Des motsBerIl m'arrive souvent de tarder à répondre à des lettres de lecteurs. Ce n'est pas parce que j'oublie leurs suggestions mais plutôt parce qu'il manque d'espace dans cette chronique. Aujourd'hui, j'ai l'intention de répondre à trois lettres qui datent de novembre dernier. La première me vient de monsieur Roger Vaillancourt de Tisdale. Selon lui, «il y a une expression bien populaire utilisée des franco-américains dont je n'ai jamais pu trouver la source ou la référence dans le dictionnaire; il s'agit du terme saffe, saphe, saffre.» Madame Yvette Gaudet de Saskatoon m'avait suggéré ce terme il y a déjà un an et j'avais dû faire appel aux lecteurs pour trouver la définition de ce mot. Il s'agit bien de safre. Selon le Larousse de l'ancien français, safre est un adjectif voulant dire «adonné au plaisir, goulu, glouton.» Le terme aurait premièrement été utilisé vers 1260 par Philippe Mousket. Un autre lecteur, monsieur Albert Dubé de Régina propose plusieurs mots pour ajouter à la parlure fransaskoise. Commençons avec le verbe canner et le nom cannages. L'action de mettre en conserve des fruits et des légumes c'est de les canner. Les conserves elles-mêmes sont les cannages. Léandre Bergeron, dans son Dictionnaire de la langue québécoise suggère que le mot «cannages (n.m.pl.) est la mise en conserve de fruits et légumes dans des bocaux ou des boîtes de métal blanc» mais que le mot peut aussi faire allusion à la période de l'année où se font ces conserves. Gaston Dulong, dans son Dictionnaire correctif du français au Canada avance la théorie que le verbe canner vient de l'anglais «to can». Toutefois, Louis-Alexandre Bélisle dans le Dictionnaire nord-américain de la langue française nous rassure que le terme ne vient pas de l'anglais, mais plutôt de l'ancien français – canne et canet – une cruche, un bocal. Le dictionnaire Larousse de l'ancien français vient appuyer cette affirmation de Bélisle. «Canée – n.f. (1335) Contenance d'une cruche. Canete – n.f. (XIIIe s.) Petit vase.» Monsieur Dubé propose aussi deux termes qui viennent définitivement de l'anglais. Il s'agit de lunch, le déjeuner qu'on appelle couramment le dîner dans l'Ouest canadien et grub, la mangeaille ou la boustifaille. Grub était couramment utilisé, et l'est probablement encore de nos jours, pour désigner les repas que l'on servait dans le champ durant les temps occupés des semailles et des récoltes. Enfin, monsieur Dubé propose deux autres termes – la barceuse, une déformation métisse du mot berceuse et le ber, un berceau. Selon lui, ber est un vieux mot français du XVIe s. employé par les Québécois et les Fransaskois d'origine québécoise. Le dictionnaire Larousse de l'ancien français ne donne pas l'origine du mot ber, mais il est possible que le terme existait déjà au XIIe siècle. Le Petit Robert ajoute qu'en Belgique, on dit aussi en ce sens berce (bers) n.f. David Rogers, dans son Dictionnaire de la langue québécoise rurale a relevé le mot ber dans le roman «Vézine» de Marcel Trudel à la page 74: «Que le yable te barce! et le ber s'est mis à barcer tout seul...» Enfin, une lectrice de Regina, qui m'a demandé de ne pas publier son nom, suggère une série de termes et d'expressions que je vais vous laisser contempler jusqu'à la prochaine chronique. Voici la liste: S'enfarger dans/sur quelque chose. Sciau – sceau ou chaudière. Faire une gibelotte (un hash) avec des restants (des restes). Approcher quelqu'un pour.... |
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