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Des mots

Canard

Une lettre m'est arrivée la semaine dernière de madame Rosamande Hoey de Prince Albert. Il y a quelques semaines, j'ai parlé de la bizaine, le mot que nous utilisions chez nous pour décrire le «gopher». Dans une autre chronique, il était question du mot safre, c'est à dire être gourmand. Madame Hoey écrit pour dire: «D'abord chez nous on disait une pisanne au lieu de bizaine – aussi on disait être saffe au lieu de sarfe comme madame Yvette Gaudet mentionnait.» Madame Hoey est originaire de Bellevue, comme Mme Gaudet et même dans une même région les gens pouvaient avoir différents termes pour décrire la même chose.

Madame Hoey suggère d'autres mots qu'elle se souvient avoir utilisé durant sa jeunesse à Bellevue. Le premier est très commun et était utilisé un peu partout au Canada français. Il s'agit du mot canard pour décrire la bouilloire «le récipient métallique pansu, muni d'un bec et d'une anse, destiné à faire bouillir de l'eau.» (Petit Robert). Le Petit Robert, hélas, ne reconnaît pas la définition canadienne du mot canard.

Dans plusieurs foyers canadiens français de la Saskatchewan on disait souvent bombe au lieu de canard ou de bouilloire. Dans le Dictionnaire du français québécois il y a plusieurs références au mot bombe pour décrire la bouilloire. Une des références citée vient d'un document de 1793 de l'Îles-aux-Coudres «Une bonbe ou canar de fer». Dans ce même ouvrage on explique que: «Bombe est connu à peu près partout au Canada français. Dans la vallée du St-Laurent, il a été relevé de façon systématique depuis Champlain et Nicolet jusqu'aux confins de l'Acadie. Synonyme: Dans l'Ouest du Québec, notamment dans la région montréalaise, on utilise plutôt canard. En Acadie on recourt généralement à coquemar, c'était d'ailleurs le mot en usage en Nouvelle-France (au XVIIIe siècle on employait aussi hôpital dans le même sens). Sous l'influence de la langue de la publicité, bombe perd du terrain devant le français bouilloire; le mot n'a plus des assises aussi solides qu'il y a quelques années.»

Dans un autre passage dans ce même dictionnaire, on peut lire: «Relevé par la plupart des glossairistes et puristes depuis 1810 (plusieurs indiquent que bombe est de Québec et canard de Montréal).» Puisque la plupart des francophones de Bellevue venaient de la région de Montréal (Saint-Jacques l'Achigan), il n'est donc pas surprenant que le mot utilisé dans ce coin de la province était canard.

Madame Hoey suggère aussi le mot bâleur. Sur les vieux poêles à bois de cuisine de l'époque, il y avait généralement un réservoir à eau. Lorsque le poêle chauffait, l'eau devenait chaude et la ménagère pouvait utiliser l'eau pour laver la vaiselle ou même le linge de la famille. De nombreuses familles canadiennes françaises donnaient le nom de bâleur à ce réservoir à eau. Le mot vient de l'anglais «boiler». Comme dans bien d'autres cas, le mot n'est pas originaire de la Saskatchewan, mais bien au Québec. Dans son Dictionnaire de bon langage, l'abbé Étienne Blanchard suggère de corriger bâleur par chaudière, générateur ou bouilloire. Le mot était alors utilisé au Québec à la fin du siècle dernier.

Enfin, madame Hoey propose le mot séparateur, la machine utilisée pour séparer la crême du lait. Le Petit Robert accepte le principe du séparateur: «Appareil destiné à séparer les composantes d'un mélange.» Toutefois, dans le cas de la machine utilisée pour séparer la crême du lait, la plupart des dictionnaires suggèrent le mot écrémeuse. C'est que depuis 1890 on accepte le verbe écrêmer.

Dans leur excellent livre, Histoire des Franco-canadiens de la Saskatchewan, Lucille Tessier et Richard Lapointe parlent de l'écrémeuse: «Dans bon nombre de fermes, on trouve une écrémeuse, qu'on appelle ici comme au Québec un séparateur à lait.»





 
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