Des motsBisc-en-coinTrouver l'origine de certains mots peut devenir un jeu; on fouille dans plusieurs dictionnaires et, si le hasard le veut, on trouve un terme semblable dans un vieux manuel. Malheureusement, très souvent, il faut se contenter d'un rien. Récemment, nous cherchions le bon mot français pour «catty-cornered», terme anglais qui veut dire diagonalement opposé. En anglais, on dit «catty-cornered» lorsqu'on parle d'un édifice qui se trouve en face et à la gauche ou à la droite. Le premier terme qui m'est venu à l'esprit était bisc-en-coin. Selon la définition que nous donne Léandre Bergeron dans son Dictionnaire de la langue québécoise, cette locution adverbiale veut dire «de biais, de travers, en diagonale. Ex. Regarder de bisc-en-coin.» Toujours selon Bergeron, le terme bist-en-coin est aussi utilisé au Canada français. Donc, si nous nous fions sur cette définition de Bergeron, bisc-en-coin peut être utilisé pour «catty-cornered». En Acadie, selon Éphrem Boudreau (Glossaire du vieux parler acadien), le mot est écrit biscancoin et veut dire à un angle de 45 degrés. Par exemple, «la chaise est en biscancoin: à un angle de 45 degrés par rapport aux deux murs d'un coin.» Il est probable que le terme bisc-en-coin vient du vieux français bestorner. On trouve ce verbe dans le Larousse de l'ancien français: «bestorner v. 1175. 1. tourner, mettre à l'envers. Bestorné adj. (XIIe siècle) Mal tourné.» David Rogers, dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale, relève un exemple de l'utilisation de bisc-en-coin dans la littérature québécoise. C'est dans le roman, «Marie-Didace» de Germaine Guèvremont, à la page 239, que l'on trouve la citation suivante: «Ce chiffonnier-là, une bonne fois, je le mettrai de bisc-en-coin.» Rogers signalait également l'épellation possible bisque en coin et indiquait qu'à Genève on disait bizinque. Avant de déposer le dictionnaire de David Rogers, mes yeux tombent sur le verbe bitter (vaincre, surpasser) de l'anglais «to beat». Léandre Bergeron l'a écrit beater mais la prononciation est plutôt bitter. C'est dans le roman, «Vézine» de Marcel Trudel, à la page 40, qu'on trouve la première référence à bitter: «Je sus pas méchant à mon âge; seulement, je bit' pas Vézine; regarde son vaisseau, là, contre l'arbre.» À la page suivante, on peut lire: «Du temps qu'il était colleur, il n'y avait personne pour le bitter dans les fruitages.» En terminant, il est intéressant de noter que même après trois ans, il y a encore des Fransaskois qui maintiennent que la Parlure fransaskoise ne devrait pas être publiée dans l'Eau Vive parce qu'elle encourage les jeunes à mal parler leur français. Il faudrait ajouter que ceux qui s'opposent à cette chronique sont les mêmes qui disent qu'il faut ajouter des éléments culturels dans l'enseignement de nos jeunes. Victor-Lévy Beaulieu, dans la Préface du Dictionnaire de la langue québécoise rurale (David Rogers), écrivait: «En fait, l'ouvrage de David Rogers confirme ce que nous avons toujours cru: que le langage de nos pères, loin d'être pauvre, était d'une belle et grande richesse, parfaitement adapté à leurs besoins et ancré comme il faut dans le quotidien... Laissé à lui-même, l'habitant québécois n'avait pas le choix: il lui fallait inventer les mots qui convenaient à son propos.» Enfin, ce que nous dit Victor-Lévy Beaulieu, tout en inventant son nouveau langage, l'habitant québécois a développé sa culture. C'est la même chose qui s'est produite en Saskatchewan. Les Fransaskois ont fait évoluer la langue française pour répondre à leurs besoins quotidiens. La culture fransaskoise est donc née de cette évolution linguistique; elle existe, change de jour en jour. Nous n'avons pas besoin d'aller chercher ailleurs pour connaître notre culture fransaskoise. Cessons de faire venir des experts d'ailleurs et commençons à regarder chez nous. Et surtout, ne décourageons jamais nos jeunes de chercher leurs racines culturelles en cherchant dans la Parlure fransaskoise. |
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