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Des lieux

Bonne Madone et la maudite danse

Un incident à Bonne Madone

Un certain nombre de paroissiens de Bonne Madone s'est livré à de graves désordres et à des injures vis-à-vis de M. l'abbé L.P. Voisin qui avait réussi à empêcher un bal dans la résidence de son frère, M. Joseph Voisin. Vue la gravité de l'événement, l'autorité diocésaine a jugé nécessaire d'intervenir.

Le Patriote de l'Ouest
le 21 mars 1912
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, le clergé catholique de l'Ouest a mené une lutte acharnée contre les bals et la danse à la demande de l'archevêque de Saint-Boniface, Mgr Langevin. En Saskatchewan, certains curés de paroisse ont pris à coeur ce mouvement contre la danse. On a déjà parlé de l'attitude à ce sujet de M. l'abbé Pierre-Elzéar Myre, curé de Marcelin (voir Victor Bourgeault, Eau vive-6 février 1992). Mais, il ne semble pas y avoir eu aucun incident aussi cocasse que celui de Bonne Madone. Dans cette petite communauté francophone, on prenait la danse au sérieux.

Bonne Madone est situé au sud-est de Domrémy et à l'est de Wakaw, dans la région de Tway. Des colons français commencent à arriver dans la région vers 1898. Au début, c'est le père Barbier, curé de Saint-Louis et de Domrémy, qui vient dire la messe de temps en temps.

Les pères Laurent Voisin et Jean Garnier, deux moines de l'ordre de l'Immaculée-Conception, viennent fonder une paroisse à Bonne Madone en 1902. «Il n'y avait pas de bâtiment qui pouvait servir d'église ou de résidence pour les deux prêtres.»(1) Ils chantent leur première messe chez Urbain Renoy, un des pionniers de la région.

Les paroissiens de Bonne Madone ne sont pas riches et ils ne peuvent pas contribuer beaucoup envers un salaire pour les deux hommes. Les curés se voient alors obligés de prendre des homesteads. Ils gagnent ainsi leur vie comme fermiers et éleveurs de bétail. Éventuellement, ils viennent en aide à des nouveaux colons en leur fournissant des graines de semance et du bétail d'élevage.

Pour combler le besoin d'une église, ils déménagent une ancienne chapelle métisse à Bonne Madone. «Dans la région de Bonneau, (Crystal Springs), il y avait une chapelle qui avait été abandonnée par un groupe de Métis qui avait quitté la région après la rébellion.»(2) Avant la résistance de 1885, le groupe de Métis avait construit une petite chapelle sur le côté sud-est du lac Tway. Cette mission avait pris le nom de «bonne eau» (Bonneau).

La chapelle est déménagée à Bonne Madone où elle sert d'église jusqu'en 1911 lorsqu'une belle petite église est construite.

D'autres colons français viennent s'établir dans la région, y inclus Joseph Voisin, le frère du père Laurent Voisin. Lorsque la bagarre éclate au sujet d'un bal, en mars 1912, les autorités diocésaines s'en mêlent. Le père H. Lacoste, o.m.i., administrateur du diocèse, publie une lettre dans Le Patriote de l'Ouest dans laquelle il annonce le retrait des deux curés de la paroisse. «Nous rougissons de honte à la pensée que de nos jeunes gens et même des chefs de famille, oubliant tout respect et toute retenue, se sont laissés aller jusqu'à insulter publiquement le prêtre chargé de vos intérêts spirituels, et même en sont venus à des voies de fait sur sa personne.»(3)

L'administrateur poursuit en écrivant: «Que les malheureux qui n'ont pas craint de porter la main sur leur prêtre redoutent la vengeance du Ciel.»(4) Les deux curés ne retournent jamais à Bonne Madone. Plus tard la même année, le père Schmid est nommé curé de la paroisse. Le père Voisin se rend dans la région de Debden où il fonde la paroisse Notre-Dame des Victoires.

Bien sûr, nous ne connaissons pas toute l'histoire. Le Patriote de l'Ouest, un bon journal catholique, ne donne pas tous les détails de l'épisode du bal à Bonne Madone. Le rédacteur du journal ajoute, après la lettre, que les jeunes gens «se sont o ubliés dans un moment de surexitation.»(5) L'argument du clergé, en ce qui concerne la danse et les bals, est que les jeunes gens vont s'oublier et se laisser traîner dans le péché.

Ce que le curé d'Ars pensait de la danse

Il n'est pas un commandement de Dieu, disait-il, que la danse ne fasse profaner. Ceux qui se livrent à la danse sont des victimes engraissées pour l'enfer. La danse et les bals sont le moyen dont le démon se sert pour enlever l'innocence au moins aux trois-quarts des jeunes filles qui, à la suite de la danse, ont perdu leur réputation, leur âme, le Ciel, leur Dieu. Le démon entoure une danse comme un mur entoure un jardin. La danse est la corde par laquelle il traine plus d'âme en enfer. Les personnes qui entrent dans un bal, laissent leur ange gardien à la porte et c'est un démon qui le remplace, en sorte qu'il y a bientôt dans la salle autant de démon que de danseurs.
Le Patriote de l'Ouest
le 11 septembre 1913

Malheureusement, Le Patriote de l'Ouest va jusqu'à censurer les paroissiens de Bonne Madone qui veulent faire connaître leur côté de l'histoire. Le 4 avril 1912, deux semaines après la parution de la lettre du père H. Lacoste, où toute l'affaire est étalée au grand public, Le Patriote de l'Ouest publie un court article disant qu'un des paroissiens voulait répondre à la lettre de l'administrateur du diocèse, mais que «ces sortes de difficultés doivent se régler avec l'administration diocésaine.»(6)

Hélas, nous ne connaissons pas tous les détails de cette histoire et il est fort possible qu'il s'agissait simplement d'une petite querelle entre le curé Voisin et son frère.

Sources:

Un bout d'histoire....(22)

Lavigne, Solange, Kaleidoscope - Many Cultures - One Faith, The Roman Catholic Diocese of Prince Albert, 1891-1991, Prince Albert (Sask): Le Diocèse de Prince Albert, 1990.





 
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