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Société historique de la Saskatchewan

Des mots

Batteux

ouvent, quand les gens m'écrivent pour me suggérer des mots ou des expressions, ils prennent le temps de me raconter un peu de l'histoire de leur région. Étant passionné par l'histoire de la Saskatchewan française, il me fait toujours plaisir de recevoir ces missives des lecteurs et lectrices. Madame Berthe Lalonde d'Assiniboia en est une de celles dont les lettres sont remplies d'anecdotes du passé. Cette semaine, elle nous écrit pour nous parler des batteux:

«En lisant votre chronique je réalise que quelque soit la partie de Québec d'où venaient les pionniers canadiens-français ils apportaient avec eux les mots communément employés un peu partout dans leur province comme safre (saf'e), canard, etc. Pour nous Fransaskois, je suppose que nous adoptions les mots anglais que nous françisions à notre façon, ce qui est devenu la Parlure fransaskoise. Une de ces phrases typiquement fransaskoises, je crois, était: faire la cookerie pour les batteux. Avant l'invention des moissonneuses-batteuses (combines), seulement quelques fermiers possédaient une machine à battre (mon père était l'un d'eux) qui employait au moins une quinzaine d'hommes et ils allaient battre le grain chez plusieurs autres fermiers des environs. Alors c'était toute une opération que de nourrir 15 hommes en plus de la famille; déjeuner copieux à 6 hrs A.M., lunch à 10 hrs, gros repas à midi, un autre lunch à 4 hrs P.M. et un autre gros repas à 8 hrs P.M. Ces batteux avait de l'appétit et c'était toute une tâche pour les fermières que l'arrivée des batteux.»

Premièrement, madame Lalonde parle de cette pratique que nous avons de françiser des mots anglais. Elle en a ajouté quelques exemples dans sa lettre: brander, rider un cheval, stooker et luncher. J'ai déjà parlé, dans d'autres chroniques, des trois premiers exemples, mais c'est la première fois que quelqu'un me suggère le mot luncher. Il s'agit d'un de ces anglicismes qu'on utilise tellement souvent qu'on n'y pense jamais.

Un des souvenirs précieux que je garde de ma jeunesse c'est, au temps des moissons, quand nous pouvions accompagner ma mère dans le champ, à l'heure du déjeuner, pour luncher avec les hommes. C'était le grand pique-nique! Et, même les hommes semblaient y prendre plaisir. Je crois, que même s'ils avaient eu le temps, ils n'auraient pas voulu revenir manger à la maison.

Toutefois, pensons à tout le travail supplémentaire que la fermière devait entreprendre puisque ces repas dans le champ étaient toujours chaud. La cookerie dont parle madame Lalonde était le travail de la cuisine. Les femmes de la ferme passaient de longues heures dans la cuisine à préparer des mets délicieux pour les hommes dans le champ.

Je n'ai pu retrouver aucun de ces mots, cookerie et luncher dans les lexiques du Québec, sauf dans le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron. Bien sûr, Léandre Bergeron est originaire du Manitoba et il aurait entendu ces termes durant sa jeunesse.

Dans sa lettre, madame Lalonde nous parle des batteux. Les hommes arrivaient de l'Est au début de l'automne pour s'engager sur des fermes pour aider à faire la moisson. Léandre Bergeron les décrit comme suit: «Batteur, ouvrier qui bat les gerbes de céréales pour en faire sortir le grain, soit avec un fléau, soit avec une machine à battre.»

Plusieurs de ces batteux ont décidé de rester dans l'Ouest. Ils se sont pris des homesteads, se sont mariés et ont élevé leurs familles sur les terres fertiles de la Saskatchewan. Ils sont venus du Québec, de l'Ontario et de l'Acadie. Quelles histoires ils doivent avoir à raconter de leurs expériences avec des équipes de batteux.

Le Franco-manitobain, Marcien Ferland, a essayé de capter l'esprit de cette époque des batteux dans une comédie-musicale produite il y a quelques années par le Cercle Molière de Saint-Boniface. Ce texte, intitulé Les batteux, est disponible en communiquant avec les éditions du Blé à Saint-Boniface.





 
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