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Société historique de la Saskatchewan

Des histoires

Autour d'un nom

Le choix du nom d'un village ou d'un bureau de poste s'est quelquefois trouvé à la source de longs débats entre les habitants et le gouvernement, ou entre des clans opposés au sein de la population. C'est ce qui arriva à Ferland, au sud-ouest de la province, comme l'explique un fils du village, l'abbé Adrien Chabot:
«D'où vient le nom de Ferland? C'est un nom qui a toute une histoire. Les nouveaux colons venaient de la paroisse de Ste-Claire de Dorchester, au Québec, et ils voulurent perpétuer dans les plaines de l'Ouest le nom de leur lieu d'origine. C'est ainsi qu'en juillet 1910, Edmond Chabot écrivait à l'honorable Rodolphe Lemieux, ministre des Postes, demandant l'établissement d'un bureau de poste sous le nom de Ste-Claire-des-Prairies. Mais comme il existait déjà un bureau dans la province sous le nom de Vallée-Ste-Claire, Ottawa l'ouvre le premier avril 1911 sous la désignation «Des Prairies». On avait voulu éviter la similitude avec le nom Vallée-Ste-Claire et la confusion qui aurait pu en résulter dans l'acheminement des matières postales.

«Comme il fallait s'y attendre, le nom «Des Prairies» ne signifiant rien, ne plut pas aux pionniers. En mai 1911, Edmond Chabot, premier maître de poste, demandait que le nom de «Des Prairies» soit changé en celui de St-Edmond, vu qu'il existait déjà en Saskatchewan un bureau connu sous le nom de «Lac des Prairies».

«Le nom «St-Edmond» ne fut pas accepté parce qu'il y avait déjà, paraît-il, une localité connue sous ce nom. L'honorable Rodolphe Lemieux, de lui-même, décida d'appeler ce bureau «Ferland», indiquant que c'était le nom d'un grand historien canadien-français, l'abbé Jean-Baptiste Ferland.

«Le nom fut reçu avec plus ou moins d'enthousiasme. De part et d'autres on émit des opinions. Le maître de poste écrivit à l'honorable Louis-Philippe Pelletier, nouveau titulaire du ministère des Postes, qu'il connaissait personnellement, lui demandant que le nom de Ferland soit changé en celui de Chabotville, vu qu'il y avait une similitude avec l'endroit connu sous le nom de Fairland et le bureau de poste Fairmont. Cette demande fut refusée, étant donné qu'il n'y avait pas de bureau de poste sous le nom de Fairland et que le nom Fairmont ne pouvait pas porter à confusion. Le nom de Chabotville ne pouvait pas être accepté, au dire du ministre, parce que ce n'était pas la coutume du ministère de désigner un bureau de poste du nom d'un personnage vivant. Les gens y virent plutôt un faux-fuyant qu'une véritable raison.

«En juillet 1912, on revient à la charge. Les résidents de Ferland firent parvenir au ministère une requête demandant que le nom soit changé en celui de Ste-Marie-des-Prairies. Le ministre fit la sourde oreille à cette demande et c'est ainsi que ce bureau de poste porte encore le nom de l'historien Ferland.»

L'abbé Chabot ajoute qu'à l'automne 1914, afin d'accommoder les gens installés un peu au sud, le ministère établit un bureau de poste sous le nom de Fournierville. En 1928, le Canadien Pacifique lança un embranchement à partir de Wood Mountain en direction de Mankota; il fut décidé d'ériger un nouveau village à une douzaine de kilomètres au sud-est de Ferland, très près du site du bureau de poste de Fournierville. Dès que l'emplacement du nouveau village fut décidé, le maître de poste de Fournierville y transporta le bureau de poste.

Les habitants de langue anglaise auraient bien voulu donner un nom anglais au village, tandis que ceux de langue française tenaient à conserver le nom de Ferland, même s'ils y avaient été farouchement opposés une quinzaine d'années plus tôt. Un enquêteur de la compagnie de chemin de fer se rendit vite compte, lors d'une assemblée publique, que la majorité souhaitait conserver le nom. Le ministère des Postes procéda donc à un échange de noms: le bureau de Fournierville, sur le site du nouveau village, devint Ferland, tandis que l'ancien Ferland devenait le nouveau Fournierville. Quoi qu'il en soit, n'eût été d'un ministre aux dispositions si... tranchantes, il n'y aurait jamais eu de «Ferland» en Saskatchewan.

(adapté de l'abbé Adrien Chabot, Aperçu historique de Ferland, Sask., Vanguard, 1961, p. 17-18)





 
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