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Société de la Saskatchewan
Société historique de la Saskatchewan

Revue historique: volume 14 numéro 1

Au pays d'Al Capone

Présence française à Moose Jaw
par Marie-Josée Perron
Vol. 14 - no 1, septembre 2003
Moose Jaw! Ville centenaire avec sa fabuleuse histoire d’un peuple chinois poussé à vivre sous terre, d’un chef de police malhonnête, de visites nocturnes par l’infâme Al Capone et d’un spa à eau thermique. Et, jusqu’à tout récemment, une ville dont on ignorait totalement l’histoire d’une présence française qui remonte au temps de la traite des fourrures.

Il n’y a malheureusement jamais eu de recherche sérieuse menée sur le sujet de la présence française dans cette ville. En fait, ce n’est que depuis deux ans qu’il existe un regroupement francophone dans la ville. La plupart des premiers colons francophones s’étaient établis comme fermiers et habitaient à l’extérieur de la ville de Moose Jaw au lieu de s’installer sur l’emplacement même de la future ville centenaire. Les francophones qui exerçaient des professions autre que l’agriculture étaient peu nombreux et leurs histoires sont disparues, inexactes ou fausses. Comme il est possible de noter, les francophones ont tout de même été présents dans le développement de la paroisse catholique, dans le secteur de l’éducation, de la santé et des affaires de la ville de Moose Jaw.

Cet article n’est qu’un humble début d’une recherche au sujet de la présence française à Moose Jaw et, nous l’espérons, encouragera les passionnés de l’histoire à poursuivre le travail déjà commencé.



Premier établissement de Moose Jaw : l’Hôtel Denomie

Avant l’arrivée du chemin de fer du Canadien Pacifique, en 1883, il n’y avait rien à Moose Jaw. Les Indiens visitaient la région de temps à autre, pour y faire la chasse au bison. Quelques kilomètres au nord, le lac Buffalo Pound est un rappel d’une époque où la région servait d’enclos naturel pour la capture des bisons. Quelques pistes métisses traversaient aussi la région. Il n’est donc pas surprenant que les premiers habitants de la région étaient des Métis de langue française.

L’établissement à cet endroit des frères Métis, Xavier et Paul Denomie, est mentionné dans certains récits de voyages des explorateurs du 19e siècle. Leur humble demeure est considérée comme étant la première structure construite sur le site de la future ville de Moose Jaw. Isaac Cowie, gérant du poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Fort Qu’Appelle, a raconté son séjour dans ce qu’il a nommé «l’Hotel Denomie», le 14 janvier 1868. Dans son récit, il a situé l’hôtel dans la vallée de Moose Jaw Creek, probablement entre la 4e Avenue et la 9e Avenue Sud-Ouest de la ville(1) . L’établissement qu’il a décrit est une cabane de bois ronds de 16 pieds par 12 pieds, un refuge confortable pour les commerçants de la route(2) :

«La porte était de couleur parchemin clair et donnait une bonne lumière, par laquelle une seule petite fenêtre vitrée avec un morceau de coton était coupée dans le mur de bois rond. En dessous, se trouvait un coffre de bois, lequel était utilisé comme siège par les visiteurs et il y avait 2 dessus de lits faits de perches et couverts de plusieurs couvertures douces et duvetées, dont l’une desquelles m’était gentiment donnée pour m’asseoir et m’incliner»(3).

Un croquis de l'Hôtel Denomie ou l'hivernement
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
Un croquis de l'Hôtel Denomie ou l'hivernement de Paul et Xavier Denomie à Moose Jaw en 1867-1868.


Le même auteur a aussi raconté qu’un nommé Flemmand, s’adressant en français, se serait disputé dans l’Hotel Denomie avec un marchand d’alcool de la région, Donald Sinclair(4). Il existait une certaine rivalité entre les deux clients mais c’est l’arrivée de Sinclair à l’hôtel pour vendre de l’alcool aux dames de l’établissement qui aurait rendu Flemmand en furie. Il aurait nargué Sinclair qui aurait riposté en insultant Flemmand d’un ton menaçant. À ce moment, Paul Denomie aurait fait éruption dans la pièce, expulsant Sinclair immédiatement.

Dans l’International Genealogical Index(5), le nom d’un certain Xavier Denomie est mentionné comme étant né en 1837 à Moose Jaw (SK) et décédé en 1904. Il se serait marié en 1864 à Marguerite Gouin alias Kokum Cheechum, un nom cri signifiant «grand-mère». Elle serait décédée en 1928. Le couple Denomie auraient eu quatre enfants, Julian né à Moose Jaw en 1865, Marie Rose née à Lestock en 1867, Margrette née à Lestock en 1869 et décédée le 10 juillet 1902. Le nom du quatrième enfant est inconnu. Est-ce bien le même Xavier mentionné par Isaac Cowie dans son journal de voyage?

Les probabilités vont fortement dans cette direction car il y a de multiples similitudes entre les deux cas. Le Xavier nommé dans l’index et son premier enfant sont nés à Moose Jaw. Xavier était membre d’une famille métisse comme le Paul Denomie cité par Cowie. Comme le deuxième et le troisième des enfants de Xavier sont nés en 1867 et 1869 à Lestock(6) et que Cowie ne mentionne pas avoir vu Xavier à Moose Jaw en 1868 et qu’il n’y a plus aucune trace des Denomie à Moose Jaw après 1870, il est fort possible que Xavier avait déja émigré vers le nord avec sa famille en 1868 et que Paul aurait été le rejoindre ultérieurement.

Félix Plante, marchand général (7)
Comme dans le cas de Pascal Bonneau à Regina, un des premiers commerçants de Moose Jaw a été un Canadien français du Québec. Il s’agit de Félix Plante, natif de l’Île d’Orléans, Québec. Après avoir travaillé pour la firme de Messieurs Rowe et Newton de Winnipeg, Félix Plante s’est installé à Moose Jaw en 1882 avant même l’arrivée du chemin de fer du Canadien Pacifique. Là, il a bâti son entreprise, le Buffalo Store. Une grosse tête de bison figurait sur le panneau au dessus de la porte d’entrée du magasin. Plante vendait une panoplie d’articles dans ce magasin, que ce soit de la nourriture et du matériel pour

Le Buffalo Store à Moose Jaw
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
Le Buffalo Store à Moose Jaw. Félix Plante est probablement l'homme assis à la table avec le chapeau noir. Photo prise le 18 décembre 1888.


les pionniers, mais au début son marché principal était le commerce des fourrures avec les Métis et les Indiens de la région. Lorsque le chemin de fer est arrivé à Moose Jaw plus tard la même année, soit en décembre 1882, Plante s’est mis à exporter des os de bisons vers l’Est. Il y en avait des millions sur la prairie autour de Moose Jaw. Ces os allaient être transformés en fertilisant pour les sols. Ce commerce a commencé à péricliter lentement vers 1886 pour se terminer définitivement en 1893.

En 1890, Félix Plante a été gravement blessé lors d’une chute d’un cheval. En raison de ses problèmes de santé, il n’était plus capable de s’occuper de son magasin. Lorsque un grand incendie a détruit presque tous les bâtiments et les commerces de la rue Main en 1891, emportant également le Buffalo Store, Félix Plante a décidé de ne pas reconstruire. En effet, il est décédé quelques mois plus tard, en avril 1892 des suites des blessures de son accident. Quelques mois avant son décès, son père, Félix Plante, père, était venu du Québec pour demeurer à son chevet jusqu’à la fin. Il a emporté la dépouille de son fils dans sa province natale.

Avant sa mort en 1892, Félix Plante avait été un homme fort respecté à Moose Jaw. On disait de lui qu’il était un homme honnête, droit et un véritable ami pour ceux qui en avait besoin. Ils donnaient beaucoup plus de bonbons aux enfants que les autres marchands de la ville pour le même prix, ce qui aidait à faire la renommée de son magasin auprès des petits... et des grands.

Le Buffalo Store était situé à l’emplacement de l’actuel Elk Block au 16-18, rue Main Nord. Après la mort de Félix Plante, le lot est demeuré vacant jusqu’en 1906 lorsqu’il a été acheté par Henry Kern et M.J. McLeod qui

Le Bureau des Terres du Dominion
Photo: Archives de la Saskatchewan
Le Bureau des Terres du Dominion à Moose Jaw a été construit en 1906 sur les ruines du Buffalo Store.


ont construit un nouvel édifice qui servirait, entre 1907 et 1913 comme Bureau des Terres du Dominion. Cet édifice est important aux francophones du sud-ouest de la Saskatchewan, de Willow Bunch à Gravelbourg à Ferland à Ponteix et Dollard car il est probable que leurs ancêtres aient arrêtés dans le Bureau des Terres du Dominion pour y inscrire leur homestead. Depuis le 11 décembre 1989, le site est désigné monument historique. Pour ceux qui ont ou qui iront visiter les tunnels de Moose Jaw, la billeterie se trouve dans le Elk Block et les deux tournées finissent dans le sous-sol de ce qui était autrefois le Buffalo Store.

La paroisse catholique St. Joseph(8)
Après le passage des explorateurs et des Métis dans les Prairies, les catholiques francophones étaient les prochains instigateurs du développement de la région de Moose Jaw. «Au début de 1870, le père Jules Decorby, missionnaire oblat, et le père J. J. Lestanc passaient souvent l’hiver à Mâchoire d’orignal, maintenant appelé Moose Jaw»(9). Le père Jean-Joseph Lestanc, o.m.i., est probablement le premier à visiter la région. En 1870, il était allé rejoindre un groupe de Métis installé à la Coulée-Chapelle (Saint-Victor) à la Montagne de Bois en compagnie de Jean-Louis Légaré. Ensuite, il aurait voyagé dans la région de Moose Jaw en partant de Lebret pour retourner à Wood Mountain pendant l’hiver(10). Ces déplacements se faisaient en compagnie des chasseurs de bison métis qui connaissaient très bien les routes. Le père Jules Decorby, o.m.i., était arrivé de France en 1868 pour s’occuper de la mission de Lebret située sur la rivière Qu’Appelle (Fishing Lakes)(11). En 1874, il avait remplacé le père Lestanc à la mission de la Montagne de Bois.

La première messe à Moose Jaw a été chantée par le père St-Germain, o.m.i., en 1883. Celui-ci avait remplacé le père Hugonard, o.m.i., à Willow Bunch en 1880. Comme la paroisse ne possédait pas encore d’église catholique, le bon missionnaire avait chanté la messe juché dans un wagon du chemin de fer du Canadien Pacifique(12).

Afin de combler les besoins spirituels des catholiques de Moose Jaw, l’abbé L.N. L’Arche, curé de la paroisse St. Mary à Regina, avait pris une chambre en 1885 dans l’immeuble Foley à Moose Jaw et avait aussi loué un espace pour dire la messe(13). Les généreux catholiques de la ville lui avaient fourni du matériel pour combler l’église et sa chambre. Après le départ de l’abbé L’Arche, le père St-Germain est revenu chanter la messe à Moose Jaw lors de ses voyages entre Willow Bunch et Lebret. Comme avec l’abbé L’Arche, la messe était chantée dans l’immeuble Foley. Quelques temps après, un incendie a détruit l’immeuble et la mission catholique de Moose Jaw s’est retrouvée sans lieu de culte.

Afin d’offrir une plus grande stabilité à la mission catholique, l’abbé Damien Gratton, nouveau curé de la paroisse St. Mary à Regina, a acheté, en 1891, l’église anglicane de Moose Jaw pour la somme de 200 $. Le bâtiment a été transporté sur une propriété au coin de la rue Manitoba et de la 10e Avenue. L’abbé Gratton venait ensuite dire la messe sur une base régulière. À certaines occasions, il était assisté dans ses tâches à Moose Jaw par un père Montreuil. Damien Gratton a continué à desservir la paroisse jusqu’à sa mort tragique au début de mars 1891. Le 7 mars, revenant en traîneau de la Montagne de Bois, qui était l’une des succursales de sa paroisse, il s’était trouvé aux prises avec une épaisse couche de neige sur son chemin et ses chevaux, à bout de fatigue, finirent par s’épuiser. L’abbé Gratton, qui voulait obsti-nément être au service de ses paroissiens de Regina pour la messe dominicale du lendemain, aurait décidé de faire en raquettes les 25 milles qui le séparaient encore de son but; hélas, il a été bien vite victime lui aussi d’épuisement, et a succom-bé, gelé, à sa mésaventure.

Pour quelques temps après la mort de l’abbé Gratton, la mission de Moose Jaw était desservie par des missionnaires de Lebret: les pères Montreuil, Proulx et Roy venaient de temps en temps visiter Moose Jaw(14). Durant cette période, l’église achetée par l’abbé Gratton est devenue délabrée. Il a donc été décidé de la vendre à un résident de la ville qui s’en est servi comme glacière. Pendant ce temps, la messe a lieu dans la maison d’une femme de la ville, madame Green.

Au début du 20e siècle, le nombre des familles catholiques dans la région était à la hausse si bien qu’une nouvelle église de 60 000 briques(15) a été construite en 1901. Elle était située sur l’emplacement de l’église achetée par l’abbé Gratton en 1891. La messe était alors chantée à toutes les deux semaines. En 1902, les pères Oblats sont mis en charge de la paroisse de Regina et des missions environnantes, incluant celle de Moose Jaw(16), par Mgr Adélard Langevin, archevêque de St-Boniface.

La deuxième église St. Joseph
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
La deuxième église St. Joseph, celle construite avec 60 000 briques en 1901.


En 1906, l’abbé Louis Pierre Gravel, a été nommé agent de colonisation des Terres du Dominion et missionnaire-colonisateur. Originaire d’Arthabasca au Québec, il était chargé de recruter des colons français pour le district de Moose Jaw, ce qui comprenait toute la région du sud-ouest de la Saskatchewan, des lignes du chemin de fer du Canadien Pacifique jusqu’à la frontière américaine. En même temps, il est devenu le premier prêtre résident de la ville en avril 1907. Il habitait au 50, rue Hochelaga(17). Réalisant que ses fonctions d’agent de colonisation ne lui permettaient pas de bien desservir la nouvelle paroisse St. Joseph, et voyant le nombre toujours croissant de catholiques s’établissant dans la région, il a demandé à Mgr Langevin de lui envoyer un vicaire pour prendre en charge la paroisse. C’est l’abbé Woodcutter, un prêtre allemand qui a été envoyé par l’archevêque. Entre temps, il a négocié avec les représentants de la congrégation méthodiste l’achat

L'abbé Louis-Pierre Gravel
Photo: Archives de la Saskatchewan
L'abbé Louis-Pierre Gravel, dans la prairie au sud de Moose Jaw en 1908 avec Zacharie Lacasse et un M. Dugas..


de la vieille église méthodiste sur High Street et la 10e Avenue. Le contrat a été conclu en octobre 1907 pour la somme de 14,000 $. Le 1er décembre 1907, l’archevêque de St-Boniface est venu dédier la nouvelle église et c’est le père Hugonard, o.m.i., directeur de l’école résidentielle indienne de Qu’Appelle qui a chanté la première messe(18). La vieille église sur la rue Manitoba a alors été louée à un résident de la ville pour 25,00 $ par mois(19). La vieille église a été vendue pour 6,000 $ (20) en avril 1909.

La même année, la paroisse a fondé le Young Mens’ Catholic Club, une société pour les jeunes hommes de Moose Jaw habitant loin de leur famille(21). Le grand intérêt porté pour le club a mené l’organisation à offrir des classes le soir, incluant des cours de français(22) à compter du 19 septembre 1909.

La province existait maintenant depuis quelques années et il était question de créer un nouveau diocèse en Saskatchewan et de nommer un premier archevêque. Sur demande de Mgr Langevin, un recensement a eu lieu le 27 novembre 1910 pour déterminer le nombre de catholiques dans le futur diocèse et leur nationalité(23). Comme les trois principales langues parlées étaient l’anglais, le français et l’allemand, une très grande controverse s’est ensuivie(24). Chaque communauté linguistique réclamait que le nouvel archevêque soit issu de sa nationalité. Mgr Langevin aurait bien voulu que le premier évêque de Regina soit un Canadien français; mais les catholiques allemands et irlandais avaient déjà présenté des candidats. Les Irlandais se sont désistés en faveur du candidat allemand, le père Woodcutter de Moose Jaw. Ce geste avait pour but de réduire les chances de succès du candidat francophone qui ne tarderait pas à entrer en lice. Des rumeurs commencèrent en effet, à circuler, selon lesquelles «la nomination éventuelle d’un candidat francophone n’aiderait pas à améliorer la situation qui prévalait dans le nouveau siège épiscopal.»(25) Après une longue attente d’environ deux ans et à la satisfaction générale des Canadiens français, Olivier-Elzéar Mathieu, un natif de la ville de Québec, a été nommé archevêque(26).

En décembre 1911, Mgr Mathieu se rendait à Moose Jaw pour rencontrer l’abbé Woodcutter durant une visite privée. L’archevêque se serait dit charmé par la ville de Moose Jaw et heureux de percevoir le potentiel de la paroisse(27). Il a fait part de la similarité des collines de la région avec celles de sa ville natale et a promis de visiter souvent la ville.

Durant la période 1911-1914, la paroisse a accueillie une suite continue de vicaires dont cinq francophones qui sont demeurés à Moose Jaw pour une courte durée(28). Le père Sicard est arrivé dans la paroisse le 18 août 1911 mais il n’y est resté que pendant six semaines pour finalement retourner au diocèse de Montréal. Le 10 novembre le père Fréchette est venu le remplacer, mais son décès à l’Hôpital Providence, le 18 décembre, était inattendu. Il était atteint de tuberculose depuis plusieurs années. Le 9 février 1913, la paroisse a accueilli son nouveau vicaire, le père Barrette, mais le 12 septembre, un nouveau vicaire rentrait en poste, soit le père Morrissette, un natif du diocèse de Sherbrooke (P.Q.). Sept mois plus tard, le 13 avril 1914, un autre prètre francophone, le père Faucher venait aider le père Morrisette dans ses tâches en attendant le retour de vacances de l’abbé Woodcutter, qui était toujours en charge de la paroisse(29). Le 31 mai 1914, le père Morrissette quittait la paroisse pour entrer dans une communauté religieuse de l’Est.

Pendant ce temps, le curé et ses paroissiens préparaient la construction d’une nouvelle église et d’un presbytère.

La troisième église St. Joseph
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
La troisième église St. Joseph, la vieille église méthodiste sur High Street et la 10e Avenue. achetée en 1901.


Le 24 avril 1913, les travaux d’excavation ont commencé sur l’avenue Chantry. Puisque, le commissariat de police, mené par l’infâme chef de police Walter Johnson, était à la recherche d’un site pour une station, le comité paroissial de la paroisse St. Joseph a pris la décision le 27 avril de vendre à la ville la propriété de l’église située sur High Street Est pour la somme de 85,000 $ comptant(30). Le 7 décembre, l’ouverture officielle de la nouvelle église était marquée par la première messe chantée par Mgr Mathieu.

Aujourd’hui, la paroisse St. Joseph dessert toujours la communauté catholique de Moose Jaw et plusieurs francophones sont membres de cette paroisse.

L’éducation
Le collège des Sœurs de la Charité de St-Louis

Une congrégation religieuse issue de la France, les Sœurs de la Charité de St-Louis se sont installées au Canada en 1903, mais ce n’est que le 25 août 1913 qu’elles sont arrivées de Medicine Hat en Alberta pour établir un collège pour jeunes garçons à Moose Jaw. C’est dans une maison louée pour leur congrégation par l’abbé Louis-Pierre Gravel, sur l’avenue Chantry, qu’elles se sont premièrement installées. Elles ont d’abord été appelées à prendre en charge l’école séparée St. Agnes(31), mais le 30 novembre 1913, les membres du conseil d’école ont demandé aux religieuses de quitter l’école car selon eux elles n’étaient pas suffisamment qualifiées pour enseigner.

En 1921, les Soeurs ont ouvert les portes du Collège St. Louis sur l’avenue Grafton et la rue Hall Ouest. L’institution était exclusivement pour les garçons de

Le Collège St. Louis
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
Le Collège St. Louis à Moose Jaw.


l’élémentaire. En plus du programme d’enseignement régulier offert dans les autres écoles, des cours de français étaient disponibles pour les intéressés. Le 24 août 1948, une nouvelle aile a été construite sur la façade gauche du collège, triplant ainsi l’espace dans le collège(32). À partir du 1er septembre 1949, le collège ouvrait ses portes avec une capacité de 105 élèves. En plus d’accueillir des élèves pensionnaires de la 1re année à la 8e année, le collège accueillait aussi maintenant des élèves de la 9e et la 10e année. Les cours de français étaient toujours offerts à ceux qui le demandaient. Toutefois, nous n’avons pu trouver aucune preuve que les élèves du Collège St. Louis prenaient le français de l’ACFC. Le français enseigné était probablement le «High School French». Il y avait maintenant 21 enseignantes dont Sœur Aimée, B.A., M.A., Ph.D., supérieure provinciale et générale, et Sœur Bertille, adjointe à la supérieure(33). Il est fort probable que ce soit la bonne réputation du collège qui ait attiré des pensionnaires provenant de villes aussi éloignées que Edmonton, Alberta et Flin Flon, Manitoba.

En 1966, le collège a fermé ses portes et les élèves ont été intégrés dans les autres écoles catholiques de Moose Jaw, y inclus l’école Vanier. Le vieux collège a été transformé par Harvey Rioux en résidence pour personnes âgées, appelé le Chez Nous Home(34).

L’Académie de Notre-Dame de Sion
Fondée en 1845 à Paris en France, la Congrégation des Soeurs de Notre-Dame de Sion s’était d’abord établie à Lewiston au Maine (U.S.A.) avant d’arriver à Moose Jaw en août 1914. Elles venaient pour s’occuper de l’enseignement des jeunes filles. C’est lors d’un voyage à Moose Jaw quelque temps auparavant que Mère Marie Gonzalez avait pris la décision d’envoyer quatre religieuses s’établir dans cette communauté. Les quatre soeurs, Mère Marie Johanny, Mère Marie Loretta, Sœur Marie Ethelwald et Sœur Marie Ina, se sont installées dès leur arrivée au 829, 4e Avenue Nord Ouest(35). Elles ont immédiatement commencé leur travail d’enseignement à l’école séparée St. Agnes(36). En 1919, la communauté religieuse a organisé une campagne de financement pour entreprendre la construction de l’Académie de Notre-Dame de Sion, un couvent et une école pour jeunes filles, au coin de la 3e Avenue Ouest et la rue McDonald. La construction a été terminée en 1924. Il y avait à l’Académie 21 sœurs, dont 12 institutrices et le couvent pouvait accueillir les écolières de 6 ans et plus jusqu’au secondaire(37). Les cours de français étaient disponibles, mais comme c’était le cas au Collège St. Louis, nous n’avons pu trouver de preuve que le français de l’ACFC était enseigné à l’Académie.

L'Académie de Notre-Dame
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
L'Académie de Notre-Dame de Sion à Moose Jaw en 1950.


En 1966, la fusion des élèves du secondaire de l’académie avec ceux du Collège St. Louis a mené à la formation du Vanier Collegiate38 . En 1972, les religieuses sont déménagées sur le South Hill et, en 1991, les deux dernières sœurs de la congrégation à Moose Jaw sont déménagées à Saskatoon. De nos jours, on peut admirer une murale au 1236—3e Avenue Nord-Ouest, produite en 1992 et qui représente le centenaire de la fondation de l’ordre.

En septembre 2003, il est possible d’étudier le français dans cinq écoles de la ville, deux écoles publiques (Ross et Central), deux écoles catholiques (St. Margaret et Vanier) et une école fransaskoise.

Une murale dédiée aux Soeurs de Notre-Dame
Photo: Marie-Josée Perron
Une murale dédiée à la mémoire des Soeurs de Notre-Dame de Sion à Moose Jaw peinte par Ernie Bereti de McLean. La murale est située au 1236, 3e Avenue Nord-Est à Moose Jaw.


Avant 1997, les parents qui souhaitaient que leurs enfants reçoivent un enseignement en français devaient les envoyer dans l’une des écoles d’immersion de la région ou les envoyer à l’école Mgr de Laval à Regina. Le 27 août 1997, l’École fransaskoise de Moose Jaw ouvrait ses portes pour les élèves francophones des communautés civile et militaire de Moose Jaw, de la maternelle à la 6e année. L’école fransaskoise de Moose Jaw est également l’hôte de la prématernelle «Les Petits Orignaux».

Les soins médicaux
L’hôpital des Sœurs de la Providence39
Les Sœurs de la Providence de la congrégation de Kingston (Ontario) avait entrepris des négociations avec le

L'Hôpital Providence
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
L'Hôpital Providence, à l'angle de la 4e Avenue et de la rue Ominica à Moose Jaw.


curé de la paroisse St. Joseph et la mairie dans le but de construire un hôpital à Moose Jaw(40). La congrégation avait décidé en 1911 d’établir des religieuses dans la ville, et le curé avait acheté une maison au 153, rue Ominica Ouest pour la somme de 12,000 $, qu’il leur louait pour offrir des soins hospitaliers(41). Le Providence Hospital a été le deuxième hôpital de la ville. Au début, il pouvait héberger jusqu’à 18 patients par jour. À l’époque, l’établissement était reconnu parmi toutes les «classes sociales» pour être le plus populaire, malgré le nombre limité de lits disponibles. Les sœurs trouvaient le financement pour la gestion de l’institution en organisant principalement des levées de fonds par différentes activités sociales, telles les ventes d’insignes de la congrégation, les collectes publiques et la vente de repas sur le terrain d’exposition de la ville.

Il y avait au début des années 1920 au moins deux médecins francophones dans la ville de Moose Jaw, soit les docteurs Jean-Baptiste Trudelle et Petitclerc.

L'immeuble Hammond
Photo: Bibliothèque publique de Moose Jaw
L'immeuble Hammond à Moose Jaw où le docteur Trudelle avait ses bureaux en 1920.


Originaire de la province de Québec où il avait obtenu son diplôme de praticien en médecine de l’Université Laval en 1912, le docteur Jean-Baptiste Trudelle s’est installé à Moose Jaw en 1920 et a ouvert un centre médical avec le docteur J.- L. Petitclerc au 39, rue Main Nord. Il y exercait son métier de médecin et de chirurgien(42). L’annuaire Henderson de Moose Jaw de 1921 n’indique pas si Trudelle partage encore un bureau avec Petitclerc. Par contre son bureau se trouvait maintenant dans l’immeuble Hammond au 310, rue Main Nord, bureau 207, alors que sa demeure personnelle était au 306, rue Ross Ouest(43). Plus tard, on a retrouvé le docteur Trudelle à la vice-présidence du club des professionnels de langue française de la Saskatchewan(44) et médecin et chirurgien établit à Regina(45).

Aujourd’hui
Aujourd’hui, la communauté fransaskoise est toujours vivante à Moose Jaw comme le témoigne ses récentes activités. L’Association communautaire fransaskoise de Moose Jaw a été mise sur pied en 2001. Elle offre des activités culturelles pour la communauté fransaskoise de la région et met à la disposition de la communauté un Centre d’accès communautaire. L’été dernier, l’association était hôtesse de la 24e Fête fransaskoise alors que la ville de Moose Jaw célébrait son centième anniversaire de fondation. Le thème «Une époque, un pays, mes ancêtres» était évocateur de la Nouvelle-France. Chose certaine, les francophones de Moose Jaw n’avaient pas entrepris une petite tâche en se lançant dans cette aventure de la fête, surtout que leur association n’existait que depuis deux ans. La communauté fransaskoise toute entière souhaite longue vie à l’ACFMJ.

Qui sait! Dans un prochain projet, ils partiront peut-être à la recherche des liens de parenté français du chef Wally Johnson, ou ceux d’Al Capone.

Remerciements
J’aimerais remercier les individus et organisations suivants pour l’aide apportée à la réalisation de cette recherche: Bruce Fairman, Richard Lapointe, William Brennan, Laurier Gareau, Meagan Kenzle, Moose Jaw Public Library, Archives and Special Collections of Archer Library (University of Regina), le comité organisateur de la Fête fransaskoise, l’Association communautaire fransaskoise de Moose Jaw et la Société historique de la Saskatchewan.

Sources
(1) Knight, Leith, «Historically Speaking», Moose Jaw Times-Herald, November 18, 1970.
(2) Foster, Keith Allen, Moose Jaw : The First Decade, 1882-1892, master’s thesis, department of History, University of Regina, 1979, p. 7.
(3) Ibid., p. 7.
(4) «Not Only A Name: A Long Love Letter From Hometown Moose Jaw», dans The Moose Jaw Heritage, un texte de Joseph Schull, édité par Robert Moon, 1977, p. 21.
(5) International Genealogical Index, North America, v.5, www.familysearch.org.
(6) Ce petit village situé à l’est de Raymore avait commencé comme hivernement métis au milieu du 19e siècle. Lestock se trouvait alors sur la vieille piste Carlton.
(7) «Death of an Old Moose Jaw Merchant», Moose Jaw Times, April 29, 1892.
(8) Traduction et adaptation d’extraits tirés de la recherche de Maurice Wainwright, History & Diary of St. Josephs’ Parish, Moose Jaw, Saskatchewan, Bibliothèque Ganti, Moose Jaw Historical Society, April 1982, 58 pages.
(9) Traduction de H. E. Wyatt and Joseph Schull, The Best and Most Extraordinary Crazy Name Small Town in the World, Crocus House, 1979, 112 pages, p. 16.
(10) Op.cit Foster, Moose Jaw : The First Decade, 1882-1892, p. 8.
(11) Archer, John H., Saskatchewan. A History, Modern Press, 1981, 422 pages, p. 41.
(12) Wainwright, Maurice, History & Diary of St. Josephs’ Parish, Moose Jaw, Saskatchewan, p. 1.
(13) Ibid., p. 1-2.
(14) Ibid., p. 3.
(15) 1903-1953 : Moose Jaw, Saskatchewan, Moose Jaw Golden Jubilee Commitee, 1953, p. 33.
(16) Op.cit. Wainwright, p. 4.
(17) «La colonisation du Sud de la Saskatchewan», Musée virtuel francophone de la Saskatchewan, 2002, «www.societehisto.org/Musee/Mission-Colon/Historique/Gravel2.html».
(18) Op.cit. Wainwright, p. 5.
(19) Ibid., p. 9.
(20) Ibid., p. 11.
(21) Ibid., p. 13.
(22) Ibid., p. 17.
(23) Ibid., p. 28.
(24) Ibid., p. 27-28.
(25) Rottiers, René, «Histoire abrégée de la fransaskoisie», 11e article, Eau vive, le 17 novembre 1982. p. 9.
(26) Op.cit. Wainwright, p. 30.
(27) Ibid., p. 31.
(28) Ibid., p. 33, 36-37, 43, 51.
(29) Ibid., p. 50.
(30) Ibid., p. 39.
(31) Ibid., p. 42.
(32) «New $160,000 Wing Triples Size of St.Louis College», Moose Jaw Times-Herald, June 22, 1949, vol. XLIII.
(33) «To Open Two High School Grades at St.Louis College», Moose Jaw Times-Herald, Saturday July 23, 1949, p. 4.
(34) «Former college to be senior citizens’ home», Regina Leader Post, December 23, 1980.
(35) The Sionian, Sion Yearbook, 1950, 40 pages, p. 4.
(36) Op. cit. Wainwright, p. 53.
(37) «Official Opening of Convent of Our Lady of Sion on March 2», Moose Jaw Times-Herald, Saturday March 1, 1924, p. 146.
(38) «Alumni of City School Planning Get Together», Moose Jaw Times-Herald, November 23, 1985.
(39) Traduction et adaptation d’extraits tirés de Op. cit. Wainwright, avril 1982, 58 pages.
(40) Ibid., p. 33.
(41) Ibid., p. 35.
(42) Gareau, Laurier, «La Saskatchewan et ses médecins canadiens-français», Revue historique, avril 1999, volume 9, numéro 4, p. 5-6.
(43) Henderson Directory, Henderson’s Moose Jaw City Directory, v. 12, 1921, p. 374.
(44) Op. cit. Gareau, p. 5-6.
(45) Ibid., p. 6.





 
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