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Société historique de la Saskatchewan

Des mots

Apostropher

Il y a déjà plusieurs mois, le docteur Edmour Gaudet de Prince Albert me faisait parvenir quelques bouquins: les Cahiers de la Société historique acadienne et deux volumes de la collection Les vieux m'ont conté. Ce n'est que récemment que j'ai eu la chance de lire ces documents. Au cours des dernières semaines, j'ai commencé à parcourir un numéro de la collection des Les vieux m'ont conté.

Il s'agit d'une collection de contes et de légendes recueillie par le folkloriste, Germain Lemieux, et publiée par le Centre franco-ontarien de folklore. Selon le docteur Gaudet, la collection compte environ vingt-huit volumes.

Pourquoi parler de ces documents à ce moment? D'une part, j'ai trouvé les contes fort intéressants. D'autre part, ces contes et légendes furent généralement transcrits mot pour mot comme les vieux les avaient racontés à Germain Lemieux. Ils nous permettent alors de mieux cerner le langage des vieux venant de différents coins du pays.

En voici un exemple: Mme Louis Lévesque (70 ans) raconte le conte «L'Oiseau de vérité» qu'elle a appris de son père, Samuel Sirois, de Trois-Pistoles au Québec, lorsqu'elle était jeune fille.

«B'en crair' qu' la femme, elle, ça qu'i â fait d' la pein' terriblement. I' ont dit: «O' 'és â fait' disparait'e, p'is tu 'és voèrâs jama's!» Ça fa't qu' lâ, i' on écrit t'ut suite, apra' i' on écri' t'ut suite au garçon, lâ, au prince, qu' sa femme avé' été malade, p'is qu' 'a....»

Compliqué, n'est-ce pas, le langage de nos ancêtres. Voici une courte traduction. «Il faut bien croire que la femme, elle, ça lui a fait de la peine terriblement. Ils lui ont dit: «On les a fait disparaître et tu ne les reverras jamais!» Alors, là, il a écrit tout de suite au garçon, au prince, que sa femme avait été malade et qu'elle a...»

Le langage des Métis, comme celui de cette vieille dame, est différent du nôtre. Ces personnes parlent toujours le langage de Molière, car l'évolution du français s'est faite de différentes façons dans différentes parties du pays. Chose intéressante, si nous allons en France, nous allons sûrement rencontrer des gens avec des accents que nous ne pourrons pas comprendre. Allons-nous les accuser de mal parler le français? Non! Alors pourquoi accuser les Fransaskois de mal parler lorsque souvent ils ne font qu'emprunter un dialecte appris de leurs parents?

Récemment quelqu'un racontait qu'elle s'était faite apostropher au sujet de la question de l'école française. Son fils lui demanda ce qu'elle voulait dire par se faire apostropher. Si elle avait utilisé une autre expression, son fils aurait compris immédiatement. Apostropher, selon le Petit Robert et le Dictionnaire nord-américain de la langue française, veut dire «adresser brusquement la parole à quelqu'un.» Si madame avait dit qu'elle s'était faite engueuler, son fils aurait immédiatement compris. En Saskatchewan, on se fait plus souvent engueuler qu'on se fait apostropher. Surtout, semble-t-il, quand il est question d'éducation.





 
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