitoba, avant de venir en Saskatchewan. Cest dabord à Fish Creek, au sud de Batoche, quAdélard prend son premier homestead. En 1904, il vient rejoindre ses frères à Prudhomme. Cest chez lui que les parents des deux conjoints (Joseph Alexandre et Rose-Lima Marcotte et Alexandre et Marie-Thérèse Colleaux) ont vécu leur derniers jours. En 1939, Adélard et Anastasie se retirent au village de Prudhomme où il meurt en 1963 à lâge de 97 ans.
Un autre frère Marcotte, Moïse, arrive dans la région en 1898. Cest la ruée vers lor du Klondyke et, comme déjà mentionné, Joseph a décidé de se joindre à son vieil ami, Ernest Béliveau, et de partir à laventure vers le Yukon. Moïse vient au Blue Bell Ranch pour soccuper des animaux pendant labsence de son frère. Après le retour de Joseph, Moïse prend un homestead dans la région, le carreau sud-ouest de la section 28, Township 38, Rang 28 à lOuest du 2e Méridien. En 1907, il épouse Caroline Bandet et quelque temps plus tard, il vend son terrain et quitte la région pour Prince Albert. Il s'établit ensuite à St-Louis et enfin sur un lot de rivière à St-Laurent. Au début des anées 1920, il est de retour à Prudhomme où il meurt en 1931. Deux soeurs Marcotte viennent aussi sétablir dans la région du Blue Bell Ranch. Marie avait épousé Henri Loiselle à Oak Lake. Le jeune couple fait un séjour à Fisher au Dakota du Nord, avant de venir sétablir à Prudhomme en 1905. En 1914, il y a un autre déménagement pour Henri et Marie. Cette année-là, ils vendent leur terrain de Prudhomme et vont sétablir à Hudson Bay où Alcide Marcotte est propriétaire dun hôtel. Marie et ses filles y opèrent une boulangerie pour quelques années. Marie est décédée en 1938 à cet endroit. Lautre soeur Marcotte, Rosanna, avait épousé Charles Masson à Oak Lake en 1890. En 1903, Charles et Rosanna déménagent à Duck Lake où Charles travaille pour un «vieux garçon» (un célibataire). Lannée suivante, il achète une écurie de chevaux de louage à Saskatoon et fait des livraisons dans la ville et les environs. Il gère aussi un service de transport de passagers en buggy. Cest lui qui conduit Léon Denis et sa famille jusquau homestead de Clotaire en 1905. En 1908, Charles prend un homestead à Prudhomme et il achète une autre écurie de chevaux de louage. En 1913, il se joint à son beau-frère, Alcide, et ouvre un magasin général à Prudhomme. Rosanna meurt chez sa fille, à Crystal Springs, en 1937. Un curé français pour une nouvelle paroisse En 1904, Mgr Albert Pascal envoie un prêtre nouvellement arrivé dans son diocèse pour fonder la paroisse des Saints Donatien et Rogatien à Lally's Siding. Il sagit de labbé Constant Bourdel. Né à Saint-Mars-la-Jaille (Loire-Atlantique) en France, le 21 octobre 1861, il était âgé de plus de quarante ans lorsquil a décidé, en 1904, de quitter la France pour les lointaines prairies de lOuest canadien: «Lidée lui en était venue soudain en soccupant dy diriger quelquun de sa famille. Il arriva donc en 1904 avec un neveu, Joseph Poilièvre, et sa femme, là où devait naître la paroisse dHowell, dont le nom fut plus tard changé en celui de Prudhomme.»(4)
Joseph Poilièvre avait quitté la France le 29 mars 1904, avec labbé Lefloch et les colons de Saint-Brieux. Quelques mois plus tard, son oncle obtient la permission de le suivre vers le Canada. «Cétait en juin 1904. Je me suis préparé immédiatement pour mon départ. Un groupe dimmigrants devait quitter le 10 juillet avec labbé Gaire et je voulais être avec eux. Mes études du nord du Canada mavaient renseigné quil fallait y être tôt lautomne afin de se préparer pour un hiver sévère.»(5) Il quitte la France le 20 juillet et arrive à Prince Albert le 7 août en compagnie de Joseph Poilièvre et de la fiancée de son neveu (qui sétaient arrêtés à Sainte-Agathe au Manitoba). À Prince Albert, il apprend de Mgr Pascal quil aura une paroisse avec 80familles et que cette paroisse sera à un endroit portant le nom de Lallys Siding. Les trois Français se rendent au ranch de Joseph Marcotte où labbé Bourdel apprend que les Marcotte ont exagéré le nombre de familles dans la région. Il ny a pas encore les 80 familles promises. Cest Georges Marcotte qui a donné ce chiffre à Mgr Pascal dans le but dy obtenir un curé. «Étant un homme religieux, il était heureux de rencontrer son curé. Cétait lui qui avait demandé à Mgr Pascal un prêtre parce quil y avait quatre-vingts familles dans la région. (Cétait, bien sûr, le rêve du Père Georges pour lavenir.) En 1903, environ 50 homesteads avaient été pris, surtout par les Métis de Fish Creek. Lorsque je suis arrivé en 1904, il y avait seulement quelques familles, surtout Georges, Aimé, Joseph et Adélard Marcotte, Philippe Lafrenière, arrivé lannée précédente, et deux autres familles nouvellement arrivées de la Belgique deux mois plus tôt, Georges Vanderbeck et Émile Henriet.»(6)
Sa première préoccupation est de trouver un homestead. Il choisit un carreau de la section 2 sur lequel il y a une belle grande butte. Il fait bâtir sa maison sur le haut de cette butte où il peut voir de superbes couchers de soleil. Mais, lhiver venu, il est la victime des grands vents froids et regrette le choix de l'emplacement de sa maison. Il veut étudier langlais: il retourne donc à Prince Albert pour deux semaines, soit jusquau 1er septembre. Au début septembre, il est de retour à Lallys Siding. Cest dans la maison de Joseph Marcotte quil chante sa première messe quelques semaines plus tard. «Le nouveau curé célébra la messe le dimanche, dans la demeure du plus ancien catholique de lendroit, pour cinq familles et deux célibataires des environs.»(7) Il ne tarde pas à voir à léducation des enfants. Dès lautomne 1904, il demande à Mgr Pascal de lui envoyer des religieuses de la congrégation des Filles de la Providence, arrivées quelques années plus tôt à Prince Albert et à Saint-Louis. Celles-ci viendront établir un couvent à Howell dès 1905. Il demande aussi et obtient la permission détablir un district scolaire public catholique à Howell en 1905. Ce sont des religieuses du couvent qui enseigneront le français et la religion à lécole Vester. Labbé Constant Bourdel se préoccupe aussi beaucoup des causes canadiennes-françaises. En 1910, il est parmi ceux qui aident à fonder Le Patriote de lOuest à Duck Lake. Dans ses mémoires, Raymond Denis nous parle dune réunion qui a lieu à Duck Lake en 1909. «Pendant que nous nous réunissions à Vonda pour assister au congrès de 1909, plusieurs prêtres, le même jour, se réunissaient à Duck Lake pour étudier la possibilité de créer un journal catholique et français. Je puis citer les noms du Père Charlebois, principal de lécole St-Michel de Duck Lake, qui devint plus tard Mgr Charlebois, vicaire apostolique du Pas, M. labbé Bourdel, curé de Prudhomme (Howell dans le temps), devenu ensuite Mgr Bourdel, et M. labbé Myre, curé de Bellevue.»(8)
Deux ans plus tard, en 1912, il est de nouveau à Duck Lake lors de lassemblée de fondation de lAssociation catholique franco-canadienne de la Saskatchewan. Labbé Constant Bourdel passera le reste de sa vie à Prudhomme. Avant sa retraite, il voit un de ses jeunes protégés, labbé Maurice Baudoux, lui succédé comme curé de la paroisse des Saints Donatien et Rogatien. Après sa retraite, il demeure dans le village pour prêter main-forte au curé. Il est décédé à lhôpital catholique de Cudworth, le 23 mai 1951, à lâge de 89 ans. Il est enterré au cimetière de Prudhomme. La famille Lafrenière L'une des premières familles qui vient sétablir dans la région de Lallys Siding, avec les Marcotte, est celle de Louis Simplicien (Pien) Lafrenière. Cette famille était originaire de Saint-Justin au Québec, mais elle avait émigré aux États-Unis vers 1880, où Simplicien avait pris une ferme à McGregor, Minnesota. Marié à Rose-Délima Clément, sa famille comptait six enfants, dont trois fils et trois filles.
Au début du XXe siècle, il entend parler des terres gratuites offertes par le Gouvernement du Canada dans les Territoires du Nord-Ouest. En 1901, il envoie son fils, Philippe, évaluer la situation. Celui-ci se rend dans la région du ranch de Joseph Marcotte et, en 1902-1903, lorsque le terrain est ouvert à la colonisation, il est le premier à prendre un homestead. Puis, il fait venir les autres membres de sa famille: son père Simplicien, ses frères Charles et Adélard, sa soeur Roseanne et son mari Louis Trempe, ainsi que des cousins, les Fleury. Tous sont établis dans la région en 1905. Chacun prend un homestead: Philippe a réservé le carreau nord-est de la Section 6, Rang 27, Township 39 à lOuest du 2e Méridien; Charles sinstalle sur le carreau nord-est de la section 14, en face de son frère; Adélard est sur le carreau nord-est de la section 10 et Louis Trempe prend le carreau nord-ouest de la section 6. Simplicien est un intellectuel. Autodidacte, il a été instituteur avant démigrer aux États-Unis. Il est violoneux et peut facilement composer de la musique et des chansons. À Marquette au Michigan, il avait été chef de la chorale. Installé à Howell, il assume la direction de la chorale de la paroisse des Saints Donatien et Rogatien. Deux de ses arrières-petits-fils ont dailleurs fait partie du groupe les Shenandos durant les années 1960 et 1970. Adélard Lafrenière suit son frère Philippe vers le Nord-Ouest en 1903. Il prend un homestead environ deux kilomètres à lest de Vaunder où il construit un simple shack recouvert de papier goudronné. Lannée suivante, il fait venir sa famille: son épouse, Alphonsine Villeneuve, et ses enfants Harry, Eddie, Clarence et Lillian. Adélard nest toutefois pas intéressé à vivre sur son homestead. Il achète 40 acres de terrain près de Lallys Siding et, puisque son homestead est situé à moins de neuf milles de ce terrain, il peut lobtenir comme préemption. En 1905, il ouvre un magasin général à Lallys Siding et, puisquil ny a pas encore de service de «malle» dans la région, il écrit à Ottawa afin d'obtenir la permission douvrir un bureau de poste. Cest à ce moment que survient un autre changement de nom pour la communauté. On suggère le nom de lavocat dAlcide Marcotte, un nommé Howell de Winnipeg. Le nom est accordé au bureau de poste. Adélard Lafrenière s'implique activement dans les affaires de la communauté. Il est membre de la chorale de la paroisse qui est dirigée par son père et il devient syndic. Il est pendant longtemps commissaire de lécole Vester et il est maire du village de Howell en 1908-1909. En affaires, à part le magasin général et le bureau de poste, Adélard est secrétaire de la fromagerie construite sur son terrain de 40 acres. Il est aussi agent déquipement agricole pour la compagnie Massey Harris. Adélard est décédé en Colombie Britannique en 1947.
Comme ses frères, Charles Lafrenière était venu des États-Unis vers 1903 et avait pris un homestead près de son frère Philippe. En 1912, il perd contrôle de ses chevaux dans le village de Howell et est tué accidentellement. Philippe, entre-temps, avait vendu son homestead à Charles Masson, en 1908, et était retourné aux États-Unis. À la mort de son frère, il revient à Howell où il achète la demi-section de Hubert Radoux à trois kilomètres du village. Avant son départ pour les États-Unis en 1908, Philippe avait aidé à établir le district scolaire de Vester et avait été employé à lhòtel dAlcide Marcotte à Warman. Après son retour en 1912, il simplique dans les affaires de la municipalité rurale de Grant. En 1917, Philippe vend son terrain au docteur Lavoie et achète un magasin général au village. Il est décédé en 1968 à lâge de 96 ans. Le premier médecin à Prudhomme Au début des années 1920, la plupart des communautés francophones de la Saskatchewan pouvaient compter sur les services dun médecin de langue française. Nombreux d'entre eux avaient été éduqués à lUniversité Laval et la présence en Saskatchewan de lancien recteur de ce collège, Mgr. Mathieu, aidait au recrutement.
Howell accueille son premier médecin en 1912. Il sagit du docteur Martial Lavoie de Granby au Québec. À leur arrivée en ville, le docteur et madame Lavoie sinstallent dans un appartement au-dessus de la Banque dHochelaga. Lannée suivante, il fait bâtir une maison en face de lécole publique catholique. Ce nest quen 1916 quil ouvre un bureau pour accueillir les patients. Auparavant, il voyait les malades chez lui. En même temps quun bureau, le docteur Martial Lavoie ouvre une pharmacie en 1916, dont il est co-propriétaire avec son beau-frère, Élie Tardif. À cette époque, cest chose commune pour le médecin dêtre également propriétaire de la pharmacie. Hippolite Lévesque est embauché comme pharmacien. Le docteur Lavoie semble avoir été un médecin soit grandement apprécié ou grandement détesté. Dans la famille dEugène Fontaine, le docteur Lavoie était presquun dieu. Navait-il pas sauvé la vie de leur fils, Georges, en 1914 frappé subitement dune attaque dappendicite? Et, en 1917, quand la conjointe d'Eugène, Lydia, avait de terribles douleurs à cause de pierres à la vésicule biliaire, navait-il pas été présent pour lui sauver la vie? Pendant des années, jusquà son départ de Prudhomme en 1924, madame Fontaine essayera de le repayer en lui fournissant du beurre. D'un autre côté, le docteur Lavoie nétait pas le favori de Raymond Denis de Vonda. Ce dernier croyait fermement que le bon docteur navait pas fait suffisamment pour sauver la vie de sa fille en 1918. Il faut noter que lantagonisme entre Raymond Denis et le docteur Martial Lavoie relevait également de leur chicane dans larène politique francophone. Raymond Denis, un Français dorigine, rêvait dassumer la présidence de lACFC. Au Congrès de lorganisme en 1923, il est élu président de lassociation des commissaires décoles, lACEFC. Toutefois, dans les débats entourant la présidence de lACFC, le clan Canadien, mené par le curé de St-Louis, labbé Louis-Ignace Adam, fortement appuyé par le docteur Lavoie, sopposait farouchement à lélection dun Français. Dans le but darriver à une certaine cohésion dans la communauté francophone, Raympond Denis doit retirer sa candidature en faveur de celle du commandeur Joseph-Eldège Morrier, un Canadien.
Cest à peu près au même moment que survient la question de changer le nom du village de Howell. Le docteur Lavoie y joue à nouveau un rôle important. Selon une pionnière de la région, ce dernier changement ne se serait pas fait sans chicane: «Il y avait des rencontres tous les soirs, les discussions étaient vives. M. labbé Bourdel et certains paroissiens voulaient que le nouveau nom soit Hélène ou Sainte-Hélène en honneur de mademoiselle DeJoie. Dautres voulaient garder le nom de Howell et certains autres suggéraient des noms comme Marcotteville, etc. Apparemment le docteur Lavoie, voulant arrêter toute la chicane, mais sans avoir consulté qui que ce soit, a écrit à Ottawa pour dire que le nouveau nom était Prudhomme.»(9) La pionnière termine son histoire en disant que le bon docteur quitte le village peu de temps après quOttawa eut officiellement confirmé le nouveau nom. Le docteur Martial Lavoie se retrouve, en 1924, à Gravelbourg où il a contribué à la construction de lHôpital St-Joseph et à la venue des Soeurs Grises dans cette ville. La paroisse des Saints Donatien et Rogatien La paroisse des Saints Donatien et Rogatien est créée le 15 août 1904, le jour de larrivée de labbé Constant-Jean-Baptiste Bourdel. Il demeure curé de la paroisse jusquen 1931 lorsquil est remplacé par labbé Maurice Baudoux. Tel que mentionné, Mgr Pascal avait promis à l'abbé Bourdel 80 familles dans la région. Lorsquil est arrivé, seules les familles des frères Marcotte et quelques célibataires y habitaient. Au début, le nouveau curé chante la messe dans la maison de Georges Marcotte. Mais il ne tarde pas à construire une maison pour lui-même, son neveu Joseph Poilièvre et l'épouse de ce dernier. Cette maison sert déglise pour quelques mois jusquen 1905. Au printemps, on bâtit un nouvel édifice appelé à devenir le couvent des Filles de la Providence qui avaient accepté de venir établir une école à Howell. Le couvent a servi déglise jusquen 1907, lannée où on fait bâtir léglise actuelle.
Léglise des Saints Donatien et Rogatien est un cadeau de mademoiselle Hélène Dejoie. Née à Nantes en France, le 25 juillet 1861, Hélène Dejoie est la fille dun riche capitaine de la marine française. À la mort de ses parents, elle hérite dune fortune quelle promet de consacrer à de bonnes oeuvres. Elle entend parler de la mission de labbé Bourdel au Canada et vient rejoindre le curé à Howell, en mai 1905. Sa fortune servira pour défrayer les coûts de construction de léglise, du presbytère et du premier couvent de Howell. Mademoiselle Dejoie est l'une des victimes de la fameuse grippe espagnole en 1918. Léglise des Saints Donatien et Rogatien est une structure de 40 par 60 pieds semblable à la première cathédrale de Prince Albert. Les coûts de construction en 1907 sont de 6 000 $. La première messe chantée dans la nouvelle église est la Messe de minuit de 1907. Labbé Constant Jean-Baptiste Bourdel avait étudié la musique en France et il était un passionné des chants grégoriens. Dès 1909, il fonde la chorale de Howell et y prend un intérêt particulier. Il insiste beaucoup sur la transmission des valeurs culturelles francophones. À cette fin, dès 1913, il achète la vieille école Vester quil transforme en salle paroissiale. Des activités régulières ont lieu dans cette salle: concerts, projection de films, etc. Léglise est rénovée en 1929; entre autres, on y ajoute deux tours et on élimine deux fenêtres. Les travaux de rénovation sont terminés à temps pour lordination en juillet 1929 de deux fils de la paroisse, soient labbé Alexandre Grimard et labbé Maurice Baudoux. Ce dernier devient vicaire de la paroisse des Saints Donatien et Rogatien immédiatement après son ordination et curé en 1931 lorsque labbé Bourdel prend sa retraite. Le décès de mademoiselle Dejoie en 1918 avait éliminé les dettes de la paroisse. Toutefois, durant les années de la crise économique, les paroissiens ne peuvent pas payer leur dîme. On accepte alors du blé en paiement de la dîme. Ce blé est entreposé dans une pièce annexe à la salle paroissiale. Le blé est vendu au début de la guerre. Labbé Maurice Baudoux demeure curé de la paroisse des Saints Donatien et Rogatien jusquen 1948. Cette année-là, il est sacré évêque du nouveau diocèse de St-Paul en Alberta. La cérémonie dinvestiture de Mgr Baudoux a lieu dans léglise des Saints Donatien et Rogatien. Depuis 1948, plusieurs prêtres se sont succédés à la direction de la paroisse. Deux autres fils de la paroisse ont été ordonnés prêtres, André Poilièvre en 1962 et Maurice Jeanneau en 1964. Les deux sont des arrières-petits-neveux du curé fondateur, Monsignore Constant Bourdel.
Conclusion Aujourdhui, comme bien dautres villages de la Saskatchewan, Prudhomme nest plus un centre économique et religieux important comme il létait durant ses 50 premières années. Nombreuses sont les familles qui ont quitté la région pour sétablir dans la grande ville. Lécole est fermée, les Filles de la Providence ont abandonné leur couvent depuis bien des années et le curé de paroisse doit être partagé avec les paroisses avoisinantes. Malgré tout, Lallys Siding, Howell, Prudhomme demeure «chez nous» pour des milliers de descendants des braves pionniers qui ont premièrement planté leur charrue dans le sol de la région. Sources et références: (1) Prudhomme History Committee, Life As It Was, Prudhomme, Saskatchewan, 1897-1981, Prudhomme (Saskatchewan): Prudhomme History Committee, 1981, p. 3 (2) Paradise Hill and District Historical Committee, Paradise Hill and District Homecoming, 1980, Paradise Hill: Paradise Hill and District Historical Committee, 1980, p. 7. (Traduction) (3) Ibid., p. 7. (Traduction) (4) Frémont, Donatien, Les Français dans lOuest canadien, Saint-Boniface: Les Éditions du blé, 1980, p. 122. (5) Prudhomme History Committee, Life As It Was, Prudhomme, Saskatchewan, 1897-1981, Prudhomme: Prudhomme History Committee, 1981, p. 66. (Traduction) (6) Prudhomme History Committee, Life As It Was, Prudhomme, Saskatchewan, 1897-1981, Prudhomme: Prudhomme History Committee, 1981, p. 68. (Traduction) (7) Frémont, Donatien, Les Français dans lOuest canadien, Saint-Boniface: Les Éditions du blé, 1980, p. 122. (8) Denis, Raymond, Mes mémoires, Copie du manuscrit aux Archives de la Saskatchewan. Volume 1, p. 13. (9) Prudhomme History Committee, Life As It Was, Prudhomme, Saskatchewan, 1897-1981, Prudhomme: Prudhomme History Committee, 1981, p. 3. (Traduction) |
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