Des gensArsène Godin
Le Patriote de l'Ouest le 23 septembre 1915 Au début du siècle, l'Université Laval avait un Collège de médecine dans la ville de Montréal. Plusieurs médecins diplômés de ce collège sont ensuite venus s'établir dans l'Ouest canadien, comme par exemple les docteurs Laurent Roy, Jean-Baptiste Trudelle et Arsène Godin. Arsène Godin naît à L'Acadie, Québec, le 4 mai 1880. En 1905, il est président des étudiants du Collège de médecine, puis il reçoit son diplôme avant de partir pour la Saskatchewan en 1907 et s'établir à Willow Bunch. À cette époque, il n'y a pas un seul hôpital dans tout le sud-ouest de la province. «Dès 1909, le Dr Godin fonde un modeste hôpital qui peut accueillir une dizaine de patients.»(1) Durant l'épidémie de grippe espagnole, en 1918, le docteur Godin réalise qu'il pourrait faire encore mieux. «Il prend la décision de se spécialiser en radiologie et en chirurgie, et il part “poursuivre des études chirurgicales à New York et à Paris qui en firent un spécialiste distingué et recherché.”»(2) Il est parti pendant trois ans. À son retour à Willow Bunch, il décide de moderniser l'hôpital Pasteur. «Lundi 1er février 1926, la population du district de Willow Bunch était invitée à visiter l'hôpital agrandi ou plutôt reconstruit sur un plan plus vaste par le Dr A. Godin, de retour au milieu de nous après un voyage d'études de près de trois ans, de janvier 1923 à novembre 1925.»(3) Le docteur Godin s'était inspiré des hôpitaux d'Europe pour rebâtir la sienne à Willow Bunch, ce qui en faisait un des plus modernes et des mieux équipés en Saskatchewan. Même s'il s'agit d'un hôpital privé, sous l'administration du docteur Godin, l'hôpital Pasteur reçoit une aide du gouvernement et en 1927, le docteur en confie la direction aux Soeurs de la Charité de St-Louis. En 1934, la tragédie frappe la communauté de Willow Bunch, et le docteur Godin, quand son hôpital est dévoré par les flammes. Une résidente de Willow Bunch et correspondante au Patriote de l'Ouest, Madame Marie-Anne Duperreault, mieux connue sous le nom de plume «Perrette», a décrit ainsi l'incendie. «Mercredi dernier, le 18 avril, l'hôpital Pasteur — l'un des plus beaux édifices de Willow Bunch, l'un des plus spacieux et des plus indispensables, fondé par le docteur Godin, en 1901, était la proie des flammes... On parvint à sauver seulement une grande partie du mobilier et la plupart des instruments de cliniques; le reste fut enseveli dans les décombres plongeant l'assistance dans la douleur et la consternation.»(4) Collectionneur, Arsène Godin perd plusieurs rares objets dans cet incendie. «Devant l'amas de choses disparates amoncelées pêle-mêle, s'évoquait l'infinité d'autres choses, à jamais détruites; objets d'art, souvenirs précieux, volumes rares, tableaux de prix, meubles confortables, outillages compliqués qui composaient harmonieusement un “home” délicieux, autant qu'une clinique des plus modernes.»(5) Le docteur Godin avait richement bénéficié de son dur labeur dans la région de Willow Bunch. En plus de son hôpital, il s'était impliqué dans la vie économique de la région. «Il avait acquis de vastes terrains sur lesquels plusieurs fermiers se livraient, sous sa direction à la culture intensive du blé. Lorsque la crise mondiale éclata en 1929, il vit son avoir diminuer considérablement. Il dut faire face aux années de disette qui suivirent et réduire presque à néant sa modeste fortune acquise au cours des bonnes années.»(6) Il n'est donc pas surprenant que le docteur n'ait pas les moyens de reconstruire son hôpital en 1934. Comme bien de ces confrères médecins, le docteur Arsène Godin ne tarde pas à s'impliquer dans les causes catholiques et françaises de sa province d'adoption. Le comité local de la Société Saint-Jean-Baptiste de Willow Bunch devient son premier champ de bataille. «L'une des fondations qui honore le plus le Dr A. Godin, et qui a grandement contribué à entretenir la vie religieuse et nationale au sein de la population, a été la fondation de la Société St-Jean-Baptiste. Elle a pris naissance à la clôture d'une retraite prêchée par le Père Boutin en avril 1911. Le but que se proposait cette fondation était de garder à l'âme de la race sa mentalité catholique et française, s'intéresser à tout ce qui pouvait la rendre plus chrétienne, plus vaillante et plus forte, promouvoir dans ce but la culture intellectuelle et physique.»(7) Sous la direction du docteur Godin et celle de l'abbé Lemieux, curé de la paroisse, la Société devient un joueur clé dans le développement catholique et français de la communauté. On y met sur pied un comité de colonisation pour faire venir d'autres colons de langue française. Il y a un comité d'éducation qui: «organise tout d'abord un parlement modèle, pour donner aux adultes et aux jeunes gens l'occasion de s'initier à l'art oratoire et de présenter leur opinion sur un sujet d'actualité, de loi ou d'intérêt local.»(8) Le docteur Godin est parmi ceux qui prononcent de nombreuses conférences dans le cadre des soirées du comité d'éducation. Il y a aussi un comité musical et à nouveau le docteur Godin est un membre très actif. «Le comité musical, formé aussi dès les premiers jours de la Société, organise une chorale de vingt-six voix mâles, sous la direction du Dr Godin, et une fanfare de vingt instruments.»(9) Il est tout à fait normal que le docteur Arsène Godin soit aussi impliqué dans les oeuvres provinciales. Il devient président de l'ACFC en 1915. «L'Association Catholique Franco-canadienne de la Saskatchewan, dont il fut l'un des membres zélés, lors de son congrès à Lebret, l'a porté au poste élevé de Président Général, qu'il a occupé avec distinction pendant plusieurs années.»(10) Les années qu'il a dévouées dans ce poste n'ont pas été faciles. Comme dans toute son histoire, il semble que l'association traversait une nouvelle crise chaque année. «La pénurie grave de personnel enseignant bilingue risquait de transformer en écoles unilingues anglaises plusieurs écoles jusque-là bilingues.»(11) Pour être permis d'enseigner en Saskatchewan, un enseignant devait soit avoir un diplôme d'une école normale de la Saskatchewan ou un diplôme de l'Université McGill. Le docteur Godin et l'ACFC se joignent à l'Alberta et au Manitoba pour fonder, en 1917, l'Association Interprovinciale. Son but est «de réunir des fonds destinés à aider des institutrices bilingues de Québec et de l'Ontario à suivre les cours d'une école normale dans notre province et à venir enseigner dans les écoles françaises de la Saskatchewan.»(12) L'A.I. existe jusqu'en 1925. L'année suivante, la guerre éclate entre commissaires d'écoles francophones et la Saskatchewan School Trustees Association sur la question de la langue d'enseignement. L'Association des commissaires d'écoles Franco-canadiens (ACEFC) voit ainsi le jour. Puis, toujours en 1918, le gouvernement de la Saskatchewan change la Loi sur l'éducation pour ne permettre qu'une heure de français par jour. En 1921, Arsène Godin quitte la présidence de l'ACFC, non pas parce qu'il est épuisé, mais pour aller faire des études à New York et à Paris. Arsène Godin est décédé à Montréal le 27 août 1938 à l'âge de 58 ans. Notes (1) Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1988, p. 186. (2) Ibid., p. 186. (3) Ibid., p. 186. (4) Duperreault, Marie-Anne, «Perrette», Esquisses Canadiennes, Vancouver, 1969, p. 249. (5) Ibid., p. 250. (6) Rondeau, Clovis et Chabot, Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg, Diosèse de Gravelbourg, 1970. (7) Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina: Société historique de la Saskatchewan, 1988, p. 185. (6) Tessier, Lucille, «La vie culturelle dans deux localités d'expression française du diocèse de Gravelbourg», Perspectives sur la Saskatchewan française, Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1983, p. 240. (8) Ibid., p. 240. (9) Rondeau, Clovis et Chabot, Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg: Diosèse de Gravelbourg, 1970, p. 263. (10) Rottiers, René, Soixante-cinq années de luttes.... Esquisse historique de l'oeuvre de l'A.C.F.C., Regina: Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, 1977, p. 49. (11) Ibid., p. 49. Sources Duperreault, Marie-Anne «Perrette», Esquisses Canadiennes, Vancouver, 1969. Lapointe, Richard, 100 NOMS, Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1988. Rondeau, Clovis et Chabot, Adrien, Histoire de Willow Bunch, Gravelbourg, Diosèse de Gravelbourg, 1970. Rottiers, René, Soixante-cinq années de luttes.... Esquisse historique de l'oeuvre de l'A.C.F.C., Regina, Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan, 1977. Tessier, Lucille, «La vie culturelle dans deux localités d'expression française du diocèse de Gravelbourg», Perspectives sur la Saskatchewan française, Regina, Société historique de la Saskatchewan, 1983. |
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