Des motsBumper cropL'automne arrive à grande vitesse et les agriculteurs de la Saskatchewan ont déjà commencé les travaux des moissons. Comme on peut le lire dans les grands journaux, le ton psychologique des fermiers est meilleur cette année. Malgré le fait que le prix des grains soient toujours à la baisse, nos hommes et femmes de la ferme n'ont pas eu à vivre une autre année de sécheresse – la pluie ayant été abondante cette année. Dans la plupart des quartiers, on parle même d'une récolte record – un bumper crop si vous voulez. L'expression est commune chez les Fransaskois, même si elle ne semble pas figuré dans le vocabulaire des autres groupes francophones du pays. Bumper crop vient de l'anglais et se traduit par «une excellente récolte» ou «une magnifique récolte». Les fermiers de la Saskatchewan connaissent très bien les sept mauvaises années de la bible, mais ils goûtent plus rarement aux bonnes années. Une seule bonne année – un bumper crop – est suffisante pour leur faire oublier toutes les années de sécheresse, de sauterelles, etc. Donc, il est facile de comprendre la raison pour laquelle la psychologie des agriculteurs est positive, gaie et pleine d'enthousiasme cet automne alors qu'ils se préparent à récolter des milliers de minots de grain. Toutefois, ce n'est pas tout le monde qui se trouve dans cette situation. Les journalistes, comme les politiciens, ne font que regarder le portrait général et ne s'aventure pas dans les petits racoins de la province où le portrait n'est pas aussi reluisant. Roger Lalonde, anciennement de St-Victor et maintenant de Calgary, m'appelait la semaine dernière pour me dire qu'il avait passé quelques jours dans la région de Scout Lake, communauté située près de Willow Bunch. Selon monsieur Lalonde, il avait pris connaissance du pauvre état des récoltes à Scout Lake alors qu'à seulement 30 kilomètres de cette communauté on pouvait apercevoir de beaux champs dorés. Même les champs de foin à Scout Lake n'ont pas produit cette année comme ils l'ont fait ailleurs en province. Lors de son voyage dans la région, Roger Lalonde a renoué connaissance avec des gens du coin. Une d'entre elles lui suggéra une expression qu'il n'avait jamais entendu auparavant – tirer la petite paille. Selon cette dame, les agriculteurs de Scout Lake tiraient la petite paille encore cette année, c'est-à-dire que chaque petite paille n'allait pas produire grand chose. De retour chez lui, M. Lalonde prend son Petit Robert pour vérifier cette expression. Il trouve la définition suivante: «être sur la paille ou mettre quelqu'un sur la paille – être en misère ou ruiner.» Bélisle, dans son Dictionnaire nord-américain de la langue française donne la même définition que le Petit Robert. Comment certains Fransaskois en sont-ils arrivés à changer l'expression être sur la paille pour en arriver avec tirer la petite paille? En fouillant dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron, je crois avoir trouvé une solution. Bergeron nous propose l'adjectif tirant, malaisé (en parlant d'un chemin où les roues ou les patins s'enfoncent). Puisque tirant était souvent utilisé au Canada français pour parler de misère il est fort probable que certains ont jumelé cet adjectif avec l'expression sur la paille pour en arriver à une nouvelle tirer la petite paille. Hélas, ils ont peut-être une belle expression à utliser dans le coin de Scout Lake, mais elle ne fait certes pas le bonheur des agriculteurs qui préféreraient avoir un bumper crop comme tant d'autres dans la province. |
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