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Des histoires

Blé : une pierre d'assise branlante

L'économie de la Saskatchewan se diversifie d'année en année. Dans le secteur primaire, l'exploitation du pétrole, de la potasse et de l'uranium contribue directement ou indirectement au trésor provincial dans une mesure sans cesse croissante. De même, les secteurs manufacturier et de la haute technologie continuent de progresser. Il faut néanmoins se rappeler que le blé a toujours été et demeure encore la pierre d'assise de l'économie.
Lorsque les rendements sont satisfaisants et que le prix se maintient sur les marchés mondiaux, la province entière prospère. Mais quand la sécheresse et la maladie frappent la récolte ou quand le prix marque un recul, c'est là encore l'économie de toute la province qui en souffre.

Un tableau des emblavures, des récoltes, du rendement et du prix du blé entre 1881 et 1984 montre des progressions régulières sous certaines rubriques, mais aussi des fluctuations fort surprenantes.

C'est entre 1902 et 1919 qu'une grande partie du sol de la Saskatchewan a été «cassé» et mis en culture. Alors que moins d'un demi-million d'acres de terre étaient ensemencés en blé en 1901, il y en avait 22 fois plus en 1919, et les emblavures dépassaient pour la première fois le chiffre des 10 millions d'acres. Il y eut d'autres périodes de croissance plus modeste à la fin des années 1920 et après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, le total des emblavures varie entre 18 et 20 millions d'acres.

L'augmentation du volume total de la récolte et du rendement a connu des avancées majeures, explicables en très grande partie par des facteurs climatiques, par l'amélioration de la qualité des semences, par les ripostes de plus en plus précises et rapides aux attaques des maladies et des insectes, par l'introduction de machines plus rapides et entraînant moins de pertes, ainsi que par les progrès de la génétique et de l'agronomie en général. On peut aussi noter des chutes vertigineuses, comme par exemple en 1937, où la récolte fut presque réduite des deux tiers par rapport à l'année précédente. Le rendement moyen chuta à moins de 3 minots l'acre.

Le prix a généralement augmenté en pente régulière, si l'on excepte les années 1930. C'est seulement au début des années 1970 qu'il a finalement dépassé le plafond des 2,00 $ le minot. L'année 1919 peut être considérée comme une année exceptionnelle, car la demande dans une Europe ravagée par la Grande Guerre marquait un bond au moment même où les stocks étaient à leur plus bas niveau, par suite de deux mauvaises récoltes dans l'Ouest canadien.

En dernière analyse, c'est le revenu total pour le blé qui donne la meilleure idée de la situation financière des fermiers saskatchewannais. Ainsi, le prix du minot de blé était 2,5 fois plus élevée en 1919 qu'en 1915, mais le revenu total fut à peu près le même (soit 204 millions de dollars en 1915 et 209 millions en 1919). Cela s'explique par le superbe rendement en 1915 en comparaison avec celui de 1919. Les années 1930 ont été caractérisées par la conjonction de deux facteurs indépendants mais aussi défavorables l'un que l'autre, la sécheresse et le marasme sur les marchés mondiaux du blé. Le prix du blé chutait à son niveau le plus bas en 1932, soit 35 cents le minot, tandis que ce n'est qu'en 1937 que le rendement atteignit le point minimum de sa courbe, soit 2,6 minots l'acre. Malgré le très bas prix du blé en 1932, les agriculteurs se partagèrent deux fois plus d'argent qu'en 1937 (soit 74 millions contre 38 millions cinq ans plus tard), car le rendement était nettement supérieur.

La période de l'après-guerre a aussi connu des fluctuations si importantes qu'elles compromettaient la situation financière de l'ensemble de la province. L'année 1961, par exemple, fut désastreuse. Alors que le prix du blé continuait à augmenter, le rendement chuta à moins de 10 minots l'acre, de 20 qu'il était l'année précédente. Le revenu total diminua lui aussi de la moitié, passant de 516 millions en 1960, à moins de 240 millions l'année d'après. La communauté agricole a besoin de plusieurs années de bonnes récoltes pour se remettre de tels chocs financiers.

Si l'on se fie uniquement aux chiffres sur le rendement et le prix du blé, il semble bien que la situation financière des fermiers s'est considérablement améliorée depuis le milieu des années 1960. Mais il n'en est rien. D'autres facteurs, comme la hausse vertigineuse des coûts d'opération, avec en tête le prix des carburants et de la machinerie agricole, l'augmentation du loyer de l'argent et la restructuration du système de transport du blé font que le fermier est aujourd'hui confronté à des difficultés en apparence insolubles.





 
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