Des motsCauxerLa parlure fransaskoise comprend plusieurs anglicismes et comme je l'ai déjà mentionné, nous avons tendance à croire que ces mots anglais se sont glissés dans notre vocabulaire depuis seulement quelques années. Tout en feuilletant le manuel de l'abbé Blanchard, je découvre que plusieurs de ces anglicismes nous ont été transmis par nos ancêtres venus du Québec. Puisque nous sommes bilingues depuis plusieurs générations, et que nous voyons certains de ces mots écrits en anglais régulièrement, il est probable que nous les utilisons avec l'orthographe anglaise. Je viens de vous donner l'exemple du mot slush. L'historien franco-manitobain, Rossel Vien, avait, par contre, une épellation française pour ce mot: sloche. Parcourant le Dictionnaire du bon langage on trouve d'autres exemples d'anglicismes qui ont été francisés, c'est-à-dire qu'on leur a donné une épellation française. Lorsqu'on dit qu'on veut encourager quelqu'un à faire quelque chose, on va dire qu'on cherche à le coaxer, à l'enjôler à faire ce qu'on veut qu'il fasse. L'abbé Blanchard avait francisé ce verbe en écrivant cauxer. Le cauxeur est le cajoleur, l'enjôleur, l'excitateur. Toutefois, l'abbé Blanchard ajoute une autre définition au mot cauxeur: «l'entraîneur, le coach d'une équipe». En Saskatchewan, cette définition du mot n'est jamais utilisée, mais n'est-il pas vrai que l'instructeur d'une équipe est bel et bien un cauxeur, puisqu'il incite et excite ses joueurs à donner un plein rendement. D'autres mots venant de l'anglais nous sont tellement familiers que nous sommes surpris d'apprendre que ce sont des anglicismes. Un exemple surprenant, pour un amateur du bridge comme moi, est le verbe discarter. Ce verbe vient de l'anglais discard et devrait être remplacé par écarter ou enlever des cartes. On a tous dit, à un moment ou à un autre «aller déconnecter le courant» avant de se faire dire qu'on devrait «aller débrancher le courant». L'abbé Blanchard dit plutôt disconnecter et selon lui on devrait dire «disjoindre, désunir ou débrayer» plutôt que débrancher. Disconnecter, dans le cas d'une conversation téléphonique, devrait être «rompre la communication». Comment ça file «feel» ce matin? Pas trop enrhumé? Il y a une longue filée de voiture pour embarquer sur le bac. Dans le premier exemple, feel, il faut dire comment vous-portez vous ce matin? Dans le deuxième cas, line-up, il faut dire une longue suite de voiture ou une longue file de voiture, et non pas une filée. Même le verbe enrhumer qu'on peut retrouver dans le Petit Robert et qui veut dire causer le rhume est à corriger selon l'abbé Blanchard. Au lieu de dire avoir une voix enrhumée, il faudrait dire «avoir une voix enrouée ou éraillée». Et dans le cas d'être trop enrhumé pour parler, le bon abbé suggère qu'on dise «être aphone». Enfin, il y a un autre verbe que l'on utilisait souvent chez-nous. Il s'agit du verbe étriver. Je me souviens que ma mère disait souvent au plus vieux: «Allez-vous bien arrêter d'étriver les plus jeunes!» Dommage qu'elle n'avait pas le dictionnaire de l'abbé Blanchard sous la main pour changer son refrain puisqu'il suggère plusieurs mots à utiliser au lieu d'étriver, comme «gouailler, railler, tracasser, taquiner, agacer et contrarier.» Dans son Dictionnaire de la langue québécoise, Léandre Bergeron étale les dérivés suivants du verbe étriver: «étrivant(e): adj. ou n.m. ou f. – taquin, agaçant. étrivation: n.f. – taquinerie.» Comme vous pouvez en déduire, ces dérivés ne sont peut-être pas acceptés par le Petit Robert et ils sont peut-être déconseillés par l'abbé Blanchard, mais ils ont fait leur chemin dans notre vocabulaire de tous les jours. |
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