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Des gens

Camille Gaudet

Bellevue, Sask.— Le mercredi 6 courant s’éteignait dans le baiser du Seigneur, à l’âge de 63 ans, un homme estimé et aimé de toute notre paroisse, et de tous ceux qui le connaissaient: M. Camille Gaudet. Le défunt a été conduit à sa dernière demeure par on peut dire toute la paroisse de Bellevue. Beaucoup étaient venus aussi des paroisses voisines, désireux de donner au défunt et à sa famille ce témoignage de sympathie.
Patriote de l’Ouest
le 21 octobre 1915
La Saskatchewan a surtout été peuplée dans les deux premières décennies du XXe siècle alors que les gouvernements et les compagnies de chemin de fer menaient de vastes campagnes de publicité au Canada, aux États-Unis et en Europe dans le but d’attirer des colons pour l’Ouest canadien. Il y en a toutefois eu certains hardis qui sont venus plus tôt; ils ont fondé les communautés de Bellegarde et Cantal dans le sud-est de la Saskatchewan, Willow Bunch dans la région de la Montagne des Bois et Duck Lake, Saint-Louis, Domrémy et Bellevue dans la région de Batoche. Camille Gaudet a été un de ces aventuriers de la première heure.

Il est né en 1852 à Saint-Jacques de l’Achigan, un petit village québécois près de Joliette. Il est le troisième fils d’Élie Gaudet et d’Adéline Dupuis. Vers 1880, il épouse Marie-Louise Lepage, fille d’Antoine Lepage et de Mathilde Robichaud de Saint-Jacques. Cinq enfants, trois garçons et deux filles naissent à Saint-Jacques entre 1881 et 1892.

À cette époque, les terres cultivables commencent à se faire rares au Québec. Des milliers de jeunes familles canadiennes-françaises ont déjà pris la route des États-Unis pour y gagner leur vie dans les usines de la Nouvelle-Angleterre ou dans les chantiers du Minnesota et du Wisconsin.

Un cousin des Gaudet, Azarie Gareau, est déjà établi dans le district de la Saskatchewan dans les Territoires du Nord-Ouest depuis 1882. Pendant l’hiver 1892, il reçoit une passe gratuite d’une compagnie de chemin de fer pour se rendre dans l’Est pour recruter de nouveaux colons. Il visite ses cousins à Saint-Jacques. À l’automne 1892, Edmond Gaudet, le frère de Camille, se rend à Edmonton pour chercher des belles terres, N’en trouvant à son goût, il reprend le chemin de l’Est. En route, il arrête à Batoche visiter Azarie Gareau. Ce dernier réussit à le convaincre de venir prendre un homestead à cet endroit.

À son retour à Saint-Jacques, il réussit à convaincre son frère de l’accompagner dans l’Ouest. «Le 21 mars 1894, les familles de Camille et Edmond se rendent à Joliette, à huit milles de Saint-Jacques, pour y passer la nuit. Le train quitte Joliette de bonne heure le matin. On sera prêt. L'agent de la gare regarde tout ce monde et conclut que tous les enfants sont en bas de douze ans, excepté Hermas, l'aîné de Camille: il a douze ans, alors, plein prix.»(1)

Les deux familles arrivent à Duck Lake le 26 mars 1894. Ils s’installent sur leur homestead; Camille est sur le carreau N.O. 12-44-28-W2 et Edmond le carreau N.E. «Un squatteur avait cassé du terrain, une petite prairie à l'ouest de l'emplacement de la future maison de Camille. La première récolte fut un bienfait, le salut de la famille.»(2)

Le 4 juillet, l’épouse de Camille, Marie-Louise, donne naissance à un sixième enfant, une petite fille nommée Marie. La mère meurt des «suites» de la naissance, laissant Camille veuf avec six enfants. «S'ils avaient eu l'argent nécessaire, ils seraient retournés dans l'est. On est pris: on est capable de se débrouiller pour survivre. Hermas, l'aîné de Camille, aidait son père. Le travail de la maison ne lui disait rien qui vaille. Louisa, 10 ans, et Lumena, 8 ans, doivent suppléer la maman. Ce fut très dur!»(3) Puisque la paroisse de Saint-Isidore de Bellevue n’existe pas encore, Marie-Louise Gaudet a été enterrée dans le cimetière de Batoche.

Camille Gaudet ne s’est jamais remarié. Il a élevé seul ses enfants, avec l’aide de sa belle-soeur Delvina (l’épouse d’Edmond) et de sa soeur Julie (la femme d’Ulric Grenier) qui arrive en 1895.

Camille Gaudet a été entrepreneur (il faisait de la chaux dans le bord de la butte Minichinas), fermier (il reçoit les lettres patentes de son homestead en 1909) et père de famille. Il s’est aussi intéressé aux causes françaises, ayant été un des premiers membres de l’ACFC. M. Gaudet s’était intéressé dès la première heure à la fondation du Patriote de l’Ouest et y avait souscrit généreusement. Il comprenait l’importance de la presse catholique.»(4)

Camille Gaudet n’a jamais eu l’occasion de retourner au Québec. Il n’en a jamais eu les moyens. Il est décédé le 6 octobre 1915 et a été enterré dans le cimetière de Bellevue. Il a laissé une nombreuse descendance en Saskatchewan. Camille Gaudet était mon arrière-grand-père.

(1) Gaudet, abbé Roland, «LES GAUDET - UN CENTENAIRE: 1894-1994», Revue historique, Regina: Société historique de la Saskatchewan, Volume 4, Numéro 3, mars 1994, p. 1.
(2) Ibid., p. 2.
(3) Ibid., p. 3.
(4) «Mort de Camille Gaudet», Le Patriote de l’Ouest, le 21 octobre 1915.

Sources
Gaudet, abbé Roland, «LES GAUDET - UN CENTENAIRE: 1894-1994», Revue historique, Regina: Société historique de la Saskatchewan, Volume 4, Numéro 3, mars 1994.

«Mort de Camille Gaudet», Le Patriote de l’Ouest, le 21 octobre 1915.





 
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