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Des mots

Cabale

Le Canada s'en va au diable, comme dirait le vieux dicton. Au Canada, les hommes politiques s'acharnent à se disputer sur des virgules et des points dans une constitution que personne ne peut, ni ne veut comprendre. Un éditorial de Ron Petrie, dans le Leader Post de la semaine dernière, disait la chose la plus sensée que j'ai entendu dernièrement – soit qu'on devrait laisser aux poètes la tâche d'écrire la constitution. C'est ce qu'ils ont fait aux États-Unis.

En Saskatchewan, l'économie agricole est en ruine et des milliers de fermiers quittent pour aller gagner leurs vies ailleurs. Les ministres conservateurs du gouvernement Devine continuent d'abandonner la chaloupe qui cale, préférant aller passer leurs vieux jours dans des jobs plus saines. Il faut l'admettre, nous serons bientôt en pleine campagne électorale. Pour qui allez-vous cabaler?

Une cabale, selon Léandre Bergeron, dans son Dictionnaire de la langue québécoise, c'est «une propagande politique». Cabaler, le verbe intransitif, c'est «chercher à gagner quelqu'un à la cause d'un candidat. Ou, chercher à obtenir des suffrages en faveur d'un candidat ou d'une cause. L'adjectif, cabalade, qui peut être sollicité. Par exemple, il est inutile d'aller le voir, il est pas cabalade. Cabalage, n.m. action de chercher à gagner quelqu'un à sa cause. Enfin, le cabaleur ou le cabaleux, n.m. c'est celui qui cabale.»

Malgré le fait que l'abbé Étienne Blanchard exhortait les Canadiens français à supprimer le terme cabale de leurs vocabulaires au début du siècle, le terme est resté populaire. Dans son Dictionnaire du bon langage, l'abbé Blanchard suggérait de dire plutôt «racolage des votes ou manoeuvres électorales.»

Dagenais, dans son Dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada, offre l'historique suivant du terme cabale: «Au XVIe siècle, le français a tiré le mot cabale d'un terme hébreu qui signifiait tradition. Cabale désigna d'abord un ensemble de traditions juives donnant une interprétation mystique de l'Ancien Testament et il a pris presque aussitôt le sens figuré de manoeuvres, intrigues. Le verbe cabaler et le substantif cabaleur ont fait leur apparition au XVIIe siècle. Cabaler fut alors employé au sens de circonvenir, tromper quelqu'un par des moyens artificieux, ou, familièrement, empaumer, et cabale eut celui de parti politique. On peut se demander si cela n'explique pas l'extension de sens que les mots cabale, cabaler et cabaleur ont prise au Canada.»

Si le terme cabale ou kabbale avait un sens mystique pour les juifs, une autre définition de cabale se rattache directement au mysticisme ou à l'occulte: «Science occulte prétendant faire communiquer ses adeptes avec des êtres surnaturels.»

À moins de changements radicaux, les Conservateurs – fédéraux et provinciaux – auront à faire ce dernier genre de cabale s'ils veulent avoir la moindre chance de gagner les prochaines élections. Seul, des êtres surnaturels pourront sortir ces pauvres politiciens du pétrin dans lequel ils se sont flanqués et dans lequel ils nous ont entraîné.

Faire de la propagande politique à domicile, cabaler, figure dans la littérature québécoise. David Rogers, dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale, a relevé l'exemple suivant dans le roman Vézine, de Marcel Trudel, page 154: «Onésime Veillette qui cabalait depuis nombre d'années?» D'autre part, dans le roman Trente arpents de Philippe Ringuet, page 93, on trouve la citation suivante: «En outre, il était connu comme cabaleur, un de ces agents électoraux dont le travail discret auprès des électeurs est plus utile à un candidat que tous les discours prononcés en Chambre.»





 
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